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Full text of "Itinéraires russes en Orient"

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I 



HARVARD 
COLLEGE 
LIBRARY 



-Grtcr*frrtry- 



ITINÉRAIRES 



RUSSES EN ORIENT 



TKADUm POUR LA 
O 



SOCIETE VE VOliJEP^r L<A710^ {]\JU.A 
par 
M— B. DE gHlTROWO 



GEiSiEVE 
Imprimerie Julet-Guitlaume Fick 






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OCT IS l'Jl.n I 

J 




TABLE 



DU PREMIER FASCICULE 



Pages. 

I. VU et plltrinagi de Daniel, hégoumène rufle (1106*1107) ... 3 

II. DifcriptioM des Uiux-Saints dt Conftantinople^ par Antoine, arche- 

vêque de Novgorod (iftoo) yt ff 

III. /V/rrîiirii^# d*ETiENNB DE Novgorod (vert 1350) 115 

IV. P/Zrrtivtf^/ dlcN ACE DE Smolensk (1389- 1405) 129 

V. Voyagé à CoHftantittopU du fcribe Alexandre (1393) 161 

VI. PiUrÎMi^i de l'archimandrite Gretheniob (vert 1400) 167 

VII. Itinéraire à J'erufalem du moine Epiphane (vert 1416) . . . . 195 

VIII. f^iV &/^//W«ii^# du diacre 20SIME (141 9-i4fti) 199 

IX. Defcriptiâm de CMtftamtinople {1^^.-14.$ i) «15 

X. /V/rrtfftf^/ du marchand Basile (1465-1466) 143 

XI. Récit de la Sainte 'Montagne d^Athos^ par le moine Isaîb (14S9) . . «59 
XII-XIII. Réciu de Clément & de Grégoire (1500-1547) . . . ' . . 267 

XIV. /{rW/de SOPHRONius (1547) 273 

XV. KrrtV de rhégou mène Paîssius (1550) 279 

XVI. iV/rr/)r4rj^# du marchand Basile PosNiAKOv (i 558-1 561). . . . 285 



r*r 



I 



VIE ET TELBiqU^GE 



DE 



DANIEL, HEGOUMÈNE RUSSE 

1106-1107 



MtAU^VSC%lTS 

St'FitirJbourg^ Bibl. Impériale, XVII, Q, n» 88 (1496, pap.). 
Ac = St-Fetirjbourg^ Bibl. de rAcadémie des Sciences, n» 5 (XV«- 
XVIe f., pap.). 

Ar = St'PiUrJbourg^ Btbl. de la Commiflîon archéographique. Fonds 
Refchetkine, n» 148 (fin du XVI« f., pap.). 

D = St'PèurJbourg^ Bibl. Impériale, Fonds Doubrovflcy, IV F, n» «38 
(fin du XVI» f., pap.). 

F = Florijlchrvjk (Monaftère de), gouvernement de Vladimir,no 149 

(XVe-XVIe f., pap.). 
K = St'PitirJbourg^ Bibl. de l'Académie eccléfiaftique, no 9/1086 

(1475, pap)' 
Mac = MofcoUf Bibl. du S.-Synode, n» 995 (XVI« f., pap). 

Mo = MofcoUj Bibl. de la Société d^hiftoire Se d'antiquités rufles, 
n» 189 (fin du XVe f., pap.). 

O = MofcoUf Mufôe Roumiantzev, Fonds Oundolflcy, n9 709 
(XVI« f., pap.). 

R = Mo/cou, Mufee Roumiantzev, n» 335 (XV«-XVI« f., pap.). 

S = Mofcou, Bibl. du S.-Synode, n» 951 (XVI« T., pap.). 

Sf = St'PèUrJbeurgf Bibl. de TAcadémie eccléfiaftique, n9 1409 
(commencement du XVI* f., pap.). 

r = St-FiUrJbourg^ Bibl. Impériale, Fonds Tolftoy, XVII«, Q, n» 76 
(XVIe f., pap.). 

^•D/T/o:7<: 

Ricueil di la Société ruje di PaUflint (en rufle), liv. UI & IX (St-Péter- 
(bourg, 1865, in-8o); texte établi par M^ M.- A. Venevitinov. 



VIE CT TBLEVIK'^GE 
DANIEL, HfcOUMÈNE RUSSE 

II06-IIO7 



ÏOl, Daniel, indigne hégoumènc niflTe, le 
plus infime parmi les mnincs, mécontent 
de mes nombreux péchés & de riiirufTi* 
V" lance de mes bonnes œuvres, je fus poufTé 
K par. l'idée, puis par le déflr impatient de 
voir la fainte cité de Jérufalem & la Terre Promife. Par 
la grâce de Dieu, je parvins à la fainte cité de Jérulalem 
& vis les laines lieux ; je viftcai toute la Galilée ■ & tous 
les faines lieux autour de la fainte cité de Jérufalem que 
te Chrin, notre Dieu, foula de fes pieds, & où II fe ma- 
nifëfta par des miracles éclatants. Et j'ai vu tout cela, de 
mes yeux de pécheur ; & Dieu, dans fa clémence, a dai- 
gné me montrer ce que ma penfée me faifait défîrcr de- 
puis longtemps. Mes frères, mes pères, mes fcigneurs ! 

R. Terre ptumire Ff terre du Jourdain R. 



I. VIE ET PÈLERINAGE 



pardonnez -moi^ pécheur, & excufez mon ignorance & 
la (implicite du récit [que je vais vous faire] '^ de la fainte 
cité de Jérufalem^ de cette terre bienheureufe & du che- 
min qui conduit à ces iaints lieux. Celui qui, dans fon 
humilité, accomplit ce voyage en craignant Dieu, ne pé- 
chera jamais contre la miféricorde divine, tandis que moi 
j'ai Aiivi ce faint chemin indignement avec toute forte de 
pareflfes & de faibleflfes^ fans fobriété & m*adonnant à 
tous les péchés. Mais, cfpérant que la clémence divine & 
vos prières me feront gagner auprès de Notre Seigneur 
Jéfus-Chrift le pardon de mes péchés fans nombre, j'ai 
décrit ce chemin & les faints lieux fans m enorgueillir ni 
m*en faire un mérite, comme fi pendant le trajet j'euflfe 
fait quelque chofe de bien. Au contraire, je n'ai fait au- 
cun bien en chemin ; ce n'ell que par amour pour ces 
faints lieux que j'ai décrit tout ce que j*ai vu de mes 
propres yeux, afin de ne pas oublier ce que Dieu a dai- 
gné me montrer, à moi indigne. Craignant l'exemple de 
ce ferviteur pareflfeux qui enfouit le talent de fon maître 
fans le rendre profitable, j'ai écrit ceci pour les fidèles, 
afin qu'en écoutant la defcription des lieux faints, ils 
afpirent à s'y tranfporter mentalement du fond de leurs 
âmes, & obtiennent de Dieu la même récompenfe que 
ceux qui les ont vifités. Beaucoup de gens vertueux^ fans 
quitter leur maifon, en pratiquant le bien & en faifant 
l'aumône aux pauvres, atteignent par là ces faints lieux 
& fe rendent clignes d'une plus grande rémunération 
auprès de notre Dieu & Sauveur Jéfus-Chrift. D'autres, 
& moi tout le premier, parviennent aux lieux faints & 
à la fainte cité de Jérufalem, &, s'enorgueilliffant dans 
leur efprit comme s'ils avaient Bût quelque chofe de mé- 



au I#i M§tJ tntre cr^chêU^ man- être fuppUès par U traduSeur. 
quant dam U texte rujfe^ ont dû 



DE DANIEL ( 1 1 o6- 1 1 07). f 

ricoire, perdent le fruit de leurs peines; d'autres encore, 
qui ont fait le pèlerinage de la fainte cité de Jérufalem, 
reviennent fans avoir vu beaucoup de bonnes chofes, 
prcflfés [qu'ils font] de rentrer chez eux, tandis que Ton 
ne peut accomplir promptement ce voyage, ni parcourir 
à la hâte tous les faints lieux de la cité & au dehors. 



I. DE JÉRUSALEM 
ET DE LA LAURE DE SAINT SABBAS '. 

Moi, indigne hégoumène Daniel, arrivé à Jérufalem, 
j'ai paflé feize mois dans la mérochie^ de la laure de Saint- 
Sabbas^ & c ell ainfi que j'ai pu viHter & explorer tous 
ces faints lieux. Or il eft impoffible de parcourir ni de 
voir tous ces lieux faints fans avoir un bon guide & un 
interprète. Je n'épargnai rien de mon faible avoir, de ce 
que j'avais entre mes mains, pour rémunérer ceux qui 
connaiffaicnt bien tous les faints lieux de la cité & au 
dehors, afin qu'ils me montraflent tout en détail, ce qui 
arriva réellement. Et Dieu me fit la grâce de rencontrer 
dans la laure un faint homme très âgé & très verfé dans 
les Ecritures. Dieu difpofa le cœur de ce faint homme à 
m'aimer, moi indigne, & c'eil lui qui me montra avec 
foin tous les faints lieux de Jérufalem & toute la contrée ; 
il me conduifit jufqu'à la mer de Tibériade, au Thabor^ à 
S^aiarerhj à Hébron & au Jourdain '. Il m'accompagna 
dans tous ces lieux, en fe fatiguant beaucoup par amour 
pour moi. Je vis encore plufieurs autres faints lieux ainfi 
que je le raconterai plus tard. 

a. lie Saint Sabbas tiomnè par J, Us autres mf, — c. & à Beth- 
D, Ar ; m, d, les autres mf, — lécm O, M0. 
b. Riétochte Mior, Mo^ K | place 



I. VIE ET PÈLERINAGE 



II. DE LA TRAVERSÉE JUSQU'A JÉRUSALEM. 

Voici le chemin qui conduit à Jérufalem. Il y a trois 
cents verftes de Condantinople jufqu'à la grande mer en 
fuivant les (inuoncés de la côte, & cent verftes jufqu^à Tile 
de T étala, Ceft la première île dans la mer étroite; &, 
fur ce chemin^ fe trouve la ville nommée la grande Hira- 
cUfj où il y a un bon port ; vis-à-vis de cette ville, Thuile 
lainte fort des profondeurs de la mer ; car beaucoup de 
faints martyrs y furent noyés par les bourreaux. De Tile 
de TAala à GaUipoli on compte cent verftes, & de Gai- 
lipoli à la ville âicAbydos quatre-vingts verftes". Vis-à- 
vis de cette ville eft enterré faint Euthyme le nouveau. 
De là jufqu*à Crite la diftance eft de vingt verftes, d'où 
Ton débouche dans la grande mer ; à gauche le chemin 
mène à Jérufalem, & à droite, à la fainte Montagne, à 
Salonique & à Rome. De Crite à Tîle de Ténédos, il y a 
environ trente verftes. C*eft la première ile de la grande 
mer & c'eft là que repofe le faint martyr Avnoudimos *. 
Sur le rivage oppofé à cette ile le trouvait jadis une grande 
ville appelée Troas, où vint l'apôtre Paul pour inftruire 
& baptiier toute cette contrée. De Pile de Tinédos à Pile 
de cMitylène on compte cent verftes ; le faint ^ métropo- 
litain de éMitylène y eft enterré. Il y a cent verftes de Sailli- 
tylène à Pile de Chios^ lieu de fépulture du faint martyr 
Ifidore; cette ile produit du maftic, de bon vin & toutes 
fortes de légumes. 



a. cent huit Mac^ Mo; huit F^ /T, Navgoudiinos </. Us autres mf, — 
S^ Ac, — b. Avnoudimos F^ Ac i c. George Mac, Mo^ F, K, S, Ac, 



DE DANIEL (l 106-I I07). 



III. DE LA VILLE D*ÊPHÈSE. 

La ville â^EphèJe eft à ibixance verfles de Tile de Chios, 
Ceft là que fe trouve la combe de Jean le Théologue, 
& une pouflière Ikcrée fore de cette tombe le jour anni- 
verfaire de fa mort; les croyants la recueillent comme 
un remède contre toutes les maladies; la tunique que 
portait Jean s*y trouve également. Près de là eft la caverne 
où repoient les corps des Sept Dormants, qui dormirent 
trois cent (oixante ans ", s'ctant endormis Cous l'empe- 
reur Décius & réveillés du temps de l'empereur Théo- 
dofe. Dans cette même caverne le trouvent les [reliques 
des] Trois cents faints Pères & de faint Alexandre ; il y a 
là auflî le tombeau de Marie-Madeleine, ainfi que fa tête, 
& le faint apôtre Timothée, difciple de faint Paul, qui 
repofe dans fon ancien cercueil ^. On conferve dans la 
vieille ' églife Timage de la fainte Vierge qui fervit aux 
faints'' pour confondre Thérétique Neftorius. Il s'y trouve 
aufli le bain de Diofcoride où Jean leThéologue travailla 
chez Romana avec Prochore. Nous vîmes auffi le port, 
nommé Vort it tMarhrty où Jean le Théologue fut re- 
jeté par la mer; nous y paflfâmes trois jours. La ville 
d'Ephife, (ituée dans les montagnes à quatre verftes de 
la mer, abonde en toutes chofes. Nous y adorâmes le 
faint tombeau, &, protégés par la grâce de Dieu & les 
prières de Jean le Théologue, nous partîmes en nous ré- 
jouiflfant. La diftance entre Ephèfe & Tile de Samos eft de 
quarante verftes. Cette lie eft très poiflfonneufe & fon fol 
eft très fertile. De Samos à Ttle dlcarie il y a vingt verftes. 



a. Trois cent huit R, — b.dans JÊc, — d. Pères Mac^ M«, f, Je. 
U gninde ville Ac, ^ c. U grande 



8 I. VIE ET PÈLERINAGE 



IV. DE L'ILE DE PATMOS. 

On compte Ibixante verftes d'Icarie à Tile de Tarmos^ 
qui s'avance très loin dans la mer. Ceil là qu'exilé avec 
Prochore, Jean le Théologue écrivit l'on Evangile. Puis 
viennent les lies de Leros, de Calimnos, de S^icera^ & celle 
de Cos qui eft très grande. Cette dernière eft très peuplée 
& riche en bétail. Enf'uitc vient Télos^ remarquable par le 
tourment d'Hérode '^ ; c eft du foufre brûlant ^, qui le vend, 
après avoir été épuré, & nous (brt à faire jaillir le feu. 
Plus loin eft Tile de Kharkia. Toutes ces lies, peuplées & 
riches en bétail, (ont éloignées les unes des autres de dix 
verftes & davantage. L'ile de KJfodes eft aufli très grande 
& très produdlive. Le prince ruflfe Oleg y léjourna deux 
étés & deux hivers. De Samos à l'ile de T{hodes, il y a 
deux cents verftes, & de VJiodes à éMacrie Ibixante. Cette 
dernière ville, ainfi que la contrée environnante jufqu'à 
iMyrty produit du thymiamc noir'^ & gomphyte. Et voici 
la manière dont il le manifcfte : il découle d'un arbre 
comme une efpècc de moelle qu'on recueille avec un fer 
aigu. Cet arbre le nomme zyghia '^ & reflcmble à l'aune. 
Un autre arbriffeau, rappelant le tremble' & dont le nom 
eft raka/, eft rongé (ous l'écorce par un gros ver de l'ef- 
pèce des grandes chenilles, & les vermoulures qu'il pro- 
duit le détachent de l'arbâlfeau comme du Ion de froment 
& tombent par terre comme une gomme pareille à celle 
des cerifters. On la recueille &, la mêlant à celle du pre- 
mier arbre, on cuit le tout dans un chaudron ; c'eft ainfi 
que te prépare le chymiame gomphyte qu'on vend aux 

a. qui fort d*iine fofle Mac^ Mo. R; i zyghia F, — e. pin Mac^ Mo^ 

— b. un filet d*eau bouillante K, f, K^ 5", Ac, — f. fiourika Mae^ 

— c. rouge F, *lr, Ac. — il. zykia Ala, Fj ftiouriaka K^ S, 



bE dAkiel ^ 1 1 o6- 1 1 07). 



marchands dans des outres. Il y a quarante verftes de 
^acriV jufqu*à la ville de Tatara, où naquit faint Nicolas; 
Tatara eft donc (a patrie & le lieu de Ton origine. De Ta- 
tara à oMyre^ oîi le trouve le tombeau de faint Nicolas, on 
compte quarante vcrftes; de oMyre à Chilydonie trente', 
& de Châyionie jufqu'à la grande île de Chypre deux cents ^ 
verftes. 

V. DE l'île de CHYPRE. 

Chypre eft une très grande lie, très peuplée & abon- 
dant en toutes choies. Elle a vingt ' évêques, une feule 
métropole & pofsède un nombre infini de reliques. Cell 
là que repofent faint Epiphane, Papôtre Barnabe, faint 
Zenon & faint Philagrios ^ levêque, qui fut baptifé par 
Tapôtre Paul. 

VL DE LA MONTAGNE SUR LAQUELLE SAINTE HÉLÈNE 

ÉRIGEA UNE CROIX. 

Il y a là une très haute montagne, fur le fommet de 
laquelle fainte Hélène érigea une grande croix pn bois 
de cyprès, pour chaflTer les démons & guérir toutes fortes 
de maladies; elle renferma dans cette croix un des clous 
facrés du Chrift. Des manifellations & de grands miracles 
s*opèrent jufqu'à préfent en ce lieu & près de cette croix. 
Cette croix efl fufpendue en lair fans que rien ne la rat- 
tache à la terre ; c'eft le faint Efprit qui la fondent dans 
Pefpace. Moi, indigne, j ai adoré cette choie fainte & 
miraculeufe, & vu de mes yeux de pécheur la grâce di- 
vine repofant en ce lieu. J*ai bien exploré toute cette ilc. 

a. trente ifr. — b. dix f ; trente (|U.itre f, Ac, — d. Phîlagrtos K) 
Ac ; foixante d. Us autres mf, -^ Triphilitis </. Its autres mf, 
c quatorxe Mai^ Mo^ K^Si vingt- 



ÎO 



I. VIE ET PÈLERINAGE 



VII. DU THYMIAME. 

Le thymiame encens s'y produit ; il combe du ciel ' & 
on le recueille fur des arbriflfeaux. Dans ces montagnes 
croiflfent beaucoup d'arbriflfeaux pas plus hauts que 
rherbe, & c'eft là-deflfus que tombe le bon thymiame, 
feulement pendant les mois de juillet & d'août. De Chypre 
à la ville de Jaffa [on compte] quatre cents ^ verftes 
par mer; de Conftantinople à llle de 7{hodes huit cents 
verftes; de Rhodes à Jaffa aufli huit cents, ce qui fait 
en tout' mille fix cents de traverfée par mer jufqu*à 
Jaffa. Cette dernière eft une ville (ituée fur le bord de 
la mer, non loin de Jérufalem, & d*oii Ton fe rend à 
Jérufalem par terre ; la diftance en eft de trente verftes, 
& il y a dix'' verftes par la plaine jufqu'à Saint-George, 
Une grande églile' y était élevée ibus le vocable de 
faim George; fon tombeau était aufli dans/Tautel; car 
c'eft là que fe trouve^ i'aint George le martyr. Il y a 
beaucoup de iburces en ce lieu, près defquelles les pèle- 
rins viennent fe repofer avec grande crainte, car ce lieu 
eft défarc & voifîn de la ville * à'oAJcalon^ A'6i\ les Sar- 
rafins fortent & maflfacrent les pèlerins [qui paflfent] fur 



a. comme la rofée K^S^ R. — 
b. foixante f; quatre-vingt-dix 
#r. — c. de Conftantinople à Jé- 
rufalem trois mille verftes D. — 

d. cinq Z), O, ^; trois F. — 

e. avec toit en charpente Afar, 
MoyF^S.Vtxprtffiom: Kletflu, qut 
Damiil emploie ici & dans tt autres 
guttroitjf oftut dirf^ if après // Mc- 
iiomnain di PAcadimit dts fcisH" 
as : « en forme de cage, » r/ qui tu 
rmd pas biiu lajignijication rujf§. 



Norotv la traduit par i voSti. Sf- 
loM MOUS, ellt txprimt tidio d^uuê 
iglifi dont It toit in bois eft corn- 
pofi de poutres. Daniel dit expref* 
Jement, ^. 39 x Une grande églife en 
forme de croix recowuerte, kletflci 
{c*eft'à'dire d'un toit en char- 
pente), ce qui correjpomd exoBemtnt 
à la baJSlique aSuelU de Bethléem» 
— f. fous f. — g, fut martyri(é 
Mac, Mo, S. — h. grande ville 
farrafine Je. 



DE DANIEL ( 1 1 o6- 1 1 07). 1 1 



la route ; de Ibrte que la frayeur eft grande depuis ce 
lieu jufqu a Tendroic où Ton encre * dans les montagnes. 
Il y a vingt ^ grandes verlles depuis Saint-George jufqu*à 
Jérufalem à travers des montagnes pierreufes ; ce chemin 
cft pénible & très eflfrayant. 



Vm. DE LA MONTAGNE D*ARMATH£M. 

Il y a une montagne très haute près de Jérufalem, à 
droite en venant de Jaffa ; cette montagne porte le nom 
iïo4rmaihem. Sur cette montagne fe trouvent les tom- 
beaux du faint prophète Samuel, de fon père Elkan & 
de Marie TEgyptienne; Ut étaient le village & la maifon 
des faints. Cet endroit eft entouré d'une muraille & fe 
nomme à caufe de cela la ville d'oirmarhem. 



IX. DE JÉRUSALEM. 

La fainte cité de Jérufalem eft (ituée dans des vallons 
arides au milieu de hautes montagnes pierreufes. Ce 
n*eft qu*en approchant de la ville qu'on aperçoit d*a- 
bord la Tour ' de Vavid ; puis, en avançant un peu, on 
voit la tMontagne des Oliviers ^ le Saint des Saints, VEglife 
de la T{^furreélion^ 011 eft le Saint Sépulcre^ & enfin toute 
la ville. A une verfte à peu près avant Jérufalem, fe trouve 
une ^ montagne aplanie ; c'eft là que tout le monde def- 
cend de cheval &, faifant le (igné de la croix, adore la 
fainte *R^urre6lion en vue de la ville. Tout chréden 
éprouve alors une joie inmienfe à lafpeél de la fainte cité 

a. qui mène vers S^ R^ jÊc, — Af«, F^ K. — d haute Ac. 
b. dix-neuf F, — c. maifon Mac^ 



12 I. VIE ET PÈLERINAGE 



de Jérufalem^ & des larmes font verfées par les fidèles. 
Perlonne ne peut s'empêcher de pleurer en voyant cette 
terre (i défirée & ces lieux faints où le Chrift^ notre Dieu, 
IbufFrit la paffion pour la rémiffion de nos péchés; & tous 
Te dirigent à pied vers Jérufalem avec grande aUégreflfe. 
A gauche, près de la route, fe trouve Téglife de Saim- 
Etienne y premier martyr ; c*eft là qu'il fut lapidé par les 
Juifs & on y voit Ton tombeau. Là fe trouve aufli une 
montagne pierreule aplanie qui s*e(l fendue lors du cru- 
cifiement du Chritl; ce lieu fe nomme Y Enfer & eft à un 
jet [de pierre] des murs de la ville. Enfuite cous les pèle- 
rins entrent, pleins de joie^ dans la fainte cité de Jéru- 
falem par la porte voifine de la maifon'' de David; cette 
porte eft tournée vers Bethléem & fe nomme Torte de 
benjamin. En entrant dans la ville il y a un chemin tra- 
verfant la ville ^ &, à droite, on va au Saint des Saints & 
à gauche à la Sainte l^éfurreéHon, où fe trouve le Saint 
Sépulcre. 

X. DE L'ÉGLISE DE LA RÉSURRECTION DU SEIGNEUR. 

L'églife de la 1{gfurre6Hon eft de forme circulaire & 
renferme douze colonnes monolithes' & fix'' en pierre; 
pavée de très belles dalles en marbre, elle a fix entrées 
& des tribunes avec feize ' colonnes. Sous le plafond, au- 
deffus des tribunes, les faints prophètes font repréfentés 
en mofaïque comme s'ils étaient vivants ; l'autel eft fur- 
monté d'une image du Chrift en mofaïque. Dans le grand 
autel on voit une exaltation d'Adam en mofaïque, & la 
mofaïque de la voûte repréfente TAfcenfion de Notre 

a. de la maifon Mac^ Mo, F] d. feixe Mac^ Mo^ Ac» — e. douze 
du AU d. Us autrts mf. — b. porte f ; huit Moi quarante Mac { fix R, 
MaCf Mo, — c. blanches Ar, — 



DE DANIEL ( I Io6- 1 IO7). 1 3 

Seigneur. Une Annonciation en mol aique occupe les deux 
piliers placés aux deux côcés de Taucel. La coupole de 
réglife n eft pas fermée par une voûte de pierre, mais fe 
compofe de poutres en bois en guife de charpente, de 
forte que Téglife e(l découverte par le haut. Le Saint Sé- 
pulcre eft [placé] fous cette coupole découverte; voici la 
defcription du Saint Sépulcre. Ccft une petite grotte 
taillée dans le roc, ayant une entrée fi baflfe qu un homme 
peut à peine y pénétrer à genoux & en fe courbant ; la 
hauteur en eft minime ' & les dimenfions, égales en 
longueur & en largeur, ne font que de quatre coudées. 
Lorfqu'on a pénétré dans cette grotte par la petite en- 
trée, on voit à droite une cfpècc de banc taillé dans le 
roc de la grotte, & c eft fur ce banc facré, aéluellement 
recouvert de dalles en marbre, que repofa le corps de 
Notre Seigneur Jéfus-Chrid. Cette pierre facrée, que tous 
les chrétiens baifent, s'aperçoit par trois petites ouvertures 
rondes pratiquées de côté. Cinq grandes lampes à huile, 
brûlant continuellement nuit & jour, font fufpendues 
dans le fépulcre de Notre Seigneur. Le banc facré fur 
lequel repofa le corps du Chrift a quatre coudées de long 
& deux de large ; fa hauteur e(l d'une coudée & demie ^. 
Devant Tentrée de la grotte, à trois pieds de diftance, 
fe trouve la pierre fur laquelle était affis FAnge qui ap- 
parut aux Femmes & leur annonça la réfurreélion du 
Chrift. La fainte grotte eft revêtue extérieurement de 
beau marbre conune un ambon, & eft entourée de douze 
colonnes en marbre pareil. Elle eft furmontée d'une belle 
tourelle [repofant] fur des piliers & fe terminant par une 
coupole, recouverte d'écaillés en argent doré & qui porte 
fur l'on fommet la figure du Chrift en argent, d'une taille ' 

a. inférieure à celle d'un hom me ilr ; une demi-coudée d. Us autres 
Rf Kf Sf jÊc^ MaCf Mo, — b. une mf, — c. hauteur K^ S, 
coudée & demie Mac, Mo^ f» Kf S, 



14 I. VIE ET PÈLERINAGE 

au-deflus de ^ordinaire ; cela a écé fàic par les Francs. 
Cette tourelle, qui fe trouve jufte fous la coupole décou- 
verte^ a trois portes ingénieufement travaillées en treillage 
croifé ; c'eft par ces portes qu*on pénètre dans le Saint 
Sépulcre. Ceft donc cette grotte qui a fervi de fépulture 
au Seigneur, ainfî que je l'ai décrit d*après les témoignages 
d'anciens habitants, connaiflfant à fond tous ces faints lieux. 
L'églife de la Réfurreélion eft ronde & a trente fagènes 
de largeur ainfî que de longueur. Elle pofsède en haut 
de vafles appartements où demeure ' le patriarche. Il y 
a douze fagènes de Tentrée du tombeau jufqu*au mur 
du grand autel. Derrière Tautel, à l'extérieur ^ du mur, 
fe trouve X Ombilic de la terre qui eft recouvert d'une 
petite conftrudlion, au-deflfus de laquelle le Chrift eft re- 
préfenté en mofaïque avec cette légende : « LA PLANTE 

ce DE MON PIED SERT DE MESURE POUR LE CIEL ET' 
« POUR LA TERRE. »i 

XI. DE l'endroit au CENTRE DE LA TERRE 
OU LE CHRIST FUT CRUCIFIÉ. 

U y a douze ^ fagènes depuis V Ombilic de la terre juf- 
qu'au Lieu du crucifiement de Notre Seigneur & jufqu'au 
bout'. Cet endroit, tourné vers l'orient, eft fur un roc 
arrondi en petit mondcule plus haut qu'une lance. Au 
milieu, fur le fommet du roc, eft pratiquée une fente d*une 
coudée de profondeur & de moins d'un pied à l'entour ; 
c'eft là que fut érigée la Croix de Notre Seigneur. Au- 
deflfous de ce roc git le crâne du premier homme Adam; 
lors du crucifiement de Notre Seigneur, quand 11 rendit 
Fefprit fur la Croix, le voile du temple fe déchira & les 

a. demeurait Ac, — b. à côté Mac^ ilf«, Je. — |d. cinq Je, — 
Mac, MOf Ff Ac. — c. ma main c. Calvaire Mac^ Mo^ Ar^ Ac, 



DE DANIEL ( 1 106-I IO7). I f 

pierres k fendirent, & ce roc s*encr*ouvric au-deflTus du 
crâne d*Adam, & le fang & Feau qui forçaient du côté 
du Chrift fe répandirent par cette crevaflfe fur ce crâne, 
& lavèrent les péchés du genre humain. Cette fente exifte 
fur le roc iufqu'à ce jour & on voit ce faint (igné à droite 
du Ueu du crucifiement, 

XII. DU LIEU DU CALVAIRE. 

Une muraille encoure cette lainte pierre, ainfi que le 
Ueu du crucifiement du Seigneur, & une bâtiiïe ornée de 
merveilleufes mol'aïques la recouvre. Sur le mur tourné 
vers Torient, le Chrifl crucifié eft (î admirablement repré- 
lente en mofaïque quMl eft comme vivant, mais d*une 
grandeur & d'une hauteur plus que naturelles ; fur le mur 
du midi eft aufli merveilleufement peinte la defcente de 
la Croix. Il y a deux portes ; on monte fept marches 
jufqu'aux portes & autant après. Des dalles en très beau 
marbre recouvrent le fol. Sous le Lieu du crucifiement^ là 
où eft le crâne, eft inftallée une petite chapelle ornée de 
belles mofaïques & pavée de beau marbre ; cet endroit 
fe nomme Calvaire^ ce qui (ignifie : le Lieu du crâne. La 
parde fupérieure où fe paflfa le crucifiement fe nomme 
Golgotha, Du crucifiement au Lieu de la defcente de la 
Croix, il y a cinq fagènes. Près du Lieu du crucifiement^ 
du côté nord, fe trouve Tendroit où Ton a partagé les 
vêtements de Notre Seigneur, &, à côté, celui où Ton 
mit fur la tête la Couronne d*Epines, & où il fiit revêtu 
du Manteau de pourpre de dérifion. 

XIII. DE l'autel D'ABRAHAM. 

Près de là, fe trouve Voiutel d*o4braham, fur lequel il 
offrit fon facrifice à Dieu & immola un béUer à la place 



l6 1. VIE ET PÈLERINAGE 

dMfaac ; le lieu où fur conduit Ifaac eft le même oh le 
Chrift a été amené en holocaufte & immolé pour le fa- 
luc de nous [autres] pécheurs. A la didance d'environ 
deux " ikgènes eft l'endroit où le Chrift, notre Dieu, fut 
frappé au vifage. A trois ^ lagènes de là eft le laint cachot 
où le Chrift fut enfermé & où II paflfa quelque temps, 
pendant que les Juifs préparaient & érigeaient la Croix, 
fur laquelle 11 fut crucifié. Tous ces faints lieux font fous 
le même toit Tun à côté de l'autre & tournés vers le nord. 
On compte vingt-cinq fagènes du cachot du Chrift au 
lieu où fainte Hélène découvrit la fainte Croix, les Cloux, 
la Couronne, la Lance, TEpongc & le Rofeau. Le Saint 
Sépulcre, le Lieu du crucifiement & tous les faints lieux fe 
trouvent dans un pli de terrain qui fe relève vers l'Oc- 
cident au-deffus du Saint Sépulcre & du Lieu du crucifie^ 
ment. Non loin, fur une élévation, eft Tendroit où la 
fainte Vierge arriva à la hâte à la fuite du Chrift & Lui 
adreflfa, dans le trouble de fon cœur, ces paroles en pleu- 
rant : ce Où vas-tu, mon fils ? Pourquoi preflfes-tu tes pas ? 
ce Eft-ce que tu as hâte d'arriver à une noce comme celle 
ce de Cana en Galilée, o mon fils & Dieu ? Ne t'éloigne 
ce pas en filence de moi qui t'ai donné le jour, dis un mot 
a à ta fervante ! u Parvenu à cet endroit, la lainte Vierge 
aperçut de cette élévadon qu'on crucifiait fon Fils ; faide 
de terreur, elle s'aflTaiffa fur la terre ; & la douleur & les 
i'anglots s'emparèrent d'elle. C'eft ici que s'accomplit la 
prophétie de Siméon qui avait Jadis prédit à la fainte 
Vierge : ce Cet enfant eft pour la ruine & pour la réfur- 
ce reélion de plufieurs dans Ifraël & ton âme même fera 
cf percée conune par une épée quand tu verras ton Fils 
c( immolé! u (Luc, il, 34-^ f.) Plufieurs des amis & con- 
naiflfances de Jéfus fe tenaient la & regardaient de loin : 

a. une Mat, Mo. — b. trois AT; fcpt R-, dix d. lês autru mf> 



DE DANIEL ( 1 1 o6- 1 1 07). ! 7 

Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques & Saiomé, ainfi 
que cous ceux de Galilée venus avec Jean & la mère de 
Jéfus. Tous les amis & proches de Jé(bs le tenaient là, 
regardant de loin comme Tavait dit le prophète' : ce Mes 
c amis & mes proches Ce lont tenus éloignés. >i (Pfalm. 
Lxxxvn, 19.) Cet endroit eft à la diftance d'environ 
cent cinquante fagènes ^ vers l'occident du Lieu du cru- 
cifiemem & le nomme Spoudi ', ce qui veut dire : promp- 
titude de la fainte Vierge. Il y a là aéluellement un cou- 
vent dont réglife à toiture en charpente eft confacrée à 
la fainte Vierge. 



XIV. DE LA TOUR DE DAVID. 

De. là à la Tour de David & à la maifon, on compte 
deux cents fagènes. Cefl la tour du faint prophète Da- 
vid où était auffi fa maifon. Le prophète David compofa 
& écrivit l'on pfauticr dans cette tour, qui cfl remarqua- 
blement bâtie en pierres maflives^ très élevée, de forme 
carrée, folide & réfiftante & comme d'une feule pierre 
depuis fa bafe ; elle contient de Teau en abondance. Elle 
pofsède cinq ^ portes en fer & deux cents gradins con- 
duifent au Ibmmet. On conferve dans cette tour une 
quantité infinie de blé. Elle efl très difficile à prendre & 
forme la défenfe principale de la ville ; on la garde foi- 
gneufement & on ne permet à perfonne d*y pénétrer fans 
furveillance. Tout infime que je fuis, Dieu m'a accordé 
laccès de cette tour facrée avec Ifdeftav ' , qui a été le 
feuKque j*ai pu faire entrer avec moi. 

a. David Mur, Mo, vV. — b. une Ivankovitch Mac, Mo i Sedeflav 
fagène St demie D, — c. Stoudi Ivanovitch F, — f. de me« corn- 
Mac, Mo. — d. fix JÊc, — e. Sdeflav pagnons Mac^ Mo, 

3 



1 8 I. VIE ET PÈLERINAGE 



XV. DE LA MAISON D'URIE. 

Près de cerre cour écaic la éMaifon JCUrity que David 
fie tuer pour s'emparer de fa femme qu'il avait vue 
pendant qu'elle fe baignait. Il y a là maintenant la mé- 
cochie de Saint-Sahbas à un jet de pierre de la tour. On 
reconnaît jul*qu*à préfent oh était ce baffin. L endroit 
où fainte Hélène retrouva la iainte Croix eft à vingt ' 
Tagènes de diftance vers Torient^ près du Ueu du cruci- 
fiement. On y avait bâti une très grande églile à toit en 
charpente ^y & maintenant il n y a là qu'une petite églife. 
A Torient fe trouve la grande porte que voulait franchir 
un jour Marie TEgyptienne pour baifer [la Croix] ^; [mais 
le faint Efprit Ten empêcha. Ayant prié la fainte Vierge, 
dont Timage était dans le parvis voifm de la porte, elle 
put entrer dans Péglil'e & baifer la làinte Croix. Elle fortit 
par cette même porte pour fe rendre dans le défert du 
Jourdain. On montre^ près de cette porte, l'endroit oh, 
fainte Hélène reconnut la vraie Croix qui reflfufcita une 
vierge décédée. A une petite diflance de là vers l'orient, fe 
trouve le Tritoire^ oii les foldats amenèrent Jélus à Pilate; 
& ce dernier s'étant lavé les mains, dit: « Je fuis innocent 
c du fang de ce jufte ! a (Matth. xxvil, 24.) Et, ayant fait 
fouetter Jéfus, il le livra aux Juifs. Là fe trouve audi la Tri- 
fon juive d'où un ange fît fortir le faint apôtre Pierre pen- 
dant la nuit. C'eft là qu'était aufll V Enclos de Judas qui 
trahit le Chrift. Cet enclos maudit eft défert à préiënt, 
perfonne n'ofant l'occuper à caufe de la malédiélion. 
Non loin vers l'orient, eft le lieu où le Chrift guérit une 

a. trente D. — b. confucrée à nefe irou*ve pas dans U manufcrit 

la fainte Exalution de la vraie Bibl. Impériale, xvii, Q, n*' 88, 

Croix Mac^ Mo, — c. Tout ce qui qui afer*vi de bafi à r'editiom^& y a 

fuiî^jufqtCà la fin du chapitre XV l^ it'e iutercaii d'après le manufcrit H. 



DE DANIEL ( 1 1 o6- 1 1 07). IQ 

femme cl*une perce de fang. A côté le trouve la folTe où 
fut jeté le prophète Jérémie ; c eft là qu'était fa mailbn, 
ainfi que V Enclos de V apôtre Paul, lorfqu'il profeflfait en- 
core le judaïfme. Un peu plus loin à Torienc, à un dé- 
tour près du chemin', fe trouvait la éMaifon des faims 
Joachim 6" o4nne ^. Il y a là fous lautel une petite grotte 
taillée dans le roc, où naquit la fainte Vierge ; & c*eft là 
auffi que fe trouvent les Tombeaux des faims Joachim & 
odnne. 



XVl. LA PISCINE PROBATIQUE. 

Non loin eil le Tonique de Salomon, où fe trouve la 
Tifcine Trohatique & où le Chrift guérit le paralytique. 
Cet endroit c(l à l'occident [de la maifon] des faints 
Joachim & Anne, à un jet de pierre lancée par un homme. 
Tout près de là, à l'orient, fe trouve la porte de la ville 
qui mène à Gerhfémani,] 

XVII. DE L'ÉGLISE DU SAINT DES SAINTS. 

De l'égUfe de la Réfurreétion du Chrill à ÏEglife du 
Saim des Saims, il y a deux portées de flèche environ. 
L'intérieur du Saim des Saims eft remarquablement & 
artiftement orné de mofaïques, & fa beauté eft indef- 
criptible ; fa forme eft ronde. A l'extérieur, il eft recou- 
vert de peintures magnifiques dont on ne peut rendre la 
beauté ; fes murs, ainfi que le fol, font revêtus de belles 
dalles en marbre précieux. Douze colonnes monolithes 
& huit ' en pierre font difpofées en cercle fous la toi- 

a. à gauche Mac, Mo^S^ F^Ac, — grande cglife /", Ac, — c. douze K, 
b. & i cet endroit était bâtie une 



20 I. VIE ET PÈLERINAGE 

cure ; il y a quatre portes plaquées de cuivre doré. La 
coupole eft ornée intérieurement de deflins en mofaïque 
dune beauté indefcriptible, &, extérieurement, elle eft 
recouverte de cuivre doré. Sous cette même coupole, fe 
trouve une grotte taillée dans le roc ; c*eft là que fut 
tué Zacharie te prophète ; jadis il y avait là ibn tombeau 
& Ton voyait les traces de fon fang, qui n'y font plus 
maintenant. Il y a encore une pierre fous cette coupole^ 
en dehors de la grotte; c'eft ibr cette pierre que Jacob vit 
en fonge une échelle qui atteignait le ciel, & par laquelle 
les Anges de Dieu montaient & descendaient ; & Jacob 
lutta avec TAnge^ & s*étant réveillé, il dit: c* Ce lieu eil la 
ce maifon de Dieu & la porte du ciel.'> (Gen. xxvill^ 17.) 
C*e(l fur cette même pierre que le prophète David vit un 
ange debout, Pépée nue à la main, frappant le peuple 
dMfraël; &, entrant dans cette même grotte, il pleura & 
adreflfa à Dieu cette prière : a Seigneur, c'eft moi qui ai 

ce péché qu'ont fait ceux-ci qui ne font que des brebis ? » 

(2 Sam. XXIV, 17.) Ladite églife a trente * fagènes de lar- 
geur ainfi que de longueur, avec quatre entrées. Quant à 
l'ancienne églife du Sainr des Saints y elle a été détruite^; 
rien n'eft redé de l'ancienne conftru<flion de Salomon, 
excepté les fondements primitifs du Temple que le pro- 
phète David commença à pofer; la grotte, ainfî que la 
pierre qui fe trouve fous la coupole, font les feuls reftes 
des anciens édifices ; pour ce qui eft de Téglife adluelle, 
elle fût bâtie par un chef des SarraHns nommé Amor. 

XVIII. DE LA MAISON DE SALOMON. 

C'eft là auin que fut la éMaifon de Salomon qui était 
un édifice formidable, d'une grandeur & d*une beauté 

a. dix MaCf Moy % Ar, — h. trois fois K, S. 



DE DANIEL ( 1 1 o6- 1 IO7). 2 1 

furprenances. Elle était pavée de dalles en marbre, fou- 
tenue par des voûtes & munie de citernes plein la mai- 
Ton '. Les appartements étaient artiilement ornés de mo- 
faïques & de fuperbes rangées de colonnes en marbre 
précieux ; des chambres repolent d'une façon ingénieufe 
fur ces colonnes & toute la maifon efl couverte d*étain. 
La porte de ce palais, richement & artiilement recou- 
verte d*étain, ornée de mofaïques & plaquée de cuivre 
doré, fe nomme : 'Belle Porte -^ c'eft là que Pierre & Jean 
guérirent le boiteux; & cet endroit exifte jufqu à préfent 
près de cette porte. Outre celle-là, il y a eiicore trois 
portes & la cinquième e(l appelée : Torte des apôtres. 
Elle a été Iblidement & ingénieufement conftruite par le 
prophète David, plaquée de cuivre doré, ornée à Tinté- 
rieur d*arti(Uques peintures fur cuivre, &, à Textérieur, 
folidement bardée de fer. Cette porte a quatre entrées, 
&, avec la tour de David, c*eft tout ce qui eft refté de 
lancienne ville. Tout le refte eft nouveau, l'ancienne cité 
de Jérufalem ayant été détruite plus d'une fois. Oeft par 
cette porte que le Chrift entra à Jérufalem, en venant 
de *Bithanie avec Lazare qu'il avait reflfufcité. 'Béthanie 
eft (ituée à Torient, en &ce de la tMomagne des Oliviers. 
On compte cent huit ^ fagènes de cette porte à Téglife 
du Saim des Saints, 



XIX. DU HAMEAU DE BÊTHANIE. 

Véthanie eft un petit bourg à deux verftes au fud de 
Jérufalem, dans un vaUon derrière la montagne. En en- 
trant dans la pone du bourg, on voit à droite une grotte 
dans laquelle fe trouve le Tombeau de faint La\are ; c'eft 

a. au - deflbus de la maifon Mac^ Mo, % S, R^ F, 
Mac^ MOf F, — b. cent cinquante 



22 I. VIE ET PÈLERINAGE 

là qu^écaic Ta cellule où il fut malade & où il mourut. Au 
milieu de ce bourg, fe trouve une grande & haute églife 
qui était richement ornée de peintures. On compte douze" 
lagènes de cette églife au tombeau de Lazare, qui fe trouve 
à Foccident de Téglife, tandis que Téglile elle-même eft 
tournée vers Torient. Hors du bourg, vers Toccident, coule 
une excellente Iburce, profondément enfoncée fous terre 
& à laquelle on dei'cend par des gradins. A une verfte ^ 
de Vérhanie, du côté de Jérufalem, fe trouve une tour 
érigée fur le lieu où Marthe rencontra Jéfus ; c eft là 
aufli que le Chrift monta fur Tâne après avoir reflfufcité 
Lazare. 

XX. DU HAMEAU DE GETHSÊMANI. 

Gethfimani eft un village voiHn de Jérufalem, où fe 
trouve le tombeau de la fainte Vierge ; il eft (îtué fur le 
torrent de Cidron^ dans la Vallée des pleurs^ entre Torient 
eftival & hivernal de Jérufalem. 



XXI. DES PORTES DE LA VILLE. 

Il y a huit ^ fagènes des portes de la ville à Icndroit 
où le juif Okhonias '^ voulut précipiter du lit mortuaire 
le corps de la fainte Vierge, porté par les Apôtres pour 
être enterré à Gethfémad^ lange lui coupa les deux 
mains avec fon épée ' & les pofa fur [le lit]. Il y avait à 
cet endroit un couvent de femmes ; mais il a été détruit 
par les mécréants. 

a. vingt /T, S, — b. une demi- Athonias T. — e. de feu Mac^ 
verlie K^ R, — c. vingt Tj cin- Mo, F, S, 
<|UiAnte K. — d. OthoniuM Mo; 



DE DANIEL (l 106-I I07). 2^ 



XXII. DU LIEU DU TOMBEAU DE LA SAINTE VIERGE. 

De là au Tombeau Je la Jainte Vierge^ on compte cent 
fagènes. Ce tombeau, firué dans un vallon, efl une petite' 
grotte taillée dans le roc, avec une entrée fi baflfe qu'un 
homme courbé peut à peine y paiïer. Au fond de la 
grotte, en face de Fentrée, on voit comme un petit banc 
dans le roc, & c'eft Tur ce banc que fut dépofé le corps 
l'acre de Notre très fainte Dame & Mère de Dieu, & d'où 
il fut porté incorruptible en paradis. Cette grotte ell à 
peu près de la hauteur d*un homme ; elle a quatre coudées 
de largeur & a la même dimenfion en longueur ; Tinté- 
rieur de la grotte a Tafpeél d'une petite chapelle revêtue 
de belles dalles en marbre. Une grande églife à toiture 
en charpente, conCacrée à rAflfomption de la fainte Vierge, 
avait été élevée jadis en haut, au-deflfus de Ton tombeau ; 
mais aéluellement cet endroit eft dévafté par les mécréants. 

XXIII. DE LA GROTTE OU LE CHRIST FUT LIVRÉ. 

A dix Tagènes de diftance du Tombeau de la fainte 
Vierge y fe trouve la Grotte oit le Chrift fut livré par Judas 
aux Juifs pour trente ficles d argent. Cette grotte eft au 
delà du torrent de Céiron^ au pied de la éMomagne des 
Oliviers. 

Non loin de cette grotte vers le midi, à la diftance d'un 
jet de petite pierre, fe trouve l'endroit où le Chrift pria 
l'on Père, pendant la nuit où il fut livré aux Juifs pour 
être crucifié, & dit : v Mon Père, s'il eft polfible, faites 
fc que ce calice s'éloigne de moi ! o (Matth. xxvi, ^{9.) Une 

a. grande Mac. 



14 I. VIE ET PÈLERINAGE 

pecice églife s'élève maincenanc fur ce lieu. De là à la 
Tombe de Jofaphat^ la didance eft d'une portée de flèche. 
Cécaic un roi des Juifs ; & c'eft pourquoi cette vallée fe 
nomme : Vallée de Jofaphat. C'eft dans cette même vallée 
que Te trouve aufli le Sépulcre de faim Jacques^ frère du 
Seigneur. La SMontagne des Oliviers eft (ituée à l'orient 
eftival de Jérufalem. Elle e(t très haute quand on la gravit 
du côté de Gethfémani; la dillance eft de plus de trois por- 
tées de flèche; mais de Gethfémani au Tater ShÇpftery il 
n'y a qu'une portée. 

XXIV. DB LA GROTTE OU LE CHRIST COMMENÇA 
A INSTRUIRE SES DISCIPLES. 

Une grande églife eft bâtie en cet endroit, &, fous l'au- 
tel, fe trouve la grotte oh le Chrift enfeigna à fes difciples 
le Pater Nofter. De là au fommet de la éMontagne des 
Oliviers où eut lieu TAfcenfion de Notre Seigneur, la 
diftance eft de quatre-vingt-dix ' fagènes. 

XXV. DE LA MONTAGNE DES OLIVIERS. 

Le lieu de Foéfcenfion de Notre Seigneur fe trouve 
fur le fommet de la éMomagne des Oliviers du côté de 
l'orient, & confifte en un petit monticule, fur lequel était 
une pierre ronde, dépaflant la hauteur des genoux ; c'eft 
de cette pierre que le Chrift, notre Dieu, s'éleva aux cieux. 
Cet endroit, formant une enceinte toute ronde pavée de 
dalles en marbre, eft entouré de chambres voûtées. Au 
milieu de cette enceinte eft élevée une petite chapelle 
arrondie, à ciel ouvert & fans dallage, & c'eft par là, 

a. cinquante Di quatre-vingts /T, S\ huit R, 



DE DANIEL ( 1 1 o6- ! 1 07). 2 f 



Tous cette coupole découverte, que git la fainte pierre 
fur laquelle Te posèrent les pieds de Notre Seigneur & 
Maître. Un autel compofé de dalles en marbre efl établi 
fur* cette pierre & Ton y olficic aAuellement. Cette 
pierre, fîtuée fous le faint autel, efl entourée d'un revête- 
ment en marbre, de forte qu'on n en voit que la partie 
fupérieure, que les chrétiens baifcnt. La chapelle a deux 
portes ; on peut monter jufqu*[au Lieu de] VcAfcenfion du 
Seigneur par des marches qui font au nombre de vingt- 
deux. La Montagne des Oliviers domine Jirufalem^ & de 
fon fommet on voit tout dans la cité, le Saint des Saints 
& toute la contrée jufqu'à la cMer de Sodome^ jufqu'au 
Jourdain & même au delà de ce fleuve; car la oMontagne 
des Oliviers efl la plus haute d'entre les montagnes voi- 
fines de Jerufalem, 



XXVI. DE LA CITÉ DE JÉRUSALEM. 

Jerufalem ell une grande cité, fortifiée de folides mu- 
railles, bâtie [en forme de] carré, dont les quatre côtés 
font d'égale longueur; beaucoup d'arides vallées & de 
montagnes pierreul'es l'entourent. C'eil un endroit abfo- 
lument dépourvu d'eau ; il n'y a près de Jerufalem ni 
rivière, ni puits, ni fources, mais feulement la Tifcine de 
Siloi\ tous les habitants & le bétail ne vivent dans cette 
ville que d'eau pluviale. Malgré cela, le blé vient bien 
dans cette terre pierreufe, manquant de pluies ; mais, 
grâce à la volonté & à la miféricorde de Dieu, le fro- 
ment & l'orge s'y produifent en abondance; on sème 
une mefure & l'on en récolte quatre-vingt-dix & jufqu'à 
cent; la bénédiélion de Dieu ne repofe-t-elle pas fur cette 

a. fur Mac^ Mo, F^ S^ K, R; (ou* </. tf autres mf. 



20 I. VIE ET PÈLERINAGE 

Taince terre ? Il y a aufli beaucoup de vignes, dans les en- 
virons de Jérufalemy & beaucoup d'arbres fruitiers ; des 
figuiers, des fycomores, des oliviers, des caroubiers & un 
nombre inBni d'autres arbres. Sur cette même éMontagne 
des Oliviers^ près du Lieu de Pcéfcenjîon^ du côté fud, fe 
trouve une grotte profonde dans laquelle eft le tombeau 
de fainte Pélagie la courtifane, & là vit un (lylite, homme ' 
très audère. 



XX VIL DU CHEMIN [CONDUISANT] AU JOURDAIN. 

Le chemin de Jirujalem au Jourdain paflfe par la ê^on- 
tagne des Oliviers^ du côté de Torient eflival, & ce chemin 
eft très pénible & dangereux & dépourvu d'eau. Les 
brigandages font fréquents dans ces hautes montagnes 
pierreufes & dans ces gorges effrayantes. Il y a vingt-fix 
grandes verlles de Jérujalem an Jourdain, y compris quinze 
jufqu'à Koujiva, où jeûna faint Joachim à caufe de fa 
ftérilité ; cet endroit eft au fond d'un torrent près de la 
route, à gauche j de Kowpva à Jéricho cinq ^ verftcs, & 
de Jéricho au Jourdain^ Hx grandes veriles par une plaine 
fablonneufe & très difficile ; beaucoup de gens y étouf- 
fent de chaleur & y périflTent de (bif La oMer de Sodome 
n'étant pas éloignée de ce chemin, un air brûlant & fé- 
tide s'en exhale, qui embrafe & confume tous les environs. 
Avant d'atteindre le Jourdain^ on trouve près du chemin 
le couvent de Saint-Jean le Précurleur, qui eft placé fur 
une montagne"'. 



a. faint, effrayant à voir, très c. entourée d'une muraille Mac, 
âgé Mac, Mo, F, — b. dix Ar. — Mo, F, K, S. 



DE DANIEL ( 1 1 o6- 1 1 07) . ^^ 



XXVIII. LA MONTAGNE D'HERMON. 

La montagne d'Hermon e(l à vingt fagènes environ de 
ce couvent ; elle le trouve à gauche près du chemin, & 
c*efl une colline fablonneufe plutôt petite que grande". 
Il y a deux bonnes portées de flèche de ÏHermon à l'an- 
cien Couvent de Jean^ oii le trouvait une grande * églife 
ibus le vocable de Jean le Précurfeur. 



XXIX. DE L*ENDR0IT OU LA MER LE VIT ET S'ENFUIT 
ET [ou] LE JOURDAIN RETOURNA EN ARRIÈRE. 

Non loin de Tautel de cette églife, fur une élévation, 
eft bâtie à ' Torient une petite chapelle avec un autel ; 
c'eft là que Jean le Précurfeur baptifa Notre Seigneur 
Jéfus-Chrift. Ceft jufqu'à ce lieu que parvint le Jourdain 
quand, voyant fon Créateur venir pour le baptême, il 
fortit de fon lit & puis, effrayé, retourna en arrière. Jadis 
la cylfrr de Sodome arrivait jufqu*à Tendroit du baptême; 
mais maintenant elle en eft éloignée d*environ quatre 
verftes ; c*eft alors que la mer, voyant la Divinité nue 
au milieu des eaux du Jourdain^ s'enfuit terrifiée, & le 
Jourdain retourna en arrière, comme dit le prophète : 
« Pourquoi, ô mer ! vous êres-vous enfuie ? & vous, ô 
Jourdain ! pourquoi êccs-vous retourné en arrière? » (Pf., 
CXm,f.) 



a. ni grande ni petite D, F» Miu^ Mo, f, K, S, 
Ar, — b. petite F. — c. vers 0«, 



28 I. VIE ET PÈLERINAGE 



XXX. DE l'endroit OU LE CHRIST FUT BAPTISÉ. 

Il y a la diftance d'un jet de petite " pierre, lancée de 
main d'homme, de l'endroit où le Chrift fut baptifé jul- 
qu'au fleuve du Jourdain, 



XXXI. DU LIEU DE L IMMERSION. 

C'efl ici ^ le Lieu de Pimmerfion dans le Jourdain^ & 
c'ell ici que le baignent tous les chrétiens qui y viennent; 
le gué qui, à travers le Jourdain^ mène en Arabie, c(t 
en ce même endroit ; c'eft là que les flots du Jourdain 
le retirèrent jadis devant les fils d'Ilraël & que tout le 
peuple paflfa à l'ec ; c'efl là aufli qu'Elilée frappa l'eau 
du manteau d'Elie & traversa le Jourdain à lec ; c'efl là 
enfin que Marie l'Egyptienne paiïa les flots pour commu- 
nier chez le père Zozime, &, ayant reçu le corps du Chrifl, 
revint de même au déiert. 



XXXII. DU JOURDAIN. 

Le Jourdain eft un fleuve rapide ; de l'autre côté le 
rivage en efl très elcarpé & plat de celui-ci ; l'eau efl très 
trouble, mais agréable au goût ; on ne peut fe raflfafier 
de boire cette eau fainte, car elle ne fait aucun mal & 
n'eil pas nuifible à l'eflomac. Le Jourdain efl en tout 
femblable à la rivière de Snow % par fa largeur, & par fa 
profondeur, & par (on cours flnueux & très rapide, tout 

:i. gruiule D, — b. uétiielleineiU Mac, /f, 5\ — c. Kofnow Mac, Mo, F. 



DE DANIEL (ï Î06-I I07). 29 

comme celui de la rivière de Snow. Il a quatre fagènes 
de profondeur à l'endroit où Ton le baigne ; c'eft moi- 
même qui Pai mefuré & exploré, car j'ai pafle de Tautre 
côté du Jourdain & ai beaucoup erré Cur fes bords. La 
largeur du Jourdain efl comme celle de la Snow à Ton 
embouchure. De ce côté du Jourdain^ près de Tendroit 
où Ton fe baigne^ il y a comme une forêt de petits arbres 
femblables au faule; &, remontant plus haut, on trouve, 
le long du rivage, une efpèce de joncs, pas comme les 
nôtres, mais plutôt comme le faule des fables ; il y a aufll 
beaucoup de rofeaux ; les anfes font nombreufes comme 
dans la rivière de Snoa\ Les bêtes féroces abondent ; le 
nombre des fangliers eft infini, & il y a aufll beaucoup 
de panthères & de Uons. Au delà du Jourdain, loin du 
rivage, s'élèvent de hautes montagnes pierreufes ; au pied 
de ces montagnes font d'autres montagnes d'une teinte 
blanchâtre; & celles-ci fe prolongent jufqu'au Jourdain, 
C'efl la contrée au delà du Jourdain qui fe nomme Terre 
de Zabulon & de St^ephrali. 



XXXIII. DE LA GROTTE DE SAINT JEAN- BAPTISTE. 

Non loin du fleuve, à deux portées de flèche vers 
l'orient, fe trouve le lieu où le prophète Elie fut enlevé 
dans un char de feu. Là ell aufli la Grotte de Jaint Jean- 
Vaptifte, Et là " fe trouve un beau ^ torrent plein d'eau, 
qui coule fur des cailloux vers le Jourdain ; Ion eau cft 
très froide & très agréable au goût, & c^ell l'eau que 
buvait Jean, le Précurfeur du Chrift, quand il habitait 
cette grotte facrée. 

a. tout près Mac^ Mo, S, — b. rapide Mac^ Mo^ S, 



30 I. VIE ET PÈLERINAGE 



XXXIV. DE LA GROTTE DU PROPHÈTE ÊLIE. 

Il y a là " une autre grotte remarquable qu'habitait 
faint Elie le prophète, avec Elifée Ion difciple. J*ai, par la 
grâce de Dieu, vu tout cela de mes yeux d*indigne pé- 
cheur. Dieu a daigné me permettre de vifiter trois fois 
le l'aint Jourdain; nous y avons même été à la fête de 
TEpiphanie^, & nous avons vu la bénédidlion defcendre ' 
lur les eaux du Jourdain. Il y avait alors fur le fleuve une 
quantité infinie de monde; on chante très bien pendant 
toute la nuic-, des cierges fans nombre font allumés ;&, 
à minuit, a lieu la bénédiélion des eaux ; le faint El'prit 
defcend alors lur les eaux du Jourdain, ce qui ne peut 
être vu que par les élus, tandis que la mafle du peuple 
ne voit rien, finon que chaque chrétien éprouve une joie 
& une allégreflfe infinies dans Ibn cœur, & lorfqu'on 
s'écrie : « Le Seigneur reçoit le baptême dans le Jour- 
ce dain », tout le peuple (e précipite dans Tcau & eil 
baptiié dans les eaux du Jourdain, jufte à minuit comme 
le Clirifl. De l'autre coré du fleuve '', (c trouve une très 
haute' montagne qu'on voit partout de loin, & c*eit 
fur cette montagne que mourut Mo'iïe en vue de la terre 
promife. Il n'y a qu'une verfte du couvent de Saint-Jean 
au couvent de Saim-Ghérafimef & autant de celui-ci à 
Kalamonia, le couvent de la fainte Vierge. C'eft en ce 
lieu que la fainte Vierge pafTa la nuit avec Jéfus-Chrifl, 
Jofeph & Jacques lors de leur fuite en Egypte. Elle fur- 
nomma alors ce lieu Kalamonia, ce qui veut dire : Bonne 



a. tout près Mac, Mo, S. — dain Mo; vers le fud loin du Jour- 

b. avec tous mes compagnons dain F, T, Af\ K. — e. Se très 

Mac, Mo, F, S, — c. du ciel Mac, grande Mac, Mo, K, S, — f. que 

Mo, — d. vers le fud près du Jour- fervit une bcte féroce Mo, 



DE DANIEL ( 1 1 o6- I 1 07). J I 

demeure. Le faint Efprit y defcend jufqu'à préfenc fur 
une image de. la fainre Vierge. Et ce petit couvent e(l 
Htué ' à Tembouchure du Jourdain^ là 011 il fe jette dans 
la éHter de Sodome ; il e(l entouré de murs & habité par 
vingt moines. A deux verftes de là, eft le couvent de Saint' 
Jean Chryfoftome^ aufli ceint d'une muraille & réputé par 
Tes grandes richeflTes **. 



XXXV. DE LA VILLE DE JÉRICHO. 

La diftance n'eft que d'une verfte de là'' à Jéricho, 
C'était jadis une grande & très forte cité, dont Jofué s'em- 
para & qu'il détruifit entièrement ; aéluellement ce n*e(l 
qu'un village (arralin. Cell là que le trouve la éMaifon de 
Zacchée ; & le tronc d'arbre, fur lequel il monta pour 
voir le Chrill, cxifle encore. Là était aulfî la iMaifon de la 
Sunnainite^ dont Elilée refrulcita le fils. Les champs qui 
entourent Jéricho l'ont très fertiles & produflifs ; le ter- 
rain ell beau & non accidenté, & aux alentours le drcf- 
lent en maflfe de hauts palmiers & toutes fortes d'arbres 
fruitiers ; beaucoup de fources Ibnt répandues ^ dans 
toute la contrée ; ce font les eaux d'Elifée que le prophète 
rendit douces. A une verfte de Jéricho^ du côté de l'orient 
eilival, eft (itué le lieu où le faint archange Michel appa- 
rut à Jolué, fils de Nun, en préfence de l'armée des Ifraé- 
lites ; ayant levé les yeux, Jolué vit devant foi un effrayant 
homme armé & dit : cr Es-tu des nôtres ou de nos enne- 
c mis ? o Et l'archange lui répondit : (c Je fuis Michel, le 
c chef des armées de Dieu, & fuis envoyé à ton fecours ; 
cr ofe & tu vaincras tes ennemis. »> Et il lui dit encore : 



a. au fud R. — b. & fa force Mo, F, 7, ^. — d. fous terre Mac^ 
R. — c. du couvent de Jean Mac, Mo, 



3 2 I. VIE ET PÈLERINAGE 

ce Oce la chaufTure de ces pieds, Tendroic oîi eu es efl 
« facré. i> (Jof., V, 15, 16.) Alors Jofué tomba la face 
contre terre & Tadora. Un couvent & une églife font ac- 
tuellement élevés en ce lieu & confacrés à laint Michel'. 
Dans cette églife le trouvent douze pierres prifes du fond 
du Jourdaitiy lorfque les eaux du fleuve fe partagèrent 
devant le peuple dMi'raël; en l'ouvenir de leur poflérité, 
les prêtres qui portaient FArchc d alliance du Seigneur, 
recueillirent un nonihrc de pierres égal à celui des trilnis 
d^lCraël. Cet endroit le nomme Galgala^, & c'cll là que 
campèrent les llraélites après avoir paflTé le Jourdain. 

XXXVI. DE LA MONTAGNE DE GABAON. 

A Toccident de ce lieu ' le trouve une haute & très 
grande montagne qui porte le nom de Gabaon ; c*e(l au- 
deflfus de cette montagne que le foleil s'arrêta pour une 
demi-journée'', afin que Jolué, fils de Nun, pût triom- 
pher de les ennemis, lorlqu'il combattait contre Og, roi 
de Bafan ', & contre tous les royaumes de Chanaan. Et 
quand Jolué les eut encièrcmcnt défaits, le l'olcil fe cou- 
cha^. 



XXXVII. DE LA GROTTE OU LE CHRIST JEUNA 
PENDANT QUARANTE JOURS. 

I 

Sur cette même montagne de Gabaon fe trouve une 
grotte très élevée*^ dans laquelle le Chrift, notre Dieu, 

H. une grande Se haute églife à — e. des Amorrhéens Mac^ Mof 

toit en charpente Mac, Mo. — F, K,S, R. — ï. derrière la mon- 

b. Galgala Sf\ Galgani J. tfautrts tagne Mac, Mo, F, K,S. — g. très 

ffif. — c. du couvent Mac, Mo, S, grande Mac, Mo, F, K,S. 
— d. jult^u'à midi Mac, Mo, F, S, 



DE DANIEL (l 106-1 107). 33 



jeûna pendant quarante jours ; après quoi il eut faim^ & 
le Diable s approcha de Lui, voulant le tenter, & lui dit : 
a Si m es le Fils de Dieu, dis que ces pierres deviennent 
c du pain. » (Matth., IV, ^.) Non loin de là, à une 
demi-verfte de Gabaon^ le trouve la inaifbn du prophète 
Elifée ainfi que fa grotte & Ion puits. On compte fix 
verftes de Jérufalem au couvent de Saint-ThéoJofe ; fitué 
l'ur une montagne, il était ' entouré d'une muraille & on 
l'aperçoit de Jérufalem. A l'intérieur du couvent fe trouve 
une grande grotte, dans laquelle les Mages pafsèrent la 
nuit, quand ils s'enfuirent devant Hérode. C'efl là que 
repol'ent maintenant l'aint Théodoie & plufieurs laints 
pères, ainfi que les mères des faints Sabbas & Théodoie. 



XXXVIU. DE LA LAURE DE SAlNT-SAfifiAS. 

La dillance efl de f\x verlles de ce dernier couvent à 
ta laure de Saim-Sabbas, Ces cloîtres font tous les deux 
tournés vers le midi. La laure de Saim-Sabbas e(l fuuéc 
dans la Vallée de Jofaphat ou Vallée des pleurs qui 
commence à Jérufalem, pafTe à Gethfémani^ traverfe la 
Laure & aboutit à la oMer de Sodome, La laure de Saint- 
Sabbas e(l fituée, par la grâce de Dieu, dans des condi- 
tions remarquables & indefcriptibles. Un torrent deflféché, 
à Palpcél effrayant & très profond, cil encailTe dans de 
hautes murailles, auxquelles des cellules font accrochées 
& retenues là par la main de Dieu d'une façon furpre- 
nante & effroyable ; ces cellules, placées fur des hauteurs, 
des deux côtés de ce terrible torrent, font fufpendues aux 
rochers comme les étoiles au firmament. Il y a là trois 
églifes, au milieu des cellules. Du coté occidental fous 

a. cft D. 



34 I- VI£ ET PÈLERINAGE 



un rocher, le trouve une grotte remarquable, qui renferme 
une églife dédiée à la fainte Vierge. C'eft cette grotte 
que Dieu révéla par une colonne de feu à faint Sabbas, 
qui vivait alors tout leul dans le [lit du] torrent. La cel- 
lule que le faint habitait primitivement eft à une demi- 
verfte de la laure aéluelle, & c*eft de là que Dieu, par 
une colonne de feu, lui indiqua le faint lieu où fe trouve 
maintenant la laure de Saint-Sabbas ; on ne peut décrire 
à quel point ce lieu e(l furprenant. Le tombeau de faint 
Sabbas eft au milieu de trois églifes, à quatre fagènes de 
la principale ; une chapelle bien conftruite recouvre cette 
tombe. Les reliques de plufieurs autres faints pères y re- 
pofent : de Pévêque l'aint Jean le Silentiaire, de faint Jean 
Damafcène, de îaint Théodore d'Edeiïe " & de Michel 
fon neveu, de faint Aphrodife ^ & de beaucoup d'au- 
tres faints ; les reliques font parfaitement confervées & 
exhalent un parfum indéfiniflfable. Je vis aufli dans le lit 
du torrent, en face de fa cellule, le puits de faint Sabbas 
qu*un onagre lui montra une nuit ; je bus de cette eau 
qui eft agréable & très fraîche. Il n'y a dans ces parages 
ni rivière, ni torrent, ni puits, excepté celui de faint Sabbas. 
L*cndroit, fitué au milieu de montagnes pierreufes, eft 
aride ; toute la contrée environnante eft deflféchée faute 
d eau ; les ermites qui la peuplent ne vivent que d*eau 
pluviale. A peu de diftance de la laure, & non loin de la 
£^er de Sodome, fe trouve, vers le midi, un endroit appelé 
1(guva. Il eft enfermé dans de hautes montagnes conte- 
nant beaucoup de grottes, qu'habitaient les faints pères 
dans cet affreux délert. Là vivent aufli beaucoup de pan- 
thères & d*onagres. La ^er de Sodome eft morte & ne 
contient aucun être vivant, ni poiflbns, ni écreviffes, ni 
coquillages ; f\ le cours rapide du Jourdain y entraine 

a. de Cofme de Maioum K, — b. Aphrodite Ma(^ Mo, 



DE DANIEL ( I I o6- 1 1 07). 3 f 



quelques poiflTons, ils ne peuvent y vivre Tefpace d'une 
heure, mais périflfenc auflicôc ; une poix rougeâcre ' fur- 
nage du fond de la mer & couvre en maflfe les rivages. 
Cette mer exhale des vapeurs fétides comme celles du 
foufre brûlant; les tourments * [de l'en fer] fe trouvent 
fous cette mer. 



XXXIX. DU COUVENT DE SAINT-EUTHYME. 

A l'orient de la laure de Saint-SabbaSy derrière la mon- 
tagne, à trois ^ verfles de diftance, fe trouve le couvent 
de Saint'Euthyme ; fes reliques y repofent avec celles de 
beaucoup d'autres Ikints pères. Ce couvent, fi tué dans un 
vallon, entouré au loin de montagnes pierreufes, était 
ceint d'une muraille & poflfédait une haute & belle églife ''. 
Le couvent de Saint-ThéoéUfte était tout près, au bas de 
la montagne, au midi de celui de Saim-Euthyme ; tout 
cela c(l maintenant dévallé par les mécréants. 



XL. DU MONT SION. 

Sion eil une grande & haute montagne tournée vers 
le midi ; du côté de Jirufalem la pente en eft très douce. 
C'eft fur ce mont que fut premièrement bâtie l'ancienne 
cité de Jirufalem^ détruite, du temps du prophète Jéré- 
mie, par Nabuchodonofor, roi de Babylone ; aéluellement 
le cMont Sion eft hors de l'enceinte de la ville, au fud de 
Jérufalem, C'eft iur ce éMont Sion qu'était la éMaifon de 
Jean le Théologue^ & une grande églife à toit en char- 

a. noirâtre Aftfr, M0, f, /T, S^ R, Mo, F. — d. une grande cgi îfe Mo ; 
— b. d'Hérode Mo, — c. dix Mac^ (ituée fur une hauteur Mac^ S, 



^6 I. VIE ET PÈLERINAGE 



pente y était érigée pi y a la diftance d*un jet de petite 
pierre de la muraille de la ville à la fainte églife de Sion '. 
Cette églife pofsède derrière Tautel la chambre où le 
Chrid lava les pieds de Tes difciples ^. 



XLI. DE LA MAISON DE JEAN LE THÉOLOGUE, 
OU EUT LIEU LA SAINTE CÈNE. 

De cette pièce en marchant '* vers le fud, on monte 
par un eibalier dans une autre chambre, dont la voûte eft 
loutenue par des piliers [& qui eft] ornée de mofaïques; 
[elle eft] bien pavée & a, comme une églife, un autel 
expofé vers l'orient ; c'était la demeure de Jean le Théo- 
logue, dans laquelle eut lieu la fainte Cène du Chrift 
avec fes difciples ; c'eft là que Jean, repofant fur le fein 
de Jéfus, dit : n Seigneur, qui eft-ce qui te trahira ? a 
(Jean, XIII, 2f.) C'eft dans ce même lieu que le faint 
Efprit defcendit fur les Apôtres le jour de la Pentecôte. 
Dans la même églife, au niveau du fol, du côté du fud, 
le trouve une autre chambre baflfe, dans laquelle le Chrift 
apparut au milieu de fes difciples, les portes étant fer- 
mées, & dit : ce La paix l'oit avec vous » (Jean, XX, TÇ) ; 
& c'eft là qu'il confondit Thomas le huitième jour. Là fe 
trouve aufll une pierre facrée apportée du Sifom Sinai 
par un ange. De l'autre côté de cette même églife, à 
Poccident, aufli en bas, eft (ituée une autre chambre; c'eft 
là que la Ikintc Vierge rendit l'âme; & tout cela fe paflfa 
dans la éAîaifon de Jean le Théologue, C'eft là ^ qu'était la 
maifon ' de Caïphe, où Pierre renia le Chrift par trois fois 

a. de Jean le Théologue K. — Mac, — d. non loin Mac^Mo^F, K^ 
b. & dans une autre chambre eut S, — e. la propriété Mac^ Mo^ F. 
lieu lu luinte Cène R, — c. un peu 



DE DANIEL ( î I o6- î 1 07). ^J 

avant que le coq eue chanté. Cet endroit fe trouve à 
l*orient de Sion, 



XLII. DE l'endroit OU PIERRE, APRÈS AVOIR RENIÉ 
TROIS FOIS LE CHRIST, PLEURA AMÈREMENT. 

Non loin, fur le verfant oriental de la montagne, fe 
trouve une grotte profonde, où Ton defcend par trente- 
deux ' marches; c'eft là que Pierre pleura amèrement fon 
reniement ; au-deiïus de cette grotte, cfl érigée une églifc 
fous le vocable du faint apôtre Pierre. 



XLIII. DE LA PISCINE DE SILOÊ. 

Plus loin vers le fud, au pied de la montagne, fe trouve 
la Tifcine de Siloe\ où le Chrift ouvrit les yeux de Taveugle. 



XLIV. DU CHAMP DU POTIER. 

C'eft aufli au pied du même cUfom Sion que fe trouve 
le Champ du Totier, qu*on acheta au prix du Chrifl pour 
la fépulture des étrangers; il e(l de Fautre côté de la val- 
lée, au-deflous du cUfont Sion^ au fud de cette montagne. 
Beaucoup de grottes font taillées dans fes flancs, & dans 
ces grottes le trouvent * des fépultures toutes préparées 
& admirablement creulées dans la pierre ; on y enterre 
les voyageurs étrangers fans prendre d'argent; on ne 
permet de rien [emporter de] ce lieu laint; car il eft acheté 
au prix du fang du Chrifl. 

a. vingt R, — b. à préfent K, 



3 8 I. VIE ET PÈLERINAGE 



XLV. DE BETHLÉEM. 

La faince cicé de ^Bethléem e(l au fud de la fainte Ji- 
rufalem^ à (ix verdes de diftance ; il y a deux verdes par 
la plaine jufqu^au lieu où Abraham defcendic de fa mon- 
ture. Laiflfanc là fon jeune ferviteur avec Tâne^ Abraham 
prit fon fils Ifaac pour le [mener au] i'acrifice, & le char- 
gea de porter te bois & le feu ; & Ifaac lui dit : c Père, 
rr voici le bois & le feu, mais où e(l la viélime ?» Et 
Abraham lui répondit : « Mon fils^ Dieu nous montrera 
c» Tagneau. » (Gen., XXII, 78.) Et Ifaac ' fuivit joyeufe- 
ment le chemin conduifant à Jérujalem, & il fut amené 
à la même place où le Chrift a été crucifié. Il n*y a qu'une 
verde de là à Tendroit où la fainte Vierge vit deux hommes, 
Pun riant & Pautre pleurant. Une ^ églife & un couvent 
avaient été bâtis fur ce lieu & confacrés à la fainte Vierge, 
mais, aéluellement, ils font détruits par les mécréants. De 
là au tombeau de Rachel, mère de Jofeph, on compte 
deux verftes. 



XLVI . DE LA GROTTE OU LA SAINTE VIERGE 
DONNA LE JOUR AU CHRIST. 

A une ^ verfte plus loin eft Tendroit où la fainte Vierge, 
ayant l'enci les douleurs de ^enfantement, defcendit de 
ion âne ; il y a là une grande pierre, fur laquelle elle fe 
repofa après avoir quitté la monture ; elle continua en- 
fuite Ion chemin à pied jufqu'à la grotte facrée ; & c'ell 
dans cette grotte qu'elle donna le jour au Chrift. Il y a 

a. tous les deux Mac^ Mo^ S, — b. grande Mac, — c. deux Mo. 



DE DANIEL ( 1 1 o6- 1 1 07). ^Ç 

de cette pierre au Ueu de la O^nvité du Chrift la dif- 
tance d*une bonne portée de flèche '. 



XLVII. DE l'église DE LA NATIVITÉ DU CHRIST. 

Une grande églite en forme de croix, recouverte d'un 
toit en charpente, s*élève au-deflfus de la grotte de la 
Nadvité ; toute cette églii'e efl recouverte d'étain & ornée 
de peintures en mofaïques^elle eft foutenuc par cinquante ^ 
colonnes monolithes en marbre & pavée de dalles en 
marbre blanc ; elle a trois ' portes ; Ta longueur jufqu'au 
grand autel eft de cinquante ^ fagènes fur vingt' de lar- 
geur. La grotte & la crèche où eut lieu la Nativité du 
Chrifty Te trouvent Cous le grand autel & forment une 
belle & fpacieufe caverne; on defcend par fept marches 
jufqu^à la porte de la fainte grotte qui pofsède deux en- 
trées, à chacune defquelles conduifent fept marches. En 
pénétrant dans la lainte grotte par la porte orientale, on 
a à gauche, par terre, le lieu où eft né le Chrift, notre 
Dieu; au-deflfus le trouve un autel fur lequel on célèbre 
la meflfe. 

XLVIII. DE LA CRÈCHE DU CHRIST. 

Le Lieu [de la T^tivit^ eft tourné vers l'orient, &, 
vis-à-vis, un peu à droite/, fe trouve la Crèche du Chrift: 
elle eft placée à l'occident t fous un rocher * de pierre, & 
c*eft dans cette fainte crèche que le Chrift, notre Dieu, 

a. d'un jet de petite pierre Un- Afo, f , 5", R\ trente T, — e. cin- 

cce par un homme fort Mac^ Mo, quante K\ huit S^ R, — f. à gauche 

— KK^S^R^ huit </. d*autrei mf.— ^. — g. à l'orient T. — h. dalle R. 
c. deux D. — d. huit D, On, Mac^ 



40 1. VIE ET PÈLERINAGE 



fîit dépofé, emmaillotcé dans de pauvres langes, Lui qui a 
tout fouffert pour notre falur. Ces deux endroits, celui de 
la Nativité & celui de la Crèche, font tout près Pun de 
l'autre, n'étant féparés que par une diftance de trois la- 
gènes, & fe trouvent dans la même grotte, qui efl couverte 
de mofaïques & bien pavée. Le deflfous de Téglife le com- 
pofe de cavernes, dans lefquelles reposent les reliques de 
i'aints. En fortant * de Téglife, à droite ^, on trouve fous 
l'églife une ' grotte profonde, où étaient enfcvelies les 
reliques des faints Innocents & d*oii elles ont été tranf- 
portées "^ à Conftanrinople. Une haute muraille entoure la- 
dite églife. Le Ueu de la D^ativité éidÀt fur une montagne 
inhabitée & déferte, qui e(l aéluellement ceinte de mu- 
railles & indique le Lieu de la U^nvité du Chrift, qu*on 
nomme Bethléem. L'ancien ^Bethléem était placé un peu 
en avant du Lieu adlucl de la tf^ativité du Chrift ; & là fe 
trouvent à préfent un ftylite & la Tierre du repos de la 
fainte Vierge : c'eft là qu^écait l'ancien ^Bethléem, Toute la 
contrée environnante s'appelle Ephrata^ terre de Juda, 
dont le prophète ' dit : « Et toi, Bethléem, terre de Juda, 
« tu n*es pas la dernière d'entre les principales villes de 
(* Juda ; car c'eil de toi que Ibrtira le chef qui conduira 
« mon peuple dMfraël. » (Mich., V, 2.) Les environs 
de Bethléem l'ont montagneux & très beaux; le bas des 
montagnes eft couvert d'arbres fruitiers: le nombre des 
oliviers, des figuiers & des caroubiers eft infini; les vi- 
gnobles abondent près de 'Bethléem^ & il y a beaucoup 
de champs fertiles dans les vallées. Non loin de l'églife 
de la Nativité, hors des murs, à une portée de flèche ^ vers 
le midi, fe trouve une grande grotte creufée dans la mon- 



'JL. en entrant dans l*églifef. — tce Afar, Mo. — e. Mîchée Maf^ 
b. au fud Mac, — c. autre MaCy S, — f. d*une demi-verfte environ 
Mo. — d. la moitié a été tranfpor- Mac^ Mo. 



b£ DANIEL (l 106-1 107). 41 



cagne ; & c'eft cette grotte qu'habita ' la fainte Vierge 
avec le Chrifl & Jofeph ^. 



XLIX. DE LA MAISON DE JESSÊ, PÈRE DE DAVID. 

A Torient de Vethléem^ à une portée de flèche de la 
ville, fe trouve un endroit nommé ^éthel. Là était la 
tMaifon de Jeffé^ père de David, & c'eft dans cette mai- 
fon que vint Samuel le prophète, pour facrer David, roi 
d'Ifraël, à la place de Saiil. 



L. DU PUITS DE DAVID. 

Là fe trouve le Tuits de David dont il défira jadis boire 
Teau, près de Fcndroit où les anges annoncèrent aux ber- 
gers la naiflTance du Chrift. A une verfte du lÀeu de la 
V^tivité, vers Torient, au pied de la montagne, dans la 
plaine, fe trouve Tendroit où les faints anges annon* 
cèrent aux bergers la naiflance du Chrift. Il y avait là 
une grotte, qui était furmontée d*une belle églife fous le 
vocable de faint Jofeph; & à côté fe trouvait un beau 
couvent; tout cela eft actuellement détruit par les mé- 
créants. Cet endroit eft fitué au milieu d'une belle plaine, 
dont les champs font très fertiles & où les oliviers pouflfent 
en quantité ; on nomme cette plaine cAgia Timina^ ce qui 
veut dire: faint pâturage; Saint-Sabbas y pofsède' une 
propriété au pied de la montagne du côté de VerhUem. 



a. pendant deux ans Mac, Mo, K, S, R, — c à côté Mac, Kf S, R. 
— b. après la Nativité du Chrift 

6 



41 I. VIE ET PÈLERINAGE 



LI. DE LA CAVERNE ' ET DU CHÊNE DE MAMBRÊ. 

Au Aid de Bethléem font finies Hênroriy la double ca- 
verne, & le Chine de éMamhré. Il y a vingt-huit ^ verftes de 
Jérufalem à Hébron^ le chemin paflfe par Vethliem^ juf- 
qu'où Ton compte Hx verftes, & trois ' de cette ville juf- 
qu*au fleuve (ÏEtham. Ceft de ce fleuve que le prophète 
David dit dans le pfautier: n Vous avez defféché les 
cr fleuves d'Etham, Le jour vous appartient & la nuit eft 
c« aufli à vous. » (Pr.,LXXIiI, i f , 1 6.) Le lit du fleuve eft ac- 
tuellement deffiêché, [mais] il coule fous terre, & reparait 
près de la él^er deSodome, dans laquelle il fe jette. Au delà 
de ce fleuve, eft une haute montagne pierreufe, couverte 
d*une grande & épaiflfe forêt''; le chemin qui traverfe 
cette effrayante montagne eft dangereux; c*eft un paflfage 
dont les Sarrafins profitent pour tomber fur ceux qui s'y 
rifquent en petit nombre. Quant à moi. Dieu m'avait pro- 
curé une bonne & nombreufe compagnie & je pus tra- 
verfer fans encombre ce terrible endroit, qui eft fitué non 
loin de la ville ' d'of/ca/o/i, d'oh les mécréants forcent en 
mafTe & afTaillcnt les voyageurs dans ce pafTage. Sur 
cette même montagne, dans cette même forêt, fut tué 
Abfalon, fils de David; il fuyait devant les armées de fon 
père,&|fon mulet l'emporta dans le plus épais de la forêt; 
une branche l'ayant accroché par les cheveux, il refla fuf- 
pendu à l'arbre, & reçut trois flèches dans le cœur, & c'eft 
ainfi qu'il mourut fur l'arbre/. De là au ^ Ihtits d^ alliance 
d'Abraham il y a dix verftes, & fix verftes de ce puits au 
Chine de Stf ambré. 



a. d*Hébron F. — b. vingt-deux rafini: F, — f. & fon père, le roi 

F, — c. vingt Mac, Mo, — d. dans David, le pleura K, — g. bon Afar, 

laquelle vivent beaucoup de lions Mo, f, /T, S^ R. 
6c de panthères Mac, Mo, — e. far- 



DE DANIEL (l 106-I I07). 43 



LU. DU MÊME SUJET. 

Ce chêne facré fe dreflfe fuperbe près du chemin, à 
droite^ fur une haute montagne; autour de fes racines. 
Dieu a pavé le fol en marbre blanc conmie le pavé d*une 
églife, & il eft merveilleux de voir fortir ce chêne facré 
du milieu de ces pierres. Le fommet de la montagne, au- 
tour de l'arbre, offre un efpace de terrain uni & fans 
pierres; & c*e(l près de ce chêne que fe dreflfait la tente 
d'Abraham, tournée vers Torient. Le chêne n'eft pas très 
élevé, mais il eft très noueux, bien fourni de branches & 
chargé de fîiiits; fes branches pendent fî bas, qu*un 
homme debout peut les atteindre du fol; il a deux fa- 
gènes de circonférence mefurées par moi '; la hauteur du 
tronc jufqu'à la racine des branches eft d'une fagène & 
demie. Il eft vraiment remarquable & merveilleux que cet 
arbre, qui, depuis tant de fiècles, couronne cette haute 
montagne, ne dépérifTe ni ne pourriffe, mais fe dreffe 
intaél, protégé de Dieu, comme s*il venait d*être planté. 
Ceft fous ce chêne facré que la fainte Trinité apparut au 
patriarche Abraham & mangea chez lui; c*eft là auffî 
qu^EUe bénit Abraham & fa femme Sara en leur vieil- 
leffe, en leur accordant la naiffance d*Ifaac. Elle indiqua 
aufn à Abraham la fource qui forme [jufqu à préfent un 
puits au pied de la montagne, près du chemin. Toute la 
contrée autour du chêne fe nomme oMamhré; c eft pour- 
quoi il s appelle Chêne de tMamhré. On compte deux 
verftes de là jufqu'à Hébron, 

a. avec mes bnui Mac^ Me, 



44 I* VIE ET PÈLERINAGE 



LUI. DE LA MONTAGNE D'HÊBRON. 

Hébron eft une haute montagne, fur laquelle fe trouvait 
une grande ville, très bien fortifiée, dont les édifices font 
fort anciens; jadis une grande population habitait cette 
montagne, mais maintenant elle efl déferte. Le premier 
habitant de la montagne d'HAron fut Chanaan, fils de 
Cham & petit-fils de Noé, qui, venu après le déluge & la 
condrudlion de la tour de Babel, peupla toute la contrée 
autour (ï Hébron j qui fut nommée terre de Chanaan, Dieu 
promit cette terre à Abraham, quand il était encore en 
éMéfopotamie^ à Haran, où fe trouvait la maifon de fon 
père. Et Dieu dit à Abraham : a Sortez de votre pays & 
c de la maifon de votre père & venez en la terre de Cha- 
a naan; je vous donnerai cette terre à vous & à votre 
cr poftérité à jamais & je ferai avec vous. « (Gen.,XII, i, 
7.) A préfent cette terre eft vraiment la terre promife 
de Dieu & dotée par Lui de tous les biens : le froment, 
la vigne, Tolivier & tous les légumes y viennent en 
abondance; le bétail efl nombreux; les brebis & autres 
bêtes mettent bas deux fois par an; beaucoup d'abeilles 
font leurs ruches dans les rochers de ces belles mon- 
tagnes; les verfants en font couverts de vignobles & d*un 
nombre infini d^arbres fi*uitiers: des oliviers, des figuiers, 
des caroubiers, des pommiers, des cerifiers & autres 
arbres, & il y a là toute efpèce de légumes, qui font 
meilleurs & plus grands que ceux du refte de la terre; il 
n*y en a nulle part de pareils Ibus le ciel. L'eau efl ex- 
cellente dans cette contrée & falutaire à tout le monde, 
& tous les environs d'Hébron fe diflinguent par leur 
beauté & leur ferdlité indefcripdbles. Sur la montagne 
d'Hebron fe trouvait auffi la éMaifon de Vavid, où il vécut 
huit années lorfqu'il fut cxpulté par fon fils Abfalon. La 



DE DANIEL (l I06-I IO7). ^^ 

Double caverne d*o4braham n*e(l qu'à une demi-verfte 
éCH/bron. Elle eft caillée dans le roc & contient les fépul- 
tures d* Abraham, d'Ifaac & de Jacob. Abraham acheta 
cette double caverne à Ephron le Héthéen, pour fervir de 
fépulture à toute fa poftérité, quand il vint de (Mijofo^ 
tamie au pays de Chanaan ; & cette double caverne^ qu*il 
acheta en guife de fépulture pour foi & les fiens, fiit fa 
première acquifîtion. Une petite & folide enceinte en- 
toure maintenant cette caverne & eft ingénieufement 
bâtie en grandes pierres de taille formant de hautes mu- 
railles; cette caverne fe trouve au fond de Tenceinte^ & 
tout rédifice eft pavé de dalles en marbre blanc. Ceft 
fous ce lieu ' qu'eft caillée la caverne, où repofent Abra- 
ham, Ifaac, Jacob & tous fes enfants, & leurs femmes Sara, 
Rebecca *, excepté Rachel qui eft enterrée fur la route de 
Bethléem. Ces fépulcres font (itués féparément au fond 
de la caverne & furmontés chacun de petites chapelles 
rondes; les fépulcres d'Abraham & de fa femme Sara font 
à côté l'un de Tautre, ainfî que ceux d'Ifaac & de fa 
femme Rebecca, & de Jacob & de fa femme Lia. 



UV. DU TOMBEAU DE JOSEPH. 

Le tombeau du beau Jofeph eft fîtué hors de Fédifice, 
à un jet de pierre de la Double caverne j & cet endroit 
porte aéluellement le nom de Saint-cAhraham. Près de là, 
à la diftance d'une verfte de la Double caverne^ vers le 
midi, fe trouve une haute montagne, dont la fainte Tri- 
nité fit lafcenfîon avec Abraham, qui l'accompagnait de- 
puis le Chêne de oMambri. Sur le fommet de cette mon- 
tagne eft une très belle place, où Abraham, fe profternant 

^, DfR; pont d. it autres mf, — b. & Lia Mac^ Mo^ f, Kf S^ R, 



46 I. VIE ET PÈLERINAGE 

la face contre terre, adora la fainte Trinité & lui adreflfa 
la prière fuivante : 



LV. DE LA PRIÈRE D'ABRAHAM. 

cf Seigneur ! Perdrez-vous le jufte avec Timpie ? S'il y 
cr a cinquante juftes dans Sodome, ne pardonnerez-vous 
Cf pas plutôt à la ville à caufe de cinquante juftes ?» Le 
Seigneur lui répondit : ce Si je trouve dans tout Sodome 
<c cinquante jufîes, je pardonnerai à caulb d'eux à toute 
c la ville. » Se prodernant de nouveau devant Dieu, Abra- 
ham dit : a S'il y a trente judes dans Sodome, ne pardon- 
cf nerez-vous pas à toute la ville? m Et le Seigneur répon- 
dit: a Si je trouve trente juftes dans Sodome, je ne perdrai 
cr point la ville. » S'étant profterné devant Dieu, Abraham 
dit : cr Seigneur très miféricordieux & patient pour nos 
cr impiétés, ne vous fâchez pas contre votre ferviteur H je 
cr parle encore une fois : (1 vous trouvez quinze juftes dans 
ce Sodome, ne pardonnerez-vous pas, Seigneur, à toute 
ce la ville à caufe de quinze juftes ? » Et le Seigneur ré- 
pondit : ce Si je trouve quinze juftes dans Sodome, je ne 
ce la perdrai point à caufe d eux, fi j'en trouve cinq je ne 
cr la perdrai point non plus, a Et Abraham fe tut & n'ofa 
plus répliquer. (Gen., XVIII, 23, 32.) C'eft de cette 
montagne que la fainte Trinité envoya deux anges à 
Sodome pour en faire fortir Loth, le neveu d'Abraham. 
Ccft là' qu'Abraham offrit un facriiice à Dieu, en 
jetant du froment dans le feu; c'eft pourquoi ce lieu 
s'appelle : Sacrifice (Toihraham. Il eft très haut placé & 
l'on découvre de là toute la terre de Chanaan. Du Sa- 
crifice d'oAhraham à la vallée de Gre\nowa on compte 

a. i|uc la fainte Trinité devint invifible i Abraham & K, Ar^ K, 



DE DANIEL (l I06-1 107). 47 

une verfle, autant de la vallée de Greinowa à Vo4ire 
d*Q4naioI, 



LVI. DU SÉPULCRE DE LOTH A SIGOR. 

• 

De là à Sigor on compte deux verftes. On y voit le 
fépulcre de Loth & de fes deux filles, & ce font deux 
fépulcres di(tin(fls. Dans cette même montagne fe trouve 
une grande caverne, dans laquelle Loth fe réfugia avec 
fes filles. Il y a là aufli les reftes d'une ville des premiers 
habitants de cette contrée; elle était fituée fur les hau- 
teurs de cette montagne, & ce lieu fe nomme' Sigor. 
A une verde ^ de diftance de Sigor vers le midi, fur une 
élévation, fe trouve une colonne en pierre qui eft la 
fenune de Loth. De cette colonne jufqu*à Sodome il y a 
deux verftes. J*ai vu tout cela de mes propres yeux; mais 
je n*ai pu porter mes pas jufqu'au lieu ' de Sodome, de 
crainte des mécréants; les fidèles m'empêchèrent d'y 
aller en difant : c Vous n'y verrez rien de bon & n'é- 
a prouverez que des tourments en fentant une odeur 
c aflfreufe, qui peut vous rendre malade. » Par conféquent, 
nous retournâmes à Saint-oéhrahanij &, protégés par la 
miiéricorde de Dieu, nous arrivâmes en bonne fanté dans 
Tenceinte de la Double caverne ; nous en vénérâmes les 
faints lieux, & nous nous y repofâmes pendant deux jours. 
Grâce à Dieu, nous trouvâmes une nombreufe compa- 
gnie fe rendant à Jérufalem ; nous nous joignîmes à elle 
& fîmes chemin enfemble, joycufement & fans crainte ; 
nous arrivâmes en fureté à la fainte cité de Jérufalem & 
rendîmes gloire à Dieu de nous avoir accordé, à nous 
indignes, de vifiter ces lieux, dont la fainteté ne peut être 
rendue d aucune fiiçon, ni en parole ni par écrit. 

a. aâuellement K. — b. demi-verftc D, — c. jufqu'à la mer F, 



48 I. VIE ET PÈLERINAGE 

* Au midi de ^Bethléem *, fe trouve le couvent de Saint' 
Charitoriy fur le fleuve Erham, ci-devant cité, non loin de 
la cUfer de Sodome, au milieu de montagnes pierreufes & 
dans un endroit défert. Il eft terrible cet endroit & aride : 
Teau y manquant abfolument^; une effrayante gorge 
rocailleufe eft à Tes pieds. Ce couvent était entouré de 
murailles, &, au milieu de l'enceinte, s'élèvent deux églifes 
dont la plus grande contient le tombeau de faint Chari- 
ton. Hors des murs Te trouve une grande grotte fépul- 
crale, contenant des reliques des Taints pères, qui y re- 
pofent au nombre de plus de lept cents''; il y a, entre 
autres, les reliques de faint Cyriaque le Confeflfeur, dont 
le corps e(l par^itement confervé, & des ' fils de Xéno- 
phon, Jean & Arcadius, qui exhalent un merveilleux 
parfum. Nous faluâmes ce Taint lieu & gravîmes la^ 
montagne qui efl à une verfte du couvent vers le fud. 
Il y a un endroit uni dans un champs, d'oh TAnge 
enleva le prophète Habacuc qui apportait à boire & à 
manger aux moiflfonneurs, & le tranfporta à Vabylone, 
dans la foflfe du prophète Daniel^. Ayant raflfafté & déf- 
alréré ce dernier, il fut de nouveau cranfporté, le même 
jour & à la même heure, près des moillonncurs auxquels 
il donna leur dincr ; fur ce lieu ell érigée une efpèce de 
chapelle en mémoire du miracle. Vabylone en eft éloignée 
de quarante jours '. Non loin s'élève aufli une grande 
églife, à toit en charpente, confacrée aux faints prophètes. 
Sous réglife, le trouve une grande caverne, dans laquelle 

a. Peu lie jours après nous al- cents T. — e. deux Mac, Ar^ K^ Sy 

lames au couvent de Saint- Cha- A. — f. haute F. — g. fur une 

riton MaCy Mo, Fy T, A. — b. à montagne Mo; à gauche K^S^R, 

cinq verftes de diftance F, Ky S, R, — h. Se de JèrufaUm à Babylone 

— c. le couvent de Saint-Chariton il y a deux mille foixante-cinq 

s^élève majeftueux au milieu des verftes AfAr,Af0. — i. en voyageant 

montagnes pierreufes Mac^ Mo, F. rapidement Macy Ma. 
— d. cinq cents Mac, Mo\ huit 



DE DANIEL C 1 1 06- 1 1 07). 4Ç 

repofent, dans crois châflfes, les reliques de douze pro- 
phètes: Habacuc, Nahum'', Michée, Ezéchie^, Abdias% 
Zacharie, EzéchieH, Ifmaël, Saveïl^ Barruch, Amos & 
Ofée '. Un très grand village, fitué fur la montagne voi- 
(ine, eft habité par beaucoup de Sarrafins & de chrédens. 
C'eft le village 011 naquirent les faints prophètes, & c*e(l 
là leur patrie. Nous y paflTâmes une nuit, protégés par la 
grâce de Dieu & très bien accueillis par les chrédens qui 
y habitent. Ayant bien dormi la nuit, nous nous levâmes 
de bonne heure pour nous rendre à ^Bethléem. Le chef 
farrafîn, en armes, nous efcorta jufqu'à Bethléem & nous 
accompagna partout; fans quoi nous n'aurions pu tra- 
verfer ces lieux, à caufe du grand nombre de Sarrafins 
qui commettent des brigandages dans les montagnes. 
Nous arrivâmes donc heureufement à la fainte ville de 
VerhUem, &, après avoir adoré le Lieu de la ff^anvité du 
Chrift, nous y paflTâmes la nuit & revînmes avec joie 
dans la fainte cité de Jirufalem. 



LVU. DU LIEU ou DAVID TUA GOLIATH. 

Près de Jirufalemy à une portée de flèche, à Torient de 
la Tour de Vavid^ fe trouve lendroit 011 David tua Go- 
liath; il eft dans une plaine près d'une citerne/, & on y 
voit maintenant de beaux champs de blé. A une portée 
de flèche de là fe trouve la grotte, dans laquelle repofent 
les reliques de beaucoup de faints martyrs, qui ont fouf- 
fert à JérufaUm fous le règne d'Héraclius, & cet endroit 
fe nomme : oi^a étiamilla. 



a. Joël Kf Sf R, — b. Eséchiel Ezéchîc d. Us autrts mf, — e. So- 
Kf S. — c. Judas F, — d. D. F.j phonie Mae^Mê, — f. d'un mur F. 

7 



f O I. VIE ET PÈLERINAGE 



LVIII. LE LIEU OU POUSSA L'ARBRE DE LA 

SAINTE CROIX. 

Il y a une verfte de ce lieu à celui de la S aime-Croix ^ 
(icué à Toccidenc de férufalem^ derrière une montagne; 
c*eft là que Ton coupa le Tabouret de la Croix^ auquel 
furent cloués les divins pieds de Notre Seigneur Jéîus- 
Chrift. Ce lieu eft entouré' de murailles, au milieu def- 
quelles s*élève une grande églife, confacrée à la fainte 
Croix & richement ornée de peintures. Sur le grand 
autel, très bas, fe trouve le tronc de cet arbre facré, 
recouvert de dalles en marbre blanc, qui ne laiflfent 
qu*une petite ouverture ronde pour le voir. Il y a là un 
couvent ibérien. 



LIX. DE LA MAISON DE ZACHARIE K 

Il y a quatre verftes de ce couvent à la éMaifon de 
Zacharie^ (ituée au pied d*une montagne à loccident de 
Jérufalem. C*efl dans la iMaifon de Zacharie que la fainte 
Vierge vint faluer Elifabeth, & auflltôt qu^Elifabeth eut 
entendu la voix de Marie qui la faluait. Ton enfant tref- 
faillit de joie dans fon fein, & elle s*écria : a Vous êtes 
cf bénie entre toutes les femmes & le fruit de votre fein 
ce eft béni; & d'où me vient ce bonheur que la mère de 
a mon Seigneur vienne à moi? i> (Luc, 1,42.) Dans cette 
même maifon naquit Jean le Précurfeur. Une églife fur- 
monte maintenant cet endroit; en y entrant à gauche ', 
fous le pedt autel, on voit une pedte caverne dans la- 

a. afluellement Mtu^ Mo. — — c à droite D, 
b. père de Jean-Buptifte Mac^Mo, 



DE DANIEL (l 106-1 107). f I 



quelle naquit Jean le Précurfeur. Tout cet endroit e(t 
entouré d*une enceinte en pierre. 



LX. DE LA MONTAGNE OU ELISABETH SE RÉFUGIA 

AVEC LE PRÉCURSEUR. 

A une demi-verfte de là, au delà d*une vallée pleine 
d'arbres, Te trouve la montagne vers laquelle Elifabeth 
accourut avec Ton fils, & dit : c Reçois, ô montagne, la 
Cl mère & lenfant ! >> Et la montagne s'entr ouvrit & leur 
donna afile. Arrivés à ce lieu, les foldats d'Hérode qui 
la pourfuivaient, ne trouvèrent perfonne & s'en retour- 
nèrent confondus. On voit jufqu'à préfent Tendroit de 
cet événement dans le rocher. Au-defîus s'élève une 
petite églife, fous laquelle fe trouve une petite grotte; 
& à rentrée de celle-ci eft adoflee une autre petite 
églife. Oeft de cette grotte que coule une fource d'eau ' 
qui abreuva Elifabeth & Jean pendant leur féjour dans 
la montagne, où ils relièrent, fervis par un ange, jufqu'à 
la mort d'Hérode. Cette montagne, qui eft à l'occident 
de Jérufalem, eft très haute, couverte de grandes forêts 
& entourée de nombreufes vallées; elle fe nomme Orini. 
C'eft aufli dans cette montagne que fe réfugia le pro- 
phète David, quand, perfécuté par le roi Saiil, il s'enfuit 
de JiruJaUm, 

LXI. DE RAMA. 

V^ma eft fituée à deux verftes à l'occident de cette 
montagne; c'eft de cette 'R^ma que le prophète Jérémie 
dit : cr Un grand bruit a été entendu dans V^ma^ on y a 

a, blanche comme le lait Moi^ Mû* 



f 2 I. VIE ET PÈLERINAGE 

cr entendu des cris & des plaintes lamentables^ Rachel 
(' pleurant Tes en&nts & ne voulant point recevoir de 
« confoladon, parce qu'ils ne font plus. » (Jér., XXXI^ 
I f i Matth. Il, i8.) Hama eft un grand vallon dans lequel 
étaient épars pluHeurs villages ; toute la contrée environ- 
nante porte adluellement le nom de T(ama & conftitue le 
territoire de TBethliem. Ceft à 'R^ma que le roi Hérode 
envoya fes foldats pour maflfacrer les faints Innocents. 

LXII. d'emmaus''. 

De ^ma, en fe dirigeant vers Toueft, on compte 
quatre verftes jufqu'à Emmaùs, oh, le troifième jour après 
fa réfurreétion, le Chrift apparut à Luc & Qéophas qui, 
de Jirufalem^ s'en allaient dans le bourg; & ils le recon- 
nurent quand II eut rompu le pain. C'était un grand 
bourg, & une églife y fut bâtie ; mais, maintenant, tout 
eft détruit par les mécréants, & le bourg d'Emmaûs eft 
défert. Il eft (itué derrière une montagne, à droite, non 
loin du chemin qui mène de Jirufalem à Joppi. 

LXIII. DE LYDDA. 

ïy Emmaùs à Ljida il y a quatre verftes à travers la 
plaine ; c'était jadis une grande ville, celle qu'on appelait 
Lydia ; elle fe nomme aujourd'hui 1{ambilieh K Ceft là 
que Pierre guérit Enée ' qui gifait nudade fur fon Ut. 

LXIV. DE JOPPÉ. 

Il y a dix ^ verftes de Lydda à foppé toujours à travers 
la plaine. Ceft dans cette ville que le faint apôtre Pierre 

a. Mact 7, K^ S^ R; Elmaûs </. c. Mac, Mo^ F, Kf S$ Enie d. 
(fautris mf, — b. Ramli AT, S, — ^autrts mf, — d. huit Ar \ cinq K, 



DE DANIEL ( 1 1 o6- 1 1 07). f 3 

reflurdca Tabiche. Ceft auffi là que Pierre qui jeûnait, 
étant monté fur le haut de la maifon vers la neuvième 
heure, vit defcendre du ciel une nappe liée par les quatre 
coins, &, quand elle fut parvenue jufqu^à lui, il vit qu'elle 
était remplie d'animaux terreftres & de toute forte de 
reptiles. Une voix du ciel lui dit : a Pierre, levez- vous, 
rr tuez & mangez ! » Et Pierre répondit : c Seigneur, je 
<t n'ai jamais rien mangé de ce qui eft impur & fouillé. a> 
Et la voix du ciel lui dit : cr N appelez pas impur ce que 
f Dieu a purifié, a (Adl., X, 13, 14.) Une églife s*élève 
maintenant à cet endroit fous le vocable de faint Pierre. 
La ville de foppé eft fituée au bord de la mer & les vagues 
lavent fes murs. Elle s*appelle maintenant Jajfa en langue 
franque. On compte fîx verftes de faffa à Tarfouf. 

LXV. DE CËSARÊE DE PHILIPPE. 

De Tarfouf^ à Cifarée de Thilippe la dillance eft de 
vingt-quatre verftes, par un chemin qui longe le bord de 
la mer. Ceft dans cette même Cifarée que le faint apôtre 
Pierre baptifa Cornélius. Non loin de cette ville, à deux 
verftes vers le midi, fe trouve une montagne fur laquelle 
vivait le père Martinien ^, chez qui vint une courtifane 
pour le tenter. 

LXVL DE CAPHARMAUM. 

Cifarie de Thilippe eft éloignée de huit ' verftes de 
Caphamaàm. Cette dernière ville était jadis très confidé- 
rable & très peuplée; mais aéluellement elle eft déferte 
& fituée non loin de la grande mer. C*eft de ce Caphar^ 

a. Arfouf D. — b. AT; Marcten cinquante F, 7^ AT. 
d. d" autres mf, — c. dix-huit Mo; 



f4 I. VIE ET PÈLERINAGE 

naûm que le prophète dit: « Malheur à coi^ Capharnaûm! 
CI Tu t'élèveras jufqu*au ciel & tu feras abaiflfèe jufqu'au 
<» fond de l'enfer. « (Luc, X, if.) Ceft dans cette ville 
que doit fe manifefter PAntechrift, & c'eft pour cela que 
les Francs l'ont abandonnée. 

LXVII. DU MONT CARMEL*. 

Il y a à peu près fîx verAes de Capharnaûm au cMont 
Carmel. Oeft fur cette montagne que le faint prophète 
Elie vécut dans une caverne & qu'il fut nourri par un 
corbeau; c'eA fur cette même montagne qu'il maflfacra 
les prêtres de Babel en difant : a Je brûle de zèle pour 
ce mon Seigneur Dieu, a (III Reg., IX, 14.) Cette mon- 
tagne eft très élevée & fe trouve à une verfte environ 
de la grande mer; on compte une feule verfte du iMont 
Carmel jufqu'à Caîpha ^. 

LXVIII. DE LA VILLE D'ACRE. 

La didancc e(l de quinze verdes entre Caîpha & cAcru, 
C'ed une grande ville, folidcment bâtie & poflfédant un 
bon port; elle appartenait aux Sarrafins & eft adluellc- 
ment occupée par les Francs. Il y a dix ' verftes à'<Acre à 
la ville de Tyr & autant "^ de Tyr à Sidon. Non loin fe 
trouve le hameau de Sarepta de Sidon, oii le prophète 
reflfufcita le fils de la veuve. 

LXIX. LA VILLE DE BËRYTHE. 

La diftance entre Sidon & 'Birythe eft de quinze verftes. 
Ceft dans cette ville que les Juifs percèrent d'une lance 

a. K^ R \ Cv^iWiit d. iCautris mf, c. vingt Afur, 7*, K^ Sp R. — 
— b. f j Klt'A, «/. itault'fs mf, — il. doiixe Mac, Mo^ K^ S, 



DE DANIEL ( 1 1 o6- 1 1 07). f f 

rimage du Chrift^ dont jaillirent du fang & de Peau; & 
beaucoup fe convertirent alors & Te firent baptifer au 
nom du Père, du Fils & du faint Efprit. C'eft dans cette 
même ville de 'Birythe que les fils de Xénophon, Jean & 
Arcadius vinrent étudier la philofophie. De Vérythe ' jus- 
qu'à Zehel il y a vingt verftes \ de Zthel à Tripoli quarante, 
& de Tripoli à la rivière Souiia foixante. 



Lxx. d'antiochie la grande. 



o4ntiockie la grande, fituée fur ladite rivière, eft éloignée 
de huit^ verftes de la mer; à cent verftes plus loin fe 
trouve Laoiicée ', puis viennent la Tetite olmiochie, Kani^ 
noros^, éMavronoros', la petite ville de Satalia-f, la petite 
île de Khilidonie^, Toutes ces villes font au bord de la 
mer; nous paflfames toutes ces villes fans aborder, ôc\ de 
crainte de gens armés, ne jetâmes pas Tancre à Khilidonie. 
De là nous nous dirigeâmes vers (Mjre, ainfi que vers la 
ville de Tarera ; nous rencontrâmes près de cette dernière 
quatre galères portant des pirates, qui nous aflfaillirent 
& nous dévalisèrent. De là nous nous dirigeâmes vers 
Conftantinople^ que nous atteignîmes en bonne fanté. 

LXXI. DE LA GALILÉE ET DE LA MER DE TIBÉRIADE. 

Voici le chemin conduifant de Jirufalem en Galilée, 
vers la mer de Tihériade, vers le éMont Thahor & vers 
S^ffiareth ; toute cette contrée, qui confine à la mer de 

a. Di Rythe </. tPamfres mf, — mf. — g. S; Khidonîe </. étautrts 

b. cinquante Mac^ S. — c. 7, K^ S; m/. — h. fans y aborder de crain te 

AâécK d, itamtrfs mf, — d. Kali- de gens armes maïs Jetâmes 

nerof Ac, — e. Manineros F. — Pancre à Khtlîdonie Mac^ Mo^ F, 

f. F, K^S^Ri Satilia d, dTamires 7^K^S,R. 



fô t. VIE ET PÈLERINAGE 



Tihiriadey fe nomme Galilée & eft fituée à rorienc eftival 
de Jérufalem. La ville de Tibériade eft à quatre jours à 
pied de f/rufaUm, & ce chemin eft très dangereux & 
très pénible; on marche pendant trois jours à travers des 
montagnes pierreules, & le quatrième on traverfe la vallée 
du Jourdain, toujours dans la direction de Porient jus- 
qu'aux fources du Jourdain, à Tendroit où il découle de la 
mer. Voici comment je fis ce chemin avec Taide de Dieu : 
le prince de Jérufalem, Baudouin, allait faire la guerre 
vers VamaSy en paflfant par la route conduifant à la Stter 
de Tibériade ; car c'eft là le chemin qui mène à Damas. 
Ayant appris que le prince Suivrait cette route, je me ren- 
dis chez lui, &, le faluant, lui dis : o Je voudrais bien aller 
rr avec toi du côté de la Stfer de Tibériade pour vifiter tous 
cv les faints lieux qui s*y trouvent; pour Tamour de Dieu, 
f prends-moi avec toi, prince ! » Le prince me permit avec 
plaifir de le fuivre & m'ordonna de me joindre à fa l'uite, 
ce dont je profitai avec grande allégrefTe; & je me procu- 
rai des montures. Ainfî donc, fans crainte ni péril, nous 
paflfâmes ces effrayants endroits avec les troupes prin- 
cières; car perfonne ne peut les franchir fans efcorte; 
& ce n*cil que faintc Hélène feule qui parvint à le faire. 
Voici le chemin de Tibériade: de féruf aient au Tuirs de 
la f aime Vierge la diflance eft de dixverftes; de ce puits 
jufqu*aux montagnes de Gelboé il y a quatre "* verftes. 
Ceft fur ces montagnes que furent tués Saiil, roi de Juda, 
& l'on fils Jonathan ; elles font hautes, rocaillcufes, arides 
& manquent deau; la rofée même ne tombe jamais fur 
elles. De ces montagnes au Tuirs de David on compte 
deux verftes, & du puits à la Caverne de David quatre 
verftes; c*eft dans cette caverne que Dieu livra le roi Saiil 
aux mains de David qui ne le tua pas, mais lui coupa un 

a. quatorze Mac^ Mo, 



DE DANIEL (l I06-1 107). f7 

pan de fon manteau & prit Ton épée & Ton couvre- 
mains. De là jufqu'aux montagnes de Sichem & à la Foffe 
de Jofeph il y a quatre verftes; les fils de Jacob paiflTaient 
dans ces montagnes les troupeaux de leur père; & Jofeph 
le beau vint chez Tes frères, leur apportant la paix & la 
bénédidlion de la part de Jacob, leur père ; mais, Tayant 
vu, ils fe levèrent^ le faiHrent & le jetèrent dans une foITe, 
qui exifte jufqu*à ce jour, & forme une citerne profonde, 
folidement revêtue de grandes pierres. Nous eûmes la 
chance de palTer la nuit dans ce même endroit qui fe 
trouve non loin du grand chemin, à droite. 

LXXII. DU PUITS DE JACOB. 

On compte dix verftes de là au hameau de Jacob, 
nonuné Sichar, C'eft là que fe trouve le Tuits de Jacohy 
qui eft très grand & profond, & dont Teau eft très fraîche 
& agréable au goût; c*e(l près de ce puits que le Chrift 
caufa avec la femme Samaritaine; & c'efl là que nous 
paflâmes la nuit. 

LXXIII. DE SAMARIE. 

Non loin, à une demi-verfte environ, eft fituée la ville 
de Samarie. Elle eft très grande & abonde en toutes 
chofes; elle fe trouve entre deux montagnes très élevées; 
de belles & nombreufes iburces d^eau froide traverfent 
la ville, & des arbres fruitiers de toute efpèce y pouflfent 
en grand nombre : des figuiers, des noifeders, des carou- 
biers, des oliviers, qui forment autour de Samarie comme 
des forêts touffues, qui bordent des champs très fertiles 
en toute efpèce de blé ; tout ce territoire eft remarqua- 
blement beau & très productif en huile, vin, froment, 

s 



fô I. VIE ET PÈLERINAGE 

fruits ; pour tout dire, la viUe de férufaUm en rire cous 
Tes alimenrs. La ville de Samarie $*appelle à préfenc Sf^a- 
polis. A deux verftes de là, à roccidenc, eft finiée Sébafto- 
polis ; il y a [là] une petite enceinte qui renferme la pri- 
fon de faint Jean-Baptifte, dans laquelle le Précurfeur de 
Chrift fut décapité par ordre du roi Hérode; on y voit 
Ton tombeau & une belle églife eft érigée en ce lieu fous 
le vocable du Précurfeur, ainfi qu*un couvent franc très 
riche. 

LXXIV. DE LA VILLE D'ARIMATHÉE *. 

Il y a quatre verftes de là à o4rimatMe ^, oh fe trouve 
le Tombeau de faim Jofeph & de faint Maléïl '. Cet en- 
droit eft fitué dans les montagnes à Toueft de Samarie, & 
une petite enceinte y eft conftruite ; une belle églife à toit 
en charpente s*élève au-deflfus du Tombeau de faim Jo- 
feph ; & cet endroit fe nomme oArimathée, De Samarie à 
la éMer de TibMade le chemin fe dirige vers Torient eftival. 



LXXV. DE LA VILLE DE BEISAN. 

De Samarie à la ville de Veifan on compte trente verftes : 
c*eft dans cette ville que réfîdait Og, roi de Veifan, tué 
près de Jéricho par Jofué, fils de Nun. Cet endroit eft 
effrayant & terrible ; iept ^ rivières découlent de la ville, 
& des joncs pouffent en abondance fur leurs bords ; des 
bocages épais de dattiers croifTent dans la ville. Cet en- 
droit eft vraiment terrible & dangereux à paflèr ; de puif- 
fants & impies Sarrafins y habitent en grand nombre & 

a. Rîmatha O. — b. petite ville reufes Mac^Mo^ F« — c. K ; Malé- 
fituée dans des montagnes pier- léîl d. tt autres mf. — d. fix At\ 



DE DANIEL ( 1 1 o6 - 1 1 07). f 9 

attaquent les voyageurs, profitant des gués des rivières. 
Beaucoup de lions hantent ces parages qui ne font pas 
éloignés du Jourdain ; de grandes nappes d*eau ftagnante 
réparent le Jourdain de la ville de TBeifan; ces rivières 
vont fe jeter dans le Jourdain & c*e(l là qu il y a beau- 
coup de lions. Près de la ville, du côté de Torient, fe trouve 
une remarquable caverne naturelle en forme de croix ; 
une fource en découle qui fe répand dans un réfervoir 
miraculeux, non fait de main d'homme, mais créé par 
Dieu. C'eft dans ce baflin que le Chrill lui-même fe bai- 
gna avec fes difcîples ; on voit jufqu'à préfent la pierre 
fur laquelle 11 s*a(Ct. Nous, indignes pécheurs, nous nous 
y baignâmes aufli. Oeft dans cette même ville de Heifan 
que les Juifs s'approchèrent du Chrift "*, en lui montrant 
un denier & en lui difant : v E(l-il permis de payer le 
ce tribut ou non ? » Mais II leur répondit : rr De qui eft 
R cette image & cette infcription ? Rendez donc à Céfar 
c ce qui eft à Céfar & à Dieu ce qui eft à Dieu. » Et, 
s*adre(Iànt à Pierre, le Chrift dit : « Allez, jetez votre ligne 
ce à la mer, & le premier poiflbn que vous drerez de Teau, 
rr ouvrez-lui la bouche ; vous y trouverez un ftratère de 
rr quatre drachmes, que vous leur donnerez pour moi & 
ce pour vous » (Matth. XVI!, 27; XXII, 2ï, 22). C'eft 
encore près de TBei/an que le Chrift guérit deux aveugles 
qui le fuivaient en Tappelant. 

LXXVl. DU FLEUVE DU JOURDAIN. 

De Veifan aux fources du Jourdain & au Téage de o^far- 
thieu, on compte vingt verftes ; fe dirigeant toujours vers 
Torient, le chemin paflfe par des plaines longeant le Jour- 
dain, dont leau eft douce & très pure, jufqu en amont. 

a. pour le tenter Mac^ F^ Kf S, 



6o I. VIE ET PÈLERINAGE 

Le Jourdain fort de la éMer de Tihiriade en deux bras 
écumanc merveilleurement, & donc Fun s'appelle Jor & 
lautre Van ; c*eft ainfi que le Jourdain découle de la oMer 
de Tibériade en deux embranchements^ qui font diftancs 
de crois portées de flèche, &, après avoir été féparés pen- 
dant une demi-verfte environ, fe réuniflfenc en un feul 
fleuve qui fe nomme Jourdain du nom des deux bras. 
Le cours du Jourdain eft crès rapide & crès finueux ; Teau 
en eft crès pure, & il eft tout femblable au fleuve Snov 
par fa largeur, fa profondeur & fes nappes d'eau ftag- 
nante; en amont, U abonde en poiflfons; là deux ponts 
en pierre, très folidement bâtis fur des arches, à travers 
lefquels coule le Jourdain^ réuniflenc les deux cours d'eau. 

LXXVII. DU PÉAGE DE MATTHIEU. 

Près de ces ponts était établi le T^age de SManhieu^ 
apôtre du ChrÛl ; car c'eft là que fe rejoignent tous les 
chemins menant à Vamas & en â\iéfopotamie. Ce fut 
près de ces ponts que le prince Baudouin fe difpofa pour 
dîner avec les troupes ; nous campâmes aufli avec lui 
près des fources même du Jourdain^ où nous nous bai- 
gnâmes dans la éAfer de Tibériade. Nous errâmes enfuite 
fur les bords de cette mer fans crainte ni frayeur, vifitant 
tous les faints lieux que le Chrift, notre Dieu, avait foulé 
de fes pieds ; tout pécheur indigne que je fuis. Dieu m'ac- 
corda la grâce de parcourir & de voir toute cette terre 
de Galilée que je n'efpérais jamais contempler; néan- 
moins Dieu me permit de fouler de mes pieds indignes & 
de voir de mes yeux de pécheur toute cetce fainte con- 
trée n défirée. J'ai décrit ces faints lieux véridiquement, 
fans mentir, tels que je les ai vus ; beaucoup d'autres, en 
atteignant ces lieux, ne peuvent les bien explorer & font 



DE DANIEL ( I Io6- 1 107). 6 1 

induits en erreur; d*aucres encore^ fans parvenir à ces 
lieux, en racontent beaucoup de menfonges & de fables. 
Quant à moi, pécheur. Dieu m'indiqua un faint homme, 
d*un grand âge, très érudit & d*une vie fpirituelle, qui 
avait paflfé trente ans en Galilée & vingt ans dans la 
Laure de Saint-Sahhas^ & cet homme me donna toutes les 
explications puifées dans les fainces Ecritures. Comment, 
pécheur comme je fuis, reconnaicrai-je dignement tout 
le bien que j'ai vu ? Nous campâmes tout ce jour près de 
ce pont; &, vers le foir, le prince Baudouin, paflfant le 
Jourdain avec fes troupes, fe dirigea vers VamaSy tandis 
que nous allâmes à la ville de Tihiriaie^ où nous reliâmes 
dix jours, jufqu*au recour du prince Baudouin de fon ex- 
pédition à Vantas ; 6c, pendant ce temps, nous parcou- 
rûmes tous les lieux faints fur le bord de la S^er de Tihé^ 
riade, 

LXXVIII. DE LA MER DE TIBÉRIADE. 

On peut faire le tour de la SMer de Tibériade comme 
d*un lac ; Teau en eft très douce ' & on n*en boit jamais 
aflez. Sa longueur eft de cinquante verftes fur vingt de 
largeur. Cette mer eft très poiflTonneufe, & elle pofsède 
furtout un poifTon dans le genre de la carpe, remarquable 
par fon goût fupérieur à tout autre poiflfon, & que le 
Chrift aimait beaucoup ; moi-même j*en ai mangé plu- 
sieurs fois pendant mon féjour dans la ville. C*e(l le même 
poiflTon que le Chrifl mangea après fa réfurreélion, quand 
il vint à fes difciples qui péchaient & dit : k Enfants, 
a n*avez-vous rien à manger? » Us lui répondirent: 
ce Non. jj Et 11 leur dit : ^ Jetez le filet du côté droit ^. a 
(Jean XXI, f , 6.) 

a, non falée comme dans la rivière Mar, Mo. — b. de la barque F. 



62 I, VIE ET PÈLERINAGE 



LXXIX. DES SOURCES DU JOURDAIN. 

U y a fix verftes des fources du Jourdain & des poncs 
jufquaux Vains du Chrift^ de la falnce Vierge & des 
apôtres ; &, de ces bains lacrés à la ville de Tihériade^ 
la diftance efl d'une verfte. La ville de Tihériade eft très 
grande ; elle a deux verfles de longueur lur une de lar- 
geur, & eft fituée fur le bord de la mer. Le Chrift, notre 
Dieu, y fit beaucoup de miracles ; on montre Tendroit, 
au milieu de la ville, où 11 guérit un lépreux; là était 
aufli la maiibn de la belle-mère de l'apôtre Pierre, & Jé- 
fus y entra & la guérit de la fièvre chaude ; une églife 
ronde eft bâtie fur cet emplacement & confacrée à Ta- 
pôtre Pierre. Il y a auffî là la maifon de Simon le lépreux, 
où une courtifane arrofa de fes larmes les pieds très purs 
de Notre Seigneur Jéfus-Chrift, les efluya avec fes che- 
veux & reçut la rémiftion de fes nombreux péchés. C'eft 
dans cette ville quMl guérit la femme courbée''. Ici eut 
lieu le miracle du ccntcnier. Oeft ici que Ton defcendit, 
par le toit défait, Tcnfant malade fur fon lit, & que fut 
exaucée la femme Chananéenne. Une fource d*eau très 
douce & fraîche jaillit d'une caverne, dans laquelle le 
Chrift fe réfugia quand on voulut le faire roi de Galilée; 
& 11 fit encore beaucoup d'autres miracles dans cette 
ville. Dans cette même ville fe trouve le tombeau du 
prophète Elilée ^, fils de Jofaphat % &, près de la route ^, 
celui de Jofué, fils de Nun. Près de la mer, vers l'orient, 
à une portée de flèche de la ville ', gît une grande pierre, 



a. rourdeO,^,ilr; aveugle Mo; golfe Mac^ Mo, F} devant cette 

méchante K, S. — b. Ifaîe Mac, ville fur une montagne vers le 

Mo, — c. Amos Mac, Mo, F, An nord K, S, R, — e. du tombeau 

— d. devant cette ville, près d*un F, 7. 



DE DANIEL ( 1 1 06- 1 1 07). 65 

fur laquelle fe tenait le Chrift, quand II inftrulfait le 
peuple accouru vers lui des rivages de Tyr^ de SiioUy de la 
Vécapole & de toute la Galilée; c*eft de là quMl congé- 
dia le peuple & Tes dif'ciples, qui pafsèrent en barques de 
l'autre côté ; & Jéfus refla & marcha enfuite de Tes pieds 
fur la mer comme fur la terre, & arriva avant eux devant 
le peuple fur l'autre rive 5 quand ils y parvinrent, trou- 
vant Jéfus déjà là, ils dirent : n Maître, quand es-tu venu ? ^ 
Il leur répondit : cr Ce qui e(l poflible à Dieu ell impof- 
c fible à l'homme >y (Matth. XIX, 26). On compte de 
Tihériade dix * verftes par mer jufqu'à cette place. Il y a 
un endroit fur un terrain élevé à une verfte de la mer. 



LXXX. DE L ENDROIT OU LE CHRIST RASSASIA 

CINQ MILLE HOMMES. 

Cet endroit eft fitué dans une plaine couverte d'herbes 
& c'eft là que le Chrift raflrafia cinq mille hommes, fans 
compter les femmes & les enfants, avec cinq pains, & 
les miettes en remplirent douze corbeilles. 

LXXXI. DE l'endroit OU LE CHRIST APPARUT A SES 
DISCIPLES POUR LA TROISIÈME FOIS APRÈS SA 
RÉSURRECTION. 

Non loin de la rive de la éMer de Tihériade^ au pied * 
d'une montagne, fe trouve l'endroit où le Chrift appa- 
rue à fes difciples, pour la troifième fois après fa réfur- 
reélion, &, fe tenant près de la mer, leur eût : v Enfants, 
ce n'avez-vous rien à manger ? ^ Ils lui répondirent : 
ce Non. ij Et il leur dit : cr Jetez le filet du côté droit ainfi 

a. cinq K. — b. pris K^ S, 



64 î. VIE ET PÈLERINAGE 

cf que je vous le dis, & vous en trouverez w (Jean XXI, 
f, 6). Ils le jetèrent & ils ne pouvaient plus le retirer, 
tant il était chargé de poiflfons ; l'ayant amené à terre, 
ils y trouvèrent cent cinquante-trois"* poiflfons ;&, voyant 
près du filet du pain, & du feu, & du poiflfon grillé, le 
Chrift en mangea & leur donna le rede ; une égiife, bâtie 
en cet endroit, eft confacrée aux faints Apôtres. Non loin 
Te trouve la maifon de Marie-Madeleine que Jéfus délivra 
de fept démons, & cet endroit fe nomme SMagdalia. 

LXXXII. DE LA VILLE DE BETHSAIDE. 

Non loin, dans la montagne, eft fîtuée Verhfaidej patrie 
d* André & de Pierre ; & là efl aufli le lieu où Nathanaël 
fut amené à Pierre & André ^ 



LXXXIII. DE l'endroit OU LE CHRIST VINT VERS 
SES DISCIPLES QUI PÉCHAIENT. 

Il y a un endroit, au bord de la mer, oh le Chrifl vint 
vers les Zébédées, André & Pierre, qui retiraient leurs 
filets & les ramaflàient; c'efl là qu'ils reconnurent le 
Chrifl &, quittant leurs filets & leur barque, ils le fuivi- 
rent. Le Village de Zébédée^ père de Jean, fe trouvait 
près de la mer ainli que la oMaifon de Jean le Thiologue ; 
c'efl là que le Chrifl délivra un homme d'une légion de 
démons & leur ordonna d'entrer dans un troupeau de 
pourceaux qui (e noya dans la mer. A peu de diflance 
de là le trouve le village de Capharnaùm. Non loin'. 



a. cinquante-trois/); cent trois — c. de ce village Mac^ Mo, F. 
Ar, — b. où Philippe amena Na* T, Ar, 
thanaêl à Jéfus Mac, Mo, F, K, S,R. 



DE DANIEL ( 1 1 o6- 1 1 07). 6 f 

coule une grande rivière qui fore du lac de Généjareth & 
combe dans la oMer de Tibériade. Le lac de Généjareth 
eft très grande de forme ronde, ayanc quarante verftes 
de largeur (ur autant de longueur, & contient beaucoup 
de poiflbns ; près de ce lac lé trouve la ville du nom de 
Génifara ', c'eft pourquoi il s'appelle [lac] deGéné/areth. 



LXXXIV. DE LA VILLE DE DÊCAPOLE. 

11 y a là ^ une autre grande ville qui fe nomme Véca- 
pôle ' ; il y a un endroit, près de ce lac, fur lequel Jéfus 
fe tenait, lorfqu'il prêchait devant le peuple venu de la 
Vécapole & des rivages de Tyr & de Sidon ; l'Evangile 
parle de cet endroit. Jéfus fit beaucoup d'autres miracles 
près de ce lac. 

LXXXV. DU MONT LIBAN. 

De l'autre côté de ce lac, vers l'orient edival, s'élève 
une grande & haute montagne couverte de neige même 
en été ; elle fe nomme Liban & produit de l'encens du 
Liban & du thymiame blanc. Douze grandes rivières def- 
cendent du mont Liban^ (ix vers l'orient & fix vers le fud ; 
ces dernières tombent dans le lac de Généjareth & les 
(ix'' autres coulent vers o4ntiochie la Grande; c'eft ce 
pays qu'on nomme éMéJapotamie^ ce qui veut dire : entre 
les rivières ; c'eft là, entre ces rivières, qu'eft fitué Char- 
ran d'où fortit Abraham. Ces rivières alimentent large- 
ment le lac de Généjareth ^ dont fort ce grand fleuve qui 
tombe dans la éMer de Tibériade & groflit le volume 



a. AT, Si Genifira d, les autres c. Décapolie D^ Mac^ Mo, — 
mf. — b. i côté Mac^ Mo, — d. deux D. 

9 



66 I. VIE ET PÈLERINAGE 



d^eau de cette mer, dont découle le Jourdain, comme je 
Foi dit plus haut & comme cela eft en vérité. Je n*ai pu 
pouffer mes pas jufqu'au mont Liban, de crainte des 
mécréants ; mais j'en ai de bonnes notions par mes guides 
chrétiens, qui y habitent & qui ne nous permirent pas de 
nous y rendre ; car beaucoup de mécréants vivent dans 
cette montagne ; nous ne Taperçûmes que de loin, ainfi 
que les environs du lac de Généfareth. Il y a environ 
deux verftes entre la oMer de Tibériade & le lac de Gé- 
néfareth, qui eft Htué à Forient eftival de la ville de Tibé- 
riade. 



LXXXVI. DU MONT THABOR. 

Le o^ont Thabor & ShÇaiareth font Htués à l'occident 
de la éMer de libériade ; on compte huit ' grandes verftes 
jufqu'au éMont Thabor; il n'y a qu'à franchir une mon- 
tagne & à en gravir une autre peu élevée ; tout le refte 
du chemin traverfe la plaine jufqu'au Thabor. Le oMont 
Thabor eft une œuvre merveilleufe de Dieu, qu'on ne 
peut décrire tant elle eft belle, haute & grande ; elle s'é- 
lève, majeftueufe comme une meule de foin, au milieu 
d'une plaine fuperbe & elle eft ifolée de toutes les autres 
montagnes ; une rivière coule à fes pieds dans la plaine ; 
fes pentes font couvertes d'arbres de toute cfpèce : figuiers, 
caroubiers & oliviers en grand nombre. Ceft la plus 
haute des montagnes environnantes & elle en eft par- 
faitement ifolée, s'élevant majeftueufement au milieu 
d'une plaine, comme une meule ronde, foigneufement 
formée & d'une grande circonférence. Sa hauteur eft telle 
que, partant de fon fommet, il y a quatre ^ portées de 



a. cim|iiaiUe T, Ar, K,S. — b. ncuF Afoj deux S, 



DE DANIEL ( r I o6- f i 07). 67 

flèche jufqu'à fa bafe; mais plus de huit en tirant de 
la bafe au fommec. Elle eft entièrement compofée de 
pierres qui en rendent rafcenfion pénible & difficile; on 
la gravit en zig-zagpar un chemin très ardu. Partis à la 
troifième heure du jour & marchant bravement, c^efl: à 
peine fi nous atteignîmes le fommet de cette fainte mon- 
tagne à la neuvième heure. Sur le point le plus élevé^ du 
côté de Torient hivernal, fe trouve un endroit élevé 
comme un petit monticule en pierres k terminant par un 
cône ', c*e(l là que le Chrift, notre Dieu, fe transfigura ; 
on y voit une belle églife confacrée à la Transfiguration, 
& une autre, à côté, au nord de la première, eft dédiée 
aux faints prophètes Moïïc & Elie. 

LXXXVII. DE l'endroit OU LE CHRIST 
SE TRANSFIGURA. 

Le lieu de la Sainte Transfiguration eft entouré de fo- 
lidcs murailles en pierres avec des portes en fi:r ; c'était 
auparavant le fiège d'un évêché & maintenant c'eft un 
couvent latin. La cime de cette montagne offre, devant 
cette enceinte, un bon petit efpace uni; & c'eft vraiment 
une merveilleule grâce de Dieu qu'il y ait de l'eau en 
abondance à cette hauteur ; auffi toute la montagne eft- 
elle couverte de champs, de beaux vignobles, de nombreux 
arbres firuitiers, & la vue s'étend très loin du fommet de 
cette montagne. 

LXXXVIII. DE "* LA GROTTE DE MELCHISÊDEC. 

11 y a au é^ont Thabor^ fur un emplacement uni, une 
grotte extraordinaire taillée dans le roc, comme une 

a. Z7| MaCf Mo ; Dans </. Ui autres mf. 



68 I. VIE ET PÈLERINAGE 

petite cave^ avec une petite fenêtre dans la voûte; au 
fond de cette grotte, vers rorienc, eft érigé un autel; 
la porte de la grotte eft exiguë, & on y defcend par des 
marches du côté de Toccident. De petits figuiers croiflfent 
devant l'entrée de la grotte, entourés de différents autres 
arbres ; il y avait là jadis une grande forêt, & maintenant 
il n y a que de chétifs arbriflTeaux. Cette petite grotte 
était habitée par faint Meichifédec "*, & c'eft là qu'Abra- 
ham vint à lui & l'appela trois fois en difant : « Homme 
t' de Dieu ^. » Meichifédec fortit, portant le pain & le vin, 
&, érigeant un autel ^ dans la grotte, il offrit un facrifice 
avec le pain & le vin que Dieu enleva au ciel. Ceft là 
que Meichifédec donna fa bénédi<5lion à Abraham qui 
lui coupa les cheveux & les ongles ; car Meichifédec était 
velu ; ce fut le commencement de la liturgie avec le pain 
& le vin & non avec les azymes, ainfi que dit le pro- 
phète : « Vous êtes le prêtre éternel félon Tordre de 
ce Meichifédec i> (Pf. CIX, 4). Cette grotte eft à une 
bonne portée de flèche vers l'occident de la Transfigu- 
ration. Ayant été bien accueillis dans le couvent de la 
Sainte Transfiguration ^ nous y dînâmes &, nous étant 
bien repolcs, nous nous levâmes pour aller à l'églife de 
la Sainte Transfiguration & vénérâmes le lieu facré où le 
Chrift, notre Dieu, s'était transfiguré ; l'ayant baifé avec 
amour & grande allégreffe &, ayant reçu la bénédic- 
tion de l'abbé & de tous les frères, nous Ibrtimes de 
ce faint couvent, & fîmes le tour de tous les faints 
lieux de cette fainte montagne. Le chemin menant à 
S^axarethj qui eft fituée à l'oueft du c!Vont Thabor, pafle 
devant la Grotte de éMelchifédec, Nous pénétrâmes une 
féconde fois avec componcflion dans cette fainte grotte. 



a, roi de Salim Mac^ Mo; roi F, — c. à Dieu Mac^ Mo^ f, 
— h. fors ici Mac^Mo^ fors TjAr, 



DE DANIEL ( I ! o6- 1 1 07). 69 

& faluàmes le faint autel érigé par Melchifédec & Abra- 
ham ; cet autel exide jurqu*à préfent dans cette grotte^ 
& faint Melchifédec vient fouvent y célébrer la liturgie ; 
cous les fidèles, qui vivent Ibr cette montagne & qui 
vénèrent [la grotte], me l'ont certifié comme une vérité. 
Nous louâmes donc Dieu de nous avoir accordé, à nous 
méchants & indignes^ la grâce de voir ces faints lieux 
& d^y pofer nos lèvres de pécheurs. Après quoi nous 
defcendîmes du ^ont Thabor dans la plaine, & nous che- 
minâmes deux verdes dans la dire(5tion de S^Qaiareth 
vers l'occident. Il y a cinq * verfies du o^ont Thabor à 
D^iarethy deux par la plaine, & trois par les montagnes, 
où le chemin eft très pénible, étroit & fort ardu ; d'im- 
pies Sarrafins dont les villages font difperfés fur les mon- 
tagnes & dans la plaine, fortent de leurs habitations pour 
maflfacrer les voyageurs fur ces terribles hauteurs. Il ell 
dangereux de faire cette route en petite compagnie, & 
ce n'eft qu'en nombreufe fociété qu'on peut l'entreprendre 
fans crainte. N'en ayant pas trouvé, nous avons fait ce 
voyage tout (culs, au nombre de huit hommes non ar- 
més ; mais ayant mis notre efpoir en Dieu, protégés par 
fa miféricorde & fecourus par les prières de Notre Dame 
la fainte Vierge, nous atteignîmes fans encombre & en 
fécurité la fainte ville de U^ajarerh^ oîi, par l'entremife 
de l'ange Gabriel, eut lieu la fainte Annonciation de 
Notre Dame la fainte Vierge, & où Jéfus fut élevé. 

LXXXIX. DE LA VILLE DE NAZARETH *. 

U^iareth e(l un petit bourg (itué ' dans un vallon au 
fond des montagnes, & on ne l'aperçoit que lorfqu'on 

a. Ma€^ MOf F, % Ar^ K,S,R; Naraph d. Us autres mf, ^ c. mu 
quinze </. Us attires mf, — b. Z), /{ | midi K. 



70 I. VIE ET PÈLERINAGE 

eft au-deflfus. Une grande & haute églife à crois autels '' 
s'élève au milieu du bourg ; en y entrant^ on voit à gau- 
che^ devant un petit autel^ une grotte petite, mais pro- 
fonde, qui a deux petites portes. Tune à Torient & l'autre 
à l'occident, par IcfqueUes on defcend dans la grotte ; 
&, pénétrant par la porte occidentale, on a à droite une 
cellule, dont lentrée eft exiguë & dans laquelle la fainte 
Vierge vivait avec le Chrift. Il fut élevé dans cette cel- 
lule i'acrée qui contient la couche l'ur laquelle Jélus ^ le 
repofait; elle eft fi baffe qu'elle paraît être prelque de 
plain-pie'd avec le fol. 



IC. DU TOMBEAU DE JOSEPH LE FIANCÉ. 

En pénétrant dans cette même grotte par la porte oc- 
cidentale, on a à gauche le Tombeau de faim Jofeph^ le 
fiancé de Marie, qui y fut enterré par les mains très pures 
du Chrift. Du mur voifin de Ton tombeau f uinte, comme 
de rhuile fainte, une eau blanche qu'on recueille pour 
guérir les malades. 

ICI. DE LA GROTTE OU ÉTAIT ASSISE LA SAINTE 

VIERGE. 

Dans cette même grotte, près de la porte occidentale, 
fe trouve la place où la Tainte Vierge Marie était adife 
près de la porte & filait de la pourpre, c'eft-à-dire du fil 
écarlate, lorfque l'archange Gabriel, l'envoyé de Dieu, 

fe prél'enta devant Elle. 

a. fenêtres R, — b. enfant (e repofait avec fa mère Mac, 



DE DANIEL ( l I o6- 1 1 07). 7 1 



icii. [du lieu] ou l'archange annonça la bonne 

NOUVELLE A LA SAINTE VIERGE. 

Il apparut devant Tes yeux non loin du lieu oh était 
aflîfe la fainte Vierge. Il y a trois fagèncs • de la porte 
à Tendroit où fe tenait Gabriel ; là e(l érigé, fur une 
colonne, un petit autel rond en marbre, fur lequel on 
célèbre la liturgie. 

ICIII. DE LA MAISON DE JOSEPH LE FIANCÉ. 

L'emplacement occupé par cette grotte facrée, était la 
tMaifon de Jofeph^ & c eft dans cette maifon que tout 
fe paflfa ; au-deflTus de cette grotte eft érigée une églife 
confacrée à Vc4nnonciarion. Ce faint lieu avait été dévafté 
auparavant, & ce font les Francs qui ont renouvelé la 
bâtiflTe avec le plus grand foin; un évêque latin très 
riche y rcfidc & a ce faint lieu fous fa dépendance. Il 
nous fit bon accueil, & nous offrit à boire & à manger, 
& nous pafTâmes la nuit dans ce bourg. Ayant bien 
dormi & nous étant levés le lendemain, nous allâmes à 
l'églife faluer le fanduaire, &, étant entrés dans la grotte, 
nous en adorâmes tous les faints lieux. Nous fortimes 
enfuite de la ville, &, nous dirigeant du côté de Torient 
eflival, nous trouvâmes un puits remarquable & très 
profond dont Teau eft très froide, & auquel on defcend 
par des marches. Une églife ronde, fous le vocable de 
Tarchange Gabriel, recouvre ce puits. 

a. Mac, MOf f, K^S^R^ colonnes d. Us autra mf. 



71 î. VIE ET PÈLERINAGE 



ICIV. DU PUITS DE LA PREMIÈRE ANNONCIATION ^. 

De la ville de D^^areth à ce puits lacré il y a une bonne 
portée de flèche ^ ; c*eft là, près de ce puits, que la fainte 
Vierge reçut la première Annonciation de l'archange. 
Elle était venue puifer de Peau, & elle avait rempli Ion 
l'eau, quand retentit la voix de Tange invifible qui die : 
cr Je vous lalue, ô pleine de grâce, le Seigneur eft avec 
ce vous ! » (Luc. I, 28.) Marie regarda partout autour 
d'elle &, ne voyant perfonne, mais ayant feulement en- 
tendu la voix, elle reprit Ton fbau & s*en retourna toute 
étonnée, difant : <* Que veut dire cette voix que j*ai en- 
f tendue fans voir perfonne ? » Revenue à thQtiareth 
dans fa mailbn, elle s'aflit à la place ci-devant citée & 
fe mit à filer la pourpre ; & c eiî alors que lui apparut 
Tarchange Gabriel, fe tenant à lendroit mentionné plus 
haut, & qu*il lui annonça la naiflfance du Œrift. Il y a 
cinq verftes de D^ar[areth au village ài'Efaù ^ 

ICV. DE CANA EN GALILÉE. 

De ce village à Cana en Galilée la diflance e(l d*une ^ 
verfte & demie. Cana en Galilée * fe trouve fur la grande 
route ; & c*e(l là que le Chrift changea Teau en vin. Nous 
y rencontrâmes une grande caravane qui fe rendait à 
c4cre. Nous joignant à elle avec grande joie, nous nous 
dirigeâmes aufli vers cAcre^ qui était jadis une ville farra- 
fîne; mais, adluellement, elle appartient aux Francs. C'eft 

a. de l'archange Z), JjT. — — d. de deux /){ d'une demi ilT,^; 
b. comme une verfte& demie Af^r, de quatre Mac^ % Ar» •— e. Mac^ 
Mo.-'C, de Jacob />;d'Ifaac S^ R. Mo,F,K,S^RiGa\isL(i.iisauirgsmf, 



Î)E DANIEL (l 106-1 107). 7^ 



un bourg (irué fur le bord de la grande mer & poflfédanc 
un excellent port; la ville abonde en toute chofe. On 
compte vingt-huit grandes verftes de ff^\(xreth à cAcre 
qui eft au midi de P^aiaretk. Nous y pafTâmes quatre 
jours^ &, nous étant bien repofés, nous rencontrâmes 
une grande caravane fe rendant dans la fainte ville de 
Jérufalem^ à laquelle nous nous joignîmes ; & c'efl avec 
grand plaiHr que nous fîmes route enfemble & attei- 
gnîmes Caîphay d'où nous allâmes aufli au £Mont CarmeL 
Sur cette montagne le trouve la caverne de faint Elie ' 
le prophète; 6c, Tayant faluée, nous nous dirigeâmes 
vers Caphamaùm. De cette dernière ville, nous nous ren- 
dîmes à Cijarie de Thilippe, en cheminant le long de la 
grande mer, tantôt dans la plaine & tantôt dans les 
fables, jufqu*à Céfarée. Nous paflTâmes trois jours dans 
cette ville, où demeurait Cornélius, baptifé par Papôtre 
Pierre. De Céfarée nous prîmes à gauche pour aller à 
Samarie ; la diftancc efl de vingt verftes entre les deux 
villes. Le lendemain, vers midi, nous atteignîmes Sama-- 
rify ayant marché lentement à caufe de la chaleur qui 
incommodait beaucoup les piétons dans leur marche; 
& nous paflTâmes la nuit devant la ville de Samarie^ près 
du Tuits de Jacob, où le Chrid s entretint avec la Sama- 
ritaine. 



ICVI. DE JÉRUSALEM. 

Nous étant levés, nous reprîmes le chemin, par lequel 
nous étions venus de Jérufalem, & arrivâmes enfin heu- 
reufement & pleins de joie à cette fainte cité, n*ayant 
éprouvé rien de mauvais pendant ce voyage que Dieu 



a. EHfôe K. 

10 



74 t. VIE ET PÈLERINAGE 

nous a permis d'accomplir, en nous accordant la grâce 
de voir de nos propres yeux cous les faines lieux que le 
Chrid, notre Dieu, avait vi/ités pour notre falut ; il nous 
a été donné, à nous pécheurs, de parcourir & de con- 
templer de nos yeux ces faints lieux, & cette merveil- 
leufe terre de Galilée^ ainfi que toute la Taleftine, Protégés 
par la bonté divine & gardés par les prières de la Tain te 
Vierge, nous vifitâmes Tans aucun encombre toute la Ta» 
lejfiney dont toute la contrée autour de Jérufalem porte le 
nom. Raffermis par laide de Dieu, nous avons été dans 
tous ces lieux, fans rencontrer nulle part ni mécréants, 
ni bêtes féroces; il ne m*e(l arrivé aucun mal; ma chair 
n*a pas même éprouvé le malaife le plus infignifiant; 
mais, femblable à un aigle prenant fon eflfor, je me fen- 
tais i'outenu par la grâce divine " & raffermi par la force 
du Très-Puiflfant. Si je peux me vanter de quelque chofe 
c'efl de Tafnftance du Chrifl & de ma faiblefTe, car 
Tapôtre dit : cr Ma puilTance éclate dans la faiblefTe. <> 
(Il Cor. XXII, Q.) Comment reconnaitrai-je, ô Seigneur ! 
tout ce que Tu as fait pour moi, pécheur & méchant, 
en m*accordant de voir & de parcourir ces faints lieux, 
d'accomplir ainfi le vœu de mon cœur que j'ai pu exé- 
cuter avec Taide de Dieu, en explorant tout ce qu'il a 
daigné me montrer, à moi. Ion pauvre & indigne fervi- 
teur ? Pardonnez-moi, mes frères, mes pères & mes fei- 
gneurs ! & ne m'en veuillez pas de mon ignorance qui 
m'a fait décrire fans artifices, mais fimplement, ces faints 
lieux ainfi que Jérufalem & toute la Terre promife. Si j'ai 
décrit fans érudition, rien n'cll menfonger au moins, & 
je n'ai décrit que ce que j'ai vu de mes propres yeux. 

a. marchant courageufement ligue, ni pareflfc Mac^ Mo^ F, 
comme un cerf, fans aucune fa- 



DE DANIEL (r !o6-I 107). 7 y 



ICVII. DE LA LUMIÈRE CÉLESTE ; COMMENT ELLE 
DESCEND SUR LE SAINT SÉPULCRE. 

Ceci eft [la defcriprion] de la lumière faince qui def- 
cend ' fur le Saine Sépulcre, ainfi que le Seigneur daigna 
me la montrer, à moi, Ton mauvais & indigne lerviteur; 
car )*ai véritablement vu, de mes propres yeux de pé- 
cheur, comment cette fainte lumière defcend fur le tom- 
beau vivifiant de Notre Seigneur Jéfus-Chrift. Beaucoup 
de pèlerins racontent des détails peu véridiques à propos 
de la defcente de cette fainte lumière ; les uns difent que 
le Saint-Ef'prit defcend fur le Saint Sépulcre fous la forme 
d'une colombe ; d'autres que c'eft un éclair tombant du 
ciel qui allume les lampes au-deiïus du Sépulcre du Sei- 
gneur. Tout cela n*eft pas vrai & n*eft que menfonge ; 
car on ne voit rien en ce moment, ni colombe, ni éclair; 
mais c*e(l la grâce divine qui defcend invifîble du ciel & 
allume les lampes du Sépulcre de Notre Seigneur; & je 
ne dirai de ceci que la vérité, ainfi que je Tai vue. Le ven- 
dredi faint, après les vêpres, on efluie le Saint Sépulcre, 
& on lave toutes les lampes qui s'y trouvent ; on y verfe 
de l'huile pure, fans eau,&, les ayant pourvues de mèches, 
on n y met pas le feu ; mais on laiflfe les lampes fans les 
allumer; on appofe les fcellés fur le Tombeau à la 
deuxième heure de la nuit. On éteint en même temps 
toutes les lampes & tous les cierges dans toutes les églifes 
de Jérufalem, Ce même vendredi, à la première heure 
du jour, moi, méchant & indigne, je me préfentai chez le 
prince Baudouin & le faluai jufqu'à terre. Me voyant, moi 
infime, il me fit approcher afleélueufement de lui, & me 

a, du ciel Mac^ MOf AT, S, 



76 I. VIE ET PÈLERINAGE 

die : a Que veux-cu ? hégoumène ruflfe !» car il me connaif- 
fait déjà & m'aimait beaucoup, en homme peu fier, d'une 
grande bonté & humilité. Je lui dis : cr Mon prince & mon 
ce feigneur ! Je te fupplie pour Dieu & pour les princes 
« ru (Tes, permets -moi de placer aufli ma lampe fur le 
ce Saint Sépulcre au nom de toute la terre rude. »i Alors, 
avec une bonté & une attention particulières, il m'ac- 
corda de placer ma lampe fur le Sépulcre du Seigneur, 
& envoya avec moi un homme, qui était Ton meilleur 
ferviteur, chez Téconome de la Réfurredlion & chez le 
gardien des clefs du Saint Sépulcre. L'économe &le 
gardien des clefs m'ordonnèrent d'apporter ma lampe 
avec de l'huile. Je les remerciai & m'empreflfai tout 
joyeux d'acheter une très grande lampe en verre; l'ayant 
remplie d'huile pure, je ne l'apportai au Saint Sépulcre 
que vers le foir, &, demandant le gardien ci-devant cité, 
qui était feul dans la chapelle du Tombeau, je me fis 
annoncer à lui. M'ouvrant la fainte porte, il m'ordonna 
d'ôter mes chauflfures, & pieds nus, feul avec la lampe, 
que je portai, il me fit entrer dans le Saint Sépulcre, & 
m'enjoignit de la pofer fur le Tombeau du Seigneur. Je 
la mis, de mes propres mains de pécheur, là où étaient 
les pieds facrés de Notre Seigneur Jéfus-Chrift, la lampe 
des Grecs étant placée à l'endroit de la tête, & celle de 
Saint Sabbas & de tous les couvents à l'endroit des 
feins ; car c'eft un ufage qu'ont les Grecs & le couvent 
de Saint Sabbas de pofer [là] annuellement leurs lampes. 
Par la grâce de Dieu, ces trois lampes " s'allumèrent alors; 
mais, de celles des Francs, fufpendues au-deflfus, aucune 
ne prit feu. Puis, ayant pofé ma lampe fur le Saint Sé- 
pulcre & ayant adoré & baifé avec compondlion & avec 
des larmes de piété ce faint lieu, oh repofa le corps de 

a* qui étaient en bas Mac^ Mo, 7, R, 



DE DANIEL ( 1 1 o6- 1 1 07). 77 

Notre Seigneur Jéfus-Chrifl^ je forcis du Saine Tombeau 
plein d^allégreATe & me retirai dans ma cellule. Le lende- 
main, à la fixième ^ heure du jour du famedi faint, tout le 
peuple s'aflfemble devant réglife de la fainte Réfurredlion; 
du monde de tous les pays, étrangers, indigènes, & de 
Vabylone, & d'Egypte ^, & de tous les points de la terre, 
fe réunit ce jour-là en nombre inexprimable; la foule 
remplit la place autour de l'églife & autour du Ueu du 
Crucifiement. La preflTe devient terrible & langoifle (i 
grande que beaucoup de perfonnes font étouffées dans 
cette maflè compaéle, qui fe tient avec des cierges non 
allumés à la main, & attend que Ton ouvre les portes de 
réglife. Les prêtres l'euls fe trouvent à l'intérieur, & tous, 
prêtres & foule, attendent Tarrivée du prince & de fa 
fuite; & alors, les portes de Téglife étant ouvertes, la 
foule s'y précipite, fe preflfant & fe boufculant terrible- 
ment, & remplit toute Téglife & les galeries ; car Péglife 
feule ne faurait contenir tout ce monde ; une grande par- 
tie de la foule fe tient encore dehors, autour du Golgotha 
& du lieu de Crâne jufqu'à Tendroit où étaient érigées 
les Croix; tout eft plein d'un monde infini. Tout ce 
peuple, dans 1 eglife & dehors, ne crie autre chofe, tout 
le temps que : cv Dieu, aie pidé de nous ! » & ce cri eft 
fi fort que toute Tenceinte en retentit & en bourdonne. 
Les fidèles verfent des torrents de larmes ; même celui 
qui a un cœur de pierre ne peut ne pas pleurer ; chacun, 
en fcrutant le fond de fon âme, fe fouvient alors de 
fes péchés & fe dit : « Mes péchés empêcheraient-ils la 
rr fainte lumière de defcendre ? a Les fidèles fe tiennent 
donc ainfi pleurant & le cœur ferré ; le prince Baudouin 
lui-même a une contenance contrite & grandement hu- 
miliée; des torrents de larmes coulent de fes yeux; fa 

a. à la reptième Ar, — b. & d' Antîochîe Mac^ Mo, 



78 I. VIE ET PÈLERINAGE 

Alice, qui Tencoure, Te tient auffi avec recueillement près 
de Tau tel principal, vis-à-vis du Tombeau. Vers la fep« 
tième heure du jour du famedi, le prince Baudouin fortit 
de fa maifon avec fa fuite, &, fe dirigeant à pied ^ vers 
le Sépulcre de Notre Seigneur, il envoya à la métochie 
de Saint Sabbas chercher Thégoumène & les moines de 
Saint Sabbas ; & Thégoumène, fuivi des moines, fe diri- 
gea vers le Saint Sépulcre, & moi, indigne, j*allai aufli 
avec eux. Arrivés devant le prince, nous le faluâmes tous; 
il nous rendit notre falut, & nous ordonna, à l'hégou- 
mène & à moi infime, de marcher à fes côtés, les autres 
hégoumènes & moines devant le précéder, & fa fuite 
fermant la marche. Nous atteignîmes ainfi la porte oc- 
cidentale^ de réglife de la Réfurre<5lion ; mais une foule 
fi compaéle en obflruait l'entrée que nous ne pûmes y 
pénétrer ; alors le prince Baudouin commanda à fes fol- 
dats de difperfer la foule & de nous ouvrir un pafTage, 
ce qu'ils firent en frayant comme une ruelle jufqu*au 
Tombeau, & nous pûmes traverfer ainfi la foule. Nous 
arrivâmes à la porte orientale du Saint Sépulcre du Sei- 
gneur; & le prince vint^ après nous, & occupa fa place 
à droite, près de la cloifon du grand autel, en face de 
la porte orientale du Tombeau; c'ell là que fe trouve 
une place élevée deftinée au prince. Le prince commanda 
à rhégoumène de Saint Sabbas de fe placer, avec les 
moines & les prêtres orthodoxes, au-defTus "^ du Tom - 
beau ; quant à moi, infime, il m'ordonna de me mettre 
plus haut, au-defTus des portes du Saint Sépulcre, en face 
du grand autel, de forte que )e pouvais voir à travers les 
portes du Tombeau; ces portes, au nombre de trois, 
étaient fcellées du Iceau royal. Quant aux prêtres latins. 



a. pieds nus D, O, F, — b. de c. entra Mae^ Mo^ F, K, S, R, — 
derrière Fy Ar^ orientale /T, S, — d. en haut A', À', K, 



DE DANIEL ( 1 1 06- 1 1 07). 79 

ils fe cenaienc dans le grand autel. A la huitième heure 
du jour^ les prêtres orthodoxes, qui fe trouvaient au-def- 
fus du Saint Sépulcre, avec tout le clergé, les moines & 
les ermites commencèrent à chanter les vêpres ; de leur 
côté, les Latins, dans le grand autel, fe mirent à mar- 
motter à leur manière. Pendant que tous chantaient ainfi, 
moi je me tenais à ma place, obCervant attentivement les 
portes du Tombeau. Lorfqu^on commença la leélure des 
parémies du famedi faint, Pévêquc, (uivi du diacre, for- 
tit du grand autel pendant la première leélure, &, s'ap- 
prochant des portes du Tombeau, regarda à travers le 
grillage dans Tintéricur ; mais, n'y voyant pas de lumière, 
il s'en retourna; à la fixièmc leélure des parémies, ce 
même évêque revint à la porte du Saint Sépulcre, & n'y 
vit rien de nouveau. Alors tout le peuple s'écria avec des 
larmes : rr Kyrie eleïTon ! » ce qui veut dire : « Seigneur, 
ce aie pitié de nous !» A la fin de la neuvième heure, 
quand on commença à chanter le cantique du paflfage 
[de la iMer %gu^€\ c Cantabo Domino o, un petit nuage, 
venant de l'orient, s'arrêta (hudain au-deffus de la cou- 
pole découverte de Tégliie, & une petite pluie tomba fur 
le Saint Sépulcre, & nous trempa ainfi que tous ceux qui 
le tenaient au-dcflfus du Tombeau ; ce fut alors que la 
fainte lumière illumina foudain le Saint Sépulcre, brillant 
d'un éclat effrayant & fplendide. L'évêque, fuivi de quatre 
diacres, ouvrit alors les portes du Tombeau & y entra 
avec le cierge qu'il prit au prince Baudouin, pour l'allu- 
mer le premier à cette Tainte lumière ; il vint cnfuite le re- 
mettre aux mains du prince, qui reprit l'a place tout 
joyeux en tenant le cierge. C'cfl au cierge du prince que 
nous allumâmes les nôtres, qui fervirent à pafTer le feu à 
tout le refle du monde dans réglilb. Cette (aince lumière 
n'efl pas femblable à la flamme ordinaire, mais elle brûle 
d'une façon merveilleufe & d'un éclat indefcripâble & 



ÔO I. VIE ET PÈLERINAGE 



rouge comme le cinabre. Tout le peuple fe dent donc 
avec les cierges allumés, & répète à haute voix avec joie 
& ailégreflfe profondes : a Seigneur, aie pitié de nous ! » 
L*homme ne peut éprouver de joie pareille à celle dont 
tout chrétien eft envahi en ce moment^ à la vue de la 
fainte lumière de Dieu ; celui qui n*a pas aflifté à 
rallégreiïe de ce jour ne peut tenir pour vrai le récit 
de tout ce que j*ai vu ; il n y a que les hommes fages & 
croyants qui ajoutent pleinement foi à la vérité de cette 
narration, & écoutent avec raviflfement les détails con- 
cernant ces faints lieux. Celui qui eft Hdèle en peu de 
chofcs, ie fera aufll en beaucoup, mais, au méchant & à 
Tincrédule, la vérité femble toujours défigurée. Quant à 
mes récits & à mon infime perfonne, Dieu & le Saint Sé- 
pulcre de Notre Seigneur m'en font garants, ainfi que tous 
mes compagnons venus de la ^uffie, de !hQ>vgorod, de 
Kiev : Iziaflav " Ivanovitch *, Gorodiflav "^ Mikhaïlovitch ^, 
les deux Kashkicfch & beaucoup d'autres qui s'y font trou- 
vés le même jour. Mais revenons à ma première narration. 
A peine la lumière brilla-t-ellc dans le Saint Sépulcre que 
le chant cefTa, & tous, s'écriant : i* Kyrie eleïfon, » Ce 
dirigèrent vers ' Tcglife avec grande allégrcflTe, [portant] 
les cierges allumés à la main & les préfervant contre 
le vent/. Puis chacun rentre chez foi & allume avec 
[ces cierges] les lampes des églifes, & Ton y achève les 
vêpres ; tandis que ce ne font que les prêtres feuls, fans 
afliflance, qui terminent les vêpres dans la grande églife 
du Saint Sépulcre. Portant les cierges allumés^ nous 
retournâmes à notre couvent avec Thégoumène & les 
moines; nous y achevâmes les vêpres, & nous nous 
retirâmes dans nos cellules, louant Dieu d'avoir daigné 

a. Sedeflav Mac^ Mo^ % Ar; Gorodoflax T. — d. Mikhalko- 
Seflav F. — b. Ivanlcovitcli Afar, vîtfch F, — e. hors de Mac^ Mo^ 
Moy T. — c. Gorodav Mac^ Mo-y F, K^S^R, — f. & la pluie R, 



DE DANIEL ( 1 1 o6- 1 1 07). 8 1 

nous faire voîr^ à nous indignes, fa grâce divine. Le ma- 
tin ' du faine dimanche [de Pâques], après avoir chanté 
les matines ^, nous être embraflfés Thégoumène, les moines 
& nous, & avoir reçu Tapolyfe vers la première heure 
du jour, nous nous acheminâmes, Thégoumène, la croix 
en main, & tous les moines, vers le Saint Sépulcre en 
chantant le contace : « Immortel, Tu as daigné defcendre 
rr dans la tombe ! a Etant entré dans le Saint [Sépulcre] 
nous couvrîmes de baifers&de chaudes larmes la Tombe 
vivifiante du Seigneur; nous afpirâmes avec délices le 
parfum que la préfence du Saint Efprit y avait laiflfé, & 
nous adnûrâmes les lampes qui brûlaient encore d*un 
vif & merveilleux éclat. L'économe & le gardien des 
clefs nous racontèrent ainfi qu*à Thégoumène, que les 
trois lampes [pofées en bas fur le Saint Sépulcre]' 
s'étaient allumées [Les cinq autres lampes fufpendues 
au-deflfus brûlaient aufli, mais leur lumière était diffé- 
rente de celle des crois premières, & n'avait pas cet éclat 
merveilleux. Enfuitc nous fortimes du Tombeau par la 
porte occidentale, &, étant entrés dans le grand autel & 
y ayant embraffé les orthodoxes ^ & reçu Tapolyfe, nous 
fortimes tous, Phégoumène & les moines, du temple 
de la fainte Réfurre(5lion, & rentrâmes dans notre cou- 
vent pour nous y repofer jufqu'à la meflfe. Le troifième 
jour après la Réfurreélion de Notre Seigneur, je me ren- 
dis, la meffe finie, chez le gardien des clefs du Saint Sé- 
pulcre & lui dis : c( Je voudrais reprendre ma lampe ». 
Il m'accueillit avec aflfe^ion & me fit pénétrer tout feul 
dans le Tombeau. Je vis ma lampe pofée fur le Saine 
Sépulcre brillant encore de la flamme de cette fainte lu- 
mière 'y je me proflernai devant le faint Tombeau] % & 



a. f , T. — b. comme tl con- tfaprh h mf.K — d. les prêtres 
vient MaCf Mo^ F, — c. fupplik chrétiens Mac^ Mo, 

11 



82 I. VIE ET PÈLERINAGE 

couvris, avec compondlionj de baifers & de larmes la 
place facrée oh repofa le corps très pur de Notre Sei- 
gneur Jéfus-Chrift ; puis je mefurai la longueur^ la lar- 
geur & la hauteur du Tombeau tel qu*il eft, ce que per- 
fonne ne pourrait &ire devant témoins. J'honorai [le 
gardien des clefs] de la Tombe du Seigneur autant qu*il 
était en mon pouvoir^ & lui offris, félon mes moyens, 
mon petit & pauvre don ; le gardien des cle6, voyant 
ma dévotion pour le Saint Sépulcre, repouflà la dalle 
qui recouvre la fainte Tombe à l'endroit où était la tête 
[du Chrifl], détacha un petit morceau de cette pierre 
iacrée, & me la donna comme bénédiélion, en me 
conjurant de n'en pas parler à Jérufalem. Ayant encore 
lalué la Tombe du Seigneur & le gardien, & pris ma 
lampe remplie d'huile fainte ', je fortis, plein de joie, du 
Saint Sépulcre, enrichi par la grâce divine & portant en 
main un don du faint lieu & un témoignage du Saint 
Sépulcre de Notre Seigneur *; & je m'en allai en me ré- 
jouifTant comme fi je portais des tréfors de richefTes, & 
rentrai dans ma cellule, plein d'une grande allégrefTe. Et 
Dieu & le Saint Sépulcre me font témoins, que dans ces 
faints lieux, je n'ai pas oublié les noms des princes rufTes, 
des princefTes, de leurs enfants, des évêques, hégoumènes, 
boyards, de mes en&nts fpirituels & de tous les chrétiens \ 
je m'en fuis partout rappelé & je priai d'abord pour 
tous les princes & puis pour mes propres péchés. Grâce 
foit rendue à la bonté de Dieu ! qui m'a permis, à moi 
indigne, d'infcrire les noms des princes rufTes dans la 
laure de Saim-Sabbas, où l'on prie adluellement pour eux 
pendant les offices, ainfi que pour leurs femmes & en- 
fants. Voici leurs noms : Michel Sviatopolk, Vaflili Vla- 

a. encore allumée Mac^ Mo. — Sviatopolk Isiaflavîtchy petit-fils 
b. j*ai accompli ce pèlerinage d'Iaroflav Volodimeritch de Kiev 
fous le règne du Grand-duc rufle Ar, F, 



bE DANIEL (l 106-1 107). 



8î 



dimir', David Sviacodavicrch ^, Michel-Olcg-Pancracc *■ 
Sviaconavitfch ', Glèbe de Mensk ; je n'ai retenu que ces 
noms & les ai infcrics au Saint Sépulcre & dans tous les 
faints lieux, fans compter tous les autres princes ruflfes & 
boyards'. J'ai célébré cinquante mcflfes pour les princes 
ruflTcs/ & tous les chrétiens^, & quarante mclTcs pour 
les morts *. 

Que la bénédiélion de Dieu, du Saint Sépulcre & de 
tous les faints lieux Ibicnt avec ceux qui liront ce récit 
avec ibi & amour! qu'ils obdennent de Dieu la même 
récompenfe que ceux qui ont fait le pèlerinage de ces 
faints Ueux. Bienheureux ceux qui, ayant vu, croient ! trois 
fois bienheureux ceux qui croient n'ayant pas vu ! c'ed par 
la foi qu'Abraliam gagna la Terre Promife; car, en vérité, 
la foi égale les bonnes œuvres. Au nom de Dieu, mes 
frères & feigneurs ! n'accufcz pas mon ignorance ni ma 
(implicite ; en confîdération du Saint Sépulcre de Notre 
Seigneur & de tous ces faints lieux ne blâmez pas ce 
récit. Que celui qui le lira avec amour reçoive fa récom- 
penfe de Jéfus-Chrift, notre Dieu & Sauveur! & que le 
Dieu de la paix foit avec vous tous jufqu'à la fin des 
fiècles! Amen. 



a. Vladîmerîtch Mac^ Mo\ Bo- 
rÎ8 Vfeflavttch Mac^ Mo^ F, R, — 
b. Vfeflavitch Mac, F, R. — c. Ja- 
roflaw Mac^ Mo^ F. — d. Théo- 
dore Miftîflav Volodimerovitch, 
André Vfevolodovitch Mac^ Ma, 
Ff R, — e. & tous les chrétiens de 
la terre nifTe pour lefquel» j*aî 



célébré quatre-vingt-dix melTcs 
Mac, Mo, R. — f. tous le» boyards 
Se pour mes enfants fpirituels 
Mac, Mo^ F, R» — g. orthodoxes 
vivants Mac^Mo, F,R. — h. toutes 
ces meifes ont été célébrées au 
Saint Sépulcre & dan^ tous le^ 
lieux faints Mac, Mo, 



m 



II 



ANTOINE^ ÂRCHEK DE NOVGOROD 



DESCRIPTION DES LIEUX-SAINTS 



DE CONSTANTINOPLE 



(1200) 



^t40^USC%l7S 



S = StPiterJhourg — Bibl. Savvoîtov (XV« f.), publ. par M. P.-J. Sav- 
voiTOV, — St-Péter(bourg, 1872, în-4. 

Sr = Copenhague — Bibl. royale (XVII« f.), publ. par Ifni. Sreznevsky 
dans le Ricuiil de lafeOion rugi de PAcad, imp. de St^FeterJbourg^ 

1875» t. XII, pp. 348-349. 



ANTOINE, ARCHEVEQUE 
DE NorcOROD 

LE LIVRE DU PÈLERIN 



aiVEC L'c4l-DE VE VIEO 

NOUS COMMEHÇONt 

LA DESCRIPTION DES LIEUX SAINTS 

DE CONSTANTINOPLE 
■PÈRE, BÊNIS-NOUSI 

ÏOI, l'indigne, le grand pécheur Antoine, 
archevêque de à^vgorod^ par la grâce 
de Dieu & l'aide de lainte Sophie qui 
» s'appelle SagetTe, le Verbe étemel, je vins 
_ h^ Con^anriW//;; j'adorai avanc tout faince 
Sophie, & baifai deux dalles du Saint Sépulcre du Sei- 
gneur, & l'image de la très fainte Vierge tenant le Chrill; 
un juif' frappa au cou ce Chrifl d'un couteau, & il en 
fortit du rang; dans le diakonikon, nous baîlâmes ce 
l'ang ' de Notre Seigneur, forti de l'image. Dans l'autel 
de Sainte-Sophie, Te trouvent le fang & le lait de faint 
Pantaléon, qui, verfés enfemble ', ne k confondent pas, 

m. i Jfniralcm Sr. — b. coagulé 3r, — c, duu une ciurouîUe Sr. 



88 



II. ANTOINE DE NOVGOROD. 



& fa cêce^ ainfl que la tête de rapôcre Quadrat & les re- 
liques d'autres faines ; les têtes d'Hermolaiis ' & de Stra- 
tonicus ; la main de Germain avec laquelle on facre les 
patriarches ; Timage du Sauveur, que faint Hermon en- 
voya par mer^ fans ^ bateau, en ambaflfade à Rome & 
qui arriva intadle ; la Table fur laquelle ' le Chrift foupa 
le jeudi faint avec fes difciples; les langes du Chrift & 
les vafes d'or pleins de préfents, que les Mages Lui ap- 
portèrent en don ; & le grand plat d'or deftiné au fervice 
divin, qu'Olga ^ de Ruflîe fit Ëdre avec le tribut reçu par 
elle à Conftaminople *. Un petit quartier de Conftantinople 
fe trouve du côté d'/x Tigas, dans le quartier des Juifs ^. 
Dans le plat d'Olga, eft inooiftée une pierre précieufe ; 
fur cette pierre eft peinte ^ l'image du Chrift^ & la copie 
de cette image fert aux gens de fceau pour toutes leurs 
bonnes a<5lions ; le bord de ce même plat eft tout garni 
de perles. Là fe trouve aufli, dans l'autel *, le char en ar- 
gent de Conflantin & d'Hélène, & d'autres plats ' en or, 
deftinés au fervice divin, avec des pierres précieufes & des 
perles, & une quantité [de plats] divers en argent, qu'on 
emploie pour le fervice divin chaque dimanche & les 
jours de fête de Notre Seigneur. Il y a de l'eau dans l'au- 
tel & elle vient du puits J par des tuyaux ^ ; & hors des 
portes du diakonikon ', fe trouve une croix de la taille 
qu'avait le Chrift fur la terre. Derrière cette croix eft 
enterrée Anne, qui légua à Sainte-Sophie fa maifon lur 



a. Hennyle Sr, — b. dans un 
Sr. — c. au lieu de t & qui arriva 
intaAe; la table fur laquelle — 
un petit plat en marbre fur lequel 
Sr, — d. Grande-ducheiTe Sr, — 
e. au lieu de \ fit faire avec le tri- 
but reçu par elle à Conftanti- 
nople — donna en préfent au 
patriarche après avoir été bap- 



tiiee. Nous vîmes ce plat en pierre 
Sr.— î, de Paleftine ^.— g. taillée 
Sr, — h. dans le diakonikon Sr. — 
î. vafes Sr, — j. de la mer Sr. — 
k. ic des puits fitués Sr. — 1. hors 
des portes du diakonikon peut éga- 
lement fe rapporter à la phrafe 
précédente ; ainfi que le fait Sr 
qui ajoute le mot là après. 



Le livre du pèlerin (1200). 89 

Tcinplaccmenc de laquelle e(l bâti le dtakonikon ; & c cft 
pourquoi elle y a été enterrée. Non loin de ce même 
dîakonikon fe trouve " [l'image] des faintes Femmes^ &, 
devant elle, eft placée une grande image de la fainte 
Vierge, tenant le Chrift ; & des larmes coulaient de Tes 
yeux dans ceux du Chrid, notre Dieu. On donne de Teau 
de Tautel ^ en bénédidlion ' à tout le monde. 

De ce même côcé fe trouve la chapelle du l'aint apôtre 
Pierre : fainte Théophanide ^ qui tenait les clefs de Sainte' 
Sophie y eft enterrée; on baife ces clefs '. Dans cette même 
chapelle eft lufpendu le tapis de faint Nicolas. Le fer des 
chaînes/ de Pierre y e(l aufli fuipendu, enclavé dans une 
image en or ; le jour de la fête des Chaînes de Pierre ^, le 
patriarche & tout le monde baifent ces chaînes. Près de 
là, dans une autre chapelle, fe trouve lancien ambon en 
criftal ^, que la coupole de Sainte-Sophie caflfa en tombant '. 
A côté [de rimage] des faintes Femmes, il y a à Sainte- 
Sophie le tombeau de Tenfant de faint Athénogène. Dieu 
envoya un ange à faint Athénogène prendre l'âme de 
Tcnfant afliUant Ion père qui olliciait dans Téglifc. L*angc 
du Seigneur vint dans Téglife, & dit à Athénogène : « Dieu 
n m'a envoyé chercher Tâme de l'cnfànt, afin que je la 
a reçoive, n Et faint Athénogène lui répondit : « Attends 
<* jufqu'à ce que j'aie fini avec mon enfant le faint office 
ce de ton Dieu & du mien, du Créateur des cieux & de 
ce la terre, qui nous a envoyé fon Fils, à nous indignes 
ce & grands pécheurs, pour expier nos péchés & fauver 
ce nos âmes, & pour attendre avec patience ceux qui 
ce le convertiront de leurs péchés & (e repentiront de- 
ce vant le Seigneur. » Ayant donc entendu ces humbles 

a. St'i cliantcnt le? Sn^v, -— ïcxSr, — g. rctn)iercur5r. — h.ejiir 
h. cette ean Sr, — c. giicnfoii St\ rcmpcrcur Iiiftinien fit faire & St\ 
— cL Tliéomcnaile Sr. — c. pour — i. dans rintérieur Sr, 
être giiëri Sr, — f. les chaînes en 

11 



90 



II. ANTOINE DE NOVGOROD. 



paroles d'Achénogène, Tange obéit & attendit la fin de 
la mefTe jufqu^à ce que le faint facrifice fut achevé. Puis 
Athénogène^ ayant fini d*officier avec fon enfant, le prit 
par la main &, faluant Tange de Dieu, le lui donna. 
Ayant reçu Tâme de Tentant, lange retourna à Dieu 
avec joie & allégrefTe, rendant gloire à Dieu d avoir 
fauve cette âme. Et il n'y a pas d'autres tombeaux à 
Sainte-Sophie excepté celui-là. Près de ce tombeau Te 
trouve ' une lampe qui ^ tomba pleine d'huile & ne fe 
cafTa pas ; cet endroit efl ceint d'un enclos de bois, afin 
que perfonne ne puifTe marcher defTus. A côté, en allant 
vers la porte, fe trouve la colonne de faint Grégoire le 
Thaumaturge, couverte de tablettes en cuivre; faint Gré- 
goire apparut près de cette colonne, & le peuple la baife 
& s y frotte la poitrine & les épaules pour obtenir la 
guérifon de fes maux ; là fe trouve auffi l'image de faint 
Grégoire ; le jour de fa fête, le patriarche la célèbre en 
apportant fes reliques près de cette colonne. Là auflî, 
fixée au-deflùs d'une marche^, fe trouve une grande 
image du Sauveur en mofaïque, à laquelle un doigt ^ 
manquait à la main droite, & ' ayant tout terminé, l'ar- 
tifte dit en la regardant : ce Seigneur, je t'ai fait comme 
ce tu étais vivant. » Alors une voix, fortant de l'image ^, 
dit : ce Et quand m'as-tu vu ^ } »} Et ^ l'artifte devint muet 
& mourut, & le doigt ne fut pas achevé, mais il a été 
fait en argent doré '. A côté de la porte-/, fe trouve une 
grande image repréfentant l'empereur Kyr Léon le Sage, 



a. jufqu'â préfent ^r. — b. jadis 
Sr, — c. placée fur une table près 
de la porte Sr, — d. le petit doigt 
Sr, — e. on raconte ce qui fuit de 
l'image Sr, — f. Alors le Chrift 
peint lui dit Sr, — g. & pourquoi 
te vantes-tu, ce n*eft pas toi qui 
in*as fait, mais c*eft moi qui Tai 



voulu ainfijle prince Avgar avait 
aufli envoyé ton pareil 8c il n*au- 
rait pas réufli fi je ne l'avais bien 
voulu { toiydorénavanty tu ne pein- 
dras plus Sr, — h. auflitôt Sr, — 
i. 8c mis en place comme fouve- 
nir des âges pafles Sr, — j. du Pa- 
radis, en haut, Sr, 



LE LIVRE DU PÈLERIN (l200). 91 

& il a une pierre précieufe fur le front, qui éclaire 
Sainte-Sophie la nuif. Ce même empereur Kyr Léon 
prie le rouleau qui était ^ dans le tombeau du faint pro- 
phète Daniel, & le copia favamment ^, [énumérant] les 
empereurs de Conftantinople tant que la ville exiflera. 
Les principales portes dentrée ont un romanifion en 
cuivre, ce qui veut dire verrou, avec lequel on ferme 
les portes d'entrée ; on met ce verrou dans la bouche 
des hommes & des femmes, car, fi quelqu'un d'entre 
eux a mangé du venin de ferpent ou un poifon quel- 
conque, il ne peut ôter [le verrou] de la bouche juf- 
qu'à ce que tout le venin foit fort! avec la falive. A 
gauche du grand autel, fe trouve Tendroit où Tange 
de Dieu dit à Tadolefcent ^ : a Je ne bougerai pas de 
fv cette place tant quexiftera Sainte-Sophie, » Trois' 
images font placées fur ce lieu, trois anges y font peints 
& une muldtude de peuple y vient prier Dieu. Non loin 
fe trouve l'endroit où Ion fait bouillir Thuile fainte en 
brûlant deiïbus de vieilles images faintes, dont on ne dif* 
dngue plus les traits /; & c'e(l avec cette huile qu'on oint 
les enfents, quand on les baprife. De ce même côté 
gauche, en haut, près de la grande coupole, fe trouve 
une niche recouverte d'or ; on y a employé quatre kapes 
d'or. Dans la grande coupole il y a quatre-vingts candé- 
labres tous en argent ; les jours de fête du Seigneur on 
en met de nouveaux ; & il y a beaucoup de ces candé- 
labres dans l'églilb, tous en argent, & une quantité de 

a. Noi» demandâmes potirqtmi étaient infcriu Sr, — d. qui gar- 
il avait été peint & le clergé nous dait les inftruments des maçons 
apprit que Sr, — b. à Babylone travaillant à l'églife Sr. — e. une 
Sr, — c. & le garda. Longtemps image eft placée Sr, — L U on la 
après fa mort ce rouleau fut tranf- fait bouillir dans de» vafes pré- 
porté à Conftantinople & tra- cieux avec des fleurs de champs 
duit en grec par les philofophes | odoriférantes Sr, 
les noms des empereurs grecs j 



92 II. ANTOINE DE NOVGOROD. 

pommes en or. Dans le grand autel, au-deflTus du maîcre- 
autel, au milieu, fous le ciborium, eft lufpendue la cou- 
ronne de ConAancin ^ ; fous ^ la couronne, il y a une 
croix % &, fous la croix, une colombe en or; les cou- 
ronnes des autres empereurs font [placées] autour du 
ciborium. Ce ciborium du fandluaire eft^ en or & argent; 
les colonnes de Tauteldc lambon, tout eft en argent'. De 
plus petites couronnes, au nombre de trente, font fufpen- 
dues près du ciborium pour rappeler à tous les chrétiens 
& ne pas leur permettre d'oublier les trente ficles de Judas, 
pour lefquels il trahit le Seigneur Dieu ; car il a été dit : 
€' Celui qui mange du pain avec moi, lèvera le pied 
«' contre moi (Jean XIII, i8); m afin que tous les chré- 
tiens comprennent & Ib gardent du malfaifant & inique 
amour de Judas pour Targent. Les anciens évêques ofli- 
ciaient avec /^ des rideaux en étofife attachés au ciborium^. 
Pourquoi était-ce ainfi ^ ? Afin que Tofficiant, ne voyant 
pas les femmes & tout le peuple, puiflTe, avec un efprit 
& un cœur purs, fervir le Dieu fuprême, le Créateur du 
ciel & de la terre. Plus tard les hérétiques, prenant le 
corps & le fang du Seigneur, fans que perionne pût les 
voir derrière les rideaux, les crachaient & les foulaient 
aux pieds. Avertis par TEfprit de cette héréfie, les faints 
pères fixèrent ces rideaux aux colonnes du ciborium, & 
placèrent un archidiacre près du patriarche, du métropoli- 
tain & de révêque,afin qu'il vit s'ils fervaient Dieu fainte- 
ment, fans héréfie. Ainfi le voile fe déchira depuis le haut 
jufqu'en bas, pendant le crucifiement du Seigneur, à caufe 
des péchés des Juifs ', & toute la terre fut couverte de 



a. ornée de pierres précîeufes f, derrière Sr. — g. Nous deman- 

& de perles Sr. — b. au deflusde dames: Sr, — h. On nous répon- 

Sr, — c. en or Sr. — d. Ce voile dit : Sr, — î. & quand Jérufalem 

du fan£luaire eft tifle Sr, — e. & fut prife par Titus, beaucoup de 

or travaillés foigneufement Sr, — vafes fucrés 6c le voile du fan£luaire 



LE LIVRE DU PÈLERIN (l20o). g 3 

ténèbres ; les fépulcres s'ouvrirent & les corps des morts 
reflufcitèrent, afin que, voyant ce miracle, Us reconnuf- 
fent le Fils de Dieu ; mais la race juive, plus dure que la 
pierre, ne s'humilia pas ; par envie & orgueil, elle ne k 
repentit pas, ne rendit pas hommage au Fils de Dieu; ce 
miracle Tervira de témoignage au jugement dernier non 
feulement contre les Juifs, mais contre tous les infidèles, 
puifqu'ils voient le miracle concernant le Fils de Dieu & 
n'y croient pas. Le Chrill accomplit ce miracle par fa 
grande miféricorde envers les Juifs, afin que, voyant & 
entendant, ils reconnufTent le Fils de Dieu & le repen- 
tifTent de leur meurtre inique ; quant aux Juifs, ils recon- 
nurent les miracles du Fils de Dieu, mais par envie & 
orgueil ils ne le foumirent ni fe repentirent : des anges 
furent chafTés du ciel à caufe de leur envie & de leur 
orgueil & transformés en démons. De quoi s'affligeait 
Jéfus en allant à la croix ? Ecoute ce que le Chrift dit dans 
l'Evangile : « Mon âme eft triftc jufqu'à la mort » (Matth. 
XXVI, 38). Le Seigneur dit cela, non qu'il s'affligeât 
parce qu'il ne voulait pas mourir, mais parce que les If- 
raëlites étaient des fiens, que c'étaient eux qui voulaient 
le crucifier, & qu'à caufe de cela, le règne de Dieu leur 
ferait fermé. 

A Sainte-Sophie fe confervent * les Tables de la loi de 
Moïfe, & l'Arche contenant la Manne. En chantant Alléluia 
fur l'ambon, les fous-diacres tiennent en main des tables 
imitées de celles de Moïfe ; les eunuques chantent pen- 
dant le tranfport du faint Sacrement, mais les fous-diacres 
avant eux^, puis un moine chante feul; & alors beau- 
coup de prêtres & de diacres portent le faint Sacre- 

furcnt tranfportés à Rome Se re- d*après Sr, — b. pendant letranf- 

mîs (plus tard) par le tréfor im- port des faînts Sacrements les 

périal à Sainte-Sophie Sr, eunuques commencent le chant 

a, des tables en argent faites & puis Sr, 



94 n. ANTOINE DE NOVGOROD. 

ment en proceflion ; pendant ce temps tout le peuple, 
non feulement en bas de Sainte-Sophie^ mais auffi fur les 
tribunes, pleure, s'attendrit & s'humilie grandement. 
Quelles doivent être donc la crainte, Thumilité & l'onc- 
tion des évêques, des prêtres & des diacres dans ce faint 
l'ervice ! Qu'ils font magnifiques les calices en or & en 
argent, garnis de pierreries & de perles ! Et quand pa- 
raiiïent l'image refplendiiTante de Jérufalem & les éven- 
tails facramentels, les gens gémifTcnt & pleurent aufli fur 
leurs péchés. Quel eft l'efprit, quelle eft l'âme qui ne fe 
Ibuvienne alors du règne célefte & de la vie éternelle ! 
Avec quelle onélion & quelle humilité le patriarche cé- 
lèbre le fervice divin ! Frères, en nous fouvenant, tâchons 
aufli d'afliftef avec crainte à ce fervice, afin de bien vivre 
dans cette vie & dans celle à venir. 

Voici un effrayant & faint miracle ' : à Sainte-Sophie^ 
dans le grand autel, derrière la fainte table, fe trouve une 
croix en or de la hauteur de deux hommes, ornée de 
pierres précieufes & de perles ; devant elle eft fufpendue 
une croix en or, d'une coudée & demie ^ ; trois lampes 
en or font attachées aux trois branches, & de l'huile y 
brûle, & la quatrième branche touche la terre ' ; ces lampes 
& la croix ont été faites par le grand empereur Juftinien 
qui conftruifii Sainte-Sophie ; ces trois lampes Se la croix 
furent élevées par le faint Efprit plus haut que la grande 
croix & defcendues tout doucement fans qu'elles s'étei- 
gniffent. Ce miracle eut lieu après les matines, avant le 
commencement de la meflfe ; les prêtres qui étaient dans 
l'autel le virent ; & tout le peuple dans l'églife l'ayant 
[aufli] vu, dit avec crainte & joie : e Dieu, dans fa mifé- 
o ricorde, nous a vifités, nous chrétiens, grâce aux prières 

a. que noui vîmes fr. — b. qui bas Sr. — c. cette croix, cet 
a trois branches inclinées vers le branches 8c Sr, 



LE LIVR£ DU PÈLERIN (l20o). ^f 

rr de la très faince Vierge, de fainte Sophie, la Sageflfe di- 
fc vine, de lempereur Conftandn & de fa mère Hélène; 
n Dieu veut nous faire vivre maintenant comme fous le 
r règne de Conftantin & mieux encore ; Dieu amènera 
ce les maudits Juifs ' au baptême, & ils vivront dans une 
ce fainte union avec les chrétiens ; & on ne fera la guerre 
cr que contre ceux qui ne voudront pas recevoir le bap- 
a tême, & encore, de gré ou de force, Dieu les obligera 
cr à être baptifés ; il y aura abondance de biens fur la terre ; 
c les hommes commenceront à vivre véridiquement & 
ce d'une vie fainte, & ne le feront plus de mal entre eux ; 
c la terre, par Tordre de Dieu, portera fon fruit de miel 
c & de lait en récompcnfe de la bonne vie des chrétiens.»» 
Dieu fit ce faint miracle Tannée fix mille fept cent huit, 
durant ma vie, au mois de mai, le jour de la fête de Tem- 
pereur Conftandn & de fa mère Hélène, le dimanche 
vingt & un, fous le règne d'Alexis & du patriarche Jean, 
la veille du Concile des trois cent dix-huit faints pères, 
& en préfence de Tambaffadeur Tverdiatina Odromiritza 
venu de la part du grand-duc Romain avec les ambaffa- 
deurs Nedan, Domagir, Dmitri & Negvar. 

A Saime-Sophie, près de Tautel, à droite, fe trouve 
un marbre rouge fur lequel on met un trône en or ; fur 
ce trône on couronne Tempereur. Cet endroit eft entouré 
de cuivre, afin que perfonne ne puiflfe marcher deflfus; 
mais le peuple le baife : à cette même place la fainte 
Vierge pria (on Fils & notre Dieu pour tous les chrétiens; 
un faint prêtre, gardien noélurne, la vit une nuit. Du 
même côté fe trouve auflî la grande image des faints 
Boris & Glèbe, qui fert de modèle aux peintres. Quand 
on officie, le patriarche fe dent en haut dans les tribunes. 
Dans la chapelle, derrière le grand autel, font enclavés 

a. & les Sarafint Sr, 



96 II. ANTOINE DE NOVGOROD. 

dans le mur: la dalle fupérieure du Sépulcre du Seigneur, 
le Bacon en fer, les Vis & la Scie qui fervirenc à faire la 
Croix du Seigneur, & la Chaîne en fer de la porte de la 
prifon de Pierre; le Bois qui était au cou du Chrift fous le 
fer, eft aulli enclavé dans Tirnage en forme de croix. Dans 
cette même chapelle, au-deflfus de la porte, eft peint 
Etienne, premier martyr, & une lampe ell fufpendue de- 
vant lui; quand quelqu'un a mal aux yeux, on lui ceint 
la tête du cordon qui fouticnt cette lampe, & fes yeux 
font guéris. Il y a là Timage du Chrill que le juif frappa 
au cou, & la Trompette en cuivre de la prife de Jéricho 
par Jofué, fils de Nun ; & il y a la la Pierre en marbre avec 
un rond au milieu qui fervait de margelle au puits de Sa- 
marie jprès duquel le Chriil dit à la Samaritaine : ce Donne- 
ff moi à boire a (Jean, IV, 7) ; les Samaritains puifaient 
Teau à travers cette pierre. Plus loin font enterrés faint 
Averki, Grégoire le grand d'oirménie & Sylveflre ; il y a 
là auflî les têtes de Cyrus, de Jean ; & beaucoup de re- 
liques d'autres faints font à S aime-Sophie. Là aufli fe 
trouve le baptiflère, fur lequel efl peinte toute Thiftoirc 
du baptême du Chrift dans le Jourdain par Jean ; & com- 
ment Jean cnCcignait le peuple, & comment les petits 
enfants & les hommes fc jetaient dans le Jourdain : tout 
cela fut exécuté par Paul Thabilc durant le cours de ma 
vie, & il n'y a nulle part de peinture comme celle-là. Il 
y a là des fupports en bois, fur lefquels le patriarche fait 
placer une image du Chrill de trente coudées de hau- 
teur; Paul peignit d'abord le Chrift avec des couleurs 
faites de pierres précieufes & de perles broyées avec de 
l'eau; cette image fe trouve à Sainte-Sophie encore à 
préfent ". 

a. Toutes ces bonnes & riches caufe de nos péchés Sr. la Je ter^ 
chofes furent prifes & tranfpor- mine U manufcrit de Copenhague* 
tées à Rome, ce i\\\\ arriva à 



Le livre du pfeLERiN ( 1 200). 97 



Ec quand on veut chanter matines à Sainte-Sophie, on 
chante d'abord devant les grandes portes de Téglife, dans 
le nartex, puis on entre, & Ton chante au milieu de Té- 
glife ; & Ton ouvre les portes du Paradis, & Ton chante 
la troifîème fois devant Tautel. Les dimanches & jours 
de fête, le patriarche afllfte aux matines & à la mefle, & 
alors il bénit les chantres du haut des tribunes; ceflfant 
de chanter, ils prononcent alors le polykronia ; puis ils 
recommencent à chanter aufli harmonieufement & aufli 
doucement que les anges, & ils chantent ainfî jufqu à la 
meflfe. Les matines finies & ayant quitté leurs furplis, ils 
ibrtent & demandent la bénédiélion du patriarche pour 
la liturgie. Après les matines, on lit le prologue fur Tam- 
bon jufqu'à la mefle; quand le prologue eft fini, on com- 
mence la liturgie, &, le fervice terminé, Farchiprêtre 
prononce dans Tautel la prière dite de Tambon, tandis 
que le fécond prêtre la prononce dans Téglife, au delà 
de Tâmbon; tous les deux, ayant achevé leur prière, 
béniflfent le peuple. Ceft ainfî que, de bonne heure, ils 
chantent auffi les vêpres. On n*a pas de cloches à Sainte- 
Sophie, mais, un petit battoir hagiofidère à la main, [avec 
lequel] on frappe pour les matines, & on ne frappe ni 
pour la meflfe ni pour les vêpres, tandis que, dans d'autres 
églifes, on frappe & pour la mefle & pour les vêpres ; 
c eft d'après les préceptes de l'Ange qu'ils ont ce bat- 
toir ; quant aux Latins, ils fonnent les cloches. 

Il y a à Conftantinople le couvent des Vigilants; 
pendant toute la femaine, du foir au matin, ils font 
invariablement dans l'églife pour prier Dieu, & font 
cela toujours ; ils n'ont pas de prêtres léculiers chez 
eux, mais de vieux moines verfés dans les lois du Sei- 
gneur. 

Dans le Palais d'Or impérial fe trouvent: la fainte 
Croix, la Couronne, TEponge, les Cloux, le Sang; & outre 

"3 



98 II. ANTOINE DE NOVGOROD. 

cela : le Manteau de pourpre, la Lance, le Bâton, la Tu- 
nique & la Ceinture de la Sainte Vierge ; la Chemife du 
Seigneur, fon Echarpe, fa Ceinture & Tes Souliers; la 
tête de Paul & le corps de l'apôtre Philippe, la tête d*Epi- 
maque & les reliques de faint Théodore Tiron, la main 
droite de Jean Baptifte avec laquelle on facre les empe- 
reurs ainfi que fa crofle en fer furmontée d'une croix avec 
laquelle on bénit le nouvel empereur; l'Image [d'Edeflfe] 
du Chrid, deux céramides en argile, le Baflin en marbre 
du Seigneur & un autre, plus petit, auflî en marbre, dans 
lequel le Chrift lava les pieds de fes difciples, & deux 
grandes & faintes Croix ; tout cela fe trouve dans une 
feule petite églife fous le vocable de la Sainte Vierge. Dans 
la grande églife de faint Michel, qui eft dans le palais, 
la croix de Conftantin, avec laquelle il allait à la guerre, 
efl placée au-deflfus des portes de l'autel ; il y a là la 
Trompette de Jofué, fils de Nun, qui fervit à la prife de 
JérichOy &, dans l'autel, la Corne du bélier d'Abraham ; 
les Anges annonceront, avec cette trompette& cette corne, 
le fécond avènement de Notre-Seigneur ; il y a là aufli 
la Corne de Samuel, avec laquelle il verfa l'huile fur la 
tête de David roi, & la Verge de Moïfe, avec laquelle il 
fendit la mer & la fit traverfer au peuple, puis noya Pha- 
raon & les Egyptiens ; cette Verge & cette Corne font 
ornées de pierres précieufes. Dans la chapelle, derrière 
l'autel, fe trouve la table recouverte fur laquelle Abraham 
mangea avec la fainte Trinité ; & il y là une croix faite 
avec la vigne que Noé planta après le déluge ; le rameau 
d'olivier qu'apporta la colombe y eft inféré. Sur le mur 
du nartex, près des portes latérales, eft repréfenté un 
grand Chrift en mofaïque ; un prêtre l'encenfait en fe 
tenant devant lui, &, pendant ce temps, une voix 
fortit de l'image & dit au prêtre : u Eis polla iti àef^ 
(' pota ! o &, trois jours après, il fut facré patriarche. 



LE LIVRE DU PÈLERIN ( 1 20o). 99 

Regardez, frères! à quoi mène la vertu, & honorez le rang 
fuprême dans cette vie & dans celle à venir ! Dans l'ico- 
nodafe du grand autel eft incrufté le bouclier de Conf- 
tandn ; & Ton pofe dcflfus Tagneau, quand on donne la 
communion au peuple; dans ce même autel, fe trouve 
une partie du manteau & de la ceinture d'Elie. L'églife 
c(l pavée en marbre rouge, & il y a des trous dans le 
marbre fur lequel on marche. Quand Tempereur vient 
dans cette égUTe, on porte en bas beaucoup d aloès & 
d'encens qu*on met fur des charbons ardents; Todeur 
monte dans Téglife, & toute Téglife e(l remplie de par- 
fums; le chant eft aufli merveilleux que celui des Anges; 
& quand on fe trouve alors dans Téglife, on fe croirait 
au ciel ou en paradis ; le faint Efprit remplit Tâme & le 
cœur du croyant de joie & d'allégrefle. Sous les grandes 
portes de Téglife, dans le nartex, fc trouve une colonne 
en marbre, à laquelle a été attaché le faint martyr Ifidore 
& avec laquelle il fordt de la mer ; fes reliques font aufli 
là. Et nous baifâmes beaucoup d'autres faintes reliques 
dans le Palais d*Or, & Timage de la très Sainte Vierge 
Odigitria, peinte par le faint apôtre Luc, qu'on porte 
à travers la ville, par le chemin de Pierre patrice, aux 
faintes Blachernes ; le faint Efprit defcend en elle. Dans 
cette même églife fe trouvent la Tunique de la Sainte 
Vierge, fon Bâton bardé d'argent, & fa Ceinture qui eft 
enfermée dans une châfle de la chapelle latérale. Dans 
cette même chapelle eft Timage du Sauveur, que Théo* 
dore le chrétien confia au juif Abraham ; il y a là aufli le 
tombeau de Siméon le Jufte. Sous l'autel de cette même 
églife, eft enterré Jacques, frère du Seigneur ; le faint pro- 
phète Zacharie y eft aufli enfeveli ; dans cette même églife 
font enfermés, dans une colonne, [les reftes de] la moidé 
des Innocents; l'autre moidé eft à Jérufalem. Il y a là 
aufli dans l'églife douze corbeilles de pains bénis par le 



lOO II. ANTOINE DE NOVGOROD. 



Chrift, que le Seigneur mangea avec Tes difciples ; & ces 
pains font renfermés dans la muraille. 

Non loin eft fîcuée Té^iTe de laince Phodne la Sama- 
ritaine, & Tes reliques y font dépofées. 

A côté fe trouve la grande églif'e des faints Anargyres, 
Côme & Damien ; les fronts des faints Ankidin & Come 
montés en argent font aufli là. 

* Loin de là, vers la mer^ [dans une châflfe ouverte] 
font les reliques de fainte Anne la vierge, qui eft repliée 
fur elle-même & comme vivante. A côté, au-deflfus de 
la mer, fe trouvent [dans une châfle ouverte] les reliques 
de faint Nicolas le nouveau. 

Aux Blacherncs, au-deflfus des tribunes de r^;life, eft 
enterré iàint Théodore le Strat^e ; fon bouclier & fon 
épée font aufli là; au-defliis fe trouve Fimage de Jean- 
Baptifte, dans laquelle les cheveux de Jean-Baptifte font 
enfermés & fcellés du fceau impérial. 

Quant au crâne de Jean-Baptiile, à fa poitrine, à fon 
doigt & à fa dent, ils font dans le couvent de Studios 
chcx faint Théodore. Saint Théodore & fon frère Jofeph, 
évêque de Salani^e, font aufli enterrés dans le couvent 
de Studios dans un même tombeau ; le jour de fa fête, 
on expote fur le tombeau de Iàint Théodore, la tunique 
dans laquelle il fut martyriié. Là le trouvent aufli les têtes 
de Zacharie le prophète, de faint Babylas & d'autres 
faintes reliques, ainli que la figure de Jean-Baptifle. 

Dans le couvent de Atangana, dans T^life de faine 
George, fe trouvent le crâne de Iàint George, la main 
du fàint martyr Procope & d'autres faintes reliques^ L'au- 
tel de cette égUl'e eft orné de pierres prédeules & fur- 
monte par fimage du Sauveur caul'anc avec la Samari- 
taine près du puits. Hors de cette chapelle eft FégLle de 
faint Nîcvilas, & ce fut là que le lait commença à bouil- 
lonner dans la lampe. 



LE LIVRE DU PÈLERIN ( 1 200). 1 1 

Quand on bâtit Sainte Sophie^ on enferma de faintcs 
reliques dans les murailles de Tautel. Il y a aufli beaucoup 
de citernes à Sainte Sophie. Au-deflfus des tribunes fe 
trouvent les citernes & les entrepôts des patriarches & de 
réglife. Les légumes de toute efpèce [deftinés à la table] 
des patriarches^ les melons, les pommes & les poires font 
confervés au fond des citernes dans des paniers attachés 
par des cordes; quand le patriarche veut en manger, on 
les en retire tout frais ; ainfi les mange auffî lempereur. 
Le bain du patriarche eft aulfi au^delTus des tribunes ; 
leau des fontaines monte par des tuyaux, & Teau pluviale 
e(l confervée dans les citernes. Sur les tribunes font peints 
tous les patriarches & empereurs de Conftaminople & ceux 
qui partageaient leurs héréfies. Sur les chœurs de Téglife 

fe trouvent cinq têtes ornées de perles comme un ' 

en argent. 

En allant par Tembolon à THippodrome, à gauche, fe 
trouve une églife de la Sainte Vierge, & il y a là la Table 
du Seigneur en marbre, fur laquelle 11 foupa le jeudi faint 
avec fes difciples. 

Dans la fainte églife des Apôtres, lempereur Conftan- 
tin & fa mère font enterrés dans un même tombeau ; 
derrière ce tombeau eft placé un [fragment de] marbre 
dans lequel la plante des pieds du faint apôtre Pierre eft 
imprimée comme dans de la cire; cette pierre a été appor- 
tée de Rome. Dans Tautel de cette même églife, font en- 
terrés faint Jean Chryfoftôme & Grégoire le Théologue; 
leurs reliques font enfermées dans Ticonodafe ; il y a la 
aufli les châflîes en argent des trois Anargyres &les têtes 
de lapôtre Jean, frère du Seigneur, & de Matthieu Té- 
vangélifte ; quant à fon corps il eft enterré hors de la 
ville, & les reliques des autres apôtres fe trouvent dans 

a. M9t incompris* 



I02 n. ANTOINE DE NOVGOROD. 

réglife des Apôtres. Sous la table de Tautel font enfeve- 
lis les faints André, Luc & Timothée ; les vêtements des 
apôtres font enfermés dans une châflfe derrière le maître- 
autel, qui eft (itué au milieu de Téglife, & devant lequel 
eft placée la Colonne en marbre à laquelle le Chrift a été 
attaché ; mais la planche, fur laquelle on pofa le Seigneur 
quand on leur ôté de la Croix & fur laquelle tombèrent 
les larmes que la Sainte Vierge verfa en touchant le corps 
de fon Fils & Dieu, & que Ton voie blanches conmie des 
gouttes de cire, fe trouve dans le couvent de Pantocra- 
tor. 11 y a dans cette même églife la tête de faint Spiri- 
dion, mais fa main & fes reliques font enterrées fous 
Tautel du couvent de la Sainte Vierge Odigicria \ le doigc 
de faint Théodore fe trouve dans la même églife. 

Dans le couvent de Kalojean fe trouvent les reliques 
& la tête de faint Blaife & celles d'autres faints. 

Dans le couvent de Philanthrope, il y a le Clou du Sei- 
gneur, & dans le couvent de Pandopafti de faintes croix 
& des reliques de faints. 

Près des Portes dorées, fe trouve Téglife de faint Dio- 
mède contenant les reliques. 

Plus loin font les reliques de faint Mamas & fon cou- 
vent. Encore plus loin^ dans un couvent de femmes, les 
faints Carpe & Papilus font couchés dans un même tom- 
beau ; réglife du couvent fut conftruite par lempereur 
Conftandn. 

Dans le quartier de Iriacontaphille fe trouvent une 
quantité de couvents & de faintes reliques & une partie 
du manteau d'Elie. Ce couvent eft plus riche en jardins, 
champs & or que tous les autres couvents de Conftanti' 
nople. 

Plus loin, dans un couvent, eft enterré faint Edenne le 
nouveau, &, le jour de fa fête, on apporte fa tête près 
de la cave où il fût jeté. L*éparque porte fa tête en pro- 



LE LIVRE DU PÈLERIN (l 20o). tO^ 

ceflion pendant toute la nuit^ fuivi par une quantité de 
monde avec des cierges & chantant : Kyrie eleîfon. 

Plus loin eft (ituée la métochie de la Sainte Vierge Ever- 
ghétis ; & dans Féglife fe trouve le bâton en fer furmonté 
d*une croix du faint apôtre André. Dans ce couvent vé- 
cut aufli Sabbas^ prince ferbe, quand il revint de la oMon" 
tagne fainre. Il y a, à côté, un couvent de femmes où dix 
martyrs font enterrés dans un feul tombeau ; au-deflfus 
[dans une châflfe ouverte] font placées les reliques de la 
princeflTe vierge; ce fut Tinfidèle empereur [Conftantin] 
Copronyme qui les martyrifa tous. 

Plus loin fe trouve le couvent de faint Mokios ; il y a là 
une grande églife,&, fous Tauteljfont enterrés faint Mokios 
& faint Siméon ; de Peau coule de ce dernier tombeau. 

Non loin de ce couvent, eft enterré le nouveau faint 
père Euthyme qui portait des chaînes ; plus loin font les 
reliques de Cyrus & de Jean. De ce même côté eft Péglife 
de faint Luc, où Pon enterre tous les morts ; dans cette 
même églife fe trouve faint Anaftafe qui eft fans tête, 
parce que fa tête a été volée. A côté, [dans une châfTc 
ouverte] fe trouvent les reliques de faint Dimitri le laïque, 
dont Pimage eft femblable à celle de faint Mine. 

Dans le couvent d*hommes fe trouvent la tête & les 
reliques de faint Die. 

Et près de la Colonne, à côté du couvent de la Vierge, 
le nouvel Eudoxe eft couché conune vivant dans un tom- 
beau en argent. 

Près de la porte de Romain, font enterrés le faint 
prophète Daniel & les faints Romain & Nicétas. 

De ce même côté, près de la muraille de la ville, fe 
trouvent les reliques de lainte AnaftaHe la vierge [dans 
une châfle ouverte]. 

Et près de là [dans une châfle ouverte] fe trouvent 
aufli les reliques des faints Flore & Laure. 



t04 n. ANTOINE DE NOVCOROD. 



De ce côté eft ficuée Téglife de faine Nicécas^ & Ton 
pied s*y trouve. Près de là eft Téglife de faine George. 
Dans Tune & Taucre de ces deux églifes fe trouvent beau- 
coup de martyrs. Ceft là aufli que faint Théodore fe 
transfigura, en pétriflfant pour une nonne de la pâte dans 
une auge. A côté eft enterré faint Nicéphore, patriarche 
de Conftanrinople. 

Il y a, en allant vers lesBlachernes, un couvent de faint 
Jean-Baptide ; on y laiflfe pénétrer tout le monde trois 
fois Tan, les jours de la fête du faint & à Pâques, & Ton 
nourrit tout le monde ; quant aux religieufes, on ne les 
laiiTe jamais fortir du couvent ; elles font au nombre de 
deux cents & n*ont pas de champs, mais elles fe nour- 
riflfent grâce à Dieu, aux foins & aux prières de Jean. 

A côté eft fîtué le couvent de l'aint George, & faint 
Théodore Siciote y e(l couché dans une châflfe ouverte en 
argent ; fa croiiç eft aufli là, furmontant le bâton de fer 
avec lequel il allait prier faint George fur la montagne ; 
il y a là le calice en marbre avec lequel il officiait, & beau- 
coup de malades, en buvant dans ce calice, font guéris. 
Et faint Polyeudle guérit les fièvres & autres maladies. 

Du côté de Téglife des Apôtres, fe trouve Féglife de 
Tous les faints ; il y a là la tête du faint apôtre Philippe 
& d'autres faintes reliques. 

Les reliques de Côme & Damien fe trouvent dans leur 
laure. Là font aufli les reliques de fainte Euphémie ; il 
n*y a que dix ans qu'elles ont été découvertes : car on ne 
favait où elle avait été dépoféc; c'eft grâce à elle que 
les faints Pères vainquirent les hérétiques. 

Dans un couvent de femmes fe trouvent les reliques 
de fainte Théodofie, dans une châfle ouverte en argent; 
on porte ces reliques en proceflion & on les impofe aux 
malades & ils guériflent. Non loin, fous Tautel, eft aufli 
enterré faint Haïe le prophète. 



LE LIVRE DU PÈLERIN (l20o). tOf 

De ce côté efl ficuée Féglife de Saine Laurent où font 
dépcfées Tes reliques. En montant la montagne on trouve 
les reliques du faint père Antoine, & plus loin, dans le 
champ, celles de faint Paul le laïque. 

Saint Jean Calybite eft enterré près de la porte de fa 
maifon, & il y a là fa croix furmontant un bâton en fer. 

Dans réglife de la fainte RéfurreAion du Seigneur, 
fituée dans le grand embolon des Noirs, les cierges s'al- 
lument le jour de Pâques ; le faint père Auxence, qui vi- 
vait fur la colline avec faint Etienne le nouveau, y eft 
enterré; faint Marcel auffi qui conftruifit cette églife (i 
admirable ; elle eft bâde avant Sainte Sophie ; il y a là 
les Clous & le Sang de la Paifion du Seigneur qu*on fête 
le vendredi faint. Dans les autres églifes on n*officie pas 
le vendredi faint, ni à Sainte Sophie non plus; mais ce 
jour-là on lave les égliies & on les parsème de feuilles de 
violettes. 

Dans ce même embolon fe trouvent la tête & les re- 
liques des faints Macchabées. Et, dans Tembolon de Saint 
George, fe trouvent [dans une châflfc ouverte] les reliques 
de faint Léon, prêtre rufTe, un grand homme ; ce Léon 
alla trois fois à pied à Jéruf aient. A côté eft Hruée Téglife 
de faint Platon où font dépofées fes reliques & celles de 
Jean T Aumônier; là fe trouve auffi la maifon du faint 
confeflèur Paul, &, fous Tautel, on baife fes reliques, fon 
omophorion & fon étole. 

Au bout de Tembolon ruflfe, eft fituée Téglife des Qua- 
rante Martyrs ; une parde de leurs reliques eft là & Tautre 
à Sébafle ; la tête de faint Anice eft là. 

Plus loin fe trouve Téglife de faint Procope, & fon 
front y eft auffi. 

Près de la porte de derrière du couvent de Pantocra- 
tor, on voit le corps de faint Conftantin le moine qui 
eft conmie vivant; &, près de la porte de la façade, font 

«4 



Io6 II. ANTOINE DE NOVGOROD. 



les reliques de faince Izaïle. Et, à côté de cette églife, eft 
enterrée la fainte martyre & vierge Anaftafie ; elle détruit 
tout fordlège & enchantement. 

Les reliques de la fainte martyre Barbe font dépofées 
dans Ton églife, &^ de fon fein, que Dieu pétrifia, cou- 
lèrent du fang & du lait. Dans Téglifë de TAnnonciadon 
de la Sainte Vierge eft enterré Romain le chantre. 

A côté fe trouve le couvent de faint Bafile ^ il y a là 
fon étole & Tos de la main de faine Siméon le Jufte. 

A côté eft fituée l'églife du premier martyr faint 
Etienne ^ il y a là fon fi*ont lapidé qu'on a raccommodé 
& beaucoup d'autres faintes reliques. 

A Tlaquote eft fituée Téglife des faints martyrs Gouri, 
Samon & Abibe; leurs reliques font là. A côté de cette 
églife fe trouve Téglife de faint Onéfime, le difciple de 
Paul, & fes reliques y font dépolées. 

Derrière Pierre Patrice fe trouvent les reliques des faints 
Julien, Cyrique & Julitte & de fainte Thècle. 

Plus loin fe trouve Téglife de faint Agathonique où 
fes reliques font dépofées. 

Près de Tlaquote, fe trouve le couvent du faint pro- 
phète Elie, & il contient une églife & une quandté de 
reliques de faints; les jours de fête on met des tables 
partout dans Téglife & Ton y expofe les reliques des 
faints. Dans Téglife du faint martyr Acace, conftruite 
par l'empereur Conftantin, fe trouvent fes reliques, &, 
derrière Tautel de cette même églife, le tombeau de faint 
Métrophane, premier patriarche de ConftanrinopU^ fon 
étole & fa tête ; après avoir été battu, fon corps fut brûlé 
par Tinfidèle empereur Copronyme. 

Au pied de la montagne, fe trouve Téglife des faints 
Serge & Bacchus; leurs têtes y font aufli, ainfi que la 
main de Serge & fon fang; le fang de faint Epimaque y 
eft enfermé dans une châflfe. 



LE LIVRE DU PÈLERIN (l20o). I07 

Près de THippodrome e(l ficuée réglifc de la fainre 
martyre Euphémie^ Ton tombeau vide, garni d'argent, s*y 
trouve au(Iî; dans cette même églife ell enterré faint 
George. A côté des Vigilants font dépofées [dans une 
châflfe ouverte] les reliques de la martyre Julienne. Dans 
la xénodochie de faint Samfon, fe trouvent fon bâton, 
Ton étole & Tes vêtements facerdotaux ; il y a là aufli le 
poêle fur lequel fut martyrifé faint Orede. Dans Téglife 
de faint Acyndin fe trouvent la tête d'Onuphrius & le 
pied entier du faint apôtre Thomas ; fon front eft derrière 
Pierre Patrice. 

Près de Sainte Sophie eft Téglife de faint Jean le Théo- 
logue; il y a là la pierre qui fut mife fous la tête de faint 
Jean le Théologue dans fon tombeau. Dans cette même 
églife, dans le narrcx, eft enfeveli faint George : quand 
faint George mourut, on paflfa pour Tenterrer devant 
cette églife ; il s'y arrêta & Ton ne put plus le faire bou- 
ger de là, de forte qu'il y fut enterré : beaucoup de ma- 
lades obtiennent aufli par lui la guérifon de leurs maux. 
Je n'ai pas énuméré beaucoup d'autres faints qui font 
hors de Conftaminople ; ceux-ci font dans l'intérieur de 
la ville. Et il y a un couvent & une églife de faint Théo- 
dore. 

Derrière Is^Tigas fe trouvent les reliques & le fang 
d'Eleuthère ; près d'Is-Tigas [dans une châflfe ouverte] 
font aufti les reliques de faint Jean l'Aumônier. 

Il y a dans la ville d'Is-Tigas une églife des faints mar- 
tyrs Boris & Glèbe ; c'eft dans cette ville que les faints 
fe manifeftèrent & beaucoup de malades font guéris par 
eux. Dans la ville dls-Tigas, dans Téglife de la fainte 
Vierge, il y a une image de faint Jean, peinte fur le mur ; 
la première fcmaine de carême, une rofe pouflfa fur fa 
tête, blanche comme du lait, & tous les habitants allè- 
rent contempler & faluer l'image 3 ce miracle en forme 



I08 II. ANTOINE DE NOVGOROD. 

de croix dura jufqu*à la fête de Confbndn & d'Hélène. 

A Is'Tigas fe trouve Téglife grecque de faint Nicolas ; 
à côté vivait Conftantin & il apparut à Fempereur, qui 
ordonna au patriarche de le tranfporter dans la ville & 
de fonder une églife & un couvent en fon nom : c*ell 
juftement Téglife qui fe trouve près du couvent de Pan- 
tocrator. Ce Conftantin était juif d^abord, & fut bapdfé 
& inflruit par Etienne le nouveau ; il a une églife à /r- 
Tigas portant fon nom. 

Il y a beaucoup de reliques du côté d^Is-Tigas & de 
Sainte Sophie. Plus loin [dans une châflfe ouverte] fe 
trouvent les reliques d^Anaftafie; elle fut même mariée^ 
mais fe fauva par Taumône & une vie pure. 

Il y a une églife dans laquelle font enterrés fept apô- 
tres, difciples d^Urbain : cette églife fut bâde avant Conf- 
tannnople, A côté «eil fitué le couvent de femmes de faint 
Jacques de Perfe, oh [dans une châflfe ouverte] fe trou- 
vent les reliques de fainte Marie vierge, qu'on impofe 
aux fidèles. Plus loin efl la grande églife de iainte Irène; 
fes reliques y font aufli dépofées; &, à côté, dans le 
couvent de femmes fe trouve la tête d*Ircne. 

Dans rhôpical, fur la montagne, au delà dls-Tigas, 
eft enterré faint Zodc ; Tempereur ordonna à ce Zotic 
de bâdr un palais, & lui, il prit Tor & le didribua aux 
pauvres; Tempereur ordonna alors de l'attacher à la 
queue de deux chevaux, afin qu'ils TexterminaATent; ils 
le traînèrent par les champs & s'arrêtèrent dans un 
bois ; le faint y fut enterré, & l'on y bâtit une églife ; 
on y fonda aufli un hôpital, & les chrédens y font l'au- 
mône. 

Et à côté eft Lazare, peintre d'images, qui fiit le pre- 
mier à peindre à ConJiantinopU, dans l'autel de fainte 
Sophie, la Sainte Vierge tenant le Chrift & deux anges. 

A côté fe trouve un couvent & le faint apôtre Ananie 



LE LIVRE DU PÈLERIN (llOO). lOÇ 

y eft enterré, Se, plus loin^ eft enfeveli faine Phocas le ca- 
bareder. 

Dans le couvenc de {Matchukov eft enterré faine Jafon. 

Plus loin fe trouve le couvenc de Saint-tMichél, fondé 
par Tempereur Kyr Ifaac; il y a dans ce couvene une 
image du Chrift déeournane fa figure d*un homme injufte 
venu à lui. 

Plus loin, fur la montagne, [dans une châflfe ouverte] 
fone les reliques de faine Daniel le ftylite ; après Daniel, 
fur ce même pilier, fe tenait Acace, & il eft enterré dans 
la même églife. Dans cette même églife repofe la fainte 
princefle Xénie, fille de Bracidav. 

Plus loin fe trouvent les trois cent dix-huit faints Pères 
& leurs reliques. 

En allant vers le bois, fe trouve le couvent Ihère où eft 
la tête de faint Hilaire. Dans le couvent d'hommes font 
dépofées [dans une châfte ouverte] les reUques de fainte 
Sophie, la princefTe vierge ; elles furent cachées pendant 
cent ans à caufe du méchane empereur & enfuiee elles fe 
manifeftèrent. 

A côté il y a un couvent de fenunes, où eft enterré 
Taraife le patriarche. 

Au delà dls-Tigas, fur la montagne, fe trouve 
un couvent de la Sainte Vierge; un moine qui fe 
tenait fur un pilier bâtit ce couvent qui ne pofsède 
aucun bien; la Sainte Vierge apparut à labbé de ce 
couvent & lui ordonna de faire laumône; en mou- 
rant cet abbé écrivit Tordre de fidre Taumône tant que 
le couvent exifterait; & jufqu'à préfenc on donne à 
chaque perfonne du pain, de la foupe & un verre de 
vin ; tout chréden, allant à JéruJaUm ou en retournant, 
y eft nourri tous les jours ; & les Grecs y mangent aufli, 
&, grâce aux prières de la Sainte Vierge, le couvenc ne 
s appauvnt pas. 



I TO II. ANTOINE DE NOVGOROD. 

De Conftantinople à Saime-'Tarafcèvej il y a un jour de 
marche. 

Au delà des Tartes dorées^ fe trouve faine Nicolas au 
front fendu, & toute Timage eft garnie d'argent doré ; 
quand l'empereur vient, on découvre la garniture ; l'em- 
pereur baife la cête de laquelle coula le fang, & on la re- 
couvre de nouveau. Un peu avant Tarafcève^ fe trouvent 
[dans une châflfe ouverte] les reliques de faince Euphémie 
& celles de fainte Paral'cève ; on les porte en proceflion. 

Plus loin eft enterrée fainte Hélène la vierge. 

Près de Gallipoli eft enterré le faint père Euthyme. 

Et à Chryfopolis eft encerré faint Bafîle le nouveau; c'eft 
celui qui écrivit fur le jugement dernier. 

Quant à nous, frères, laiflfant de côté toute la méchan- 
ceté diabolique & réunis dans un commun amour, nous 
tâcherons d'imiter la vie des faints que j'ai cités ici : ces 
faines étaient des hommes comme nous; mais ils vain- 
quirent le mal de cette vie & la conHdérèrent comme 
une ordure. Laiflfons cette dernière dont nous voulons 
nous féparer, &, nous réjouiflfant, tâchons d'atteindre 
ceux avec lefquels nous marcherons vers le Dieu vivant 
dans la vie éternelle qui n'a pas de fin. 

Ce qui fe trouve à Conftantinople^ le long de Souda & 
hors de la ville, a été décrit pour être porté à la connaif- 
fance, à la mémoire & aux prières des fidèles & le nombre 
des chofcs faintes dans Conftantinople, dans Sainte Sophie, 
dans l'églil'e des Apôtres que je n'ai pas décrites, eft en- 
core plus grand. 

L'empereur Manuel chercha & ordonna d'énumérer tous 
les prêtres en leur donnant une perpera & les couvents 
qui font d'un bout de Souda à l'autre. 

De la mer grecque à la mer rufte il y a quarante mille 
prêtres, fans compter ceux des couvents, qui font au 
nombre de quatorze mille; Sainte Sophie en a trois mille; 



LE LIVRE DU PÈLERIN (raoo). 



cinq cencs participent aux bénéfices de l'égUTe Se mille 
cinq cents n'y participent pas ; quand meurt un des cinq 
cents prêtres, il eft remplacé par un des mille cinq cents; 
& ceux qui oflicient dans les églifes font fauves par 
Dieu & la Sainte Vierge, en glorifiant la fainte Trinité, 
le Père, le Fils & le faini Erprii indivifîblement, & en 
louant la très Sainte Vierge; c'eA grâce à Elle que font 
l'auvés tous les chrétiens onhodoxes, & qu'ils reçoivent 
la vie étemelle à préfent & dans l'avenir jufqu'à la fin 
des fîècles. Amen. 



m 



LE TELEl^^T^otGE 
DÉTIENNE DE NOVGOROD 



vers i^fo. 



«s 



R = Mofcou^ Mufce RoumîanUev, Ponds Roumantziev. 



Narrations du peuple ruje (en nifle), publ. par J.-P. Sakharov (St-Pé- 
ter(bourg, 1849, 8»), t II, I. 8, pp. 51-56, d'après le manufcrit & 
deux autres du XVII« fiècle, aujourd'hui perdus, qui apparte- 
naient aux marchands R. E. Tchernikov & N. V. BaiTov. 



LE TELE%lï/^GE 
D'ETIENNE DE NOVGOROD 



toi, le pécheur Edenne, du grand P^ovgOTod, 
Si huit de met compagnons, nous vînmes à 
Conjfantinople adorer les faines lieux & baifer 
a les corps des faines, & nous Dîmes bénis par 
% faince Sophie, la SagelTe divine. 
Nous arrivâmes à Conjiam'tnaple [pendant] la femaîne 
faince & allâmes à Sainie Sophie. Voici ce que nous 
vîmes : il y a là une colonne vraiment merveiUeufe, d'une 
épaifTeur, hauteur & beauté telles qu'on l'aperçoit de 
loin ; & fur fon fommet le grand JuAinien, vraiment ad- 
mirable, cft afTîs à cheval comme vivant, vécu du coftumc 
farralin, enVayant à voir & tenant en main une grande 
pomme en or, & fur cette pomme une croix ; la main 
droite fuperbement étendue vers le midi, vers la terre 
farrafine, vers Jérufalem. Il y a aulG dans la ville beaucoup 
d'autres colonnes en marbre, couvertes du haut en bas 
d'infcripànns profondément gravées, (&, de ces mots, 
les uns font dorés Se. Ici autres noircis.)' Il y a bien de 

a, Let raoU placé* entre parenthife* ( ) inan()ucnt lUni K, 



I l6 m. LE PtXERIKAGE 

quoi s*éinerveîller & TeTpric ne peut fe dire comment (de- 
puis tant d*années) cette pierre fe conlerve inalcérable. 

De la colonne de Juftinien on pénètre dans Sainte 
Sophie, dont la première porte eft tout près; puis on paflfe 
par une féconde, une trotfième, une quatrième, une cin- 
quième & même une fixième porte, & par la feptième 
on pénètre dans la grande églife de Sainte Sophie. Si Ton 
s*avance un peu & que Ton fe retourne, on voit, au-def- 
fus de la porte, Timage du faint Sauveur, dont il eft quef- 
tion dans les livres & on ne peut raconter tout ce qui en 
eft écrit. Les iconodaftes impies, y ayant adoflfé un efca- 
lier, voulaient arradier le nimbe en or, & fainte Théo- 
doHe renverfa Tefcalier, & fit tomber Timpie & Ton im- 
mola cette fainte avec la corne d*un bouc. Plus loin nous 
vîmes une foule de monde baifant (avec componâion) 
[les inftruments de] la Paflion du Seigneur & nous nous 
réjouîmes fort; car on ne peut approcher fans larmes 
[des inftruments] de la Paftion du Seigneur. Un boyard 
de Tempereur, vulgairement appelé Bocar, nous ayant 
aperçus là (& voyant la foule & notre délaiflement), nous 
fi*aya un chemin pour Tamour de Dieu jufqu*à la Paflion 
du Seigneur que, pécheurs, nous baiiâmes. Plus loin, nous 
détournant un peu du chemin, (nous vîmes) fur le mur 
le Sauveur fait en mofaïque, & une fainte eau fort des 
plaies produites par les clous dans fes pieds, &, (pécheurs,) 
nous le bai/ames ; & Fun des hiéromoines nous oignit 
d*huile & (nous fit boire) de ceae fainte eau. Beaucoup 
de colonnes en niarbre rouge mervetlleulement ornées 
font là & contiennent les reliques des faints : le peuple 
les touche, &, fi quelqu'un eft malade & vient avec fbi, il 
eft guéri. Et ici nous aperçut le faint patriardie de Canf- 
taminopUy dont le nom eft Ifidor^^ C& il eft (acre pa- 
triarche depuis fix ans, & ce patriarche nous appda à lui 
& nous bénit) & nous bai(ames fa main (& il caufa avec 




D'ETIENNE DE NOVGOROD (v. I^fo). II7 

nous,) car il aime beaucoup la 'Rjêffie. O grand miracle ! 
celle eft donc Ton (humilité qu'il caufe avec des pèlerins 
pécheurs c ITime nous) ; ce n'eft pas ainfi qu'on a cou- 
tume d'agir chez nous. 

(Et étant reftés aflez longtemps dans la grande églife de 
Sainte Sophie,) nous allâmes vénérer faint Arsène le pa- 
triarche & baifâmes Ton corps ; & tout ceci fe fuit dans 
cette églife en en faifant le tour d'après le cours du folciL 
Et, en allant de l'églife vers la porte, on paflfe autour des 
murs avec un cierge, & on voit là une très belle image 
du faint Sauveur furnommée : la Montagne des Oliviers 
& femblable à l'image de Jéruf aient. En fe dirigeant de là 
vers l'autel, on trouve de très belles colonnes d'une pierre 
femblable à l'ardoife. Dans le grand autel fe trouve le 
puits qui communique avec le faint Jourdain, (Un matin) 
la garde royale redra du puits un vafe & les pèlerins ruflfes 
le reconnurent ; les Grecs n'y ajoutèrent pas foi. Les Ruffes 
dirent: c'eft notre vafe, nous l'avons laiflfé tomber en 
nous baignant dans le Jourdain. (Mais les Grecs ne crurent 
pas aux paroles des Ruflfes & ne le rendirent pas aux pè- 
lerins ; ils n'ajoutaient pas foi aux Ruflfes en cela. Pauvres 
pèlerins !) Au fond de ce puits était enfermé de l'or ; (un 
jour on découvrit un coffre) & on força le coffre &, y ayant 
trouvé beaucoup d'or, on s'en étonna. C'efl ainlî que le 
puits fe manifeiîa par l'ordre de Dieu & fut appelé : Jour- 
dain. En fortant du grand autel, à gauche, en fuivant le 
cours du foleil, eft l'endroit où une grande lampe en verre 
pleine d'huile tomba d'en haut & ne fe caflfa, ni ne s'é- 
teignit. Même fi elle était en fer, elle aurait dû fe brifer, 
mais une force invifible la dépofa fur la pierre. A côté 
fe trouve la table en pierre de faint Abraham auquel 
Dieu apparut fous la forme de la Trinité près du chêne de 
cMamhré. (Quant à nous pécheurs, nous vîmes ce chcne de 
cMambré quand nous vifitâmes Jéruf aient & les environs,) 



Il8 III. LE PÈLERINAGE 

& ce chêne a des feuilles vertes qui reftenc celles été 
& hiver, & dureront, dit-on, jufqu^à la fin des (iècles ; il 
e(l entouré d'une enceinte en pierre, & les Sarrafins y 
montent la garde. Il y a aufli là un lit de fer fur lequel 
on martyrifait les faints martyrs en les mettant fur le feu; 
une foule de perfonnes viennent à ce lit & obtiennent 
leur guérifon, (& nous pécheurs,) nous le baifâmes. Il y a 
là de très belles colonnes en pierre rouge veinée fem- 
blable à Tardoiie; Thomme y voit fon image comme 
dans une glace ; elles ont été tranfportées ici de la grande 
Hffme. Sainte Sophie pofsède une quantité de puits d*eau 
douce fans compter ceux qui font dans les murs de Té- 
glife & entre les murs, & ils ne dépaflTent pas le niveau 
du fol qui s*appelle : pavé de Téglife. (Au-deffus de ces 
puits,) des anneaux en fer font enfoncés dans le marbre 
& ce marbre fe nomme pierre unie. Une quantité immenfe, 
innombrable de lampes font fufpendues dans Sainte So- 
phie; les unes dans les chapelles & les chambres, les 
autres aux murs & entre les murs, dans les couloirs de 
réglife où fe trouvent de grandes images, & là brûlent 
également des lampes à huile d*olive ; & nous pécheurs, 
nous y vînmes avec larmes âcalIégrefTe, offrant des cierges 
félon nos moyens, ainfi que devant les faintes reliques. 
Sainte Sophie a trois cent foixante-cinq portes & autant 
d autels; elles font très ingénieufement ornées & quel- 
ques-unes d'entre elles font barricadées à caufe de Tappau- 
vriflement [de Téglife]. Uefprit humain ne peut ni parler 
de Cainrc Sophie, la SageflTe Divine, ni la comprendre, & 
nous avons écrit ce que nous avons vu. 

PaflTant de Sainte Sophie devant les colonnes de Julli- 
nien, & devant les trois petites, & devant faint Théodore, 
on gravit une montagne par une grande rue, par le che- 
min impérial. Un peu plus loin qu*une bonne portée de 
flèche, fe trouve la colonne de l'empereur orthodoxe 



D*ÊTI£NNE DE NOVGOROD (v. Ijfo). I IÇ 

Conftancin, faite d'une pierre rouge apportée de H^me : 
une croix ell fixée fur Ton fommet ; dans cette colonne 
tout autour fe trouvent les douze cophines de pain ; là 
eft aufli la cognée de Noé & là paflfe Tété le patriarche. 

De là nous retournâmes vers Sainte Sophie. Deux 
grandes églifes fe trouvent à côté : la grande églife d*irène 
&, non loin, le couvent de femmes de la Sainte Vierge; 
fainte Eudoxie y repofe. 

Defcendant de là vers la mer, il y a la colline du faint 
martyr George, appelé : force invincible ; là fe trouvent 
[des indruments de] la Pafllon du Seigneur, enfermés & 
fcellés du fceau de Téglife'. Dans la Semaine fainte l'em- 
pereur lui-même avec le patriarche [les] décachettent & 
[les] baifent, après quoi perfonne ne peut les voir. Là 
repofe le corps de fainte Anne que, pécheurs, nous bai- 
fâmes ; & là, derrière le mur, au-deflfus de la mer, appa- 
rut le Chrift lui-même & on appelle cette églife : le Cbrift. 
Il y a là une quantité de malades amenés de toutes les 
villes & ils obtiennent leur guérifon ; faint Averki y repofe 
aufli & nous baiiâmes l'on corps. Tout cet endroit rcf- 
femble à la pifcine de Salomon qui eft à Jirufalem. 

Nous nous rendîmes enfuite au couvent de la Sainte 
Vierge où gît la tête de Jean Chry foftôme, &, (pécheurs,) 
nous la vénérâmes & la baifâmes. 

De là nous allâmes au couvent de la Tanacrante, où fe 
trouve la tête de faint Bafile. 

Non loin eft fitué le couvent de la Tantanafis; [les inf- 
truments de] la Paflion du Seigneur y font enfermés & 
partagés en deux. De là nous nous rendîmes le mardi au 
couvent de la Sainte Vierge pour vénérer Timage que 
Ton y expofe; elle a été peinte par Tévangélifte Luc 
d'après Notre Dame la Vierge, mère de Dieu, qui était 

a. du fceau impérial /t 



1 20 m. LE PÈLERINAGE 

■■■■Il I ■ Il — I ■ — ■ — ' — ■ 

encore vivante; on expofe cette image tous les mardis. 
Il eft vraiment merveilleux de voir en quel nombre s*y 
raflfemblent le peuple & les gens des autres villes ! Cette 
image eft très grande, richement ornée & les chantres 
chantent admirablement devant elle, tandis que tout le 
peuple implore en pleurant : Kyrie eleîfon I On met le 
cadre fur les épaules d*un (eul homme & il étend les bras 
comme s'il était crucifié ; on lui bande aufli les yeux ; 
c'eft effrayant à voir comment en marchant il eft jeté de 
droite à gauche, comme il eft retourné avec force fans 
qu'il fâche où Timage le pouffe. Puis un autre s'approche 
& c'eft la même chofe, un troifième, un quatrième s'en 
faififfent, (& c'eft toujours de même). Et ils chantent un 
grand cantique avec les diacres, & le peuple crie avec des 
pleurs : c' Seigneur, aie pitié de nous ! » Devant l'image 
deux diacres tiennent les éventails facramentels & les 
autres l'Arche. Vue furprenante ! trois hommes la pofent 
fur les épaules d'un leul homme & il marche avec faci- 
lité par la grâce de Dieu. 

De là nous allâmes au couvent à'Enée Klejfy furnommé : 
neuvième églife \ & tout cela fe trouve dans une feule 
églife ; il y a là un Chrift de grandeur naturelle qui eft 
comme une ftatue & non comme une image. 

Il y a là un édifice appelé : Palais de l'empereur ortho- 
doxe Conftantin; les murs en fbnt grands & très élevés, 
plus hauts que les murailles de la ville \ il eft femblable à 
une grande ville, & fe trouve près de l'Hippodrome au 
bord de la mer. Non loin eft fltué le couvent de Serge & 
'BacchuSy & nous baifâmes leurs têtes. Tout cela d'après 
le cours du foleil, en fuivant à gauche les murailles de la 
ville le long de la mer. 

De l'Hippodrome on paffe devant Camofcopie; là eft la 
fuperbe & très grande porte en fer à grillage de la ville ; 
c'eft par cette porte que la mer pénètre dans la ville. Si 



D*ÊTIENNE DE NOVGOROD (v. 1 3 f o). 1 2 1 

la mer eft agitée, jufqu*à trois cents galères y trouvent 
place ; ces galères ont les unes deux cents & les autres 
trois cents rames. Ces vaiflfeaux font employés au tranf- 
port des troupes ; fi le vent eft contraire, ils ne peuvent 
avancer, & doivent attendre le beau temps. 

De là nous allâmes vénérer Saint-Vimitrij où repofe le 
corps du faint empereur Lafcaris; tel était fon nom, 
&, pécheurs, nous baifâmes fon corps. C eft un couvent 
de Tempereur fitué au bord de la mer. Et, à côté de ce 
couvent, vivent beaucoup de Juifs au bord de la mer, 
près de la muraille de la ville; & Ton appelle les portes 
donnant fur la mer : Tartes Juives. Il y eut là un miracle : 
Chofroës, roi de Terje^ vint à Conftantinople avec fon 
armée & voulut s'emparer de la ville. Et Conftantinople 
retendt de gémiflfements. Alors Dieu fe manifefta dans 
une vifion à un certain vieillard & lui dit : « Prends la 
c Ceinture de la fainte Vierge & plonges-en le bout dans 
rc la mer. » Et Ton fit cela avec des chants & des pleurs. 
Et la mer fe fouleva & brifa leurs bateaux contre la mu- 
raille de la ville. A préfent là blanchilTent leurs os comme 
de la neige, près de la muraille de la ville, près des Tortes 
Juives. 

Nous allâmes auffi chez Théodore, dans le couvent 
Studios. Nous vîmes beaucoup de chofes à Conftantinople 
& Ton ne peut tout décrire. (Dieu a tellement glorifié les 
faints lieux qu'on ne peut s'en féparer. Nous fSmes dans 
le couvent Studios,) & bailames le corps de faint Sabbas. 
Cette églife eft très grande, & une voûte très haute la 
recouvre; l'image y brille comme le foleil, richement 
garnie d'or; nous fûmes fort furpris, car elle eft femée 
de perles, & un peintre ne peut pas peindre ainfi. Le ré- 
fe<5loire, où mangent les moines, eft auffi conftruit d'une 
façon plus extraordinaire que dans les autres couvents, 
& eft fitué fur le bord de la mer près des Tortes d'Or. 

i6 



1 22 m. LE PÈLERINAGE 

Théodore Studios y e(l enterré. On envoyait beaucoup 
de livres de ce couvent en T^sJJtey des règlements, des 
triodions & autres livres. 

De là nous allâmes dans le couvent de la tris belle 
iMire de Dieu & y baifâmes la main de Jean-Baptifte & 
celle] de Siméon, qui reçut Jéfus-Chrift, & de Grégoire 
e Théologue. 

Et de là nous allâmes vénérer André de Crète 3 il re- 
pofe dans un très beau couvent de femmes, & nous 
baifâmes les reliques de laint André. De là nous allâmes 
vénérer le faint patriarche Tarace, & nous baifâmes Tes 
reliques. 

De là nous nous rendîmes au couvent de la Sainte SMire 
de Vieu & baiiâmes [les reliques de] fainte Elifabeth. 

Et de là nous allâmes vénérer l'ainte Euphémie & bai- 
iâmes Tes reliques. 

Puis nous allâmes vénérer faint Daniel; &^ entrés dans 
réglife, il faut defcendre vingt-cinq marches fous terre^ 
toujours avec un cierge; à droite eft le tombeau de faint 
Daniel^ & à gauche celui du faint martyr Nicétas, &, 
pécheurs, nous les baifômes. 

Enfuite nous allâmes vénérer faint Jean PAumônier & 
fainte Marie Cléophas & la fainte martyre Théodofie 
qu*on immola avec la corne d*un bouc, à caufe de Timage 
du Chrift : toutes ces faintes repofent dans la même 
églife, (ituée très haut fur une montagne, à laquelle con- 
duit un efcalier; nous entrâmes dans réglife,&, pécheurs, 
nous les baiiâmes. 

De là il faut monter pour aller à Téglife des Apôtres 
& nous y baiiâmes les reliques de faint Spiridion & de 
faint Polyeuifle. Parvenus à Tautel, il y a, à droite, le 
tombeau de faint Grégoire le Théologue dans la chapelle 
à côté de Tautel, ainfi que le tombeau de Jean Chryfof- 
tome, & puis, dans une arrhoire, Timage du faint Sau- 



D'ÊTIENNE de NOVGOROD (v. I^fo). 12 J 

veur que Timpie frappa de Ton couteau^ & du fang forcic 
de rimage ; pécheurs, nous la baifâmes. 

A droite de la grande porte de Tautel fe trouvent deux 
colonnes, Tune à laquelle Notre Seigneur Jéfus-Chrift 
fut attaché, & lautre fur laquelle Pierre pleura amère- 
ment; ces colonnes ont été tranfportées de Jéruf aient 
(par fainte Hélène Timpératrice). La Colonne de Jéfus 
eft en pierre verte avec des veines blanches & noires 
comme [celles] d*un arbre. L*autel eft très grand & eft 
au milieu de Téglife; derrière Tautel, tout droit du côté 
de Torient, on voit, dans Téglife, le tombeau de l'em- 
pereur Conftantin ; il eft très grand, d'une pierre fem- 
blable à Tardoife; beaucoup d autres tombes impériales 
fe trouvent là, mais tous les empereurs ne font pas des 
faints, & nous, pécheurs, nous les baifâmes & vénérâmes. 

De là nous allâmes au couvent du grand Sauveur ap- 
pelé : Tout'TuiJfam. Pénétrant par la première porte, on 
voit au-deflfus le Sauveur en mofaïque, très grand & très 
haut 'j la féconde porte du couvent dépaffée, on voit un 
beau & admirable édifice & Féglife, garnie de mofaïque 
au dehors, paraît fcintiller; il y a là la dalle du tom- 
beau du Seigneur, (qui fîit apportée par fainte Hélène 
rimpératrice); là fe trouvent auffi les trois têtes de Flore, 
de Laure & de Jacques de Ttrfe ; là repofe le corps de 
Michel le moine, moins fa tête ; dans Tautel fe trouve le 
vafe en pierre blanche dans lequel Jéfus changea Teau 
en vin par un miracle étonnant. 

De là nous allâmes dans le couvent de femmes de 
Saint-Conftantin ; le corps de faint Qément Tarchevêque 
y repofe, ainfi que celui de l'impératrice Théophanie. 

(Le matin du vendredi, nous allâmes moi & compa- 
gnons, faire le tour des faints couvents, & nous rencon- 
trâmes fur notre chemin Jean & Dobrila, nos compa- 
triotes de Sl^ovgorod, & nous nous réjouîmes fort, car 



124 ni. LE PÈLERINAGE 

nous n*erpérions jamais les revoir, ces gens ayant dif- 
paru fans laiflfer de traces; ils vivent aéluellement ici, en 
copiant les faintes Ecritures dans le couvent Studios ; car 
ils font très habiles dans les écritures. Et nous allâmes 
avec eux) dans le couvent de femmes de Saint Jean Va- 
mafcène. Puis nous nous rendîmes au couvent de Saint 
Jean ' "Baptijie j furnommé Jean Riche Par Dieu; cette 
églife eft merveilleufe par fes mofaïques & nous y bai- 
fâmes la main de faint Jean le marguillier qui bâtit Té- 
glife & donna les images encadrées (d*or, de pierres 
précieufes & de perles). Et plufieurs racontent que c*efl 
la main de Jean-Baptifle, mais il n'en e(l pas ainfî ; ce 
n*eft pas la main de Jean-Baptifte ; j*ai dit plus haut que 
la main droite de faint Jean-Baptifte eft [au couvent de] 
la très belle éMère de Dieu^ près du couvent de Studios^ 
& la main gauche eft au Jourdain. 

De là nous allâmes aux 'BlacherneSy dans Téglife de la 
Sainte Mère de Dieu, où fe trouvent fa Tunique, fa Cein- 
ture, & fon Couvre-chef; & ils font fur le maitre-autel 
fcellés dans une arche, comme [les inflruments de] la 
Paflion du Seigneur, & même encore plus folidement 
fixés avec du fer; l'arche eft très ingénieufement faite en 
pierre, & nous la baifâmes. Là repofent faint Pocape & 
faint Athanafe, ainfi que les reliques de faint Pantaléon, 
&, pécheurs, nous les baifâmes. De là nous allâmes à 
réglife de Saint Nicolas, où le trouvent les têtes de faint 
Grégoire & de iàint Léonce. De là nous fortimes de la 
ville dans les champs; & (là), près de la ville, eft fitué 
un grand couvent fous le vocable des faints Côme & Da- 
mien ; nous y baifâmes les têtes des faints, ingénieufe- 
ment montées en or. 

De ce couvent, nous revînmes dans la ville ; (car il eft 
impoffible de tout voir en une fois ; ma vieilleflfe d'an- 
cien moine me pèfe ; ce n'eft plus l'âge que j'avais avant 



D'ETIENNE DE NOVGOROD (v. l^fo). I2f 

de prononcer mes vœux. Le lendemain) nous allâmes vé- 
nérer la lainte vierge Théodofie que, (pécheurs), nous 
bailâmes; il y a là un couvent en fon nom au bord de 
la mer. Dans le couvent, chaque mercredi & chaque ven- 
dredi font comme un jour de fête; une quandté d'hommes 
& de femmes offrent des cierges, de Thuile & des aumônes; 
une foule de malades, couchés fur des lits & atteints de 
différentes maladies, obtiennent leurs guérifons & entrent 
dans réglife, & d'autres y font portés & fe couchent de- 
vant elle, chacun à fon tour ; & fi quelqu'un e(l malade, 
il eft guéri ; les chantres chantent depuis le matin jufqu'à 
deux heures, & l'on célèbre tard la liturgie. De là nous 
traverfâmes toute la ville, un long chemin, pour aller 
vénérer faint Cyprien, & nous bailâmes fon corps qui 
cft de grande taille. A côté eft (itué un couvent de fem- 
mes, oîi fe trouve la tête de faint Pantaléon. De là nous 
allâmes vénérer fainte Barbe, & fa tête eft là. 

Dieu nous accorda de bien voir tout comme nous 
l'efpérions; à Conftaminople^ on eft comme dans un grand 
bois & on ne peut marcher fans un bon guide; fi, 
par avarice ou pauvreté, on ne donne pas d'argent, on 
ne peut ni voir ni baifer [les reliques] d'un feul faint, 
excepté, peut-être, le jour de la fête d'un des faints, & 
alors, feulement, on peut [les] voir & [les] baifer. Et, 
ayant fait le tour de tous les faints lieux, nous partîmes 
pour JérufaUm. 




IV 



LE P£L£2(/5<ofG£ 



D'IGNACE DE SMOLENSK 



1389-1401. 



éMcAP^usc%irs 

s = ShPitfrJhomrg, Bibl. de rAcadëmic ecclèf., ii<» 1464 (XV1« f.), 
50% ff. in-4 (Recueil appartenant autrefois à la Bibl. de Ste Sophie 
de Novgorod)» ff. 445-469. 

Je =: St'FittrJhùwrg^ Bibl. de rAcadémie des fciences, n» 8 (XV1« f.), 

*f. 413-415* 
P s^ St-Pitfrjhourgt Bibl. Impériale, Fonds Pogodine» n« 1563/13, 

(XVU« f.), f. 85. 
R = Mùfcouj M uiee Roumiantsev, Fonds Roumîantzev, n« 3 5 (XIX* f.). 
7 = Uwg de Saint Serge, n« 765, (XV«.XVI« f.), Recueil de 325 ff. 

in-4,f. 317. 



B'ÙIIIOT^ 



Skk = NarraiiêMJ dm peuple mjfe (en nilfe), publiées par J.-P. Sakharov 
(St-Péterfbourg, 1S49, in-8), t. II, I. 8, pp. 97-107, d'après deux 
manufcrits du XVII* lîcclc, t|ui lui appartenaient & «|ui font 
aujourd'hui perdus. 



LE PELE%l!Ni<i4GE 
D'IGNACE DE SMOLENSK 



N l'année fix mille huit cent quatre-vingt- 
. dix-feptPimène, métropolitain de toute la 
> Hsffie, alla pour la troilième fois à Conf- 
' taniinople chez le patriarche, & avec lui 
I l'évêque Michel de Smolensk, & t'archi- 
mandrite Serge [du couventj Ju Sauveur*. 

C'eft k éVo/cou que conunença ce voyage, le treizième 
jour du moi5 d'avril, le mardi de la femaine faînte'. 

Le Tamedi lîiint, nous arrivâmes à Kolomna; & le faint 
dimanche de Pâques nous defcendlmes le fleuve Oka, 



n. t.e [ircmier chapitri cft tra- 
duit d'aprèa le mf./'.—b. Ton frère 
(errant. Te* dameftique«, un archi- 
prêtre, un archidiacre & d'autret 
pritres & diacrci. Skk. — c. Ce fui 
i la fuit! d'une qucrclli avec le 
grand-duc Dimitri Nanovitch que 
Ie m^ropoliiain partit Tans de- 
mander l'iutoriration de ce prince 
qui en fut courrouci. Voici com- 
ment fe fit le Tojage < le mttropo- 



n Pimtne ordonna i Michel, 
|ue At Smat*iifL,i Serge, archl- 
idrite [du couvent) Ju San- 
■-, & 1 loi» ceux qui y confen- 
it de décrire tout le voyage, le 
irt & ce qui arrivi en chemin, 
eux qui retournèrent & ceux 
ne retournèreht pant noun 
11 infcrit tout cela. Noiin par- 
n donc de MtfioH, comme 
s l'avoni dit plus hauL Sih. 



130 



IV. LE PÈLERINAGE 



dans la direction de 7{iaianj & atteignîmes Terevitsk, on 
révêque de î^'ajan " vint à notre rencontre. A notre ap- 
proche de la ville de Terejlav *, le grand-duc Oleg Iva- 
novitch vint avec grand amour au-devant de nous% 
nous reçut avec grande joie & nous fêta beaucoup avec 
fon évêque ''. 

A notre départ ' il envoya avec nous Ton boyard Sta- 
nidas & un détachement aflfez nombreux qui avait reçu 
Tordre de nous eiborter jufqu*au fleuve du 'Don de crainte 
des brigands. Les évêques / Daniel de Smolensks & Sab- 
bas de Sarat nous accompagnèrent. 



II. VOYAGE SUR LE FLEUVE DU DON JUSQU'A LA MER 
ET SUR MER JUSQU'A CONSTANTINOPLE. 



Nous nous mîmes en route * le dimanche après Pâques 
ayant avec nous trois barques & un bateau montés fur 
des roues. Le jeudi nous lançâmes nos embarcations à 
l'eau fur le fleuve du Von. Le deuxième jour nous arri- 
vâmes à un endroit nommé Tfchiur oMikhailov qui était 
jadis une grande ville. Nous étant là confblés dans le 



a. Jëréinie le grec Skh, — b. les 
fîls du grand-duc Oleg Ivanovitch 
de Riaxan vinrent au devant de 
nous. Quand ils nous eurent quit- 
tés SkA, — c. avec Tes enfants & Tes 
boyards. A notre arrivée dans la 
ville de Ftnjia'u on vint à notre 
rencontre avec les croix. Le mé- 
tropolitain Te rendit â la cathé- 
drale & y chanta un Te-Deum ; il 
fefioya chez le grand-duc U, fut 
comblé de beaucoup d'honneurs. 
Skh, — d. Jérémie le grec Skh, — 
e. le grand-duc Oleg Ivanovitch 
de Rîazan nous reconduifît auflî 



lui-même, accompagné de fes en- 
fants 8c de Tes boyards, avec beau- 
coup d*amour & de refpeft. Nous 
nous (eparâmes après nous être 
embrafl^s : il retourna à la ville 
& nous allâmes plus loin SkA. — 
f. Théodore de Rofto*v & Eu- 
phrofin de Sonscdal^ Jérémie le 
grec, évêque de Riaxan^ Ifaac, 
évêque de %fchimigo*Ut Daniel, 
évêque de Z^ènigorod 8c des ar- 
chimandrites, des abbés 8c des 
moines. — g. lifez : Zvéuigorod. — 
h. Nous quittâmes Ptrefiant dt 
Riaxan Shh. 



D'IGNACE DE SMOLENSK (l389-I40f). 13 1 

Chrift & embrafles au nom du Seigneur, ceux qui nous 
accompagnaient' prirent congé de nous avec regret & 
attendriflfement & nous embrafsèrent tous d*un faint 
baifer ; & de là ils s*en retournèrent chez eux. 

Le dimanche des Saintes Femmes nous partîmes tous 
de là avec le métropolitain ^ & nous montâmes tous en 
bateau & defcendimes le fleuve du Vorij pleins de regrets 
& d*affli<fUon à la penfée du chemin à faire '. Tout était 
défert autour de nous ; on ne voyait rien nulle part ^, ni 
villages, ni habitants % feulement une quantité d'animaux : 
des rennes, des ours & d*autres/'. 

Le deuxième jour de notre navigarion fur le fleuve, 
nous dépaflâmes deux rivières: la éMetfcha & la^ Sofna; 
le troifième jour YOflraia Lcuka^ le quatrième le Krivoi 
Vor; le (ixième, nous atteignîmes lembouchure du^ 
Voronège. 

Le dimanche matin, fête de faint Nicolas, le prince 
George d'EIeq vint nous trouver avec fes boyards & 
beaucoup de monde & nous flt grand accueil '. 

De là nous arrivâmes à Tikhaia Sofna, où nous vîmes 
des colonnes en pierre blanche, rangées Tune à côté de 
l'autre comme de petites meules-^, dominant le fleuve de 



a. les évëques, archimandritcsy 
prêtres, moines & boyards du 
grand-duc Oleg Ivanovitch de 
Riaxan Skà. — b. Pimène : Michel» 
évëque de Smoïenf^ Serge, archi- 
mandrite [du couvent] du Sau' 
veury les archi prêtres, diacres, 
moines & ferviteun Skh. — c. cette 
partie du voyage fut trille Se mo- 
notone SM, — d. ni ville Skà, 
— e. fi jadis il y avait eu là de 
belles & grandes cités, il n*en 
reftait guère que remplacement ; 
tout était vide & inhabité | on ne 



voyait perfonne nulle part, rien 
qu*un grand défert SàA, — f. des 
chèvres, des loups, des renards, 
des loutres, des caftors, êc aufli 
des oifeaux, des aigles, des oies, 
des cygnes, des cigognes êcc, ; & 
ce défert était fort grand. SkA. — 
g. Biftraia R. — h. fleuve de /L — 
i. le grand-duc Oleg Ivanovitch 
lui avait dépêché un meflageri 
il exécuta les ordres reçus. Se 
nous fit grand honneur, & plaifir 
Se confolation. £èA. — j. blanches 
Se lumineufes Skk, 



132 



IV. LE PÈLERINAGE 



Sofna. Nous paflfâines aufli ' Tfckervleni lar & Viriouk & 
Khoper *. 

Le dimanche de la Samaritaine^ nous dépaflfâmes en 
defcendanc [le T)on\ le fleuve éMeivedir[a^ puis de hautes 
montagnes, puis ^ 'Belii lar. Le lundi nous longeâmes 
de belles montagnes de pierre. Le mardi nous paflâmes 
devant * Ttrkli & le bac f^ c'eft là que nous vîmes les 
premiers Tarcares i. 

Le mercredi nous dépaflfâmes Vetikaia Louka & Tou- 
louf's de^ Sarikhot\fine ' &là nous commençâmes à avoir 
peur; car nous entrions dans le pays des Ifmaëlices 
Le jeudi nous pafliames devant Fouloufs de Vek-'Boulat^, 
Le vendredi nous longeâmes Tfchervlennii Gori. Le di- 
manche de l'Aveugle ^ nous paflfâmes devant Touloufs 
d'^kboughiru ". Le lundi nous croifâmes le fleuve Vouiouky 
&, la veille de rAicenHon^ nous atteignîmes la mer*. 
Le dimanche des Saints Pères ' nous montâmes Tur un 
vaifleau à l'embouchure du fleuve du Von^ près d'Ovak ^, 
& fortîmes en mer. 



a. les fleuves Sàh. — b. Sàà, Pô- 
le hor ii. Us autres mf, — c. le cin- 
quième après Piques Skh, — d. le 
fleuve Skh, — e. la ville de Sherklia 
qui eft plutôt un bourg Skh. — 

f. fltué fous un petit bois Skh, — 

g. aufli nombreux que les feuilles 
& les fables £éA. — h. du xo\Skh. 
— i. Sirikhotidm K\ Sarikho/tm 
Skh. — j. Tartarcs qui, des deux 
côtés du fleuve du Dom, font aufli 
nombreux que le fable. Skh. — 
k. la quantité des troupeaux tar- 
tares que nous vîmes était fi 
grande qu'elle dépaflc toute ima- 
gination : des moutons, des chè- 
vres, des boeufs, des chameaux, 
des chevaux Skh. — I. le fixîème 



après Pâques Skh. — m. & là 
auflî il y avait une quantité de 
Tartares fc toute efpèce de trou- 
peaux d*animaux. Aucun des 
Tartares ne nous fit de malf feu- 
lement ils nous queftionnaient 
partout. Nous répondions Se ils 
écoutaient, perfonne ne nous 
faifant aucune vilenie ; on nous 
donna même du lait. C*eft ainfi 
que nous naviguions en paix ic 
tranquillité. — n. Les Francs Se 
les Allemands habitaient alors 
à ifztf^ 6c étaient les maîtres de 
Tendroit Skh, — o. le feptième 
après Pâques Skh. — p. AtLêv 
R^Skh. 



D*IGNACE DE SMOLENSK ( 1 389- 1 40f ). 1 3) 

Quelques-uns nous ayant calomniés dans la ville^ les 
Francs nous pourfuivirenc fur leurs bateaux & nous at- 
teignirent vers minuit, quand le vaifleau était à lancre, 
& fautèrent fur le pont avec impétuodté. Et il y eut 
fur le pont du navire un grand tapage, que ceux qui 
n en connaiffaient pas la raifon ne pouvaient s'expli- 
quer. Ne fâchant rien, je montai fur le pont & vis un 
grand tumulte. L'évêque me dit alors: ce Ignace, pour- 
cr quoi te tiens-tu là fans te chagriner aucunement ?» Je 
répondis : « Qu*y a-t-il, feigneur fa Et il me dit : cv Les 
€' Francs de la ville ' ont pris & mis aux fers notre fei- 
cc gneur le métropolitain ^, & Germain, & fon diacre : 
R il leur doit de l'argent ; mais nous périflfons avec eux 
ce fans être coupables. » Je demandai au chef de ces 
Francs ce qu'ils voulaient leur ' faire ? Il répondit : (* N'ayez 
cr pas peur, tout ce qui eft à vous, vous le prendrez. >3 
Peu après, le métropolitain ^ les en ayant bien priés, & 
eux emportant pas mal d'argent, ils nous laifsèrent en 
repos '. Nous reliâmes encore un jour & partîmes le jour 
d'après, le vent étant bon & propice ^. Le troifièmc 
jour le vent était fort & contraire, & nous fouflrimes 
grandement de la crainte de périr ; car les matelots eux- 
mêmes ne pouvaient fe tenir debout, mais ils tombaient 
comme ivres en fe faifant beaucoup de mal. L'embou- 
chure de la mer d'O/aq i dépaflfée, nous fortunes dans 
la grande mer. 

Le (ixième jour ^ nous dépaflâmes le golfe de Kafa & 
Souroge, & nous eûmes quatre jours d'heureufe naviga- 



a. d'Âxov SiA. — b. Pimène, ic faufs. SàA. -^ (, Se nous navi- 

rarchiprêtre Jean, fon diacre Gré- guîons fur mer avec joie & grand 

goireyParchidiacre Germain Se fon contentement. SkA. — g. d'Azov 

fcribe Michel SM, — c. nous SkA. R^ SàM, — h. le famedi K, SkM, 
— d. Pimène SiA, — e. tous (ains 



1 34 IV- LS PÈLERINAGE 



non '. Le cinquième jour^ jeudi, il fouffla un venc très 
contraire qui nous pouflfa du côté gauche ^ vers Sinope, 
& nous encrâmes dans le golfe près de la ville de Sinope ' 
& y reftâmes deux jours. 

Un venc bon & propice s'éleva & nous partîmes en 
côtoyant le rivage ; il y avait là des montagnes fi hautes 
que les nuages palTaient à mi-hauteur f 

Le jour où commence le carême de faint Pierre nous 
étions en face de la ville ^oâmaftrL Le mardi nous dé- 
pallies VanJoraklia. Le mercredi, le vent devint très 
contraire & nous retournâmes à Tanioraklia où nous 
reliâmes neuf' jours. Il y a là Téglife de faint Théodore 
Tiron^ bâtie fur le lieu même de fon martyre & contenant 
fon ti^mbcau; & nous partîmes de là en barques pour 
ConfiaminopU. Le vendredi matin nous dépaflames la 
ville de Diopolis. Le famedi nous dînâmes à Tembou- 
chure du fleuve Sakaria. Le dimanche nous dépaflames 
les villes de Dapknoufiîm & de Kanht^ & arrivâmes à la 
ville fXolflravU. 

Le métropolitain s'arrêta là pour tâcher d*avoir des 
nouvelles d'Amurat. Amurat était allé làire b guerre à 
Latare, prince Icrbe ; & le bruit avait couru que tous 
les deux, Amurat & Lazare, avaient été tués dans une 
bataille ^ Eflîayé par ces troubles, parce que nous nous 
trouvioiks dans les états turcs, le métropolitain^ fit partir 
le miHne Michel; Tévêque Michel me fit partir moi, 
Ignace, & Serge Axakov \ fon moine. 






«ili« Je Srmtpi J<!oe-»aînt»t i»^vu& u y AraÀ lK:A«.C4>up Je tiv>cS»es ik 

«le |>ry>%i^%\n»> ^ Je i» ^^t, — 
J« N\^ Kmk Jcvi, ttft^Kwv iV-ui cies 




D^IONACE DE SMOLENSK ( 1 389- 1 40f ). ï 3 f 



Nous quittâmes o4ftravie le dimanche avant la fête de 
iaint Pierre. Le lendemain matin nous " entrions dans le 
détroit & dépailions Thanar. Le vent étant très bon, nous 
arrivâmes bientôt à Conftantinople avec une joie indef- 
cripdble. 

Le lundi, la veille de la fête de faint Pierre, pendant 
les vêpres, les Rufles qui demeuraient dans la ville vinrent 
nous voir : ce fut une grande joie des deux côtés. Nous 
paflTâmes cette nuit-là à bord du vaifTeau, &, le madn de 
la fête même des faints Apôtres, nous entrâmes dans la 
ville ^ en remerciant Dieu. 



III. CONSTANTINOPLE. 



Le madn ' nous allâmes à Sainte-Sophie, ce qui veut 
dire Sagefle de Dieu &, arrivés à la grande porte, nous 
adorâmes Timage miraculeufe de la très Sainte Vierge dont 
était (ortie la voix qui défendit à Marie d'Egypte d^entrcr 
dans la fainte églife de Jérufalem^, Nous adorâmes 
aufli Timage de Notre Seigneur à l'intérieur de la fainte 
églife & les faintes images vénérables. Nous baifâmes 
la table fur laquelle on pofe les inftruments de la fainte 
Paffion du Chrid. Et puis nous bai(âmes [les reliques de] 
faint Arsène le patriarche % & la table d* Abraham fur 



a. quittâmes Thillj Se, ayant 
clépafl(^ Ri'va, nous R. SkA. — 
b. de Conftantin SkA, — c. du 
trentième iour du même mois^SIA. 
— d. pour adorer la (kinte Croix. 
Et ayant compris Tes péchés, & 
s*ëtant émue [de leur nombre], 
Se prenant la Sainte Vierge à té- 
moin [de Ton repentir], elle en- 
tendit tout-i-coup une voix lui 
répondant de loin, Si lui difant 1 



ff Si tu traverfes le Jourdain, tu 
• y trouveras où te repofer. • Et 
nous Taluâmes cette fainte & véné- 
rable image de la très pure Mère 
de Dieu, qui fe trouve dans Tinté- 
rieur de l'églife de Sainte-Sophie, 
ainfi que les autres faintes images, 
les faintes reliques falutaires Se 
les faintes ch&JTes miraculeufes 
SkA, — e. & beaucoup d'autres 
faints. R, SkA. 



t ^6 IV. LE PÈLERINAGE 

laquelle il régala le Chrift, qui le vifitair fous la forme 
de la Trinité, & le lie de fer fur lequel avaient été brûlés 
des martyrs du Chrift. Nous padUmes toute la matinée 
dans réglife, adorant & admirant les faintes merveilles, 
& la grandeur & la beauté de l'églife. Et après avoir en- 
tendu la fainte meffe, nous allâmes au palais de Conf- 
tantin, où nous vîmes Tédifice royal. Il y a là une grande 
place impériale de jeux, nommée Trodrome '. Et il y a 
là une colonne en cuivre à trois branches tordues. En haut 
ces trois branches fe leparent, &, fur chaque bout, il y 
a une tête de ferpent ^ ; dans la colonne eft renfermé le 
venin des ferpents. Il y a auffi beaucoup d'autres colonnes 
en pierre ' & des merveilles en grand nombre ''. 

Le premier jour du mois de juillet', nous allâmes 
au couvent de Saint Jean Trodrome où nous adorâmes /. 
Les Ruffes, qui Thabitent, nous y régalèrent très bien. 

Le matin i nous allâmes aux Blachernes, & nous bai- 
fâmes la châflfe contenant la Tunique & la Ceinture de 
la très Sainte Vierge. De là nous vifitâmes Téglife des 
Apôtres où nous adorâmes & baifâmes ^ la fainte Co- 
lonne ibr laquelle Notre Seigneur Jéfus-Chrift fut flagellé. 
Là fe trouve aufli la pierre de Pierre, fur laquelle il pleura 
amèrement fon reniement & nous adorâmes l'image de 
la Sainte Vierge qui apparut au faint ermite dans le 
défert. Il y avait là les tombeaux impériaux du grand 
Condantin & de Théodofe le jeune & de plufieurs autres. 
De ce même côté eft fituée une petite églife, dans laquelle 
fe trouve la grande image du Sauveur dont fortit la voix 



a. Hippodrome Skh, — b. garnie Skh, — (. k baî(ames [les reli- 

de pierres & de perles SiA, — ques] SiA. — g. du troifièroe 

c. Se en cuivre Sàh, — d. & nous jour, deuxième du même mois, 

les regardâmes longtemps avec jour de la Dépofition de la tu- 

furprife Skà. — e. fête des faints nique de la Sainte Vierge Skh. — 

thaumaturges Côme & Damien, h. avec dévotion 5e contrition £(>&, 



D*IGNACE t)E SMOLENSK (1389-140^). 1^7 

" " ' ' , m. f I , 

pardonnant à Thomine malade qui fe repentie avec foi de 
les péchés. Il y a là aufli dans la chapelle, dans une châflfe 
ouverte^ les reliques des faints Spiridion & Polyeudle & les 
reliques de faint Jean Chryfoflome & de faint Grégoire le 
Théologue qui font fcellées dans des châfles en pierre. 

Le troiHème jour ' nous allâmes faluer le faint pa- 
triarche Antoine & reçûmes fa bénédidlion. 

Le quatrième jour nous adorâmes Timage du faint ar- 
change Michel qui apparut à Tenfant ^ fous la garde du- 
quel étaient les matériaux de Téglife en conftru<flion. 

Le fixième jour nous allâmes vénérer la très fainte 
Vierge Odigitria ^ &, Tayant adorée, nous la bailâmes & 
prîmes de Thuile fainte & nous en oignîmes avec joie. Nous 
allâmes enfuite au grand & faint couvent Tantocrator & 
baifâmes la fainte planche du Seigneur, fur laquelle on 
polk le corps du Chrift après Tavoir ôté de la croix & fur 
laquelle on voit la trace des très pures larmes de la très 
fainte [Vierge]. Et il y a là la cruche en pierre naturelle 
dans laquelle le Chrifl changea Tcau en vin & on y con- 
ferve leau des faintes Epiphanies. Ici fe trouvent les têtes 
des faints Serge & Bacchus & de faint Jacques de Terfe. 

Le huidème jour nous allâmes adorer la fainte image 
du Chrifl qui accomplit le miracle du marchand Théo- 
dore. 

Le feizième [jour] ^ Tévéque Michel ' arriva à Conf- 
tannnople f. 

Le vingt-quatrième [jour] nous allâmes au couvent de 
Saint Jean Troirome &, bailâmes la main de faint Jean 
le Jeûneur. 



a. do même mots de juillet SkA. veut dire en niife inftitutrice Skh, 
— b. qui gardait le troupeau Bc — d. du mois de juillet SkA, — 
qui, ayant trouvé beaucoup d*or e. de Smolenflc Skà, — f. envoyé 
dans la colonne» fut jeté à la mer par le métropolitain Pimène Skà, 
par les moines SkA. <— c. ce qui 

18 



1 30 IV. L£ PÈLERINAGE 

Le crencième jour Tévêque Michel reçue la bénédic- 
rion du patriarche & nous allâmes au couvent du faint 
patriarche Athanafe, auquel la fainte Vierge donna la 
croflè, & nous baifâmes Tes reliques qui repofenc dans 
une châflfe ouverte '. De là nous allâmes à Tériblepte & 
adorâmes beaucoup de reliques & le corps du faint martyr 
Grégoire ^. Il y a là la main de faint Jean le Précurfeur 
avec laquelle il baptil'a Notre Seigneur. 

Le trente & unième [jour] ' nous montâmes dans la 
coupole de réglife de Sainte Sophie & nous vîmes qua- 
rante fenêtres autour de la coupole & nous mefurâmes 
Tune des fenêtres ; la colonne comprife, elle a deux fa- 
gènes moins deux pieds '', 

Le premier août, nous vificâmes Téglife du palais de 
Condantin appelée des Neuf-Sphères [angéliques] ; il s*y 
trouve des colonnes admirables, car celui qui s*en ap- 
proche y voit fon image comme dans une glace. Et nous 
en fumes très furpris. De là nous allâmes au bord de la 
mer, où il y a du fable qui opère des guérifons, &, au 
deflfus, réglife du Saint-Sauveur où fe trouvent Timage 
miraculeule du Seigneur, &, dans une châiïe ouverte, les 
reliques de l'aint Averki. 

Le deuxième [jour]' nous adorâmes les reliques de 
faint Edenne, premier martyr, dans le couvent de fon 
nom. 

Le cinquième [jour] / nous allâmes à Tyghiu adorer 
la fainte Vierge & bûmes de la fainte eau miraculeule & 
nous en lavâmes; puis nous^ nous rendîmes à * Térihlepte 

a. & guériflcnt beaucoup de la colonne comprîfe. Et nous nous 

ceux qui en approchent avec foi. étonnions fort, tout ceci étant 

Skh, — b. qui guérit tous ceux conftruit d*une façon furprenante 

qui y viennent avec foi Skh. — U parfaite Skh, — e. d*août Skh, 

c. de juillet Skh. — d. &, fur tout — f. du même mois Skh, — g. le 

le parcours de la coupole, il y a de huitième jour du même mois Skh, 

ces fenêtres ayant deux fagènes, — h. au couvent de Skh, 



d'ignace de smolensk ( 1 389- r4of ). 1 39 



& baifâmes la main du Précurfeur, la tête de Grégoire le 
Théologue, le front d'Etienne le Nouveau & Timage du 
Seigneur dont fortit la voix qui parla à Tempereur Ma- 
nuel, & dans laquelle font incrudées beaucoup de reliques. 
Il y a là aufl] un calice en topaze, pierre très précieufe, & 
beaucoup d*autres faintes reliques. 

Le huitième ' [jour] nous allâmes à Téglife de Tanto- \ 
crator & nous vîmes dans le tréfor un faint Evangile écrit ; 
en lettres d'or par l'empereur Théodofe le jeune. Et nous : 
adorâmes le fang du Seigneur découlé de fon flanc fur 
la croix. 

Le dixième ^ jour du mois de fbptembre, le métropo- 
litain Pimène mourut à Chalcédoine & Ton fit venir (bn 
corps, qu'on enterra hors de Conftantinople au bord de la 
mer, vis-à-vis de Galata^ dans l'églife du Précurfeur ^; & 
Cyprien fut facré métropolitain de toute la T^jiffie^. 

Et il partit le premier jour du mois d'oélobre & avec 
lui Michel, évêque de Smolensk, Jean, évêque de Volynie^ 
& puis encore deux métropolitains grecs & Théodore, 
archimandrite de Simonov '. Après leur départ arriva la 
nouvelle / que le vaiflfeau feul qui portait les métropoli- 
tains avait été fauve & qu'on était fans nouvelles de ce- 
lui qui portait les évêques. Quelques-uns difaient qu'ils 
s'étaient noyés; quelques-uns qu'ils avaient abordé à 
Kafa^j d'autres qu'ils étaient à o4maflri, & d*autres à 
Vaphnoufiou. 



a. neuvième jour du mois 
d*aoât Skh. — b. le onzième «VM. 
— c. Cyprien, métropolitain de 
Kiev, fe trouvait alors i Conftan- 
tinople pour obtenir le trône [pri- 
matialldeRuflîe.n était venu cher. 
Antoine, patriarche de Conftanti- 
nople, du vivant même du métro- 
politain Pimène pour obtenir le 
Ir6ne. Dieu, dans fes décrets, ar- 



rangea la chofe ainfi : le métropo- 
litain Pimène mourut, comme je 
Tai dit plus haut. Se le très faint 
patriarche Antoine facra Skh. — 
d. Se le congédia avec beaucoup 
d*honneur» SàA, — t. Se confeftcur 
du grand-duc SkA, — f. i|ue \c% 
Rufte» avaient péri en mer Skh, — 
g. d'autres qu^ils avaient été tués 
par les brigands Skh, 



T40 IV. LE PÈLERINAGE 

Quelques jours plus tard arrivait une lettre du métro- 
politain ' racontant les terribles & indefcriptibles mal- 
heurs de leur traverfée & le bruit des vagues déchaînées, 
& comment, ne le voyant pas, ils avaient été difperfés ; 
& ^ la tempête ayant ceflfé '*, tous furent fauves, abor- 
dèrent à Vetograd & ^ partirent tous lains & faufs pour 
la Suffit. Ayant * entendu cela, nous nous réjouîmes fort/. 

Le dix-tept du mois de décembre nous vîmes le tom- 
beau du grand prophète Daniel &, Tayant adoré, nous le 
bailles. Il y a là une églife de b Sainte Vierge qui y 
fait de grands & terribles miracles le vendredi-faiot. Il s*y 
trouve Timage de la Sainte Vierge peinte par faint Luc 
TEvangélifte. 

La Semaine avant la Nativité du Chrift, nous vîmes à 
Sainte Sophie comment on préparait b foumaife pour 
le mylfère des crois faints Adolescents. Et le patriarche 
célébra la fainte meflfe dans toute la pompe de fa fainte 
dignité; le vingt-deuxième [jour] nous baifâmes les 
iaintes reliques d'Anailanc & b tête de faint Ignace 
Théophore. 



IV. CONFUT ENTRE KALOJEAN ET MANUEL. 

L^année fix mille huit cent quatre-vingt dix-huit Ka- 
lojean, fils d'Andronic eflaya de s'emparer du crone de 
Cûnftaminoplt^ avec Faide des Tutts. Et ayant pris des 

%. Cypnen ^A. — b. « Enfin, litua de tonte U RoCc iM. — f. & 
grâce À l>iett • (dilaît-îl] Skk, — le quar^mtièine jour i^irù U 



c il fe fit lin gnnd calme, ic \^em àt Piiriène, le nctropoKtaiii mmk 
à peu^nouii nou» réunimo Skk. — <lonnàines de rargent jluz cglilci 



d. par U gTÎce de Dieu Se de ù très & aux couvents & adorâmes beau- 

fainte Mère Skk. — e. lu ces pa- coup de tombeaux gaèrifiaat les 

raies écrites dans les lettres adrcr> malades Se de rdiqucs mincit* 

iccs à nous |)ar Cypricii métro|io- Icufo» Sik. 



D'IGNACE DE SMOLENSK ( 1 389- I40f ). 14 1 

villes & des cours, il vint à Conftannnople, Vers la faince 
Pâque^ la guerre commença &, le jeudi-fainr^ arriva au 
recours de CcnflantinopUy fur une des galères de Lemnos, 
Manuel, fils du vieil empereur Kalojean. Le famedi-rainc 
fiirenc découverts jufqu'à cinquante rebelles; les uns eurent 
les yeux crevés, les autres le nez coupé. Et ayant fermé 
toutes les portes de la ville du côté des champs, & n*ayant 
laifle qu une feule porte [ouverte] près de TroJrome, on 
commanda de s'approvifionner pour deux ans. 

La deuxième femaine après Pâques, [le] mercredi, vers 
minuit, les gens des faubourgs ouvrirent les portes de la 
ville à Kalojean, fils d'Andronic, & le laifsèrent entrer 
avec les Grecs, mais fans les Turcs, & il ne fit aucun mal. 

Quant à Manuel, il s*enfuit fur des galères avec fes 
biens à Tile de Lemnos, De Conftannnople à File de Lemnos 
[on compte] trois cents milles & de Lemnos à la éMontagne 
faintej foixante. Le vieil empereur Kalojean s'enferma 
dans fon palais & fes boyards s'enfuirent dans l'églife de 
Sainte Sophie. Toute la ville était remplie du fon des 
cloches. Les foldats ayant éclairé la ville avec des lan- 
ternes, la parcouraient par détachement à pied & à che- 
val, en criant, leurs armes dégainées en main & leurs arcs 
garnis de flèches : ce Tolla ri ère oindronic/ » Et tout le 
peuple, hommes & femmes & petits enfants & tous les 
citoyens répondaient en criant : c Tolla ti ete c4ndronic ! » 
Et celui qui ne criait pas aflfez vite fubiflfait la violence 
des armes. Et il était merveilleux de voir & d'entendre 
TefTervelcence de la ville, les uns tremblant de peur, les 
autres fe réjouifTant. Et on ne voyait de tués nulle parc, fi 
grande était la peur des armes dégainées. 

Le lendemain, jufqu'à la moitié du jour, Témeute con- 
tinua & quelques-uns furent bleiïes. Vers le foir tous 
proclamèrent empereur le jeune fils d' Andronic & la ville 
fe calma & la tridefle fe changea en gaieté. 



142 VI. LE PÈLERINAGE 

Cette année Tempereur Manuel amena deux fois Tar- 
mée des Francs à Conftaminople^ mais il ne parvint à rien. 

Ayant eu beaucoup de peine à équiper des armées & 
à louer des foldats, Kalojean combattit pendant tout Tété 
avec des canons contre le vieil empereur près du palais 
& ne put le vaincre. 

Et Manuel vint pour la troifîème fois à Conftantinople 
avec les Romains qui Te battent bravement contre leurs 
ennemis; fur leurs poitrines était brodée comme fîgne 
une croix blanche. Et il pénétra dans le golfe & dans le 
palais de fon père^ qui fe trouvait au bord de la mer & 
avait une muraille en pierre & de hautes tours, de forte 
quil était impoflible aux ennemis de pénétrer jufqu^à lui, 
ni par mer ni par terre. 

Quant au fils d*Andronic, il fe battait hors des murs 
avec le vieil empereur. Le dix-feptième jour du mois de 
feptembre^ à Theure du diner, Tempereur Manuel fortit 
du château avec tous les fiens & fe jeta à Timprovifte fur 
le fils d*Andronic qui dînait défarmé & qui^ ne pouvant 
réfifter, s'enfuit. Son parent Kataloufe fe battit, mais ne 
pouvant non plus réfifler, prit aufll la fuite. Et Manuel 
s*empara de Conflantinople^ & fit près de la Ville impé- 
riale beaucoup de prifonniers parmi les partifans du fils 
d*Andronic. 

Enfuite Manuel alla faluer Tempereur turc, & le Turc 
le retint & envoya dire au père de Manuel : ce Si tu ne 
détruis pas tes châteaux. Manuel ne fortira pas de mes 
mains. » Et, par nécefllté, il ordonna de détruire les châ- 
teaux, &, fe retirant lui-même dans fon vieux palais, y 
mourut de chagrin. Et les Turcs laifsèrenc aller Manuel 
qui e(l empereur jufqu*à préfent. 

L'année fix mille huit cent quatre-vingt dix-neuf, le 
I ^ août, il y eut un tremblement de terre. 



D^IGNACE DE SMOLENSK (ijÔg-^Of). 14) 



V. LE COURONNEMENT DE L EMPEREUR MANUEL 

ET DE l'impératrice. 



L*année fix mille neuf cents *, le onzième ^ jour du 
mois de février, le dimanche de TEnfanc prodigue, le 
faine patriarche Antoine couronna Tempereur Manuel & 
rimpératrice. Et ce couronnement fut merveilleux à voir. 
La veille on ofHcia toute la nuit à [réglife de] Sainte 
Sophie. Le matin, de bonne heure, f y vins auffi & il y 
avait là une quantité de monde : les hommes à Tintérieur 
de la fainte églife & les femmes dans les tribunes. C*eft 
organifé fort ingénieufement : toutes les femmes fe 
tiennent derrière des rideaux de foie & perfonne du 
peuple ne peut voir les ornements de leurs ' vifages, tan- 
dis qu'elles voient tout '. 

Les chantres fe tenaient debout^ magnifiquement 
vêtus ; ils avaient des chafubles aufll longues & aufli 
larges que des furplis & portaient tous des ceintures ; 
quant aux manches de leurs chafubles, elles étaient larges 
& longues, les unes damaflfées, les autres en foie avec 
des épaulettes garnies d'or ' & de dentelles. Leurs têtes 
étaient couvertes de coiffures pointues ornées f de den- 
telles, & ils étaient nombreux f. Leur doyen était un 
homme admirablement beau ; fcs cheveux étaient blancs 
comme la neige. 

Il y avait là ^ des Francs de Galata & des Byzantins, 



a. fix mille huit cent quatre- 
vingt dix-huit 51^.— b. vingtième 
Skh, — c charmants & p&les Skh, 
— d. & tous les hommes, ainfi 
que le clergé, étaient vêtus de ri. 
ches habits, fans conter toute 
efpèce d^omements. Mais les 
hommes ne pouvaient d'aucune 



façon voir les femmes dans cette 
églife Skh. — e. de perles Skh, — 
f. d*or, de perles, Skh, — g. & fe 
tenaient fi immobiles qu'on les 
aurait pris pour des images peintes 
Skk» — h. des Romains it des Ef- 
pagnols & des Allemands Skh. 



Î44 IV- L£ PÈLERINAGE 

des Génois, des Vénitiens '', & il était merveilleux de les 
voir. Ils fe tenaient de deux côtés ^ ; les habits des uns 
étaient en velours pourpre & des autres en velours 
cerife '. Ils portaient leurs armes brodées Air leur poitrine 
& plufieurs d'entre elles étaient ornées ^ de perles '. 

A droite, fous les tribunes, fe trouvait une eftrade, 
élevée de douze marches & large de deux iagènes^ toute 
tendue de pourpre, fur laquelle étaient pofées deux 
fièges / en or. 

L'empereur avait paflfé cette nuit-là dans les tribunes ; 
&, à la première heure du jour, il defcendit des tribunes 
& entra dans la f ainte églife par la première grande porte 
d'entrée qu'on nomme porte impériale. Pendant ce temps, 
les chantres entonnèrent un chant fi beau, H étonnant^ ! 
Le cortège impérial avançait H lentement, qu'il mit trois 
heures de la grande porte au trône. Douze hommes 
d'armes, recouverts de fer de la tête aux pieds, entou- 
rent l'empereur. Devant lui marchent deux porte-enfei- 
gnes aux cheveux noirs : le bois de leurs drapeaux, leurs 
habits & leurs chapeaux font rouges. Devant lesdits 
porte-cnfeigncs s'avancent des hérauts; leurs bâtons font 
couverts d argent^. 

Montant fur le trône, l'empereur revêt la pourpre im- 
périale & ceint le diadème impérial & la couronne à 
créneaux. Et defcendant du trône, il monte en haut, 
puis revient avec l'impératrice, & ils s'aflfeyent fur les 
fièges en or. 

Alors commença la fainte liturgie. Et l'empereur & 

a. des Hongrois Skh,. — b. & des colliers en or ou en perles, 

chacun avait fur lui Penfeigne de les autres des chaînes en or & 

Ton pays Skh* — c. & des autres chacun avait fur lui Tes enfeignes 

en velours bleu foncé. Ils avaient Skh, — f. Skh ; colonnes d. d^autre$ 

auflî leurs armes £èA. — d. d'une mf, — g. qu*il dépaiTe toute iina- 

croix de perles 7. — e. les autres gination Skk, — h. & les pom- 

portaient au cou & fur la poitrine meaux garnis de perles Skh^ 



D^IGNACE DE SMOLENSK (1389-140^). I4f 



rimpératrice étaient aflis '. Et^ avant la petite fortic 
[des facrements], deux archidiacres s*approchèrent de 
Tempereur & ^ lui firent un falut peu profond '. Et, Te 
levant, Fempereur fe dirigea vers Tautel, les porte-enfei* 
gnes le précédant & les hommes d*armes l'entourant. 
Et lempereur étant entré dans Tautel, les porte-enfei- 
gnes & les hommes d'armes fe placèrent devant l'autel 
des deux côtés de la fainte porte. On revêtit l'empereur 
d'une petite penula pourpre defcendant jufqu'à la cein- 
ture. Et, à la petite fortie [des facrements], l'empereur 
marcha un cierge à la main ''. Et, après la proceflion, le j 
patriarche monta fur l'ambon & l'empereur avec lui. Et 
l'on apporta ' fur un plat la couronne de l'empereur & 
celle de l'impératrice, toutes deux couvertes. Et ^ deux 
archidiacres^ firent à l'impératrice un falut peu profond, 
& elle s'approcha de l'ambon. Et le patriarche mit une 
croix au cou de l'empereur & lui donna une croix en 
main ^ & l'empereur defcendit & pofa la couronne fur [la 
tête de] l'impératrice '. 

Et ils retournèrent à leurs places & s'aflirent fur les 
fiègesi; & le patriarche fit fon entrée dans l'autel par la 
fainte porte & continua le fervice divin. Quand on en- 
tonna le cantique des Chérubins, les archidiacres s'ap- 
prochèrent de nouveau de l'empereur & le faluèrent 



[ 



SL fur les fièges en or SkA. — 
h. Telon les rites SkA. — c. en 
înclînanl leurs têtes fur leurs poi- 
trines SkA, — d. quant au pa- 
triarche Antoine, il fe tenait à fa 
place au milieu de réglife SàA, — 
e. au patriarche SkA, — f. après 
avoir reçu la bcnédiftion du pa- 
triarche Sa A, — g. fe dirigèrent 
vers l'impératrice Sa A, — h. &, 
prenant la couronne impériale, le 
patriarche bénit Tempereur Se 



pofa la couronne fur fa tête, 8c lui 
donna en main Tautre couronne 
& lui ordonna de defcendre Se de 
la pofer fur [la tête de] Timpéra- 
trice SkA. — i. &,d*en ba% il fahia 
le patriarche de la main & de la 
couronne, & le patriarche, debout 
fur Tambon, bénit de loin Tempe- 
reur Se l'impératrice, qui le faluè- 
rent tous deux en même temps 
SkA. — j. en or SkA, 



»9 



146 



IV. LE PÈLERINAGE 



comme la première fois. Et Fempereur fe leva ' & encra 
dans l'autel où on le revêcic de la penula. L'empereur 
marcha devant les (aints Incréments un cierge allumé à 
la main ^. 

Qui peut raconter la beauté de tout cela ? 

La proceilion des faints facrements dura aufll long- 
temps que le cantique des Chérubins. Et, à la rentrée 
des faints facrements, l'empereur encenfa l'autel. 

L'empereur refta dans l'autel jufqu'au moment de la 
fainte communion. Et, quand le moment de la fainte com- 
munion fut arrivé, les archidiacres allèrent faluer l'impé- 
ratrice ^ Et, quand l'impératrice fut defcendue du trône, 
le peuple prêtent déchira les tentures du trône & chacun 
tâcha d'en avoir un morceau. Et l'impératrice entra par 
la porte méridionale dans l'aile de l'autel & y reçut la 
fainte communion. Quant à l'empereur, il communia 
avec le clergé des mains du patriarche fur l'autel du 
Chrift, & '' il fortit de l'églife, & l'on fit pleuvoir fur lui 



a. avec crainte & componflion 
& avec grande décence & dévo- 
tion SàA. — h. C'elt ainfi t|ii'il 
fortit de l'autel & y rentra mar- 
chant le premier &, après lui, ve- 
nait décemment tout le clergé 
dans Tordre réglementaire, ce qui 
était magnifique 8c pompeux 8c 
d*une fainte & divine gloire SkA, 

— c. comme la première fois Skh, 

— d. quittant Tautel, le patriarche 
retourna à fon fiège patriarcal, 8c 
Tempereur s^approchant de lui 
vêtu du manteau impérial 8c la 
couronne fur la tête, il lui donna 
fa bénédiéUon ainil qu*à Timpéra- 
trice, 8c l'adjura d'obferver l'im- 
muabilité de Torthodoxie 8c des 
droite impériaux, de ne rien chan- 
ger aux anciennes lois, de ne pa.s 



prendre ce qui ne lui était pas dû, 
mais de craindre Dieu avant tout 
8c de fe ff>uvenir de la morti • Car 

• tu es pouffîère 8c tu retourneras 
c en pouflière,t (Genèfe, III, 19) 
8c ainfi de fuite, félon quHI eft dit 
dans les ftatuts.Et,après les paroles 
du patriarche perfonne ne pouvait 
ni n^ofait s^approcher de Tempe- 
reurpourle féliciter, ni princes, ni 
boyards, ni guerriers. Mais il fut 
auflitôt entouré de marbriers 8c de 
conftruéleurs de tombeaux qui 
étaient venus lui apporter des 
échantillons de marbres 8c de 
pierres de la part de différentes 
perfonnes & lui demander • à qui 

• Ta Majefté commandera-t-elle 
fon cercueil, • lui rappelant par 
cette parabole que Thomme eft 



D*]GNAC£ DE SMOLENSK (1389-140^). 147 



des monnaies d*or que le peuple faififlTaic à pleines 
mains '. 



VI. SALONIQUE ET LA MONTAGNE SAINTE. 



En Tannée fix mille neuf cent treize, Ignace de Smo- 
lensk vint à Salonique & adora Tainc Dimicri & lisiince 
Tfaéodora, dont les reliques exhalent une huile odorante, 
& prit de leur Ikinte huile. Et il vifita les merveilleux cou- 
vents qui font : TBibloradis & Ifaac Elathon cApoknia, & 
Simonij Thilocalos, la métochie de Khornat, Trodrome, 
Tontodinamos^ Gorgoniko, Les cathédrales font : Sainte 
Sophie^ la métropole, oAkhironitie^ les Saints oAnges & 
beaucoup d'autres. Quant à la ville, elle eft fort belle. 

Il y a Ibr la {Montagne Sainte un couvent : la Grande 
Laure, Sa longueur eft de cent-vingt fagènes & fa lar- 
geur de quarante. Voici les faintes églifes qu elle con- 
tient : la cathédrale fous le vocable de la faince Vierge ; 
on y fête faint Athanafc d'Athos. Du côté méridional. 



mortel & périflablcy qu'il n'eft 
que de paflage dans cette vaine 
Se pauvre vie qui s'écoule & dif- 
paraît fi vite. • Aie foin de ton 

• âme & dirige pieufement les af- 

• fa ires de ton empire ; fois au (Il 
« humble que tu es grand; car 

• les grands font plus fortement 
t éprouvés, & les orgueilleux, 

• dans leur orgueil, pèchent de- 
t vant Dieu autant que les blaf- 

• phémateurs ; crains toujours le 

• Seigneur 8c fois humble, bon 

• & compatiflant; Se Pamour ce- 

• lefte & la grâce du Seigneur 

• te conferveront 5e te fauve- 
« ront » Ils lui parlèrent ainfi 
félon qu'il eft écrit dans les règle- 



ments ; puis les princes, les Ara- 
tèges, les prêtres, les guerriers Se 
tous les nobles lui dirent les pa- 
roles d*ufage dans ces occafions. 
Et après le couronnement, ayant 
reçu la béncdi6lion du patriarche, 
Tempereur fortit de Téglife avec 
grande humilité, Se douceur. Se 
crainte de Dieu,& très décemment 
comme un grand pontife Skh» 

a. telle eft Tancienne tradition 
d'après laquelle l'empereur eft 
couronné. Et c*eft ainfi que Tem- 
pereur Manuel fut couronné par 
le patriarche Antoine Se par tout 
le faint clergé, d'après les an- 
ciennes traditions SkA. 



148 IV. LE PÈLERINAGE 

réglife de Saint Nicolas. Et, du côté feptentrional, Téglife 
des Saints Quarante martyrs. La quatrième, l'ur le grand 
fommet, eft dédiée à la Transfiguration du Chrid. 
La cinquième, dans TKabitation de labbé, à faint Atha- 
nafe. La fixième, dans Thôpital, aux faints Anargyres. La 
leptième, au deflTus de la porte cochère, à la Préfenta-, 
tion au Temple. La huitième, en haut, à faine Dimitri. 

Les autres, hors de Tenceinte du couvent, font : La 
première, Kimirir ou lepulcre [des moines], dédiée aux 
faints Apôtres Pierre & Paul ; la deuxième aux faints 
Anargyres, où font les mendiants & les lépreux ; la troi- 
fième à faint Chryfoftome ; la quatrième, fur la mon- 
tagne, à faint Elie; la cinquième au Théologue; la 
(ixième à faint Onuphrie, à SMiffouri^ ce qui veut dire 
place des potiers ; la feptième aux faines Anges ; la 
huitième, dans le port, à faint Grégoire le Thaumaturge; 
la neuvième, au-deflfus du port, à faint Athanafe ; la 
dixième à faint Nicolas à Skhynoplokia ; la onzième à 
Germain & à Héraclius TObéiffant ; la douzième à faint 
Tryphon, à Kipouria; la treizième à faint Pantaléon. Ces 
faints temples font près de la fainte Laure. Les fuivants 
plus loin : la quatorzième à faint George Rodeov ; la 
quinzième au faint empereur Conflantin & à Hélène, à 
Souphou ; la feizième à faint George ; la dix-feptième à 
faint Grégoire ; la dix-huitième à la Trinité, à Kir-lfaîe ; 
la dix-neuvième à faint Athanafe ; la vingtième à faint 
Etienne, au-deflus de Kir-îfaie ; la vingt-&-unième au- 
deflfous de Kir-Ifaïe ; la vingt-deuxième au-deflfus de la 
mer, dans la grotte où vécurent le moine Dofithée & 
fon fils, le moine Gabriel, confeflfeur de la Laure. 
Celles-là font entre la Laure & Sarakina Vigla. 

Et celles-ci font au-delà de Vigla fous ïcAthos : la 
vingt-troifième, Téglife de Saint Pierre d*c^rA(?j, fituée 
fur Tendroit où, nu, il paflfa quarante ans fans voir âme 



D'IGNACE DE SMOLENSK ( 1 3 89- 1 40 5 ). 1 49 

vivante ; la vingt-quatrième, au-dciïbus de faint Pierre, 
encre les montagnes, dans la vallée de Krionera, où 
vécut le faint moine Paul Krionérite; la vingt-cinquième 
au-deflous de faint Paul, dans la tour otgio Terrira, où 
vécut le moine Palfome * qui fit le voyage de l^uffie ; la 
vingt-fixième à Nicolas, dans la fainte tour fous VcArhos; 
la vingc-feptième à faint Antoine, au-deflfous de la tour, 
vers la mer ; la vingt - huitième à Nicolas le Thauma- 
turge, au-delà de la tour à Corajîe ; la vingt-neuvième à la 
Panaghia, à mi-hauteur de Yc/Irhos ; la trentième à la Tranl- 
figuration, fur le fommet de Vc^rhos ; la trenfc-&-unième 
à faint Nicolas, dans la tour à oMorphon ; la trente-deu- 
xième à la Purification de Kapfovouneva ; la trente-troi- 
fième dans la tour, à éMHopothamos, Quelques-unes de 
ces églifes font défertes & ruinées. 
Et f ai décrit tout cela. 



* VII. PÈLERINAGE A JÉRUSALEM. 

Voici ce qu'il m arriva de voir, à moi, indigne & à 
ceux qui étaient avec moi, dans la fainte cité de Jéru- 
falem. Il y a là ÏEglife de la T{efurreélion du Chrift, En 
entrant dans Téglife, à droite, il y a une dalle fur laquelle 
on pofa le Chrift, notre Dieu, après l'avoir defcendu de 
la Croix ; & en allant de là, à gauche, fe trouve le 
Sépulcre de D^rre-Seigneur, En face du Sépulcre de 
SN^orre-Seigneur officient les Grecs du culte grec; à 
droite du Sépulcre officient les Romains du culte romain ; 
fur les tribunes, à droite, officient les Arméniens du 
culte arménien ; & à droite du Sépulcre de Sl^orre-Sei- 
gneur, en bas, officient les Francs du culte franc, & un 

su Plofami R. — b. Ce chapitre efi traduit Saprts le mf. A, 



IfO IV. LE PÈLERINAGE 

peu plus loin, officient les Syriens du culte fyrien. Der- 
rière le Sépulcre de S^orre-Seigneury officient les Jacobites 
du culte jacobite, &, à gauche du Sépulcre de U^otre- 
Seigneur y officient les Francs du culte franc, &, plus loin, 
officient les Allemands du culte allemand; &, à côté, 
officient de nouveau les Francs du culte franc, &, fous 
lendroit où officient les Francs, fe trouve la place où 
les faintes Femmes, s'étant affifes, virent TAnge du Sei- 
gneur qui avait roulé la pierre de devant l'entrée du Sé- 
• pulcre. Dans Tendroit où officient les Francs, il y a la 
moitié de la Colonne à laquelle fut attaché & flagellé 
Notre Seigneur Jéfus-Chrift pendant fa Pafllon volon- 
taire; c*e(lici qu'on Tinfulta, ici que Lui, H parfait, reçut 
quarante plaies comme témoignage aux mortels; Tautre 
moitié de cette Colonne le trouve à Conftantinople dans 
réglife des Apôtres. Plus loin, il y a la prifon de Notre 
Seigneur Jéfus-Chrift; &, derrière Tautel grec, le trône de 
Jacques, fthvQ du Seigneur; dlci on defcend, comme dans 
une foflfe, par dix marches de pierre dans Tendroit d*où 
rimpératrice Hélène exalta la lainte Croix. A droite de 
réglife grecque, en haut, fe trouve le Golgotha^ appelé 
Calvaire^ où les impics Juifs crucifièrent Notre Seigneur 
Jéfus-Chrid ; il y a là la tête d'Adam ; & les Géorgiens 
du culte géorgien y officient, &, plus loin, les Vénitiens 
du culte vénitien; & puis des Hongrois officient, &, plus 
loin, d'autres Francs du culte franc &, au-deflfous du 
Golgothuy en bas, officient les Ibériens du culte ibère. A 
gauche des Francs, en bas, officient les Mederis &, au 
milieu de l'églife du Saint des Saints, fe trouve leff^ombril 
de la terre y mefuré par le roi Nemrod. Au-deflfus du Se- 
pulcre du Seigneur eft bâtie une petite églife. On pénètre 
dans le Sépulcre du Seigneur par deux portes, & le Saint- 
Sépulcre melure neuf pieds de longueur fur quatre de lar- 
geur. Au-deflfus du Sairu-Sépulcre il y a une grande églife ; 



D*IGNAC£ DE SMOLEMSK ( 1 389- I40f ). I f t 

la coupole en eft ouverte ; mais le Sépulcre du Seigneur 
eft endèremenc couvert; il n*y a pas la moindre ouver- 
ture ; & voilà ce qui fe trouve dans cette églife. 

A Torient de la cité de Jirufalem^ il y a un viUage 
appelé Gethf/maniy &, dans ce village, fe trouve le tom- 
beau de la très fainte Mère de Dieu & une grande églife 
à laquelle on delbend par cinquante marches ; au-deflfus 
du tombeau de la très fainte Mère de Dieu efl bâtie une 
petite églife; & le tombeau de la Vierge a huit pieds & 
demi de longueur ; &, au-deflfus du tombeau, brûlent 
onze lampes. Derrière le tombeau, fe trouve la couche 
fur laquelle la fainte Vierge était étendue, & on en a 
fait un autel ; dans cette églife, à droite en entrant, oflfi- 
cient les Géorgiens du culte géorgien. Plus loin vers 
Torient fe trouve le torrent du Cédron, que traverfa Jéfus 
avec fes difciples ; au-delà du torrent fe trouve le jardin 
& une grande grotte où Notre Seigneur Jéfus-Chrift fut 
livré aux Juifs par l'on difciple Judas; il y a là la pierre, 
près de laquelle le Chrift fe tenait en appuyant fa main 
deflfus, & au(n Tendroit où la fainte Mère de Dieu venait 
prier fur une pierre. 

Derrière cet endroit eft la grande éMomugne des OU- 
viersy d'où Notre Seigneur monta au ciel. Il y a là une 
grande églilb &, au milieu de cette églife, une pedtc 
qui condent une pierre fur laquelle eft imprimée jufqu*à 
préfent, comme vivante, la plante du pied de Notre Sei- 
gneur, comme fi on venait de la modeler en cire. Dans 
cette même églife, à droite, fe trouve le tombeau de la 
péchercflfe Pélagie, de cette Pélagie qui, d*une huile de 
lenteur de nard, oignit les pieds de Notre Seigneur & les 
eRTuya avec fes cheveux ; fur fon tombeau eft imprimée 
comme vivante ou fraîchement modelée dans la cire, la 
plante de Tautre pied de Notre Seigneur. 

A droite de la grande oMomagne des Oliviers le trouve 



1 f 2 IV. LE PÈLERINAGE 

la éMontagne de Galilée fur laquelle le Chrift ordonna à 
ies difciples de Tarcendre après fa Réfurreélion ; une églife 
y était bâtie. 

De la ville de Jérufnlem^ à droite de la cMomagne des 
Oliviers^ il y a cinq verftes jufqu^à VAhanie^ où Notre 
Seigneur Jéfus-Chrill reflTufcita Lazare; il y a là jufqu'à 
préfent une grande églife, ainfî que le tombeau de 
Lazare & les cellules de Tes fœurs ; dans cette églife 
officient des Arméniens du culte arménien. 

Au fud de Jérufalem^ tout près, fe trouve la Tifcine 
de Siloéy à laquelle le Seigneur envoya Taveugle fe laver, 
&, non loin, la grotte du grand Antoine Termite, & le 
Champ du Totier^ que les Juife achetèrent avec le prix du 
Chrift. 

A cinquante verftes de Jérufalemy auffî vers le midi, 
cft fîtué le Couvent de SabbaSy & le tombeau du grand 
Sabbas. Il y avait là quatorze mille moines ; on y voit 
leurs cellules encore à préfent. Derrière le couvent fe 
trouve la ValUe de Jofaphat ; là auffi vivaient beaucoup 
de moines^ & il y a là la cellule^ dans laquelle vécut faint 
Jean Damal'cène. Pour qui va au couvent de Saint Sabbas^ 
la diftance eft grande. 

A fix verftes de Jérufalem^ à droite^ fur le fommet & 
le verfant de la montagne, eft fitué le couvent du grand 
Théodofe le Cénobiarque ; il y avait là aufli ieize mille 
moines. Vis-à-vis fe trouve le couvent où, à droite, vivait 
la grande Eudoxie. 

En marchant à Torient de Jérufalem vers le Jourdain^ 
non loin de "Béthunie^ coule d*une pierre Teau que les 
difciples du Chrift lui demandèrent, & qu*il fit furgir 
d*un coup de pied en difant : o Vous donnerai-jc de leau 
Cl de cette pierre ? «> Et Teau coula & coule jufqu'à pré- 
fent. A cinq verftes environ avant le Jourdain^ le trouvent 
les ruines d*un ancien khan; il faut marcher encore 



D'IGN ACE DE SMOLENSK ( 1 3 Bç- 1 40 f ). 1 f 3 

pendant crois verftes après avoir tourné une montagne 
très élevée fur laquelle le diable tenta Notre Seigneur 
Jéfus-Chrift : il le mena fur une montagne très haute & 
lui montra tous les royaumes du monde & leur gloire & 
lui dit : fv Je te donnerai toutes ces chofes fi^ en te prof- 
cr ternant devant moi, tu m*adores. »i Alors Jéfus lui dit : 
c Retire-toi, Satan, car il eft écrit : tu adoreras le Seigneur 
rr ton Dieu, & tu le ferviras lui feul. » Alors le diable le 
c laiflfa & en même temps les anges s'approchèrent & ils 
« le fervirent, *> (Matth. IV, g, 1 1 ) Sur le verfant de cette 
même montagne, près du fommet, fe trouve une églife 
décorée de peintures, &, fur le lommet, une autre très 
grande. Notre Seigneur jeûna quarante jours fur cette 
montagne ; car il eft écrit : cr JéAis fut conduit par TEfprit 
f dans le défert pour y être tenté par le diable, & ayant 
f jeûné quarante jours & quarante nuits, il eut faim. Et 
cr le tentateur, s*approchant de lui, lui dit : <> (Matth. IV, 
I, 3) & ainfi de fuite, félon qu il e(l écrit dans TEvangile. 
Le Jourdain eft un fleuve profond & effrayant à voir, 
fes bords font efcarpés; il fc jette dans la mer de Sodome. 
Sur les bords du Jourdain fe trouve le grand Couvent de 
Saint Jean-le-Trécurfeur ; dans ce même Jourdain^ Notre 
Seigneur fut baptifé par Jean; Marie d*Egypte paflfa le Jour- 
dain à cet endroit, en marchant fur Teau comme fur la 
terre, pour aller vers Zozime. Au-delà du Jourdain eft la 
cellule de faint Jean le Précurfeur, &, non loin d'elle, fe 
trouve une montagne, & de cette montagne le faint pro- 
phète Elie fut enlevé au ciel dans un char de feu. Non loin 
le trouve aufli Tendroit du fleuve Jourdain que le prophète 
Elifée frappa du manteau d'Elie, & les eaux du Jourdain 
fe féparèrent, & Elifée paflà à fec. Non loin de là, à cinq 
verftes, près de la mer de Sodome, fe trouve le Couvent de 
Saint Gérafitney chez lequel vivait un lion. Le tombeau de 

faint Gérafime eft placé derrière Tautel, & le lion qui le 

10 



1 f 4 IV- ^^ PÈLERINAGE 

l'ervaic eft enterré à Tes pieds. La mer de Sodome eft là où 
fe trouvaient Sodome, Gomorrhe & lesfepi villes : la terre 
engloutit les unes & la mer les autres ; jufqu*à préfent il 
fort de la fiimée de cette mer & rien ne croit fur rempla- 
cement des villes englouties par la terre; on n y trouve 
que du foufire brûlant & pas d*herbe du tout. 

A deux verftes environ de Jérufalem^ à droite, fe trouve 
le Couvent de Saint Elie où vécut le prophète Elie lui- 
même ; c'cil là que le corbeau le nourriflkit. De là il y 
a cinq verftes jurqu*à 'Bethléem, où Notre Seigneur eft 
né; il y a une grande églife à VethUem, & fous Tautel 
fe trouve la grotte, & dans cette grotte, la cavité où 
Notre Seigneur eft né; &, en entrant dans la grotte, à 
gauche, fe trouve la crèche où fut couché Notre Seigneur 
Jéfus-Chrift enmiaillotté ; de la crèche au lieu de la 
Nadvité il y a trois fagènes. Les Francs officient au- 
deflfus de la crèche & les Grecs au-deflfus de la cavité ; 
à *Bethliem, à gauche, fe trouve le couvent franc, & il y 
a là VEglife de la !hÇativité du Chrift où officient les 
Francs. Dans ce même couvent franc fe trouvent la 
maifon de Jofeph & le puits d*où buvaient Notre Sei- 
gneur Jéfus-Chrift & fa très fainte Mère. 

De la ville de Jirufalem à tf^iareth, il y a trois jours 
de diftance par la route de Vamas; & de la ville de 
Jérufalem au éiWont Thahor deux jours & plus. A dix 
verftes de Jérufalem fe trouve le tombeau de Rachel, la 
femme du patriarche Jacob, fils d'Ifaac & petit-fik d*A- 
braham. 

Il y a deux jours de Vamas à la foflè où le beau Jo- 
feph fut jeté par fes firères; il ùluz cinq jours de Damas 
au tombeau de Benjamin, frère du beau Jofeph. 

De Jérufalem au oHont Sinai il y a quinze jours. De 
Jérufalem à Cana en Galilée trois jours. 

Là, fur le olfont Sion, la très fainte Vierge mourut 



D'IGNACE DE SMOLENSK ( I 389-140^). I f f 

dans fa cellule; la maifon du grand-prêcre Anne était Tur 
ce même mont; Notre Seigneur Jéfus-Chrift y fut empri- 
fonné^ & cette prifon eft à préfent dans Téglife des Ar- 
méniens ; il y a là un couvent arménien. Dans cette même 
églife arménienne fcrt d*autel la pierre qui fcellait le 
tombeau de Notre Seigneur ; dans ce même couvent, fe 
trouve le foyer auquel fe chauffait Pierre, le principal 
apôtre, pendant la paflion volontaire du Chrift, quand la 
fervante du grand-prêtre lui demanda : <* Tu étais aufli 
c avec Jéfus de Galilée ? »y Mais il le nia devant tout le 
monde en difant: » Je ne fais ce que tu dis »; &, lorf- 
qu*il fortait hors la porte pour entrer dans le veftibule, 
une autre fervante l'ayant vu, dit à ceux qui fe trouvèrent 
là : a Celui-ci était aulli avec Jélus de Nazareth ! » Pierre 
le nia une féconde fois en difant avec ferment : ce Je ne 
f connais point cet homme. » Peu après, ceux qui étaient 
là, s'avançant, dirent à Pierre : a Certainement, tu es aufli 
rr de ces gens-là, car ton langage te fait afTez connaître.» 
Il fe mit alors à faire des ferments exécrables, & à dire 
en jurant qu'il n'avait aucune connaiffance de cet homme, 
& auflitôt le coq chanta. Et Pierre fe refTouvint de la pa- 
role que Jéfus lui avait dite : « Avant que le coq chante, 
a tu me renieras trois fois. » Etant donc forti dehors, il 
pleura amèrement. (Matth. XXVI, 69, 7f .) 

Un peu plus loin, fur le même c^ont Sion^ était jadis 
la maifon du grand - prêtre Caïphe & maintenant il y a 
là un très grand couvent arménien. 

Sur la route de 'Dethliem fe trouve encore la colonne 
fur laquelle fe tenait Siméon le Stylite avec faint Elie. Et 
à Jérufalem, en defcendant vers le bas, il y avait une 
églife grecque, qui efl actuellement une mofquée farra- 
fine, où font enterrés les faints parents Joachim & Anne, 
& en face fe trouve le Saint des Saints, bâti par Salomon. 
C'eft là que fut tué le prophète Zacharie, père de Jean 



I f 6 IV. LE PÈLERINAGE 

le Précurfeur ; il y a là la cellule du Seigneur; ôc, plus 
bas dans la rue, le trouve remplacement de la oMaifon 
de Tilate ; derrière le Saint des Saints ^ dans le Couvent du 
Saint Sauveur^ fe trouvent la couche & la maifon de Sa- 
lomon ; il y a là audi cette églife, dans laquelle entra 
Notre Seigneur Jéfus-Chrift, &, y voyant des marchands 
d'agneaux, de bœufs, de pigeons & des changeurs^ Il (e 
fit un fouet avec des cordes, •& chafla de Téglife les 
agneaux, les boeufs & les marchands, & renverfa les 
tables des changeurs & difperfa l'argent & dit à ceux 
qui vendaient des colombes : c Otez tout cela d'ici & ne 
« faites pas une maifon de trafic de la maifon de mon 
c Père. '* (Jean H, i6.) 

Il y a là la zMaiJon de David, qui ell comme une forte- 
reflfe toute ronde & taillée dans le roc depuis le fonde- 
ment, ce qui eft merveilleux à voir ; d'un côté y vivent les 
Sarrafins qui n'ofent même pas jeter un regard fur les 
grandes maifons; on voit là une tour très haute où David 
compofafes Pfaumes; derrière hicMaifon de David & non 
loin de là, fe trouve le £ifont Sion, &, fur ce mont, eft 
fitué un magnifique couvent franc, tenu par les Francs 
& habité par des moines Francs ; on dit que Jéfus-Chrift 
y célébra lui-même la meflfe & apprit à la célébrer à 
Jacques, fon frère par la chair, & lui tranfmit le facre- 
ment des faints & divins oflBces. Il y a là une chambre 
dans laquelle le faint Efprit defcendit fur les Apôtres du 
Chrift, le jour de la Pentecôte. Dans l'églife, à gauche, 
fe trouve l'endroit où Jéfus lava les pieds de les dilciples. 
Là eft aufll la chambre dans laquelle Jéfus pénétra, les 
portes étant fermées, & aflura de fa réfurreélion Thomas, 
fon difciple incrédule. Ccft dans cette même églife que 
le voile fe déchira d'un bout à l'autre pendant la volon- 
taire & fainte crucifixion du Chrift ; là aufli fe trouve la 
pierre fur laquelle la fainte Vierge priait, & deux pierres 



D'IGNACE DE SMOLENSK (1^89-140^). If7 



fur lefquelles le Chrift s'afleyait l'ouvent. Non loin de là 
e(l l'endroit où les Juif* nièrent l'archidiacre Etienne, & 
l'on y voit encore les traces de fon fang fur les pierres; 
là aufli, près de l'églife, fe trouve la cellule de la fainte 
Vierge où Elle vivait chez Jean le Théologue, & cette 
maifon eft bien confervée & exifte jufqu'à préfent; &, 
derrière elle, fe trouve celle du faint apôtre & évangé- 
lifte, Jean le Thiologue. 



yOrJGE A CONSTÀNTINOPLE 

DU 

SCRIBE ALEXANDRE 



'393 



St'PéterJhourg^ Ribl. impériale, Fonds DoubrthVjki^ f. 295 (Chronique tie 
Neftor). 



EVITI07<i 

J.-P. Sakharov, Narrations du peuple ruffe (St-Pëterflioiirg, 1849, î*^*^> 
t. TI, 1. 8> p. 72; en riiflc), d'après le manufcrit ci-deiïiis. 



VOTcAGE cA C0::^STc4U^lt^0TLE 



DU 



SCRIBE ALEXANDRE 



* 



4 



S>^ U temps du patriarche Antoine & de Tcm- 

C^ Jiif^xi^ pcrcur Manuel, moi, le fcribe Alexandre, 

fuis venu à Conflamiiwple pour des achats, 

,._j^^. . & Ibis allé falucr Sainte Sophie : on ne peut 

XT^^A en décrire la i'ublime grandeur ni la beauté. 



^ 



En entrant par la grande porte, à droite le trouve 
rimage de la lainte Vierge, dont fortit la voix qui parla 
à Marie d*Egypte à Jérufalem 3 & il y a là les grandes 
portes de TArche de Noé. A gauche fe trouve une image 
de Notre Seigneur [taillée] dans le marbre ; dans Tinté- 
rieur de réglife fe trouve la Table d'Abraham, près de 
laquelle le Sauveur apparut à Abraham fous la forme de 
la Trinité, près du chêne de oMamhré. A côté fe trouve 
un lit de fer fur lequel on brûlait les reliques des faints 
martyrs ; &, près de là, les reliques du faint patriarche 
Arsène. Dans Tautel il y a la pierre fur laquelle le Sau- 
veur était adis, pendant qu'il caufait avec la Samaritaine 
près du puits de Jacob. 



SI 



1 02 V. VOYAGE DU SCRIBE 

Dans le couvent de SMangana^ fe trouvent tous les inf- 
truments de la Padion du Sauveur : le Manteau de pourpre, 
& le Sang^ & la Lance, le Bâton, TEponge ; & il y a aufli 
beaucoup de faintes reliques dans ce couvent. 

Derrière ce couvent, fe trouve Téglife àyx Saint-Sauveur; 
& il y a là les reliques de faint Averki & une eau mira- 
culeufe. Près de là eft fitué un couvent de femmes, & il 
s'y trouve la tête de faint Bafile de Céfarée. 

A Odigitria il y a une image de la fainte Vierge, 
qu'on expofe tous les mardis & qui fait des miracles : qui 
l'approche avec foi recouvre la fanté. Cette image a été 
peinte par Luc Tévangélifte. il y avait jadis des icono- 
claftes & Ton conferva cette image murée dans le cou- 
vent de Tantocrator ; & Ton alluma devant elle une lampe, 
qui ne s'éteignit pas pendant foixante ans. 

Dans l'églife des Apôtres, fe trouvent les reliques des 
faints Apôtres ; dans la chapelle latérale, celles de faint 
Spiridion, de faint Polyeude, le tombeau de faint Jean 
Chryfoflome, le tombeau du faint empereur Conftantin 
& de fa mère Hélène. Il y a là une Colonne en marbre, 
à laquelle était attaché le Sauveur pendant que les Juifs 
le marcyrifaient. Il y a là aufli une pierre, près de laquelle 
Pierre l'apôtre pleura d'avoir renié le Seigneur après que 
le coq eut chanté. 

Dans le couvent de Tantocrator^ il y a la Planche du 
Sauveur, fur laquelle on le porta au tombeau ; dans l'au- 
tel, la cruche dans laquelle le Seigneur changea l'eau en 
vin à Cana en Galilée^ les têtes des faints Flore & Laure, 
& la tête de faint Jacques de Perle; &, à côté, dans une 
châflfe ouverte, les reliques de la fainte vierge Théodofie. 

Dans un auo'e couvent, fe trouve la tête de faint Ignace 
Théophore. 

Dans le couvent de Prodrome, appelé 1{iche en 'Dieu, 
fe trouvent les reliques de faint Jean-le-Jeûneur, la tête 



ALEXANDRE ( 1 393). 1 63 



de faine Boniface & une parde des reliques de faine Pan- 
ealéon. Ce couvene ne pofsède ni villages^ ni villes ; ce- 
pendane, par la grâce de Dieu, il eft le plus riche des 
couvencs. A côeé de ce couvene fe erouve un couvene de 
femmes fous le vocable de faine Nicolas ; il y a là une 
pareie de fes reliques, &, dans Taueel, celles de faine 
Michel. 

Aux VlachemeSy fe erouvene la Tunique de la faince 
Vierge & une parde de fa Ceineure. Il y avaie jadis à 
Conftantinople un iconoclafle qui aecaqua [la ville] par 
eerre & par mer. Alors le patriarche Serge immergea 
dans la mer ceeee Tunique de la fainte Vierge & une 
eempêee fe fouleva & les guerriers s'enfuirent. Il y a là 
une image de la fainee Vierge que faine André vie dans 
Tair priane pour le monde. 

Non loin de ce couvene fe erouve celui de Come & 
Damien ; il y a là une pareie de leurs reliques ; quane à 
leurs cêees, elles fone au couvene du faine prophèee Daniel, 
où fe erouvene le prophèee Daniel, le grand faine Nicéeas, 
le chanere Romain, chacun dans fon eombeau. 

Dans le couvene de Térihlepte^ fe erouvene la main droiee 
de Jean-Bapeifte & la eêee de faine Grégoire, & une par- 
rie des reliques de faine Siméon-le-Jufte & de celles des 
Quaranee mareyrs & de beaucoup d'aueres faines, & 
rimage de la fainee Vierge que le Juif eranfperça en 
jouane aux échecs, & de laquelle foreie du fang que Ton 
voie )ufqu*à préfene. 

Dans le couvene de Saint Théodore StuiiUy il y a 
rhuile fainee du faine mareyr Dimieri & les reliques de 
beaucoup de faines. Dans le couvene de Timpéraerice qui 
eft appelé Kirmarta, il y a une parrie des reliques de faine 
Jean TAumônier, de Marie Cléophas, fœur des apoercs, de 
fainee Irène, de la mareyre Théodofie qu'on eranfperça 
à Sainte Sophie avec la corne d'un bouc. 



1 64 V. VOYAGE D* ALEX ANDRE ( 1 39 3 ). 

Près du palais impérial de Conftantin fe trouve le 
couvent des Saints Serge & Vacchus: de leurs reliques il 
n y a là que leurs deux têtes. 

A côté fe trouve une place de jeux, où le venin des 
ferpents eft renfermé dans trois ferpents en cuivre, & 
beaucoup d*autres chofes ; tout cela a été fait par Tem- 
pereur Léon-le-Sage. Dans le Couvent de Saint Laiare^ 
faint Lazare & fes deux fœurs Marie & Marthe, font ren- 
fermés dans lautel. 

Voilà les faints couvents & les faintes reliques & les 
miracles que )*ai vus ; il y en a que je n*ai pas vus ; car 
il eft impofTible d'aller partout, ni de voir tous les faints 
couvents & toutes les faintes reliques, ni d*en décrire 
des milliers de milliers; on ne peut même pas décrire 
certaines reliques & certains miracles. L'empereur Kalo- 
jean, fils d*Andronic, s'approcha de Conftaminople^ avec 
les Turcs, & le roi Manuel fortit de la ville avec les 
Grecs & les Francs, & chaflfa les Turcs. 




VI 



Le TELET^ia^oiGE 



DE 



LARCHIMANDRITE GRETHENIOS 



DU COVVENTDR LA SAINTE VIERGE 



(vers 1400) 



^o4U^USC%l7 



Kie*Uf Mu(ee d*archëologîe eccléfiaftiquey n» 329/1416 (XVI« f.), 
ff. 106-123. 



TELE'RJ^c4GE 

DE 

L'ARCHIMANDRITE GRETHENIOS 

du couvent de la Sainte Vierge. 



'jE chemin pafTe par U Ruflie occidentale. 

S De cAloJcou Si de Tver jurqu'll Smolensk, il 

Sjy a quatre cent quatre-vingt-dix verflei. 

ÎDe Smolensk à îMinsk, trois cent cinquante. 

@ Du grand ff^vgorod à Loak^ trois cents 
verftea. De Louk à Virebsk, deux cent cinquante. De 
Vitebsk à "Driuiik, deux cent cinquante. De Driuisk à 
Sloutsk, quatre-vingt-dix. De Sloutsk à "Belogorod, cinq 
cents. De "Belogorod k Confiantinople par mer, cinq cents. 
De ConJtaminopU à Héradie, foixante vetftes. D7/^- 
roc/^* à [17/f rfï] aWarbre, quarante. De [17/^ J*] Marbre 
h Gaîltpoli, foixante, de GalUpoli à l'embouchure [des 
T3ardaneHej\y quarante. De l'embouchure à Limnos, foi- 
xante. De Limnos à CoUna cent, 1 la fainte 

De Limnos à iMttylène, vers l'orient, cent. De éMiiy- 
Uae à Chios, cent ; dans cette île croit le ma(lic, & le 
rivage oriental entre Cityline & Chios (e nomme Fotia; 
on y fait cuire le ftip/y que l'on appelle chez nous alun. 



l68 VI. LE PÈLERINAGE 



De Chios à 'RfiodeSy trois cents verftes. Sur le rivage, 
à gauche, eft fituée Ephèfe; après Ephife, te trouve Tala- 
ria; après Talatia^ le mont Latar; après Latar^ éMilas 
puis Eprèthe^ où croît le thymiame noir; puis tMyre de 
Lycie; puis la ville à'cAnawlie; puis oAlajia; puis Kurk; 
puis Tarfus de Cilicie; plus loin c4nnochie. Nous dépal- 
lâmes, en chemin, Tile de TarmoSy où Caint Jean-le*Théo- 
logue écrivit TEvangile. 

De 1{hodes à Chypre^ trois cents verftes. Dans Tîle de 
Chypre, le trouve la croi)f du Bon Larron ; beaucoup de 
cannes à lucre y pouflfent. 

Nous traverfâmes la mer de Cilicie & de Tamphylie, 
De Chypre à Jdffa, Ibixante verftes. De Jqfa à "B^mleh, 
fept verftes ; de l{amleh à Jérufalem, un jour de chemin. 
De Jérufalem à Cfl^j, trois jours. De Ga^a au Ctf/r^, 
douze jours ; du Caire à oilexandrie, fix jours, & quinze 
jours julqu'au éUfont Sinaî, De Gaia au ^o/îf Ji/iii/, 
quinze jours. Les chrétiens orthodoxes vont jufque là; 
mais plus loin il n'y a plus de route pour eux. Du port 
de Jafa à *R^mleh, dix verftes par une plaine. l{amleh 
eft un grand village, dont le commerce cft très grand ; il 
poi'sède réglil'e de Saint George & beaucoup de Syriens 
chrétiens y demeurent. Il y a trois chemins de %amlch à 
Jérufalem : le premier par Chanoutou ; le fécond par le 
couvent Ibère, le troifîème par le djerid de faint George 
& par Veir Vjallah, 

l. DE LA VILLE DE JÉRUSALEM. 

De 1{amleh à Jérufalem on compte cinq verftes par 
la plaine ; puis on entre dans les montagnes, ce qui 
prend une journée en tout. On ne voit pas Jérufalem de 
loin, & on n'aperçoit le iS^font des Oliviers que de près. 



DE GRETHÉNIOS (v. 1400). 169 



La ville de Jirufalem c(l ficuéc dans les montagnes vers 
le Coleil levant & en face du cMont des Oliviers. On voit 
le cMont des Oliviers du point culminant de Jirufalem^ 
du Couvent du faim archange tAfichel ; & le cMont des 
Oliviers, d'une hauteur modelle, égale à celle de Jéru- 
falentj a trois cimes. 

II. LA GALILÉE DE l' ASCENSION. 

On la laboure, on y sème du fi*oment & de Torge 
parmi les oliviers & les amandiers. Le éUfonr Sion^ aufli 
peu élevéy fe trouve dans Jirufalem & commence depuis 
la éMaifon de David. 

III. L*ÊGLISE DE LA SAINTE RÉSURRECTION. 

L'églife de la Sainte l{éfurredion à Jérufaletn^ fe trouve 
dans la troifîème partie de la ville, en comptant depuis 
la grande montagne ; elle a deux coupoles: Tune décou- 
verte au-deflfus du Sépulcre de Vieu^ ôc Tautre fermée 
au-deflfus de Tautel. 

IV. LE CLOCHER DE L*ÉGLISE DE LA SAINTE 

RÉSURRECTION. 

Il y a deux portes du côté du midi ; Tune efl murée & 
Ton entre par lautre ; la troifième, qui, par un efcalier, 
conduifait en haut, au Golgotha^ e(l murée. En pénétrant 
dans réglife, en face de la porte, fe trouve un endroit 
uni au niveau du fol : c*cfl là que Ton dépofa le Chrifl 
après l'avoir ôté de la Croix. Huit lampes y brûlent 
continuellement; & cet endroit efl à dix fagènes du Lieu 



11 



!70 VI. LE PÈLERINAGE 

^ , ■ , , Il ■ ■, , I , ■■. ■ ■ _ - — _- - - _ ^ 

du Saint Crucifiement. Le [Lieu du] Crucifiement du Seigneur 
eft à droite de lentrée de Téglife ; &, de ce faine lieu, en 
commençant du fol de Téglile, dix-huit marches con- 
duifent en haut au Golgotha^ au \Lieu du\ Crucifiement du 
Chrift, Le Golgotha eft un roc naturel, dans lequel eft taillé 
un rond d'un pied de circonférence ; & ce roc fe fendit 
lors du Crucifiement du Chrift, à un pied à gauche [de 
la Croix] du Chrift ; & cette fente pénétra à travers la 
terre, pour ainfi dire, jufqu'à la tête du père du genre 
humain, Adam; car d'autres aflirmcnt que le fang du 
Chrift purifia le crâne d'Adam. Au deflfous du [IiVu iu] 
Crucifiement fe trouve l'églife des Ibères qui y olBcient ; 
la voûte au-deflfus du [Ueu du\ Crucifiement eft richement 
dorée, & l'églife eft entièrement ornée de mofaïques ; les 
Arméniens trois fois maudits l'ont fous leur dépendance 
& y officient. Il y a vingt-trois fagènes en defcendant en 
bas du \Lieu dxî\ Crucifiemem à l'entrée du Sépulcre du 
Seigneur, 



V. LE TOMBEAU DU SEIGNEUR. 

Le Saint Sépulcre eft une chambre couronnée de fix 
voûtes & foutenue par douze fines colonnes accouplées 
en marbre blanc. La partie fupérieure du Saint Sépulcre 
fe compofe de douze colonnes en marbre poli. Les portes 
du Sépulcre du Seigneur font tournées vers l'orient. En y 
entrant, on a deux petites ouvertures à droite & quatre 
à gauche. Les Jacobites y officient. Depuis la porte, le 
pavé eft en marbre vert ; &, au milieu de cette chambre, fe 
trouve la pierre, haute d'un peu plus d'un pied & de la 
largeur de plus d'une coudée, fur laqueQe était aftls l'ange 
du Seigneur; elle eft revêtue de marbre blanc & deux 
lampes y brûlent. Devant l'autre porte, fe trouve une 



DE GRETHÊNIOS (v. 1400). 171 

dalle en marbre rouge ; cette porte ne Te ferme pas, & 
n*eft pas plus haute que la poitrine ci*un homme, de forte 
qu'il faut y pénétrer en le courbant. La tombe du Sei- 
gneur eft à droite, adoflfée au mur, en marbre blanc, de 
la hauteur de trois pieds, de quatre de largeur, de huit 
de longueur ; ii y a là une image peinte fur toile par les 
Francs, rcpréfcntant le Sauveur fur un trône, la main 
droite levée vers le ciel ; devant lui fe tient François, &, à 
côté, dorment les gardes. Douze lampes en verre brûlent 
au-deflfus du Saim Sépulcre, Autour de la tombe du Sei- 
gneur, fous la voûte de Féglife, s*élèvent feize grandes 
colonnes, huit rondes en marbre blanc & huit quadrangu- 
laires en maçonnerie. Devant l'entrée du Saim Sépulcre fc 
trouvent, d'un côté, quatre colonnes rondes, & de Fautre, 
quatre autres accouplées, & tout cela repofe fur une co- 
lonne en marbre rouge & fur quatre piliers. Du Saint 
Sépulcre au milieu de Téglife, 011 eft la coupole, il y a 
environ dix fagènes ; là fe trouve une petite pierre noire, 
de la forme d'une coupe, & on Tappelle le Centre Je la 
terre. Du milieu de Téglife au maitre-autel, où oflicie le 
patriarche, on compte treize fagènes. Quant à ce maître- 
autel, il eft placé jufte en face du crucifiement, du Gol- 
gotha ^ fur nommé Lieu du Crâne. Le maitre-autel eft Htué 
fur une élévation de fept marches, fur laquelle font huit 
grandes colonnes polies & bigarrées, placées deux à deux. 
Au-deflfus du maitrc-autel eft lufpendue une image fur 
toile repréfentant Dieu le père entouré des quatre évan- 
géliftes & de deux féraphins pleins d'yeux ; & autour de 
l'autel circule un paflfage. A gauche du Saint Sépulcre^ 
fous une autre voûte, fe trouve un endroit arrondi, en 
marbre blanc, avec une petite cavité au milieu; le Chrift 
fe tenait fur ce lieu quand il apparut après fa réfurrcAion 
à fa très pure Mère, la fainte Vierge, & à fainte Marie- 
Madeleine; d'autres difent fauflfement que le forgeron, 



172 Vi. LK PÈLERINAGE 

qui forgea les clous du Chrift, fe trouve deflTous, & qu'en 
rendant Toreille & en fe baiiTanr, on Tentend encore à 
préfent frapper de Ion marteau. Et un peu plus haut que 
cet endroit, [élevé de] quatre marches fous la croifième 
coupole, fe trouve Téglife franque. En y entrant, on a à 
droite, enclavée dans le mur, une colonne en marbre 
rouge de plus d'un coude [de largeur]. Et elle eft derrière 
une porte en bois, & c*e(l à cette colonne que Pilate or- 
donna d'attacher le Chrill pour le battre. A gauche, au 
lortir de cette églile, fe trouve fautel deflervi par les 
maudits Nedoriens. Et plus loin, au bout du couloir, plus 
bas de trois marches, fe trouve le Tritoire^ philaki en 
grec, &, félon nous, la prifon dont il eft parlé dans le 
faint Evangile : ce Us menèrent donc Jéfus de chez Caïphe 
« au prétoire & ils le queilionnèrent o (S. Jean XVIII, 
28). Là fe trouve le faint autel deflfervi par les Ibères. En 
fortanr de là, à gauche, font taillées dans la pierre deux 
ouvertures, dont on dit : c« Le Chrift flic mis là u ; on 
les appelle en rulfe des ceps & en grec clapa. Derrière 
Tautel où ofticie le patriarche, près du mur, fe trouve une 
table dans laquelle eft incruitée une pierre noire; on die 
que Jéfus monta deflfus, après avoir vaincu le diable. A 
droite, dans un couloir, font taillées vingt-neuf marches 
conduifant en bas. En entrant à gauche, fe trouve une 
grande colonne en pierre, fupportant la voûte, de laquelle 
la roiée coule inceflfamment ; d'autres difent: la colonne 
dont la rofée découle de temps en temps fe trouve de 
l'autre côté, comme il eft dit : c* Car 11 fit fortir l'eau 
c de la pierre *> (Pf. LXXVll, 1 6), & là fe trouve le faint 
autel Ibère. Ici fe trouve auflî le pilier fur lequel était 
aflife l'impératrice Hélène, qui jetait de l'or pendant 
qu'on fouillait [la terre], & que l'on cherchait la fainte 
Croix. A droite (e trouve la Cuvene de Tilare, encaftrée 
dans le mur en pierre, & l'on y entend comme le bruif- 



DE GRETHÊNIOS (v. 1400). 173 



fcment d'une rivière ; & c eft là que, s'écanc lavé les 
mains devant le peuple, il dit: << Je fuis innocent du 
c fang de ce jufte. »> (Match. XXVII, 24.) Et encore dix 
marches plus bas eft Tendroit oii Timpératrice Hélène dé- 
couvrit les trois croix ; là fe trouve un autel Ibère fous le- 
quel trois petites croix d'un pied [de haut], font deffinées. 
Outre les orthodoxes Grecs & Ibères, il y a encore les 
maudits hérétiques, qui y célèbrent leurs olBces : les La- 
tins, les Arméniens l'ur le Golgotha ; les Jacobites derrière 
le Saint Sépulcre ; en face d'eux, les Ariens ; à droite du 
Saint Sépulcre^ derrière les colonnes, les Abyfllniens &, de 
l'autre côté, les Neftoriens. L'églife de la Sainte V^urrec" 
non eft fermée & fcellée pendant toute l'année. Six prêtres, 
un grec, un ibère, un franc, un arménien, un jacobite, un 
abylDnien, qui y font [enfermés]^ ont là de l'eau, des cel- 
lules & des privés. On n'ouvre l'églife que quand viennent 
les pèlerins. L'ouverture roflicielle] ne fe fait que le Sa- 
medi de la Paflion, quand on célèbre les vêpres des Ra- 
meaux, &, après la meflTe, on quitte l'églile. Le vendredi 
faint après le marché, tous viennent dans l'églife avec 
leurs femmes & leurs enfants ; ils font plufîeurs mille, & 
ils y reftent enfermés jufqu'au lever du foleil du grand 
jour [de Pâques] ; après quoi ils fortent. Le famedi faine 
à midi, nous vîmes un miracle glorieux & extraordinaire. 
Le patriarche, d'après l'ufage établi, porte à midi les croix 
autour du Sépulcre de Dieu, à caufe de la defcente du 
l'aint Efprit. Le patriarche fortit [de l'autel], accompagné 
du métropolitain Germain d'Egypte & de Marc, évêque 
de VamaSy qui fut autrefois abbé de la Laure de Saint 
SahhaSy & d'une foule d'autres eccléfiaftiques, & ils firent 
deux fois le tour du Saint Sépulcre & ils n'avaient pas ter- 
miné le troifième tour qu'au-deftus du Sépulcre du Seigneur^ 
fous la petite coupole, parut une légère fumée; & une 
féconde fois, elle parut comme venant des encenfoirs; & 



174 VI. LE PÈLERINAGE 

la croinème fois, une grande fumée forcit de la fenêtre^ 
& enfuite du côté gauche. Ayant ouvert le Sépulcre^ le pa- 
triarche y entra avec l'évêque arménien ; car la chambre 
s'était remplie du feu divin^ & toutes les lampes^ qui 
avaient été éteintes depuis le jeudi faint & lavées, & 
qui avaient des mèches toutes préparées, s'étaient allu- 
mées. Et le patriarche alluma un cierge au faint feu ; & 
à fon cierge furent allumés tous les cierges dans Téglife, 
qui fut remplie de cris terribles à caufe du feu. Quelque 
temps après, chacun éteint [Ibn cierge] & le conferve, 
félon Tufage, comme une bénédi<5lion. Enfuite le pa- 
triarche commence la liturgie du faint famedi. Quant aux 
Sarrafins, ils fe tiennent près du Sépulcre du Seigneur & 
ils laiflfent entrer & fortir [les pèlerins] en prenant de 
chaque perfonne une monnaie d'argent. A la première 
vifite, chacun paye, près des portes de Téglife, fept pièces 
d'or & le patriarche prend deux pièces d'or des moines 
& nonnes. 

L'églife de la Sainte 7{éfurreéHon fe trouve près du 
Saint Sépulcre ; & l'on ne peut décrire la grandeur, ni la 
beauté de l'édifice, ni la difpoHtion des colonnes. A côté 
de l'autre églilc où le patriarclic ollicie habituellement, 
près de l'autel de prothèfe, [fe trouve l'endroit] oii le 
Chrift apparut à Marie Madeleine & dit : c Allez dire 
«' à mes difciples & à Pierre que le Chrift eft ref- 
c fufcité. *i (Marc XVI, 7.) 

VI. DU SAINT [mont DE] SION ET DE LA TOUR 

DE DAVID. 

La tour de David eft fituée entre la ville de Jérufalem 
Se le faint \^ont de^ Sion du côté occidental, fur un 
emplacement un peu plus élevé que Jéruf^dem. La tour 



DE GRETHÊNIOS (v. 1400). I7f 

cil petite, mais Tolide^ entourée cl*un petit foflfé, & 
n'ayant qu'une feule porte en fer du côté de Torient. 
On dit que perfonne ne peut entrer dans aucune des 
chambres ; nous demandâmes aux moines & apprîmes 
que hommes & animaux y entrent, qu'on y enferme les 
prifonniers, & que les émirs de Jiruf aient y con fervent 
leur argent & leurs armes. On peut la vifiter toute 
[entière], mais on n'y demeure pas, car qui y loge pen- 
dant un an, meurt. Il en eft de même pour la tMaifon 
des éAtacchahies à une verfte de diftance de là. 



VII. L^ËGLISE DE SAINT JACQUES, FRÈRE DU SEIGNEUR. 

Le tombeau du faint s'y trouve à droite. Il y a là, de- 
vant réglife, deux pierres en marbre rouge, du poids 
qu'un homme peut foulever; un ange les apporta du 
Sinaï en adoration à la très Pure | Vierge], qui voulait 
aller en pèlerinage au éMont Sinai; & l'archange vint 
à Elle trois jours avant qu'EUc n'eût quitté le monde, & 
lui apporta une bénédi<flion du otfont Sinai. Et les mau- 
dits Arméniens ont l'églife & le tombeau en leur pou- 
voir. Un peu plus loin cil (itué un autre couvent de ces 
mêmes maudits Arméniens près du Saint Sion, Dans 
leur églife, fous l'autel, fe trouve une très grande pierre 
enlevée au tombeau [de Jéfus-Chrift], de deux pieds de 
hauteur, de cinq de largeur & de neuf de longueur. Dans 
ce même autel, à droite, fe trouve une chambre à peine 
aflfez grande pour qu'un homme puiflfe y entrer. C'ed là 
que le Chrid fut frappé à la figure devant Caïphe ; car 
Caïphe louait la moitié de la maifbn de faint Jean le 
Tlîéologuc. Quant au faint Temple Je Sion^ la mère des 
églifcs, édifié encore par le prophète David, il cil tombé 
en ruines; une feule voûte de l'autel eft debout; & c'eft 



176 VI. LE PÈLERINAGE 

là qu'eue lieu rAflfompcion de notre très fainte Dame 
& Mère de Dieu. L'endroit eft indiqué par un monceau 
de pierres à côté des portes de devant. Nous nous y 
prodernâmes. Nous vîmes la place où Te tenait le Chrid, 
defcendu des cieux, pour prendre la fainte âme de Sa 
Mère ; c'eft une pierre ronde à fept Tagènes du lieu de 
rAflbmption de] la très Pure. Près de Téglile fe trouve 
a cellule de la très Pure, où elle priait avec des génu- 
flexions. Et derrière Taucel, à gauche, fut enterré faint 
Etienne, premier martyr. A une portée de flèche de 
réglife de Sion^ vers Torient eflival, nous vîmes lendroit 
où un Juif voulut renverfer le lit mortuaire de la fainte 
Vierge, & un ange lui trancha les mains. 



VIII. LE SAINT SION, LE TOMBEAU DE DAVID ET LA 
CELLULE DE LA TRÈS PURE [vIERGE]. 

Nous Vîmes, fur le Saint Sion^ la chambre 011 eut lieu 
la fainte Cène du Chrifl avec fes difciples, & où le faint 
Efprit defcendit fur les faints difciples & apôtres. En bas, 
fous la chambre du faint Efprit, fe trouve la cellule où 
le Chrifl apparut à fes difciples après huit jours, & c'efl 
là que Thomas toucha le côté du Seigneur & crut. En 
bas, près du Saint Sion, nous vîmes aufli le tombeau du 
roi David. Les moines francs ont le Saint Sion fous leur 
dépendance 

IX. DU SAINT DES SAINTS. 

Le Saint des Saints eft une petite églilb en comparai- 
fon de la grande qu'édifia Salomon & qui e(l entièrement 
détruite. L'impératrice Hélène en conflruifit enfuire une 
petite. A côté fe trouve un dallage en marbre blanc qui 



DE GRETHÊNIOS (v. 1400). I77 

a Pair d'un lac d'huile [vu] du oMont des Oliviers. Nous 
n'encrâmes pas, car on ne nous laiflfa même pas appro- 
cher de la porte de la rue, en nous appelant des infi- 
dèles. 11 n'y a rien dans cette églife, excepté, dit-on, le 
berceau du Chrifl: & trois pierres de l'édifice de Salo- 
mon, & rien de plus. La Tifcine des brebis cft à deux 
portées de flèche au nord du Saint des Saints, Près de là 
fe trouve la maif on des faints parents Joachim & Anne. 

Au milieu de la ville de Jérufalem^ dans la rue, Te 
trouvent deux pierres blanches incruftées dans la voûte 
qui furplombe la rue où le Chrifl dit : cr fi ceux-ci fe 
cf taifent, les pierres même crieront. » (Luc, XIX, 40.) 

Et là font les éMaifons de Tilate & de Caiphe, Là efl 
auffî la êMaifon du V^che. La éMaiJon de Salomon ell du 
côté du Saint des Saints. Dans la rue, devant [l'églife 
de] la Sainte V^urreélion^ fe trouve un pilier rouge, près 
duquel Marie d'Egypte fe confefTa à la fainte image de 
la très Pure, &, ayant acheté trois pains, alla au-delà 
du Jourdain. Le couvent du Saint archange éMichel cfl 
ficué non loin du Sépulcre du Seigneur vers l'occident 
eflival, fur l'endroit 011 l'ange de Dieu malTacra cent 
mille quatre-vingts AfTyriens. Il y a quinze couvents 
ibères & fyriens. Nous vîmes la porte dans le mur de la 
ville de Jérufalem. En face du éMont des Oliviers, fe 
trouvent deux portes en fer, dont le prophète dit : cr Elles 
rr feront fermées, car perfonne ne peut les franchir, 
c excepté le Seigneur Dieu d'Ifraël, & elles feront fer- 
cc mées jufqu'à la fin des fiècles. o (Ezech., XLIV, 2 [?],) 



X. DE GETHSÊMANI. 

A l'orient, en fortant de la ville de Jérufalem & en 
defcendant vers le torrent du Cidron, fe trouvait à gauche 

*3 



170 VI. LE PÈLERINAGE 

réglife de Saint Etienne, fur Tendroit oh ii fut lapidé. Et 
un peu plus loin, dans la ValUe de Jofaphat^ Gethfémani^ 
qui fut acheté par Joachim, père de la fainte Vierge ; 
c'eft un bâtiment carré, jufte en face du éMont des O/i- 
viers de la fainte Afcenfion du Seigneur; Tentrée [du 
bâtiment] eft du côté du midi. De la porte d*entrée 
on defcend quarante-huit marches^ & à gauche [de Tef- 
calier], font enterrés les faints Joachim & Anne. L efca- 
lier defcendu, il y a une grande chambre ; le tombeau 
de la très pure Mère de Dieu s'y élève en forme carrée 
& a deux entrées fans portes, lune à Toccident & l'autre 
au nord; le tombeau de la lainte Vierge eft adoflfé à la 
muraille, & le côté de la tête f*e trouve vers le midi ; il a 
trois pieds de hauteur, trois de largeur & huit de lon- 
gueur; la dalle fupérieure eft en marbre blanc & celle 
au-deflfus de la tête eft en albâtre ; fur la face du tom- 
beau fe trouvent trois cercles non ajourés : neuf lampes 
y brûlent inceflamment. Derrière le faint tombeau eft 
fitué le faint autel, fur lequel officie le patriarche, & il 
y a là en haut une petite ouverture. A droite, devant le 
faint tombeau, fe trouve lautel ibère adoflfé à la muraille. 
Il y a auffi des autels oh officient les Arméniens, Jaco- 
bites & Abyfllniens. 

XL DE LA GROTTE QUI S'APPELLE JARDIN. 

Nous vîmes la grotte où le Chrift fut faifi & lié ; elle 
eft à plus de dix lagènes du faint tombeau de Gethjémani^ 
fur le iMont des Oliviers^ en &ce de la Sainte o4/cenJion. 
Elle a fix fagènes de longueur fur quatre de largeur, & eft 
taillée, ainfi que trois colonnes^ dans la montagne où le 
Chrift s'affit avec fes difciples. Quand on vint contre lui 
avec des épécs & des bâtons, le Chrift^ quittant fes dif- 



DE GRETHÉNIOS (v. 1400). I79 



ciples, fe retira vers roccidenc de cette même grotte & 
fe cacha dans la muraille, & Tendroit efl vifible jufqu a 
préfent ; ils cherchaient avec des flambeaux Jéfus & fes 
difciples, & ne les trouvaient pas ; alors Jéfus vint au- 
devant d eux & leur dit : ce Qui cherchez-vous ? » Ils ré- 
pondirent : ce Jél'us de Nazareth. » Il dit : « C e(l moi a 
(Jean, XVIIl, 4, 6), ce & Judas le baila. « (Matth., XXVI, 
49.) Et de là ils le conduifirent à Jérufalem. Il e(l dit dans 
le faint Evangile : cr Jéfus s'en alla au delà du torrent 
€* du Céiron^ où il y avait un jardin dans lequel il entra 
n lui & fes difciples. a (Jean, XVIII, i.) Dans la voûte 
de cette grotte fe trouve une ouverture comme dans un 
four à chaux. A un jet de pierre de là, plus haut, fur le 
chemin, fe trouve une grande pierre, fur laquelle le Chrift 
pria fon Père ; & fa fueur était comme des gouttes de 
ïang, qui coulaient jufqu a terre. Et un peu plus bas était 
fituée une églife [au lieu] où le Chrifl apprit à fes dif- 
ciples : et Notre Père qui es aux cieux ». Un peu plus bas, 
près de ce même torrent, au pied du oMont des Oliviers^ 
nous vîmes le tombeau de Roboam, fils de Salomon, &, 
un peu plus loin, le tombeau de Salomon^ taillé dans une 
l'eule pierre de la montagne. 



XII. DU MONT DES OLIVIERS. 

Le éMont des Oliviers eft une petite montagne à trois 
fommets comme nous Tavons dit plus haut. On y monte 
du côté de Gethfemani, L*ayant gravie, on voit toute la 
ville de Jérufalem : le Saint des Saints, S ion & la Tour de 

David, Sur Remplacement • de la Sainte 

c4fcenfion ' Dans Téglife, fe trouve une 

a. Lacune dans le texte. 



l8o VI. LE PÈLERINAGE 

chambre, donc on a Tencrée en face; à Tincérieur elle a 
dix iagènes de diamètre, huic de circonférence, feize 
colonnes & encore une autre enceinte. Dans cette petite 
chambre, le pied du Chrill s'eft imprimé dans la pierre ; 
& Ton adore la fainte empreinte du pied du Chrift. A 
côté en fortantde Téglile, à droite^ on franchit une porte, 
& Ton defcend une vingtaine démarches; là fe trouvent 
le tombeau de fainte Pélagie & une pierre rouge, venant 
jufqu*à la ceinture, près de laquelle on fe confefTe. Un 
étroit couloir, que les uns traverfent avec difHculté & 
les autres facilement, entoure le tombeau ; & là, fe trouve 
la cellule de la tàinte. A deux portées de flèche de Tau- 
tel de la Sainte c4fcenJion [eft l'endroit où] Abraham 
voulut immoler fon (ils Ifaac ; & cet endroit fe nomme 
c4lkafros, & eft au pouvoir des SarraHns, qui ne per- 
mettent pas aux chrétiens de pénétrer dans Téglife con- 
vertie en mofquée. 



XIII. DU MONT DE GALILÉE. 

Le mont de Galilée eft une colline ronde à Toccident 
de ïc^fcenjîon, à une même diftance que Yoilkajros. On 
aperçoit de fon fommet le fleuve du Jourdain & la iMer' 
de Sodome. C'eft là que Jéfus apparut à fes difciples après 
fa réfurre<5lion ; il y avait là une grande églife aéluel- 
lement ruinée jul'que dans fes fondements. Les chrétiens 
adorent [cette place] & defcendent par le chemin qui 
mène à Gethjémani\ [c'eft là que] les apôtres pafsèrent la 
nuit fur des pierres en allant après la Réfurre<5lion au 
mont de GaliUe^ & Ton reconnaît jufqu^à ce jour l'em- 
preinte de leurs corps fur les pierres. 



DE GRETHÊNIOS (v. 1400). 181 



XIV. DE SILOÊ. 

Nous vîmes Siloé^ 011 le Chrift ordonna à l'aveugle 
de fe laver. En bas, près du torrent de Cédron, entre 
Jérufalem & le Saint Sion^ eft taillée une montagne de 
plus d une fagène de largeur, de deux de hauteur & de 
la longueur d'une portée de flèche; une eau douce en 
découle ; & cela fut fait par le roi Salomon ; le baflin a 
cinq Tagènes de longueur fur deux de largeur ; il y a là 
huit colonnes dont deux en avant & deux en arrière, & 
nous nous y lavâmes. On y réunit leau de la ville & on 
en arrofe les potagers. 

XV. DE BETHLÉEM. 

'BethUem eft un village fortifié au midi de Jérufalenij 
à fept verftes environ. A mi-chemin fe trouve le couvent 
de Saint Elie le prophète. Un peu plus loin, fe dreflfe un 
pilier à demi-ruiné, où Tange apporta au vieillard, qui s'y 
tenait, les clefs de toute la ville de Jérufalem & du tom- 
beau du Seigneur, & lui ordonna de les remettre aux 
Sarrafins, qui conquirent dès lors Jérufalem. Sur ce même 
chemin, fe trouve le tombeau de Rachel, mère de Jofeph. 
Un peu plus loin eft un champ qui produifait des pois, 
pétrifiés à préfent, & on y voit la pierre fur laquelle la 
ikinte Vierge fe repofa. L'églife de 'Bethléem était très 
grande & au deftous il y avait une citerne. Il ne refte 
adlucUement de toute l'églife qu'une feule chapelle re- 
couverte d'étain, au deffus de la fainte grotte ; & les 
murs & le pavé en font très ingénieufement revêtus 
d'albâtre. Depuis la porte d'entrée jufqu'à l'autel, on 
compte des deux côtés quarante-quatre belles & grandes 
colonnes, & dans l'autel elles font au nombre de fix. Sous 



l82 VI. LE PÈLERINAGE 

le faine autel Te trouve la fainte grotte & la crèche ; on 
defcend cinq marches jufqu'à la porte, &, Tayant fran- 
chie, encore treize marches jufqu a la fainte Crèche^ & 
c*e(l là [le lieu de] la Nativité du Chrift. La Crèche a cinq 
pieds fur trois de large, & deux portes, Tune au nord & 
Tautre au midi. Quant à la grotte ou caverne, elle a cinq 
fagènes de chaque côté, & une & demie de largeur. C*eil 
au fond de la grotte qu*on vcrfa l'eau avec laquelle on 
lava le Chrift. L*églife & Tau tel font ornés des deux côtés 
de mofaïque dorée; le toit eft en charpente. A côté de la 
table de prochèfe, fe trouve une citerne dans Teau de la- 
quelle on voit briller Fétoile qui guida les Mages quand 
ils vinrent adorer le Roi-Chrid nouveau-né ; les Francs 
ont cette églife fous leur dépendance. Sur le faint autel, 
au-deiïus de la grotte, officient le prêtre chrétien & le 
patriarche les jours de fêtes, & les autres hérétiques fur 
leurs autels refpeélifs. A une petite portée de flèche, à 
Torient de Téglife de la fainte Nativité de 'Bethléem, fe 
trouvait Téglife de Saint Nicolas qui eft ruinée; à gauche, 
fous réglife, eft une grotte, dans laquelle on voit un 
faint autel. Ceft dans cette grotte que fe cacha la fainte 
Vierge avec le Chrift, quand Hcrode ordonna de tuer à 
'Bethléem tous les enfants âgés de deux ans & au-defTous. 
Et là, le Chrift cracha du lait, & la très Pure Payant 
eftiiyé, le rejeta fur la muraille, & jufqu a ce jour les 
chrétiens prennent de cette poudre laiteufe comme re- 
mède & bénédi(5lion. Ici lange apparut auffi à Jofcph 
[& lui dit] : cr Levez-vous, prenez Tenfant & fa mère & 
ce fuyez en Egypte, ii (Matth., Il, 13.) 

XVL DE LA VILLE ET [DU CHAMP] DU POTIER. 

Le Champ du Totier fe trouve près de la ville de 
Jérujalem, de Tautre côté de la vallée, au midi, & il fut 



DE GRETHÉNIOS (v. 1400). 183 

acheté avec le prix [du fang] du Chrifl, pour fervir de 
fépulnire aux étrangers. Beaucoup de grottes font tail- 
lées dans la montagne ; & là fe trouve Téglife de Saint 
Onuphre ; & le patriarche y célèbre la meATe le jour de 
la fête [de ce faint]. Il y a des conftrudlions dans cette 
grotte, au-deflfus de la Vallée des Larmes ; & nous vîmes, 
dans ces grottes, les oflfemcnts & les corps d'une quantité 
de morts. 



XVIÎ. DE LA VILLE DE JUDA ET DE LA MAISON 

DE ZACHARIE. 

Il e(l dit dans TEvangile : cr Marie partit en ce même 
ce temps, & s*en alla en diligence vers les montagnes de 
c Judéey en une ville de la tribu de Juda, & étant en- 
f trée dans la maifon de Zacharie, elle falua Elifabeth. o 
(Luc, I, ^9, 40.) Le chemin qui y conduit de Jéruf aient 
fe dirige à l'occident & eft d'environ fept verftes. En le 
fuivant, à deux verfles à peu près de Jérufalem^ au milieu 
du chemin, fe trouve une cellule ruinée; & Ton dit qu'A- 
bimélec dormit en cet endroit pendant foixante-deux 
ans. A deux grandes portées de flèche de là, à droite, e(l 
fitué un couvent ibère qui contient une grande églife ; 
fous le faint autel eft pratiquée une ouverture quadran- 
gulaire; c*eft là que fut coupé le faint bois de la vivi- 
fiante Croix du Seigneur; les fidèles y viennent Tadorcr. 
La oMaifon de Juda eft une ville ronde, au fond d'une 
vallée entourée de fept montagnes; les Sarrafins l'ha- 
bitent. 

Sur une de ces montagnes, à l'orient, fe trouve 
l'églife de la fainte Nativité de faint Jean le Précurfeur, 
qui eft abandonnée ; en defcendant cinq marches der- 
rière le mur du faint autel, à droite, eft l'endroit où 



184 VI. LE PÈLERINAGE 

naquit faine Jean le Précurfeur, & le patriarche vient y 
célébrer la meffe le jour de la fainte Nativité du Précur- 
seur. A mi-hauteur des montagnes efl; ficuée une maifon 
carrée^ dont Tentrée eft au midi ; c'eft ici qu'Elifabeth, 
étant venue au devant [de la Vierge], fon enfant tref- 
failiit dans fon fein & dit par la bouche de fa mère: 
« D'où me vient ce bonheur, que la mère de mon Seigneur 
R vienne vers moi ? «> Et Marie dit : ce Mon âme glorifie le 
ce Seigneur &c.» (Jean, 1, 4^, 46.) Dans une autre mon- 
tagne au-delà de Téglife&près de la mail'on de Zacharie, 
le long d'un canal de pierre, coule une eau fainte & 
très pure; cette eau fervit pour le miracle de conviAion; 
car, après que Jofeph & la très pure Vierge en eurent 
bu & qu elle ne leur fit pas de mal, la très Pure la 
bénit pour être lalutaire & guérir tous ceux qui en 
boiraient; ce qui fe vérifie jufqu'à ce jour. Plus loin, 
dans la troifième montagne, fe trouve un couvent, fous 
la dépendance des trois fois maudits Arméniens. Dans 
leur églife, à droite, près de Tautel, la montagne fe fen- 
dit de deux coudées, & fe réunit de nouveau comme 
de la cire, quand Hérode commença à mafTacrer les 
Innocents ; Elifabcth faidt faint Jean le Précurfeur & 
s'enfuit devant les foldats, &, accourue à la montagne, 
elle dit : cr Montagne, reçois la mère & l'enfant jj ; & la 
montagne s'entr'ouvrit ; Elifabeth paffa fous terre jufqu'à 
la SMaifon d*c4braham & reflbrtit en laiflfant là faint Jean 
le Précurfeur & revint chez elle. Un ange conduifit faint 
Jean le Précurfeur dans le défert au-delà du Jourdain. 
Le chemin efl d'un jour de marche fous terre. 

XVIII. DE BÉTHANIE. 

'Béthanie efl à l'orient, à droite du oMom des Oliviers, 
L'Evangile dit qu'elle eft à quinze (tades de Jérujalem ; 



DE GRETHÉNIOS (v. 1400). l8f 

ce qui fait crois verftes pour nous ; Tunique chemin 
(inueux qui y mène, commençant au-deiïbus de Geth/é- 
mani, longe la montagne ; la montée commence dès la 
première vallée & [la ville] eft fituée dans la troisième 
depuis Jérufalem. iàhanie était jadis une ville, qui e(l 
aéluellement en ruines & appartient aux Sarrafins. Une 
grande églife, détruite à préfent, s'élevait au-deflfus du 
tombeau de faint Lazare ; il n*en relie qu'un tiers. L'entrée 
en efl; à l'orient par une petite porte. A droite fe trouve 
le tombeau de faint Lazare en albâtre ; le côté de la tête, 
tourné vers le midi, efl; ingénieufement orné de ce même 
marbre. A l'occident efl; une petite ouverture 011 fe te- 
nait le Chrifl quand il cria : ce Lazare, fortez dehors ! a 
(Jean, XI, 43.) Le patriarche célèbre la mefle fur ce tom- 
beau à la fête de faint Lazare. 11 y a un endroit près 
du mur, éloigné de la porte d'entrée, où le Chrifl fe 
tenait quand il dit : rr Déliez-le & laiflez-le aller. » 
(Jean, XI, 44.) Au deflus du pavé de l'égife fe trouve la 
chambre [mortuaire]. Il y a là l'endroit où le faint fut 
délié; la chambre n'a qu'une demi-hauteur d'homme, & 
il faut s'y traîner à genoux pendant deux fagènes avant 
de fe lever & d'adorer. A une verfte de la ville de 9/- 
thaniej efl la maifon de Simon le lépreux; derrière cette 
maifon, fe trouve une pierre, où fe tenait le Chrifl, 
quand il dit au peuple : « Où l'avez-vous mis? »y (Jean, 
XI, 34.) De là le chemin mène au Jourdain. 



XIX. DU JOURDAIN. 

Le chemin de Jérufalem au Jourdain fe dirige vers 
l'orient ellival. Dépaflfant Héthanie^ à Tendroit où le 
Chrifl fe tenait, on defcend jufqu'au khan en pierre 
polie précédé d'une fontaine qui efl furmontée d'une 

*4 



l86 VI. LE PÈLERINAGE 

voûte ; on dit que c eft là que Marche & Marie rencon- 
trèrent le Chrift. A une verde de là, à gauche du chemin, 
fe trouve une pierre en forme d*autel, fur laquelle le Chrift 
fe coucha & dormit un peu. Depuis là le chemin eft pé- 
nible à travers les montagnes ; il y a un khan fur ce che- 
min. Beaucoup plus loin, à gauche, dans un ravin, eft 
fitué un couvent ingénieufement bâti, qui s'appelle Khou^ 
feva, & où faint Joachim, grand-père du Chrift, jeûna 
quarante jours. On delcend des montagnes dans la plaine^ 
Près des montagnes était la ville de Jéricho, entièrement 
détruite à préfent ; les maifons arabes y font peu nom- 
breufes, & la maifon de la courtifane Rahab exifte juf- 
qu*à ce jour. C*eft là qu*Elifée le prophète bénit les eaux 
amères qui font douces à préfent. Les légumes y vien- 
nent en abondance, ainfî que les tomates, les melons, les 
oranges & le fucre. Il y avait jadis dans la montagne un 
couvent [à Tendroit] où le Chrift jeûna quarante jours 
& quarante nuits. De Jéricho au [couvent de] Saint Tro- 
drome^ près du Jourdain, on compte fept verftes par la 
plaine. De Jérufalem au Jourdairij il y a en tout une 
journée de marche. Le couvent de Saint Jean Trodromc 
eft fitué dans la plaine, à une petite demi-verfte environ 
du Jourdain ; il eft étrange de voir à côté de pedts mon- 
ticules de fable, [qui datent du jour où] la colère de 
Dieu fut fur Sodome & Gomorrhe, & où les villes furent 
englouties & la terre dénaturée. Depuis les montagnes 
& jufqu*à Jéricho, Therbe vient mal jufqu*à préfent & les 
arbres font dénudés, excepté, peut-être, près du Jourdain 
& dans les vallées. Un couvent eft bâti fur la place même 
où le Chrift fe tenait, enfeignant le peuple, quand faint 
Jean le Précurfeur baptifait fur le Jourdain & que, voyant 
le Chrift en cet endroit, il le montra du doigt, difant : 
ce Voici Tagneau de Dieu, voici celui qui ôte les péchés 
cr du monde, a (Jean, I, 29.) Le Jourdain eft un petit 



DE GRETHÊNIOS (v. T400). 1 87 

fleuve, mais rapide. Vis-à-vis de Tendroic oîi le Chrift 
fut baptifé, fur le rivage oriental, s'élevait une églife de 
la fainte Trinité & il n*en eft rien refté, excepté les fon- 
dements; & c*efl là que le fleuve du Jourdain retourna 
en arrière. En remontant un peu plus haut, il eft plus 
large & c*e(l là, où le Chrift fut baptifé, que les chrétiens 
fe lavent. Un peu plus bas fe trouve un monticule fem- 
blable à une meule, du haut duquel le prophète Elie fut 
enlevé au ciel dans un char tiré par des chevaux de feu ; 
on rappelle Hermon. On dit qu'au-delà du Jourdain fe 
trouve la grotte de faint Jean le Précurfeur ; &, à côté, 
à Enonefalenij il y a beaucoup d eau, & c eft là que faint 
Jean baptifait le peuple. Nous n'y allâmes pas de peur 
des Arabes. 



XX. DU COUVENT DE SAINT GHÊRASIME. 



Le couvent de Saint Gkirafime qui était fervi par un 
lion, efl à trois verftes de diftance de Saint Troirome^ à 
Toccidenc hivernal; & non loin, fur le chemin qui y 
mène, fe trouve un grand puits d*un certain difciple de 
faint Ghérafime. De Saint Trodrome à la éMer de Sodome^ 
on compte plus de cinq verftes. Il y a environ trois 
verftes du couvent de Ghérafime au Jourdain^ & à la 
iMer de Sodome, Le fleuve du Jourdain tombe dans la 
fiter de Sodome & y difparait. De cette même mer fort 
du bitume; du fel couvre le rivage, ainfi que du foufre. 
A Saint Jean Trodrome, il y a le bras gauche jufqu*au 
poignet d*un faint moine ; faint Jean le Précurfeur le 
tenait par ce bras, quand les Sarrafîns jetèrent le moine 
dans le feu avec fes frères, & (a main ne brûla pas. 



l88 VI. LE PÈLERINAGE 



XXI. DE LA LAURE DE SAINT SA6BAS. 

La laure de Saint Sahhas e(l au fud de Jirufalem ; par 
la Vallée de Jofaphaty la diftance eft d'environ quinze 
verftes. A mi-chemin, à droite, fur la montagne, fe trou- 
vait le couvent de Saint Thiodofe le Cénohiarque^ aduel- 
Icment ruiné. Près de Saint Sabbas^ au pied du couvent, 
le torrent dcl'cend vers le midi & les montagnes de- 
viennent raides & unies comme des murailles ; c'cft 
pourquoi des cavernes font taillées dans ces murailles ; 
& les cellules étaient comme des nids d*liirondelles ; & 
il y avait dix mille moines jufqu'à la é^er de Sodome. 
Le premier couvent du faint était à gauche du torrent, 
près d'un ravin, à côté de la montagne; le deuxième en 
bas, à droite du torrent, dans la plaine; le troifîème 
s*élève jufqu'à préfent, là où faint Sabbas vit une colonne 
de feu; la fainte Vierge lui apparut alors, lui ordonna de 
bâtir une grande églife & lui dit: cr Réunis mille moines. » 
Il répondit : a Ma fouveraine, où trouverai-je tant de 
cr pain, de la place pour en femer & tout ce qui eft né- 
c< ceflfaire ? » La très Pure lui répondit : ce Je veux vous 
c garder & prendre foin de vous. » Un grand ravin du 
côté de Toccident fe joint au torrent ; & c'eft là que 
faint Sabbas conftruifît le couvent. Il n'eft refté qu'un 
autel de la grande églife, dont on voit les peintures 
pourpres. Près de cette églife, on monte dans les cellules 
par des efcaliers &, entre autres, dans la cellule de faint 
Jean Damafcène. Au fond du torrent, jufle en face de 
Tautel, fe trouve un peu d eau qu'un cerf découvrit mi- 
raculeufement à Saint Sabbas. Devant la grande églife, fe 
trouve le tombeau de faint Sabbas, là oh fut la colonne 
de feu; une voûte le recouvre, foutenue par fix co- 
lonnes; quant au tombeau de faint Sabbas^ il ne vous 



DE GRETHÊNIOS (v. 1400). 189 

vient que jufqu au genou, eft blanchi à la chaux^ a la 
forme d*un dos d*âne & eft recouvert d*une image fur 
toile du faint dans fon cercueil. Tout-à-fait en bas, à 
droite de Téglife, fe trouvait un hôpital adluellement 
abandonné, avec des colonnes au milieu ; & à côté de 
rhôpital deux efcaliers conduifent en haut ; au milieu fe 
trouve la cellule de (aint Sabbas, qui c(l une cglifc [pour 
le fervice] des morts. Si Ton y entre & que Ton retire la 
planche, on ne peut plus redefcendre ; en face efl la mu- 
raille, à la tête du tombeau du faint père Sabbas. En mon- 
tant quelque peu par des gradins en pierre, on arrive à 
la grande églife ibère, conftruite au fud & peinte. Les 
maudits barbares brûlèrent jadis dans cette caverne qua- 
rante faints hommes. La tour, au deflfus du couvent de 
Saint SahhaSy eft grande & acfluellement fans moines; & 
on y pénètre par la porte qui fe trouve en bas dans une 
caverne. Derrière plufieurs cellules à gauche, leau plu- 
viale de rhiver eft confervée dans une citerne, & fuffit 
pour tout Tété ; & deux citernes au bas de Téglife fer- 
vent aux bêtes. Au nord du grand cloître, dans le petit 
ravin, s'élevait une églife & un petit couvent [actuelle- 
ment] défert, où Ton recevait les jeunes gens, qui y ref- 
taicnt, fous la dire<flion de vénérables vieillards, jufqu*à 
ce qu'ils euifent de la barbe. Aéluellement dans le cou- 
vent de Saint Sabbas, fe trouve une confrérie d'environ 
vingt-cinq moines. 

Sur le chemin qui conduit du djerid de Saint George, 
coule, dans un aqueduc, une eau de la montagne 
appelée [eau] de faint George. Plus loin, vers Jérufalem, 
le trouve un village appelé Veit Vfailah, où il y a une 
églife confacrée à faint George; la très Pure ayant béni 
ce village, il n'eft habité que par des chrétiens. Sur ce 
même chemin, plus loin, fe trouve l'arbre, auquel s'ac- 
crochèrent les cheveux d'Abfalon pourfuivi par la colère 



IQO VI. LE PÈLERINAGE 

de Dieu ; il exifte jufqu'à préfenr, & Abfalon y fut tué 
par des flèches. 

On voie de Jirufalem un petit monticule entre 
Bethléem & le couvent de Saint Sabbas^ tous lequel fe 
trouve une caverne^ qu*on appelle Enfer ; d*autres difent 
que le Chrift defcendit par là en enfer, & Ton dit que 
Satan tomba du ciel fur ce monticule. Plus loin on voit 
un village qui fe nomme Torrent j Se dont fortirent les 
douze prophètes. 

XXII. D'HËBRON, de la maison de DAVID 
QUE LES SARRASINS APPELLENT KHALIL. 

Un chemin y conduit de la ville de Jérufalemy à droite 
de 'Bethléem, & la diftance eft d*une journée. Ceft un 
grand village très peuplé. La double caverne achetée 
par Abraham, pour de largent, de Sichem, (ils d*Ephron, 
efl entourée d*une enceinte renfermant deux mofquées & 
de Teau qui, découlant d'une montagne, pafle devant 
la porte. On ne nous permet pas, à nous chrétiens, de 
laluer les faints tombeaux. Les Sarrafîns fabriquent là 
beaucoup de verre. 



XXIII. DE NAZARETH. 

La ville de V^a^areth efl; au nord de Jirufalem ; c*eft 
un grand village. L'églife où eut lieu la fainte Annon- 
ciation elt en ruines. Nous vîmes le puits où la très 
Pure vint puifer de Teau & Tange apparut & dit : c Je 
ce vous falue, ô pleine de grâce, le Seigneur eft avec 
rr vous ! *» (Luc, I, 28.) Une voûte carrée, foutenue par 
quatre colonnes, furmonte le puits. Au-deflbus, dans la 



DE GRETHENIOS (v. 1400). I9I 

direélion du midi, fe trouve un petit champ avec des 
oliviers. Il y a deux grandes journées de Jirufalem à 
S^aiareth. De là à la mer de 7ibériade^ il faut un jour. 
Ici paflfe le chemin de Jérufalem à Damas, par T{amleh, 
S^aiarerhy la mer de Galilée, Près de la mer de Tihériaiiy 
fe trouve le mont Thabor. Non loin de là font Samarity 
& le Tuits Je Jacob^ & la ville de Sichar. La mer de 
Tibériaie e(l petite & entourée de montagnes, elle a 
douze verftes de largeur, & à travers coule le fleuve du 
Jourdain. Quant à moi, en quittant Damas, je paflfai par 
le Jourdain, le Thabor & S^ajareth ; ne connaiflfant pas 
la langue du pays, je ne lavais ce que c'était & ne Tap- 
pris qu après, à Jérufalem. De Damas à Jérufalem on 
compte huit jours en marchant toujours vers Torient 
edival. La ville de Damas efl fituée dans une plaine au 

>ied des montagnes. A Torient edival de Damas fe trouve 

le couvent de] h Sainte Vierge deSaîdnaya (félon nous); 

c'eft] une image de la très Pure qui fait couler la fainte 

luile. Ceft à (ept verdes de Damas. 

De Saint Jean Trodrome on voit le éMotu Thabor de 
la façon fuivante : il fe compofe de trois Ibmmets, & le 
quatrième, le plus grand, efl fitué en arrière & a la forme 
d'une tente. 




VII 

ITINÉRAIRE A JÉRUSALEM 



oo 



mOlï^E ETITHcAïT^E 



vers 141 6 



»5 



Mo/cou. Bibl. du couvent de Tchoudov, n^ 34/236 (fin du XVI« f., pap.)* 

K = ShPiterJbourg, Bibl. de B. Khitrowo (XVII« f., pap.). 

Af= Mofcou. Bibl. de la Société Impériale de Thiftoire & dev anti- 
quités ru (Tes de TUniverfîté de Mofcou, n<» ïi4(XVII«f.,pap.)« 

O = Mofcou, Bibl. du Mufee Roumiantzev, Fonds Oundoliky, n» 614 
(XVn* C, pap.). 

P = Mofcou, Bibl. du Mulee Roumiantzev, Fonds Piikarev, n<> 184 
(XVII« f., pap.). 

R = Mofcou, Bibl. du Mufee Roumiantzev, n» 413 (XVII« T., pap.). 



MOINE EPIPHANE 



*U grand ff^ovgorod à Velikia Louki [on 

acompte] trois cents verftes. 

ï De Louki ' à Tohtsk, cent quatre- 

i vingts *. 

A De "Poïotsk à îMinsk^ deux cents. 
De îMinsk à Sloutsk éWalii, quatre-vingt dix. 
De Sloutsk é^falii au Veliki Slouak, deux cent cin- 
quanie. 

Du VtUki Sloutsk à Veîagrad, dnq cents. 
De Velagrad à ConftantinopU, cinq cents. 
De ConfianànopU, par ta mer Euxine, jufqu'à HéracUe, 
foixante. 

D'Héraclét jufqu'à [l'Ile de] é^arhre, quarante. 
De [17/* de] éifarbre à Gûllipoli, foixante. 
De Gallipoîi à l'endiouchure [des "Dardanelles], qua- 
rante. 

De l'embouchure [des Dardanelles] à Umnes, foixante. 



196 VII. ITINÉRAIRE D*EPIPHANE (v. 1416J. 

De Umnos à la ville Kohchine ' & à la éMontagne Sainte^ 
cent verftes. 

De Umnos vers rorienc, à tMitylène^ cent verftes. 

De SMitylène à Stikhia^ cent. 

De Stikhia à 'BjioieSj crois cents. 

De T{hodes à Chypre^ crois cents. 

De Chypre au port de Jaffa^ trois cents. 

De Jaffa au village de ^mleh par terre, dix. 

De V^mleh à Jérufalem, crence. 

Du grand U^ovgoroi à Confionrinople, deux mille vingc 
verftes, & de Conftaminople à Jérufalemy mille quacre cencs, 
ce qui fkic en couc crois mille quacre cenc vingc verftes. 
Amen. 

a. Katchim Ki KomtchanêOi Kotchinê P^M\ Kotchi K, 




VIII 



VIE ET TELEl^Iff^G4GE 

DU DIACRE ZOSIME 



1419-1421 



t 
> 



r - St'FttirJIfourg. Bibl. Impériale, Fonds Tolftoy, XVII, Q, n» 76, 
ff. 73-9»(XVl«f.,pap.). 



Skh «■ Narrations du peupU ruffe (en rufle) publiées par J.-P. Sakha- 
harov {ShPiterJbourg^ 1849, 8»). T. II, I. 8, pp. 60-69, 
cl*après deux manufcrits du XVI1« fiècle, aujourd'hui per- 
dus, de N.-P. Téchilov & Safonov. 



ÇVIE ET TELEl{j:^o4GE 



DU 



MOINE PÉCHEUR ZOSIME 

DIACRE DU COUVENT DE SAINT SERGE 




^ECRITURE dit : « Il eft bon de garder le 
(c fecret du roi, mais il eft glorieux de pro- 
cc clamer les chofes de Dieu »> (Tobie, XII, 7). 
iCar, s'il eft mauvais & injufte de ne pas gar- 
^der le fecrec du roi, on fait du corc à fon âme 
en fe caifanc fur les chofes de Dieu. Ceft pourquoi je 
crains de les cacher en me fouvenanc des tourments de 
ce ferviteur qui, ayant reçu un talent du Seigneur, len- 
fouit dans la terre fans Tavoir fait profiter. Que perfonne 
de vous, fik de la Ruffie ! ne doute de moi en écoutant 
mon récit ^ & ne croyez pas que je m enorgueillifle de 
ce pèlerinage. S'il y a des gens légers qui, en lifant ce 
livre, s'étonnent de fon élévation & de mes paroles &' 



a. Li titre âf ia partie du texte 
entre parenth}fes ( ) manquent ac- 
tuellement dans le manufcrit Tùljioj 
qui nous afer*ui pour cette traduc- 
tion, les deux premières pages en 
ayant été arrachées, Heureufement 



le manufcrit était encore complet^ 
quand P.-M» Stroev le publia^ en 
1 8a8, dans le Spectateur nifle, n^ 
7 âf 8. — b. Jxiitiu iConflantinople 
8c Jérufalem Skh. 



200 Vin. VIE ET PÈLERINAGE 



ne veulent pas y ajouter foi, que Dieu leur pardonne, 
car, en croyant à la faiblefTe humaine, ils nous font du tort. 

Il faut donc que je commence le récit de mon pèle- 
rinage & de ma vie. 

De la T^uffie & de fa capitale, éMoJcou^ de la grande 
laure du faint hégoumène Serge, je m'efforçai d'atteindre 
rilluftre ville de Kiev^ qui eft la mère de toutes les villes 
ruffes'. Ayant paflfé la moidé de Tété à la laure, qui 
s'appelle la Grotte de Kievj près des tombeaux du faint 
hégoumène Antoine & de Théodofe; je défirai voir, 
j*al*pirai [à vifîter] les faines Lieux que le Chrift foula 
de fes pieds, où le fuivirent les faints Apôtres & où les 
faints Pères menèrent une fainte vie. Je partis de Kiev 
avec des marchands & de grands feigneurs, &, ayant 
marché pendant trente milles, à cinq verftes le mille, 
j'arrivai dans le pays d'Odolsk^ à une grande rivière qui 
fe nomme 'Boug^ & là fe trouve la ville de Vriajlav^ où 
nous reliâmes une femaine. De là nous entrâmes dans 
la plaine tar'tare & fuivimes pendant cinquante milles 
le chemin tartare ^ qui fe nomme la Grande vallée ; nous 
arrivâmes à une grande rivière nommée Vnejlr, près de 
oMiterevy Kichiny. Cefl la frontière de la Valachie^ 8c 
l'on y paffe de l'autre côté [du fleuve], où les Valaques 
perçoivent un tribut pour le paiTage; de ce côté [les 
gens] du grand duc Vitold fe font aufli payer un impôt' 
& fe le partagent. Il y a trois jours de là jufqu'à "Belagrad 
par le territoire de Valaehie, & nous paflfâmes deux fe- 
maines à Velagrad. On compte neuf verftes de là à la 
mer. A l'embouchure du *DneJlr fe trouve une colonne 
qu'on appelle Fanar; & là eft la rade pour les navires. 

a. Parvenu à Kirv par la grâce — d. où fe trouve la grande val- 

de Dieu & Skà, — b. au lieu lée qui conduit au grand Don Skh, 

ttOdolJi loinuin Skh, — c. Ici — e. par les paflants SkA. 
finit la partie qui manque dans 71 



DU DIACRE ZOSIME (1419-1421). lôt 

Nous écanc ' procuré un navire^ nous nou smimes en mer 
& y paflTâmes trois femaines, avant d*atteinclre avec dif- 
ficulté Tembouchure de Conftantinople; car, avant le ca- 
rême de faint Philippe, le temps eft (ouvent très mauvais 
& les vagues font terribles. Parvenus à la Ville impériale, 
nous y reftâmes dix femaines & viHtâmes tous les faints 
lieux. 

Premièrement je faluai la fainte & grande églife de 
Sophie^ oii demeure le patriarche, & baifai Timage de 
Notre Seigneur Jéfus-Chrift devant laquelle on confeffe 
les péchés qu*on a honte d'avouer à fon confeflfeur ; c'efl: 
pourquoi on la nomme : Le Sauveur Confeffeur; & Timage 
de la très Pure qui parla à Marie l'Egyptienne à Jérufa- 
lem; les reliques de faint Arsène le patriarche; le tombeau 
de Kirik, âgé de trois ans; la pierre [enchâiïee] dans 
Tautel, fur laquelle Jéfus caufa avec la Samaritaine près 
du Tuits de Jacob; la table d'Abraham, fur laquelle Abra- 
ham ^ prépara la fainte Cène fous le chêne de éMamhré; 
le lit de fer fur lequel les faints martyrs enduraient le 
fupplice & qui porte jufqu'à préfent les traces de leur 
fang; la croflTe de Jean Chryfoftôme qui eft fur les marches 
[de Tautel] ^; la grande porte de Téglife & l'Arche de 
Noé< 

Près de Sainte Sophie fe trouve le couvent d'Odigirria 
oh la très Pure opère des miracles tous les mardis. Non 
loin de ce couvent font deux autres couvents : celui de 
Lazare le reflfufcité, oîi fes reliques & [celles de] fa foeur 
Marie font incruftées dans une colonne, &, fecondement, 
celui de Lazare, évêque de Galajfie. Dans un couvent de 
femmes voifin fe manifefta la tête de Jean Chryfoftôme. 

a. bientôt SkA. — b. régala la porte de l'églife SàA. — d. nous 
fainte Trinité SkA, — c. en haut vîmes TArchede Noé,qnieft près 
8c nous y montâmes par des mar- de SaimU Sophie^ Skh. 
ches [conduifant] depuis la grande 

s6 



loi VIII. VIE ET PÈLERINAGE 



Dans un autre couvent voifin repofe tout entier [le corps 



deJfaintCy 
faint André 



prien le mage. Et un autre couvent eft celui "* de 
qui feignit d'être] fou pour la gloire du Chrift, 
& il guérit les démoniaques jufqu*à préfent. Non loin de 
Sainte Sophie^ dans le couvent de femmes de Tanakhran, 
fe trouvent la tête de Bafile de Céfarée & une très bonne 
empreinte dans la pierre des pieds du faint apôtre Paul. 

Près de Sainte Sophie eft le couvent de femmes PAi- 
lanthropos ; il y a là, fous Téglife^ une eau fainte, & les 
lépreux & les malades qui plongent leurs pieds dans le 
fable, obtiennent leur guérifon en grand nombre. 

Près de là fe trouve le couvent de femmes de Tanda- 
naffy contenant une partie [des inftruments] de la Paf- 
fion du Chrift & de la tunique, du fang, & des cheveux 
de la très Pure. 

Dans le grand couvent voifin de George éAtangana fe 
trouvent beaucoup de faintes reliques. 

Devant l'entrée de Sainte Sophie s'élève une colonne 
fur laquelle fe tient l'empereur Juftinien à cheval ; le 
cheval ainfi que le cavalier font en airain. Il regarde 
l'orient & fa main droite étendue menace les rois Sarra- 
fins. Et les rois SarraHns [repréfentésj par des idoles en 
airain, font debout devant lui, leur tribut en main^ & 
lui difent : a Ne nous menace pas, feigneur ! nous com- 
V mencerions à nous défendre ^. » Dans l'autre main il 
dent comme une pomme en or furmontée d'une croix. 

Plus loin, à la diftance d'une portée de flèche, fe trouve 
VHippodrome, Il y a là une colonne fur un piédeftal; ce 
dernier a la hauteur de trois hommes environ; quatre 
foutiens en marbre y font pofés fous la colonne, qui eft 
d'une feule pièce de foixante ' fagènes de hauteur & de 



a. où fe trouvent les reliques toi pas une fois, mais plufieurs 
Skh, — h. Se combattrions contre Skh, — c. fix Skk. 



DU DIACRE ZOSIME (1419-1421). 20^ 

trois ' de largeur. Ec coi, homme ^, que ceux qui Tonc éle- 
vée ne te furprennent pas : c*étaienc des artÛles. 

A côté, fe trouve une colonne en bronze [compofée] 
de trois têtes d'afpics réunies. Le venin des ferpents y efl 
fcellé, & (i quelqu'un dans Tintérieur de la ville e(l 
mordu par un ferpent, il lui fuffit d*y toucher pour être 
guéri ; fi, au contraire, c'eft arrivé hors de la ville, la 
guérifon n*a pas lieu. Un peu plus haut que VHippodrome 
s'élève une colonne furmontée d une croix, indiquant 
l'emplacement du palais de lempereur Conftantin ; les 
douze fragments [des pains multipliés par] le Chrift, la 
hache de Noé avec laquelle il condruifît TArche & la 
pierre dont Moïfe fit fortir de Teau y font fcellés. 

C'efl du côté du couvent de Stoudios que fe trouve 
la colonne entièrement couverte d'infcriptions concer- 
nant tout ce qu'il y a dans le monde, qui a été élevée 
par l'empereur Arcadius en fa propre mémoire. 

Dans la fainte Eglife des oipdtres^ fe trouvent la co- 
lonne à laquelle les Juifs attachèrent le Chrifl & une 
féconde colonne, près de laquelle Pierre l'apôtre pleura 
après avoir renié le Chrifl. Dans cette même églife re- 
pofent le grand Spyridion & le faint martyr Polyeuéle 
& [fe trouvent] les tombeaux de lempereur Conftandn, 
de fa mère Hélène, & de beaucoup d'autres empereurs 
orthodoxes, & Timage de Notre Seigneur Jéfus-Chrifl, à 
laquelle fe confeffa le moine qui avait forniqué; car il 
eft écrit dans la Vie des faints qu'il fe confeflfa devant 
une image & retomba dans le même péché. Devant la 
grande porte de l'églife s'élève une très haute colonne, 
fur laquelle efl placé un ange terrible & grand, qui a en 
main le l'ceptre de ConftaminopUj &, vis-à-vis de lui, fe 
trouve l'empereur Conllantin tenant dans fes mains la 

a. d'une SiA» — K qui Ut ceci Sih. 



204 VIII. VIE ET PÈLERINAGE 

Ville impériale & la remecranc fous la garde de Tange. 

Dans le grand couvent Tantocrator (ce qui veut dire 
en ruflfe : tenant tout entre Tes mains), fe trouve la planche 
fur laquelle on porta le Chrift au tombeau ; on y voit 
julqu'à préfent, blanches comme du lait^ les larmes de 
la fainte Vierge Marie. Là font aufll les têtes de Flore & 
Laure, de Jacques de Perfe & la main d'Etienne le nou« 
veau & laint Michel le nouveau ^ dans Tautel, fe trouve 
le vale dans lequel le Chrift changea Teau en vin à Cana 
en Galilée. 

A deux " portées de flèche de côté, s'élève le couvent 
appelé cApolikaptia ; un crapaud en pierre eft placé de- 
vant l'entrée de ce couvent. Sous l'empereur Léon-le-Sage, 
ce crapaud fe promenait dans les rues, dévorant les reftes 
qu'on y jetait, & les balais balayaient les rues, & le matin, 
quand les gens fe levaient, les rues étaient propres. 

Dans le couvent de Thilamhropos, repofent les reliques 
de faint Clément d'Ancyre, de Théophanie, de l'empe- 
reur Léon le Sage. 

Dans le couvent de Sekharitominite^ repofe Jean Da- 
mafcène. 

Dans l'églife des Wachernes, fe trouvent la fainte 
Tunique & la Ceinture de la fainte Vierge Marie & les 
reliques de faint Potape. 

Dans le couvent de Terihlepte^ font la main de Jean- 
le-Précurfeur avec laquelle il baptifa le Chrift ; la tête de 
Grégoire-le-Théologue, [les reliques du] prêtre Grégoire 
de Nicomédie, la tête de la martyre Tatiana & les re- 
liques de beaucoup d'autres martyrs. Près ^ de ce couvent 
ont été retrouvées deux grandes idoles en pierre ; c'é- 
taient des jufticiers ^ fous l'empereur Léon-le-Sage. 

a. grandes Skh, — b. Près de la cées Skh. — c. qui jugeaient équi- 
muraille de ce couvent font pla* tablenient Sf, 



DU DIACRE ZOSIME ( 1 4 1 9- 142 1 ). 20 f 

Là eft aufli le couvent Trodrome où fe trouvent ' [les 
inftrutnents de] la Paflion du Chrift ; la Tunique du Sau- 
veur ; la Lance dont on le perça ; le Rofeau fur lequel 
cette Lance était fixée; TEponge avec laquelle on lui 
donna à boire du vinaigre & du fiel ; le Sang du Chrift 
[forti] de Timage que les Juifs percèrent dans la ville de 
*Birythe ; le petit pain que le Seigneur mangea pendant 
la fainte Cène avec Tes difciples Air le Saint Sion ; la Pierre 
que les Juifs posèrent fous la tête du Chrift & les cheveux 
& le lait de la très pure Mère de Dieu ^. 

Dans un couvent de femmes, repofent les martyrs Côme 
& Damien, fainte Elifabeth & la bienheureufe Thomaïde, 
décapitée par fon beau-père, ainfi qu*il eft écrit dans la Vie 
des faints : c'était la femme d*un pêcheur; le mari alla à la 
pêche ; fon père voulut lui faire commettre un adultère ; 
mais elle, étant fage & craignant Dieu, n'y confentit pas; 
alors, rendu furieux par fes défirs charnels, il la décapita 
avec acharnement, & Dieu [lui] accorda la grâce de gué- 
rir ceux qui font atteints d'un déHr charnel ; ils viennent 
faluer fon tombeau, & le mal pafTe grâce à fes prières. 

Dans le couvem Evergheris, repofe la vierge Théodofîe. 

Dans le couvent de femmes Upeffi% repofent faint 
Etienne, l'impératrice Irène & la princeflfe ruflfe Anne, 
fille du grand-duc Bafile Dimitrievitfch de tMofcou & 
petite-fille du grand-duc Alexandre, furnommé Vitold 
de Uthuanie. 

Dans le couvent de Gheramartas^^ repofent Marie 
Qéophas & Jean-le-Guerrier '. 

Dans le couvent de femmes de Tovafilias^ repofe la 
laïque fainte Calie ; fon mari était riche & naviguait de- 
puis trois ans ; pendant ce temps elle, qui était chafte, 

a. Te trouvaient Skh. — b. Non loin de là Skk, — e. plus loin dans 
loin de là, dans un Skh, — c. fiCué le Skh, 
un peu plut loin Skh, — d. Non 



2o6 VIII. VIE ET PÈLERINAGE 

charitable & craignaic Dieu, diftribua fans lui tout fon 
avoir ; à fon recour Ton mari la marcyrifa en difanc qu*elle 
avait diflipé l'argent d*une façon coupable. Et elle gué- 
rit par la grâce du Sauveur les boiteux & les malades qui 
viennent fe proderner devant fon tombeau. 

Dans le grand couvent de Stoudlos^ repofe le patriarche 
Euthyme, & Thuile fainte de Dimitri y eft renfermée dans 
une châflfe. 

Près des portes de Sroudios, hors de la ville, fe trouve 
un puits appelé Tighi; il contient de Teau de la très Pure 
& guérit beaucoup de malades. 

Près de ce même couvent eft fîtuée Téglife du faint 
prophète Daniel, dont le tombeau, pofé fur deux lions, 
eft dans rintérieur de Téglife, près de la muraille. 

La Ville impériale eft triangulaire ; deux murailles s'é- 
lèvent du côté de la mer & la troifième du côté de l'oc- 
cident [pour défendre la ville] contre les aflfauts. 

Dans le premier angle, en venant de la ^er ^Blanche, 
fe trouve le couvent de Stoudios \ dans le deuxième celui 
de Saint George. C'était jadis une petite ville, appelée 
Ty\antine^ vis-à-vis de Scutari, L'endroit qu'on nomme 
Scutari eft un marché fur le rivage oppofé de la mer; 
les Turcs s'y aflfemblent d'un côté & les Grecs & les 
Francs d'un autre & ftipulent des marchés enfemble. 

Dans le troifième angle, eft (ituée l'églife des "Blachernes; 
non loin du port, un peu au-deflfus de l'églife, fe trouve 
le palais ", &, au delà du port, la ville franque qui eft 
très belle. 

Il m'a donc été donné de voir tout cela & d'adorer 
[les inftruments de] la Paflion & les faints quand j'ac- 
compagnai jadis la Princeflfe fous le règne du très pieux 
empereur Manuel; c'eft alors que, fe fentant vieux, il 

a. îiiipérUil SAA, 



DU DIACRE ZOSIME ( 1 4 1 9- 1 42 1 ) . 207 

facra empereur grec Ton fils aîné, Kalojean. L*empereur 
Manuel avaic fix fils : Tainé Kalojean, qui veut dire Jean, 
règne à préfenc dans la ville de Conftantin ; le deuxième, 
Andronic, eft defpoce de la ville de Saloniquei le croifième, 
Théodore, eft defpoce de iMorie\ le quatrième, Conf- 
tantin, eft defpote de la iMer S^ire'y le cinquième, 
Dimicri, eft defpoce de tMilos ; le fixième, Thomas, eft 
encore dans le palais de Ton père. 

Ec je vifîcai le concile œcuménique ; le pacriarche d a- 
lors écaic Jofeph, dont les difciples reciraienc un grand 
profic. Voici les grands dignicaires de réglife: le premier: 
le grand Throcophylax ; le deuxième : le Sacculaire ; le 
croifième: le Scevophylax; le quacrième : le Sakilax. Sous 
Sainte Sophie fe crouvent fept puits & un lac. Et voilà ce 
que moi, le groflier hiéromoine Zofime, j'ai vu & adoré 
en me fouvenant dans mes prières de ceux des fils de la 
"Rfiffie qui ont écé bons pour moi. 

' Nous quiccâmes la ville de Conftancin fur un navire 
& nous naviguâmes pendant cent milles fur la mer 
étroite & dépaflfâmes 17/^ de éMarhre ; les Conftantino- 
polirains y prennent le marbre ^ dont ils pavent les églifes 
& les palais de Conftantinople. Soixante milles plus loin 
nous dépaflfâmes la ville de Galipoli^ & il y a là un paf- 
fage turc. L'embouchure eft à foixante milles plus loin, 
& nous fortimes dans la grande éMer du Tonr, qui s'ap- 
pelle 'Blanche \ c'eft précifément à l'embouchure qu'était 
fituée la ville de Troie. En for tant dans la grande mer, 
le chemin conduit, à droite, à la Sainte éMontagne^ à Sa^ 
Ionique^ au pays arménien & à T^gme^ &, à gauche, à 
Jirufalem. 

A dix milles de l'embouchure nous dépaflfâmes l'ile de 



a. Etant reliés à Cmfiamtinaplê \t quittfimes Skh. — b. rouge ^. 
la moitié de Thiver & un été, nous 



îo8 Vin. VIE ET PfeLERIÎ^AGÊ 



Zygria. L*île d'Imbros eft éloignée de trois cents milles. 
De là à cent milles plus loin, nous dépaflTâmes Tîle de 
Lemnos & puis, après encore foixante milles, nous arri- 
vâmes à la Sainte éMontagnty que nous gravîmes. Nous 
faluâmes toutes les égliles & couvents & le faint fom- 
met ", mais non le jour de la fête de la Transfiguration. 

Les couvents de la Sainte éMontagne font en tout au 
nombre de vingt-deux. Voici leurs noms : le premier : la 
Laure; le deuxième: Vatopédi ; le troifième: Khilantari; 
le quatrième : le couvent ruflfe qui le nomme Saint Tan- 
talion; le cinquième: Tantocrator ; le fixième : Efphig» 
mène ; le feptième : Ivéron ; le huicième : Zoghaphos ; le 
neuvième : Vokhiar ; le dixième : Xénoph ; le onzième : 
c4loup; le douzième: Caracola ; le treizième: Koutlou- 
mouji; le quatorzième: Trotœ; le quinzième: Xéropota^ 
mos ; le feizième : Thilothéou; le dix-iepdème : Tirghe de 
"Bajîle; le dix-huirième : le Véfert de Toul^ où il y a com- 
munauté ; le dix-neuvième : le Couvent de T)enis ; le ving- 
tième: celui de Grégoire; le vingt-unième: Sitnopétra; 
le vingt-deuxième: Caftamonite, 

Ayant reçu la bénédiélion des moines de la cMontagne 
Sainte^ j^allai à Salonique par terre, & le Chrift m'accorda 
la grâce de voir & d'adorer le tombeau de Ton faint & 
grand martyr Dimitri & de fainte Théodore religieufe, 
du pied gauche de laquelle Thuile fainte découle incef- 
famment, comme d'une fource, & remplit pendant toute 
l'année le vafe placé à côté ^ ; on ôte Tes vêtements qui 
font comme imbibés de cette huile fainte & les chrétiens 
orthodoxes fe les partagent entre eux comme bénédic- 
non, tandis qu'on lui en met de nouveaux. Elle eil cou- 
chée comme vivante & a été novice dans le couvent. Le 

a. le jour même de Skh, — b. & quand arrive le temps indiqué Skh, 



Du DIACRE ZOSIME (1419-1421). I09 

Chrift m'a donc accordé la grâce de voir & d*adorcr 
couc cela. 

A mes défîrs vint s'en ajouter un nouveau : j'éprouvai 
Tenvie de voir la faince ville de Jérufalem^ oîi Notre Sei- 
gneur Jéfus-Chrift fouffrit la Pailion pour nous fauver, & 
d'adorer fon Tombeau vivifiant. Et, ayant reçu la béné- 
didtion du métropolitain de SaloniquCy le Seigneur Jean 
& Siméon, qui s'embarquait alors à bord d'un vaiflfeau ', 
nous naviguâmes plufieurs jours. 

Dépaflfant 111e de Lemnos, nous arrivânries à Tile de 
Chios, où nous abordâmes & palTâmes plufieurs jours. 
Un capitaine, ce qui veut dire prince, de la grande Gènes, 
y réfide. Cette île produit du nudic, des carroubiers, de 
la foie & toute efpèce de légumes. 

De là nous ne naviguâmes pas peu de jours, & abor- 
dâmes à l'île de TarmoSy où était Jean-le-Théologue, 
apôtre du Chrift, qui mit le feu à la [maifon] du bain de 
la femme Romana; en ce lieu s'élève le Couvent Je Saint 
Jean-le-Théologue ; il y avait bâti une églife & écrivit là 
les paroles de l'Evangile ; Ton tombeau s'y trouve ^ aulfi ; 
cette églife eft fi tuée à une vcrfle hors de la ville. 

De là, ayant navigué foixante-dix milles fur la éMer du 
Tont, nous abordâmes à la terre de Talejline, d'où nous 
pûmes à grand'peinc atteindre la fainte ville de Jéru- 
falem à caufe des méchants Arabes. 

Nous ' allâmes avant tout à [l'églife de] la Sainte T^éfur- 
reâlion, le jour du jeudi faint & nous nous proflernâmes 
plufieurs fois devant le vivifiant Tombeau de Notre Sei- 
gneur Jéfus-Chrifl. Nous vîmes la fainte lumière célefte. 
Vers la dixième heure du jour, le famedi faint, les lampes 
au-defTus du Tombeau de Dieu s'allument d'une façon 

a. je m^embarquai avec le nié- — b. s'y trouvait SkA. — c. arrî- 
tropolîtainy qui allait en Terre vâmes de grand matin à la fainte 
Saintê^Sc que Raccompagnai Skh, ville de JérufaUm Se Sih. 

a? 



2tO 



VIII. VIE ET PÈLERINAGE 



invifible. Les uns difenc qu'un éclair allume les lampes^ les 
autres [qu'on entend comme] un coup de tonnerre, & 
d'autres qu'un pigeon apporte le feu dans fon bec. Tout 
cela eft menfonge & n'eft pas la vérité, car moi^ l'indigne 
diacre Zofime, je peux dire, fans me vanter, que perfonne 
n'a vu les lieux de Jérufalem aufli bien que moi, pécheur, 
qui les ai vus & revus. J'ai paflfé tout un été à Jérufalem^ 
vifîtant aufli les faints lieux hors de la ville & ai reçu, 
pécheur, aflfez de bleflfurcs des méchants Arabes; Aip- 
portant tout pour l'amour de Dieu, fans me préoccuper 
nullement & foufirant avec reconnaiflance, en me fou- 
venant de ce que les apôtres & les martyrs avaient en- 
duré pour l'amour de Dieu. Car, qui parvient à Jérufalem^ 
peut encore voir le Saint Sépulcre ; mais perfonne ne 
peut aller hors de la ville, à caufe des méchants Arabes 
qui tuent fans merci. Moi, pécheur, j'ai prié au pied du 
Saint Sépulcre pour tous les Ruflfes : princes, boyards & 
tous les chrétiens orthodoxes, fans oublier les morts. 

" [les hérétiques] lont fecoués par un 

tremblement, & leurs prêtres frappent des mains avec 
l'Evangile & les Je demandai au prêtre 



A. Il y a ici une lacune affev. 
confiait ahle dans tous les manu- 
fcritSf ce qui prowve qu'elle eft très 
ancienne. Mais elle peut être refti* 
tuée par un paffage du pèlerinage 
de Tripkon Korobeiniko*u qui, à ce 
qu*il paraît, Pa*vait emprunté au 
tnanujcrit original de 'lofime. Emu- 
mirant les hiritiques qui font pro- 
cejfionnellement le tour du Saint 
Sépulcre, Korobeinikov dit : • Les 
Arméniens viennent les premiers 
dans Tordre fuivant : devant le 
patriarche s^avance leur prêtre 
principal faifant Tonner des clo- 
chettes & un diacre Tenccnfunt 



avec un encenfoir. Après eux 
viennent les Ariens qui font la 
même chofe ; puis les Abyfltns 
qui marchent en frappant fur 
quatre grands tambourins 8c en 
fautant 8c danfant comme des 
faltim banques { d'autres avancent 
même à reculons en fautant 8c 
danfant ; les quatrièmes font les 
Coptes, qui font le tour du Saint 
Sépulcre en chantant comme des 
boucs félon leurs rites, en frap- 
pant avec un marteau fur un 
battoir ou fur une pierre 8c en 
faifant tourner des crécelles. • 



DU DIACRE ZOSIME (1419-1421). 21 T 

du patriarcat qu'elle était cette héréfie. Il me répondit 
qu*il e(l dit dans le Pfautier : « Nations^ frappez des 
c mains »y (Pf. XLVI, 1 ), & ils exécutent cela & fe ré- 
jouiflTent de la réfurreélion du Chrift. Sixième héréfie: 
les Jacobites qui font derrière le Tombeau de Dieu. En 
jfàce d*eux la feptième : les Neftoriens qui annoncent la 
réi'urreiflion du Chrift en frappant Fun contre Tautre de 
petits marteaux en fer fondu. 

Nous paflfâmes trois jours dans 1 eglife de la Sainte 
T{efurreélion : le vendredi & le famedi faints. Le famedi 
nous fumes enfermés, &, le jour de la grande fête, la li- 
turgie, célébrée par le patriarche Théophile, finit à Taube 
& nous nous afsimes à la table du patriarche & dinàmes 
avec lui à Pâques. Il y avait là des moines & des hégou- 
mènes de cous les lieux faints : de la Vallée de Jofaphar, 
du couvent de Sahbas^ & Thégoumène Lazare avec fa 
confrérie du couvent du Tricurfeur au Jourdain^ & [d'au- 
tres] couvents. Moi, le pécheur Zofime, j'y étais aufli. Au 
loleil levant, vers la première heure, vient Témir avec tous 
fes ferviteurs; il ouvre 1 eglife, ôte les fcellés & fait for- 
tir ' tout le monde. Il ordonne enfuite de fermer & de 
fceller de nouveau. Alors le patriarche Théophile réunit 
tous les moines dans fon patriarcat, & ils commencent 
à fe réjouir d'efprit & de corps, &, s'étant aflfez réjouis, 
rentrent chacun chez foi. Quant aux maudits Sarrafins, 
ils mettent les fcellés à toutes les églifes chrétiennes 
& difent : a Vous n'avez pas de fêtes, achetez le droit 
d'officier, a Le dimanche de Quafimodo, le patriarche 
célébra la féconde liturgie au Saint Sépulcre, L'églife de 
la Sainte T{éfurreélion eft fermée toute Tannée & fcellée 
du fceau du fultan d'Egypte; fi des pèlerins viennent, 
de quel pays qu'ils l'oient, l'émir fait defceller l'églife. 

a. entrer Shh^ 



2 1 2 VIII. VIE ET PÈLERINAGE 

Quant au parriarche, il officie dans une autre églife. De 
là nous allâmes à Gethfémani & nous nous proflernâmes 
devant [le tonibeau de] la très pure Mère de Dieu. Un 
peu plus loin fe trouve dans la oMomagne des Oliviers 
la grotte oh le Chrift fe réfugia avec les difciples. Et nous 
nous y proflernâmes auffi. A un jet de pierre de là efl 
Tendroit où le Chrift, s*éloignant de Tes difciples, pria 
Ion Père en ces termes : c> Mon Père ! détourne cette 
t< coupe de moi. u (Marc XIV, ^6.) Deux pierres font 
placées en ce lieu. Nous allâmes de là à la o^tontagm des 
Oliviers d*oîi le Seigneur monta au del. Là s*élève Téglife 
de b Sdinu oifcenfion. Au milieu de Tégltle fe trouve une 
pierre plus longue que large, furmontée d*uiie chapelle 
en marbre, &, fur cette pierre, efl Tempreinte du pied du 
Chrill, que nous bailâmes après nous être proflemés. 

Non loin de là ell limée une féconde églife plus pe- 
tite, où vécut la pécherefle Pélagie; fon tooibeau eft 
éloigné du mur d^une coudée ; &, fî quelqu'un veut pal- 
fer près du tombeau & qu*elle ne le permette pas, cela 
veut dire qu*il en ell indigne. De là nous allâmes au 
cl/iVif S ion où s*élcve Téglile de Sainu Sion^ la mère de 
toutes les é^lilcs. CVll Li première [qui fut inllituécj à 
Jàujjl^m après le crucifiement du ChrilL Là vécut la 
laince Vierge, après que fon Hk fût monté au del, & 
elle lui adrelTait fes prières. Et Ton montre jufqu^à ce 
jour, fur le marbre, rendn>it où elle fe protleroait pour 
prier Tombée mab Je, elle rendit b Ion âme, & k Qirill 
lui apparut & envoya le faint Efprit aux Apocres. Là ell 
le tombeau du roi Da%4d & de Ion fils Salomon. Les 
Francs y olficient. Le tombeau d Enenne, premier mar- 
tyr, s'y tn>uve auifi; deux pierres gifent à côté; b très 
Pure ayant voulu voir b pierre fur bquelle le Chrill parb 
à Moïle fur le cl/jnr Sinaî, un ange [lui] apporta deux 
pierres qu\>a nomme : le VuiJ'jn arJ^iu. Tout ceb le 



DU DIACRE ZOSIME ( 1 4 1 Q- 1 42 1 ). 2 1 ^ 

trouve dans la Sainte Sion. A une portée de flèche de la 
Sainte Sion^ eft Tendroit 06 un ange coupa la main du 
Jui^ qui avait voulu arracher le corps de la très Pure de 
Ton lit mortuaire. 

La éMaifon de David eft fituée à Toccident; &^ au midi 
de la ville de Jérufalem^ le trouve la porte en fer par la- 
quelle on conduifît le Chrift au crucifiement & elle eft 
fermée jufqu^à préfent. Le éMont des Oliviers^ ainfî que 
le Jourdain^ font à Torient de la ville de Jérufalem, A peu 
de diftance de cette porte fe trouve une autre porte^ par 
laquelle le Chrift entra dans Jérufalem le dimanche des 
Rameaux. Quand les Juifs dirent au Chrift : cr Maître, 
V faites taire vos disciples <>, il leur répondit : cr Je vous 
n déclare que fi ceux-ci fe taifent, les pierres même crie* 
c< ront » (Luc XIX, 3g, 40), en montrant deux pierres; 
ces pierres font placées fur le fronton de cette porte. Et, 
un peu plus loin,eft l'endroit oîiles Juifs lapidèrent Etienne, 
premier martyr. La Tifcine de Salomon^ qui avait cinq 
portiques, fe trouve dans l'intérieur de la ville de Jéru' 
falem, & celle de Silo^ hors de la ville. La cMaifon de 
Tilate exifte & l'émir l'habite. La éMaifon d*c4nne & de 
Caïphe eft aufli debout, & les Sarrafins y demeurent. La 
éMaifon de Joachim & d* (Anne y parents de la fainte Vierge, 
exifte de même. La éMaifon de Jean-le-Théologue fe trouve 
fur le chemin conduifant à la Sainte Sion, 

Les églifes de Jérufalem font : la première, le Saint 
des Saints^ dans laquelle les chrétiens n'entrent pas; la 
deuxième, la Sainte Sion; la troifième, la Sainte T^éfur- 
reélion, qui a deux coupoles, l'une couverte, avec une 
croix au-deftus de V Ombilic de la terre *, & l'autre dé- 
couvene au-deflfusdu Saint Sépulcre; un édicule en pierre, 
femblable à une églifc, furmonte le Saint Sépulcre^ il 

a. SàA i If mf, T, portant: du chemin terrcftre. 



2T4 VIII. VIE ET PÈLERINAGE 

contient un autel, mais pas de narthex. En pénétrant par 
la première porte, on a à droite la pierre que Tangc 
roula de devant Feutrée du Tombeau ; & dépaflfant, en 
fe courbant, la féconde porte qui conduit, comme qui 
dirait, à Tautel, on voit le Saint Sépulcre y adoflfé au mur 
comme un banc & furmonté par le Sauveur peint par 
les Francs. Au-deflfus brûlent douze lampes en verre. 
Douze autres brûlent fur Tendroit où Ton dépofa Notre 
Seigneur après Tavoir ôté de la Croix. Ceux qui adorent 
le Saint Sépulcre doivent donner des florins vénitiens en 
or"; outre cela, combien faut-il payer encore de rançon 
fur le chemin conduifant de %amlek à Jérufalem^ puis 
donner aux gardiens du Saint Sépulcre? & ils font quinze 
féroces Sarrafins ^. 

Depuis %amleh le chemin de Jérufalem eft bon & uni 
pendant cinq vérités ; puis il faut de nouveau gravir des 
montagnes, la ville de Jérufalem étant fltuée fur un fom- 
met vers Torient ; le éMont des Oliviers lui fait face. On 
ne voit pas Jérufalem de loin & on ne l'aperçoit que de 
près. Elle eft (ituée fur un promontoire formé par deux 
vallées qui fe réuniiïent: du côté par lequel on arrive fe 
trouve la vallée de Jofaphat qui conduit à la élMer éMorte\ 
de l'autre le torrent de Cédron ; &, au point de réunion 
de ces deux vallées, eft la Tifcine de Siloé, tandis qu'en 
face, du côté oppofé, fe trouvent la vallée de Jofaphat 
& le Champ du potier. 

La quatrième églife eft fous le vocable de l'archange 
Michel & fait partie d'un couvent ferbe dont Païflius eft 
l'hégoumène & Macaire le Syrien du iSifont Sion, l'éco- 
nome. 

a. un florin vénitien en or Skk, fainte ville de JérufaUm^ de Gali- 

— b. Ayant été à la niefle au ^ai»/ lée^ J* Arabie, du laint Jourdain 

des Saints^ nous entendîmes pro- 6c de la Paleftim^ es pola iti^ ce 

clamer ainfi le [titre du] patriarche: qui veur dîret longue vie Skh, 
à riiégoumèney patriarche de la 



DV DIACRE ZOSIME (1419-1421). 2l f 

Les Arméniens fe font emparés de la cinquième églife 
confacrée à Jacques, frère du Seigneur. 

La fîxième églife e(l Oiigitria [ficuée] dans un couvenc 
de moines. 

La fepcième^ réglife de Vc4Jfomption delà faince Vierge, 
fe trouve dans un couvent de rcligieufcs. 

La huitième dans le couvent Ibère. 

La neuvième eft une métochie du couvent du Trieur- 
feur au Jourdain, 

La dixième eft une métochie du couvent de Sahhas. 
Tout cela fe trouve là où Marie l'Egyptienne vivait dans 
le défert. Fadgué des hautes montagnes & des abîmes, 
je retournai en arrière, &, repayant le Jourdain, j'entrai 
dans la caverne où Ion enterre les faints pères du cou- 
vent du Trécurfeur, Je me profternai là & baifai les re- 
liques des faints moines, du faint moine ZoHme qui 
donna la communion à Marie TEgyptienne. 

De là j'allai à une verfte du Jourdain au couvent de 
Ghérafimey qui était fervi par un lion, & m'y profternai; 
le couvent était défert, car aucun moine ne peut y vivre 
à caufe des méchants Arabes; fitué près du Jourdain^ il 
ell d'une beauté furprenante. 

Le Jourdain eft un fleuve rapide, très profond, mais pas 
large ; la berge en eft élevée & l'eau blanche ; en y en- 
trant, on a de l'eau jufqu'aux genoux & elle coule du 
nord au midi & tombe dans la cMer cMorte^ qui englou- 
tit Sodome & Gomorrhe. Je marchais le long de la éMer 
cMorte lorfque de méchants Arabes nous aflaillirent, me 
firent beaucoup de bleflfures, & s'en retournèrent chez 
eux me Uiflant à demi-mort. Dans l'état où j'étais, je pus 
à peine atteindre le couvent de SahbaSy (itué dans la val- 
lée de Jofaphat, j'y paftai huit jours & les faints pères m'y 
donnèrent l'hofpitalité; les moines font au nombre de 
trente. 



il6 Vni. VIE ET PÈLERINAGE 

,„,M,,,||M ■ ~* 

De là j'allai à Sichem d*Q4rahie^ fumommé T^chel^ où 
font les tombeaux d* Abraham, dMIaac, de Jacob, de Sara 
& de Rebecca. Près de là fe dreflfe ^ fur une montagne le 
chêne de (Sif ambré, où Abraham reçut la fainte Trinité ; 
& fous ce chêne font enterrés Job de Hus & Jonas le 
prophète. Le roi Salomon conduisît Teau de Sichem^ c*eft- 
à-dire de Khalil^ dans Téglife du Saint des Saints, 

Puis f allai aux Tortes de V enfer ^ & vis les portes de 
Tenfer. Et de là j*allai au Valais de Vioclétien, où il mar- 
tyrifa le grand martyr George & le fit rouler de la mon- 
tagne fur des fers aigus. Le Valais de Viocle'tien eft aufli 
grand qu'une petite ville & Téglil'e de Saint George s'é- 
lève adluellement fur fon emplacement. Dans cette églife 
fe trouve, enclavée dans le mur, la chaîne en fer avec 
laquelle on le martyrifa ; les malades qui fe la mettent 
fur le corps obtiennent leur guérifbn. 

Je me rendis enfuite à la oMaifon de Zacharie^ au pied 
de la montagne, où fe trouve auffi le lieu de naiffance 
de Jean-le-Précurfeur. Il y a là un puits; &, fi une vierge 
qui n'a pas confervé fa virginité, boit de cette eau, fes 
lèvres jauniflfent ^ Cette eau fe nomme : Veau de la con- 
viélion, & c'eft là que Jofeph amena la très Pure pour 
favoir de qui elle avait conçu ; l'eau était amère, mais, 
depuis que la très Pure en eut bu, elle devint douce & 
l'ell jufqu'à préfent. 

De là je me dirigeai vers la pierre, où Elifabeth pour- 
fuivie par les ferviteurs d'Hérode fe réfugia avec fon en- 
fant. J'allai enfuite à Bethléem-, une magnifique églife de 
la D^tivité du Chrift s'y élève au-defTus de la grotte & de 
la crèche où naquit le Chrifl. Il n'y en a pas de pareille 
à Jérufalem % & elle contient quarante colonnes en ar- 



a. trouve la montagne à^Hi- tutUe ftraits fe dorent. — c. ni 
hron Skh. — b. La traduction tex- dans fes environs Skh^ 



Du DIACRK ZOSIME (1419-1421). I17 



doife fuperbe & marbre rouge. Quant à la grotte, elle 
eft à gauche, fous lautel, & eft gardée par un chape- 
lain, c'eft-à-dire par un prêtre franc. En defcendant 
dans la grotte, la crèche le trouve tout près de l'entrée ; 
à gauche eft un puits, au fond duquel on voit comme une 
étoile ; & nous nous profternàmes, & baifâmes la grotte 
& la crèche. 

De là nous nous rendîmes au tombeau de Rachel, qui 
eft fitué entre "Bethléem & Jérufaleruy fur le chemin de 
ÏEgypte. Jacob venait de Sichem, qui s'appelle Tharan^ 
de chez le père d'Abraham, & allait en Taleftiney vers la 
ville d'Abraham, où était fa demeure -, & [Rachel] mou- 
rut en chemin. Une mofquée farrafine furmonte ce tom- 
beau. A trois verftes de là Te dreiïe un pilier fur lequel 
fe tient un ftylite, & l'apôtre lui apporta la clef de la 
ville de Jérujalem^ & lui ordonna de remettre la ville aux 
infidèles, c'eft-à-dire aux Sarrafins. Jérujalem & le Saint 
Sépulcre font en leur pouvoir depuis quatre cents ans déjà. 
Et moi, l'indigne hiéromoine Zofime, je vifitai le Saitit 
Sépulcre en l'année fix mille neuf cent vingt-huit. C'était 
du temps du patriarche Théophile, & en Egypte régnait 
le fultan, ce qui veut dire roi, nommé Thathar, & à 
Damas, Zemkak ". Ce font leurs noms farrafins. 

Je montai enfuite au couvent de Saitit Elie qui, ayant 
tué les prêtres de Baal, fe fauva fur cette montagne des 
perfécutions de Jézabel. Je me rendis de là au Couvetu 
Ibère où fut coupé le bois de la Croix de Notre Seigneur; 
cet endroit eft fous l'autel. Puis j'allai au lieu où Abimé- 
lec dormit foixante ans & je defcendis enfuite dans une 
grotte,'qui s'appelle ici Champ du Totier,& qui fut achetée 
avec l'argent que Judas reçut pour le Chrift; c'eft ici 
qu'on enterre les chrétiens, tandis que les Sarrafins font 

a. Zenibak SkA. 

aS 



2 1 8 VIIl. VIE ET PÈLERINAGE 

enterrés fur la Sainte Sion^ au-deflfus de la vallée de Jo- 
Japhaty de Tautre côté du chemin de VEgypte, qui con- 
duit de Jérufalem en Egypte. 

De retour à Jérufalem^ ayant fîanchi la porte par la- 
quelle le Chrifl fit Ton entrée le dimanche des Rameaux, 
près de l'endroit oîi Etienne Protomartyr fut lapidé, je 
me dirigeai vers le torrent de Cédron^ en padant devant 
Gethfemani, qui eft fituée dans le torrent de Cédrortj entre 
Jérufalem & le oMont des Oliviers^ & devant la grotte où 
le Chrid entra avec fes difciples, ainfi que devant Ten- 
droit où le Chrift, s'éloignant d'eux, pria fon Père. Dé- 
paiïant enfuite 'Berhfagé, (ituée derrière le cl^ont des OU- 
vierSy & Véthanie, & la pierre du Chrifl, le torrent de 
Kijfon, le défert où le Chrift jeûna quarante jours, & la 
ville de Jéricho^ j'arrivai au Couvent du Trécurfeur & au 
Jourdain. 

Et de Jérufalem j'allai en Taleftine avec monfeigneur 
le patriarche Théophile & avec fon prêtre Joachim ; ce 
Joachim connaît l'arabe & le grec, eît très aimé du pa- 
triarche, & veut être fon fuccelTeur ; Athanafe le con- 
feflfeur & ' Barthélémy étaient aufli avec nous. Et nous 
arrivâmes à la ville de T^amleh^ dont il eft écrit dans l'E- 
vangile: « On a ouï des cris à V^ma, » (Matth. Il, i8.) 
Enfuite, nous nous rendîmes à Lydda, où l'on coupa la tête 
au grand martyr George. Puis nous nous dirigeâmes vers 
la ville de Jaffa^ que l'apôtre appelle Jopée. Cette ville 
eft fituée au bord de la mer & l'apôtre Pierre y vit la 
nappe qui defcendait du ciel. Nous y montâmes fur un 
bateau, car il y a là un port pour les navires. 

Ayant navigué pendant trois cents milles, nous abor- 
dâmes à file de Chypre, dans le port de la ville de Ci- 
tium ; Lazare le reffufcité y fut évêque. Nous gravîmes 

a. le fcrîbe Skh, 



DU DIACRE ZOSIME (1419-1421). 219 

enfuice la montagne où s*élèvc, Airpcndue en lair, la 
croix du bon larron. Cette montagne eft très haute & 
une autre s'élève à côté. L'encens noir s'y produit & tombe 
du ciel comme la rofée pendant les mois de juillet & 
d'août. Dans ces montagnes croilTent beaucoup d'arbrif- 
feaux pas plus hauts que l'herbe, & c'eft fur ces arbrif- 
feaux que l'on recueille l'encens. 

Sur cette île, dans la grande capitale Levkofie, règne 
un riga franc, ce qui veut dire prince, & il a toute î'ile 
en Ton pouvoir; Ton frère eA archevêque & il y a quatre 
évêques grecs, deux prêtres féculiers & deux moines. 
Dans toutes les égliles grecques " on chante avec accom- 
pagnement d'orgue les jours de grandes fêtes. 

La deuxième ville eft Cyrène^ où fe produifent le fucre 
& les caroubiers & où croiflfent des arboufiers & des 
abricotiers. A dix verftes de la fe trouve le village du 
prince nommé zMorphOy ce qui veut dire bien. Le fucre 
y croit audî & faint Mamas y repofe ; le jour de fa fetc, 
l'huile fainte découle de fon corps. 

La quatrième ville eft Sirouri ^. La cinquième Lemotte '. 
La Hxième Epatha^. La feptième Cirium% où demeura 
Lazare le reffufcité. Nous paflâmes un mois & demi fur 
cette lie, dans la ville de Levkofie ; le couvent eft nommé 
"Blviaf. 

Je montai enfuite à bord & naviguai cinq cents milles 
& vis des contrées & des montagnes, dont on ne parle 
pas dans l'Ecriture &, longeant le rivage, j'abordai à I'ile 
de 1{hoJes. Les apôtres livrèrent cette île à l'églife apof- 
tolique de T{pme, & un grand maître y gouverne au nom 
du pape de 1{gme, & tous fes gens font des croifés & 
des gens d'églife, qui portent, appofées à leurs manteaux, 

a. franques Skh, — h. Fama- f.aji/fVaf«/#; le couvent eft nommé 
goufla Sih. — c. Lamaka SkA, — Bivîa : nous Tifitâmes le couvent 
d. Patàês SkA. — c. Kiàh Siè, - de Ukko Skk. 



220 VIII. VIE ET PÈLERINAGE 

des croix fur Tépaule gauche. Il y a là un mécropolicainj 
un évêquc & un prêtre léculier grecs. En face de cette 
île eft fituée la ville de Cretouria '\ dans cette ville & dans 
toute cette contrée jufqu'à éMyre^ Tencens noir fe pro- 
duit-, on détache [Fécorce] des arbres & on les oint 
d'huile d'olive, & Tencens apparaît comme un aubier 
& on le recueille comme du jus avec un fer aiguifé ; le 
nom de cet arbre qui eft femblable à Taune eft ligna ; & 
on fait cuire [l'encens] qui devient noir. 

Et nous montâmes de nouveau à bord & naviguâmes 
pendant cinq cents nouveaux milles, &, à mi-chemin, un 
bateau catanais, monté par de méchants pirates, nous 
aftaillit ; leurs canons ayant mis en pièces notre bateau, 
ils fautèrent à bord comme des bétes féroces & coupèrent 
en morceaux le maître du bateau & le jetèrent à la mer, 
& prirent tout ce qui fe trouvait à bord. Quant à moi, 
ils me donnèrent un coup de bois de lance dans la poi- 
trine en difant : v Moine, donne-nous un ducat ou une 
cr monnaie d'or. i> Je jurai par le Dieu vivant, par le 
Dieu tout-puiftanc que je n'en avais pas. Ils prirent tout 
mon avoir, me laiftanc mon feul froc, & fe mirent à 
parcourir tout le bateau comme des bêtes féroces, faifant 
étinceler leurs lances, leurs glaives, leurs fabres & leurs 
haches. Moi, le pécheur Zofime, je crois que l'air même 
en était effrayé ^. Enfin, ils montèrent fur leur navire & 
s'éloignèrent dans la mer, tandis que nous abordions à 
l'île de cMytilène où nous paflfâmes plufieurs jours. 

Nous nous dirigeâmes enfuite vers la ville de Conftan- 
tin & y reftâmes tout l'hiver. Au mois de mai nous quit- 
tâmes la ville de Conftantin par la zMer !7^oirey & Dieu 
me ramena jul'qu'à la terre rufte, grâce à l'afliftance du 
Saint Sépulcre & de tous les lieux de Jirufalem. 

a. Crhe Skh. — b. Quand les nous relevâmes & pleurâmes à la 
mécréants Te furent éloignés» nous vue de tant de morts Sf, 



DU DIACRE ZOSIMË (1419-1421). 221 

Que cet écrie foie pour cous ceux qui apparciennenc à 
la même communion comme une bénédidlion de Dieu 
& du faine Tombeau & des faines lieux, & qu'ils obeien- 
nene la même récompenfe que ceux qui one fâie le pèle- 
rinage de Jérufalem & qui one vu eous ces faines lieux : 
ce bienheureux ceux qui one vu & one cru; erois fois 
V bienheureux ceux qui one cru fans avoir vu » (Jean, 
XX, 29), car ce fue par la foi qu'Abraham aeeeignie la 
Terre Promife. En vérieé, la foi égale les bonnes œuvres. 
Mais, au nom de Dieu ! mes frères, mes pères & mes 
feigneurs, fils de la l{uff!e! excufez mon ignorance & 
ma grofllèreeé; que je ne fois pas blâmé de ce que j'ai 
écrie. Lifez-moi avec amour & confiance, non à caufe de 
moi, pécheur, mais des faines lieux, afin d'en êcre ré- 
compenfés par notre Dieu & Sauveur, Jéfus-Chrifl. Que 
Dieu foie avec vous eous ! oinien. 




IX 

DESCRIPTION 

DE 

COT^STtAl^TIff^OTLE 
(i424-i4f3) 



^c/IU^USC%IT 

St'PéterJhourg. Bibl. Impériale» nouvellement acquis, fans numéro 
(xvii r. pap.)* 



DESC'RJPTIOtNi 
CONSTANTINOPLE 

PAR UN ANONYME 



TANT monté quelque peu, j'arrivai au pa- 

ais du patriarche & à la porte occidentale 

lu milieu du nardiex de Sainte Sophie. Près 

le ceccc entrée Ib trouvent les battants [de 

a porte] de l'Arche de Noé & la chaîne de 

fer que portait l'apôtre Paul ; elle produit de nombreufes 

guérifons parmi tes chrétiens. Au-delTus de la porte efl 

placée l'image miraculeule du faint Sauveur, qui guérit 

beaucoup de monde. Un candélabre ed lulpendu par des 

chaînes de fer devant ce Sauveur, & à ces chaînes ell 

fixée une lampe en verre remplie d'huile; fous cette lampe 

le trouve une colonne en marbre fur laquelle efl placée 

une coupe hkt avec du bois de cette même Arche de 

Noé; c'eft dans cette coupe que tombent les gouttelettes 

de l'huile ; la lampe en verre s'éiant détachée, elle brifa 

la coupe & Tendit en deux la colonne en pierre, mais 

elle ne Te cafTa pas & l'huile ne Ce répandit pas ; cette 

colonne eft cerclée de fer de la coupe y ed afîujcide 



220 IX. DESCRIPTION 



par une chaîne, afin que les chrétiens puiflfenc la voir 
& que les malades puiflfenc êcre guéris. De là on le di- 
rige vers lautel & couc droit vers la Vivifiante Croix; 
[car] il y a là, dans Tautel, la Vivifiante Croix, fur la- 
quelle les Juifs crucifièrent Notre Seigneur Jéfus-Chrift. 
Il y a là, à droite, dans la chapelle, la Colonne fur la- 
quelle était aflîs le Chrift pendant qu*Il caufait avec la 
Samaritaine. En avançant davantage vers Tautel, on voit 
la Table d'Abraham, Air laquelle il offrit un repas à la 
Sainte Trinité ; les chrétiens qui y viennent obtiennent 
leur guérifon. Plus loin, en le dirigeant vers le fond de 
réglife, à droite de Tautel, fe trouve un lit de fer adoflfé 
à la muraille ; c^eft fur ce lit que faint George & faint 
Nicétas fubirent le martyre. Au pied de ce lit eft placé 
un grand coflfre en pierre; c*eft là que repofent les 
reliques des Quarante Martyrs & des quatorze mille 
Innocents maflTacrés; beaucoup de guérifons ont lieu 
près de ce lit & de ce coffre. A gauche fe trouve le 
tombeau du faint patriarche Arsène, dont le corps, entiè- 
rement intadl, guérit beaucoup de malades. A quelques 
pas à gauche des battants de TArche de Noé, font placés 
le banc fur lequel pleura Jérémie, le prophète de la cité 
de Jérufalem^ & la colonne près de laquelle pleura Pierre 
lapôtre ; là aufli on obtient l'abfolution [de fes péchés]. 
Dans ce même lieu, à gauche, font murés faint George 
& le faint Théologue. A quelques pas plus loin, du côté 
gauche, s*élève un petit édicule admirablement bâti ; il 
contient Timage de la très pure Reine & Mère de Dieu ; 
c'efl cette image qui envoya des ouvriers à KieVy aux 
faints Antoine & Théodofe, pour conflruire Téglife de 
Tetfchersk ; cette même image pleura quand les Francs 
s'emparèrent de Conjlantinople & retinrent la ville en leur 
pouvoir pendant foixante-dcux ans ; mais perfonne n*eut 
à fouffrir d'eux dans fa foi, &, étant venus devant cette 



DE CONSTAN-rmoPLE (l^l/^-J/^^^), 227 

image, ils recueillirent Tes brmes & les fcellèrenc dans 
une châfTe en or, placée dans une faillie de la muraille 
devant Timage même; plufieurs de ces mêmes Francs 
reçurent le baptême. Venu de VcArabiey Kalimaque chaflfa 
les Francs & la ville fe livra à Tcmpereur Anaftaïe. Quant 
à ces larmes, elles fe confervent jufqu^à ce jour & ref- 
femblent à des perles. Cène image guérit beaucoup de 
malades. A quelques pas de là, le trouve une planche de 
TArche de Noé : depuis le jeudi jufqu'au famedi faint, on 
y expofe [les inftrumencs de] la Paflion de Notre Sei- 
gneur; à cette époque les chrédens s'aflemblent en grand 
nombre de tous les côtés pour adorer [les faints inftru- 
ments de] la Pallion, & beaucoup obtiennent la guérifon 
de différentes maladies & rabfolution de leurs péchés. 
Plus loin, en fuivant le côté gauche de Téglife, on voit 
le Sauveur fculpté dans de lardoife, qui eft une pierre 
précieufe, & la croiïe de faint Jean fixée à la muraille 
par une chaîne ; beaucoup de guérifons & de pardons 
s*obtiennent en ce lieu. Dans Tautel de Sainte Sophie, 
près de la fainte table, fe trouve le tombeau de faint Jean 
Chryfoftome recouvert d une planche garnie d*or & de 
pierres précieufes ; il y repofe comme vivant, fe confer- 
vant entièrement intaél, fans que rien ne foit corrompu, 
ni de fes vêtements facerdotaux, ni de fcs cheveux, & 
répandant un grand parfum ; jufqu*à préfent le jour de 
fa fête fe réuniflfent en grand nombre, non feulement les 
chrétiens, mais les Francs & les Latins, & beaucoup de 
guérifons & d abfolutions s'obtiennent. A lentrée de Té- 
glife, à droite, font fitués un puits & un baflin en marbre 
de fix fagènes, qui fert au patriarche pour les baptêmes. 
Mes yeux virent bien d*autres choies, mais il n y a pas 
moyen d*en parler en détail Je fords donc de Téglife 
de Sainte Sophie. 

Ce qui a été dit plus haut concerne Téglife de Sainte 



228 IX. DESCRIPTION 

Sophie. Paflfons à la defcriprion de la ville. Voici la def- 
cripcion de la ville. 

On quitte Sainte Sophie par la porte méridionale ; à 
droite^ fur une haute colonne en pierre, eft placé lem- 
pereur Ju(linien à cheval ; il eft entièrement en airain, le 
cheval aufli, & il tient en main une pomme en airain qu*il 
brandit contre la contrée farrafine; la main droite tient 
une croix. Trois colonnes en pierre fe dreflfent devant lui, 
& fur ces colonnes font placés trois rois païens fondus 
en airain & comme vivants ; ils ont fléchi les genoux 
devant l'empereur Juftinien & livrent leurs villes entre Tes 
mains. A quelques pas plus loin de la porte méridionale^ 
à gauche, eft fituée Téglile du Saint Sauveur ; à la mu- 
raille au-deflfus de la porte occidentale eft fufpendue 
Timage qu'un empereur infidèle envoya détruire; un 
homme y monta à laide d'un efcalier dans l'intention de 
la brifer ; mais fainte Théodofie étant accourue, elle ren- 
verfa l'efcalier & le païen tomba & mourut \ on s'empara 
alors de fainte Théodofie & on fe mit à la martyrifer &, 
finalement, on la tranfperça avec la corne d'un bouc. 
Des anges invifibles commencèrent depuis lors à tour- 
menter cet empereur qui, effrayé, fe fit chrétien ; les faints 
anges l'avaient apporté devant cette fainte image & s'é- 
taient mis à battre l'empereur jufqu'à ce qu'il eût promis 
de fe repentir, & alors ils le laifsèrent aller. L'empereur 
fe rendit chez le patriarche, lui confeflfa tout, renia fa 
foi devant lui & reçut le baptême de fes mains. Toute 
la ville accourt vers ce Sauveur les jours de fa fête, même 
les Francs de Galata^ & pas une fête ne fe paflTe fans 
qu'un miracle ne fe produife fur un des malades. 

Derrière l'autel de Sainte Sophie eft fituée l'églife de 

a. Paffage étranger à la defcription de Conftantinople, 



DE CONSTANTINOPLE ( Î424- 14^). 2I9 

Saint S^icolas. Elle eft bâtie fur remplacement de la 
éMaifon de Vimirri, oh faint Nicolas tranfporta Dimitri 
après ravoir retiré de la mer. Dans cette églife, à droite, 
fe trouve Tirnage du faint Sauveur qu'un Juif tranfperça 
au-delTus du fourcil gauche, & du fang coula de cette 
bteflfure ; à la vue de cet effrayant miracle, le Juif fut ter- 
rifié, &, faifilFant Timage, il la jeta dans un puits & s'en- 
fuit ; mais un chrétien Taperçut &, voyant qu'il avait en 
main un couteau enfanglanté, lui demanda : cr Où ce 
ce couteau a-t-il été enfanglanté ?» Or c'était fon ami, 
& le Juif lui répondit fans héfiter : ce J'ai tranfpercé 
c l'effigie de votre Dieu, l'image du Sauveur. » Le chré- 
den fe faifit alors du Juif, &, un attroupement s'étant 
formé, on le conduifit à l'empereur qui lui demanda : 
cr Où as-tu caché la fainte image ? » Il répondit : ce EUe 
eft dans le puits, u AufTitôt l'empereur, le patriarche & 
une foule de monde de fe rendre avec les croix vers ce 
puits & d'en redrer l'image enfanglantée ; ils fcellèrent 
le fang du Chrift & placèrent l'image dans l'églife de 
Saint &^colas^ oîi elle guérit beaucoup de monde & (a\t 
des miracles jufqu'à ce jour. Près de là, devant la porte 
fîtuée derrière le grand autel de Sainte Sophie^ fe trouve 
l'endroit où l'on bénit l'eau ; il y a là un baffin en ardoife 
verte dans lequel on plonge les croix; un toit couvert 
de plomb furmonte ce balfîn ; c'efl là aufli qu'on baptife 
les empereurs ; quatre cyprès & deux palmiers croifTent 
en ce lieu. 

A l'eft de Sainte Sophie^ dans la diredion de la mer, 
à droite, s'élève un couvent appelé Odigitria ; tous les 
mardis on fort de ce couvent une image de la fainte 
Vierge qui fait de grands miracles, guérit beaucoup de 
malades & fatigue les quatre hommes qui la portent. Là, 
dans une chàfTe découverte, repofe auffî faint Siméon; 
il y a là auflI un hagiafma. 



2^0 IX. DESCRIPTION 



Au nord du couvent ê^Oiigitria^ dans la direélion de 
SMangana^ à droite, eft (itué un couvent de femmes con- 
facré aufli à la fainte Vierge ; dans le couvent fe trouve 
une partie [des inftruments] de la Paflîon de Notre Sei- 
gneur & réglife pofsède Timage du faint Sauveur qui, 
du temps du patriarche Germain & du pape Léon, alla 
par mer çn ambaflfade à la grande ^me avec une lettre 
& revint le même jour avec une autre lettre ; il y a là à 
droite un crucifix de Notre Seigneur & les jambes d*l- 
gnace Théophore. 

Dans le voifinage de ce couvent s*élève le couvent de 
femmes de Saint ^afile où, à gauche, dans une autre cha- 
pelle, repofe la tête de faint Bafile de Cifarée. 

De là, en venant du midi vers oifangana, on entre dans 
le couvent : devant Téglife le trouve un grand baffin en 
cuivre furmonté d*un toit couvert de plomb, s*appuyant 
fur des colonnes en pierre ; ces colonnes font reliées entre 
elles par des planches découpées fur lefquelles ont été 
fculptés les évangéliftes. En pénétrant dans Téglife, on 
voit à droitç, devant Tautel, un grand coflfre tout bardé 
d*argent & avec des ferrures en argent; un crucifix fculpté 
en argent furmonté le coffre qui renferme [les inftru- 
ments de] la Paffion de Notre Seigneur : celui qui vient 
avant le jeudi faint ou après vénérer [les inflruments de] 
la PafHon du Seigneur, ou qui vient adorer le crucifix de 
Notre Seigneur & le baife ainfî que le coffre, reçoit Tab- 
folution de fes péchés. Dans Tautel repofe la tête de 
faint André. En fortant de Téglife on voit, à droite, dans 
le narthex,deux images peintes par Léon le Sage; Tune re- 
préfente les patriarches & l'autre les empereurs qui régne- 
ront après lui jufqu*à la fin de ConftantinopU] les empereurs 
font au nombre de quatre- vingts & les patriarches de cent; 
le dernier empereur fera le fils de Kalojean ; Dieu fait 
qui viendra après ; & le dernier patriarche fera Jonas. 



DE CONSTANTINOPLE ( 1 4 24- 1 4f ^ ). 23 1 

Très loin vers Teft, près de la mer, s'élève Téglifc du 
Saint Sauveur qui fe peignit lui-même fur le mur & qui 
produit beaucoup de guérifons. Dans cette même églife 
repofent faint Averki & la fainte martyre Ania, tous les 
deux dans des châflfes découvertes ; il y a là aufli, moins 
les doigts, la main de Jean-le-Précurfeur, montée en or ; 
fa barbe & un os de fon crâne; les reliques de faint 
Nicolas, de faint George, la tête de Tapôtre Jacques & 
la mâchoire d*Etienne-le-Nouveau; une partie de fes re- 
liques fe trouve dans un reliquaire garni d*or; & le faint 
prêtre Grégoire repofe dans une châfle découverte. Dans 
cette même églife du Saint Sauveur^ fe trouve Timage 
qui parla à Tempereur Maurice pendant qu'il priait en 
difant : cr Seigneur, retire-moi cette gloire temporelle, 
(' afin que je ne fois point privé de ta gloire éternelle ! » 
L'image que le faint Sauveur avait peinte lui-même lui 
répondit : cr Veux-tu endurer des tourments ici-bas ou 
c dans l'autre monde ? >i L'empereur, furpris de ce grand 
miracle, dit : cr Seigneur, que je ne fois pas tourmenté 
o là-bas ; fais-moi endurer tout le mal ici. ^3 Le Sauveur 
lui dit : f* En fortant d'ici, cefTe de pécher ; j'accomplirai 
ce tous tes défirs. o Et le faint empereur prit l'habit & vécut 
comme un moine; c'eft ainfi que le faint empereur Maurice 
mourut & flit dépofé en ce même lieu dans une châflfe 
découverte. 

Sur le chemin de Tériblepte au Château de Kalojeany à 
gauche, eft fitué le couvent de Stoudios'^ il y a là, dans 
des châflfes découvertes, les deux reliques intadles de faint 
Sabbas & de fainte Salomonide, qui repofent dans l'in- 
térieur de l'églife. Un peu plus loin de là, à droite, s'é- 
lève réglife de Saint Viomède^ près du Château de Kalo- 
Jean ; cette églife renferme la Table du Chrifl, fur laquelle 
Il partagea la Cène avec fes difciples; beaucoup de gué- 
rifbns s'obtiennent en ce lieu. 



2^2 IX. DESCRIPTION 



En avançant de là dans la direction du nord, on ac- 
ceint le couvent de Saint c4ndré\ André-le-Srratège y 
repofe devant les portes royales [de réglire],& guérit 
beaucoup de ceux qui viennent à lui. 

Près de là, vers le nord, il y a encore un autre cou- 
vent de Saint c4ndre\ le fou pour lamour de Dieu ; il y 
repofe dans une châflTe découverte & fon bâton guérit 
beaucoup de monde ; là repofe auffi le faint martyr Pa- 
trice, & c*eft là aufll que mon indignité prit Thabic. 

Il y a aufli un couvent de femmes près de la Torte Do- 
rie\ fainte Eudoxie y repofe dans une châfle découverte, 
&, dans une autre chapelle de ce même couvent, repofe 
fainte Euphémie dans une châiïe découverte; on la porte 
en procefljon tous les mercredis & vendredis. 

En fe dirigeant de là vers Saint Viomède, qui eft à Toueft 
hivernal, on trouve en chemin un couvent de femmes, dans 
lequel repofent deux corps inta<5ls : celui d*Elifabeth, mère 
du Précurfeur, & celui de fa fervante. 

De là en prenant la diredlion de l'oued eftival, vers 
Saint Daniel, on atteint Téglife de Saint Daniel, où il re- 
pofe lui-même dans le foflfé de la dernière chapelle à 
droite ; & le faint chantre Roman ell à gauche, tandis 
que faint Nicétas fe trouve dans Tautel. Deux anges en 
pierre qui fcmblent vivants, font placés l'un au chevet, 
l'autre au pied du tombeau de Daniel; ik ont été exécu- 
tés par l'empereur Léon-le-Sage; les pèlerins chrétiens qui 
viennent vénérer faint Daniel y reçoivent le fceau pour 
leur [dernier] voyage. 

De là on prend le chemin du Couvent riche : c'eft un 
couvent de Jean-le-Précurfeur riche par la grâce de Dieu ; 
faint Jean y repofe, &, dans l'intérieur du couvent, coule 
une eau amenée du Danube. 

De là nous nous dirigeâmes vers le nord, vers Wa- 
chernes ; le couvent de *Blachernes eft Htué près de la mu- 



DE CONSTANTINOPLE (1424-14^3). 233 



raille [de la ville] ; un coflfrec en pierre cerclé de fer ren- 
ferme la Tunique & la Ceinture de Nocre Dame ; dans 
une autre chapelle fe trouvent faint Potape & fainte 
Anaftafie. 

En prenant de Vlachernes la direélion de VeH, on ar- 
rive au couvent des Saints Came & Damien ; leurs têtes 
montées en or y font confervées. 

De là nous nous dirigeâmes vers Tefl & atteignîmes 
le couvent de Sainte Théodofie ; la fainte vierge Théodo- 
fie y repofe dans une châflTe découverte ; on la porte en 
procelHon tous les lundis & vendredis, & elle produit la 
guérifon des malades. 

De là on prend la dircdlion de Ted vers le *Bafilicon ; au 
bout du "Bafilicon & du grand marché e(l fituée une églil'e 
franque ; il y a là un crucifix admirablement fculpté dans 
le bois ; le Chrift eft comme vivant & des clous en argent 
tranfpercent fes pieds & fes mains; fi quelqu*un a mal 
aux dents^ il n'a qu à toucher les clous du pied & la dou- 
leur palTe. 

Quelque peu à Feft du TBafilicon s*élève Téglife de Saint 
ff^icolas ; il y eft peint à firefque fur la muraille, comme 
vivant. Un chrétien, qui avait fait naufrage, y était venu 
prier, & la main de faint Nicolas fe détacha de l'image 
& lui tendit un petit fac contenant cent grandes pièces 
fianques en or pur. 

Au pied du Vajilicon fe trouve un port pour les na- 
vires & des barques pour fe rendre à Galata. Un peu 
plus loin eft finie le Sauveur Garant ; il y a là une image 
du faint Sauveur qui fe porta garant pour le marchand 
Théodore, quand celui-ci, ayant emprunté de Tor & de 
l'argent au juif Abraham, fe noya, & le juif blafphéma 
l'image du laint Sauveur ; à la même heure la mer rejeta 
la fomme en or & une lettre du marchand, avec quelques 

lignes du faint Sauveur, difant : v Ne m'infulte pas ainfi, 

30 



2^4 IX. DESCRIPTION 



ce ô juif! Je ne peux avoir d'obligations ni abandonner 
cr mon ferviceur dans la foufTrance ; prends ce qui c*ap- 
o partienc ; il y a quinze grivènes en or de plus. » A la 
vue de ce miracle, le juif fe fie bapcifer avec fa femme 
& cous les fiens. 

En allant du *BaJilicon vers Toccidenc hivernal^ on at- 
teint le couvent Tantocrator admirablement bâri par Tem- 
pereur Juftinien^ entouré d'une enceinte en pierre & d'un 
fofle d'eau. 11 pofsède de nombreufes colonnes en pierre & 
des fculptures; la planche fur laquelle on porta le Chrift 
& la céramide dans laquelle le Chrift changea l'eau en 
vin ; le martyr Michel, moins fa tête^ y repofe dans une 
châiïe découverte ; il y a aufll la tête de Jacques de Perfe 
& les larmes de Notre Dame qui coulèrent fur la planche. 

De là on va à Tammakarifte vers l'oueft; fur le chemin 
de VHippodromey à droite, fe trouve un couvent qui pof- 
sède la tête d'Ignace Théophore & où repofent, dans 
des châflfes découvertes, les corps des faints apôtres Carpe, 
Papilus, Trophyme, Philémon & Onéfiphore. En defcen- 
dant [du couvent] des c4p6tres dans la direélion du midi, 
on atteint deux couvents de femmes, l'un fondé par l'im- 
pératrice & l'autre par l'empereur; dans le premier fe 
confervent les corps intaéls de Jean l'Aumônier, de Ma- 
rie-Madeleine & de la vierge Théodolie; & dans l'autre 
Edenne-le-Nouveau & fainte Irène qui foutiennent la foi 
des chrétiens. Une fainte eau coule fous le [Couvent du\ 
Sauveur & elle eft renfermée entre l'enceinte de la ville 
& la mer ; les gens qui fe lavent avec cette eau & en 
boivent, obtiennent leur guérifon, des vers leur fortant 
du nez & de tout le corps, & ils deviennent bien portants. 

En quittant cUfangana du côté de l'oueft, & en fe di- 
rigeant vers le "Bafilicon^ on atteint l'églife de Saim c^/i- 
dré où repofe faint André de Crète & guérit beaucoup 
de monde. 



DE CONSTANTINOPLE (1424-14^3). l^f 



En allant de Saime Sophie dans la dire<5lion du midi, 
vers le palais impérial de Conflantin, on voic^ à gauche, 
réglife de Saime Euphémie où, le feize juillet, s^aflfembla 
le concile des Quarante saints Pères & où il fut affermi 
dans la foi par fainte Euphémie. Là repofe aufli faint Mi- 
chel dans une châiïe découverte & il y a là beaucoup 
de « 

De là nous nous dirigeâmes vers le palais impérial de 
Conflandn ; il eft Htué au midi, au-deflfus de la Grande 
iMer, Beaucoup de fculptures ornent le palais impérial; 
il y a une grande colonne en pierre, au-deflTus de laquelle 
s'élèvent quatre colonnes plus petites, également en pierre; 
fur ces colonnes eft placé un bloc en ardoife bleue dans 
lequel font fculptés des lions ailés, des aigles & des tau- 
reaux en pierre ; les cornes de ces derniers font caflfées 
ainfî qu'une des colonnes; cela a été fait par les Francs, 
quand ils avaient Conftantinople en leur pouvoir, & ils 
ont abimé bien d'autres fculptures. Sous la muraille, au 
pied de la mer. Te trouvent des ours & des aurochs en 
pierre & beaucoup d'autres fculptures exiftent jufqu'à ce 
jour. Le bain de Conftantin eft fîtué près de la muraille, 
qui s'élève très haut au-deflfus de la mer ; l'empereur 
Léon y avait fait amener de l'eau & bâtir un grand 
réfervoir en pierre d'une façon très fage & ingénieufe; 
les mendiants de paflfage fe lavaient dans ce réfervoir ; 
un grand tonneau en bois avec des cercles de fer était 
placé dans un coin du bain ; ce tonneau avait fept clous 
& il en découlait de l'eau telle qu'on défirait l'avoir ; on 
ne percevait aucun tribut de ceux qui fe lavaient. Dans le 
coin oppofé, une fentineUe montait la garde, & c'était 
une ftatue en pierre femblable à un homme ; elle avait 
en main un arc & une flèche en airain ; & fi Ton avait 

ft. l4uuni dans le Uxie. 



236 IX. DESCRIPTION 

perçu un péage^ il aurait tiré fur le tonneau & celui-ci 
n'eût plus donné d eau. Près du tonneau fe trouvait une 
lanterne entourée d*un verre latin^ & elle brûlait jour & 
nuit inceflfamment. Quelqu'un me dit que trois cents ans 
après la mort de l'empereur Léon, on fe lavait encore 
dans ce bain & que Teau ne ceflait de couler du tonneau 
ni la lanterne de brûler ; mais, quand les Francs commen- 
cèrent à percevoir un péage, la (latue fit partir la flèche 
qui atteignit le tonneau ; ce dernier fe fendit & la lan- 
terne s'éteignit ; ils brisèrent alors la tête de la (latue & 
abîmèrent beaucoup de fculptures. Au-deflfus du palais 
impérial exiilaient d'autres appartements, &, dans ces ap- 
partements, fe trouvait la coupe de l'impératrice Hélène; 
elle était pleine d'eau & quiconque venait, chrétiens, 
Francs, Latins, Sarrafins, prenait de cette eau autant qu'il 
en avait befoin ; malgré cela, elle ne manquait jamais & 
produifait des guériibns. Âéluellement cette coupe eft 
vide. 

Mais mon Seigneur & Dieu ! J'ai oublié de raconter 
encore une chofe, tellement j'ai peu de mémoire pour 
les chofes faintes. Quand je vifîtai l'églife de Dieu, Sainte 
Sophie^ je vis encore un grand miracle : quand on pé- 
nètre dans Sainte Sophie par la grande entrée, on compte 
cinquante coudées, c'e(l-à-dire fagènes, de la première à 
la féconde porte, & foixante-fix coudées de la féconde 
à l'ambon; quelque peu avant l'ambon eft fîtué un 
monticule en marbre fupportant le faint calice ; il eft en- 
fermé dans une enceinte en pierre & furmonté d'un ber- 
ceau en cuivre doré. Quand les Francs fe propofaient de 
s'emparer de Confiantinople^ le patriarche entreprit de ca- 
cher les vafes facrés & voulut prendre auffi ce calice; 
mais cela fut impoffible, & il l'entoura d'une muraille en 
pierre. On compte trente coudées de l'ambon à l'autel, 
& l'autel a cinquante coudées de longueur fur cent de 



DE CONSTANTINOPLE (l424-l4J'3). 2^J 

largeur; Sainte Sophie a deux cents coudées de largeur 
& cenc cinquante de hauteur. La partie fupérieure eft 
admirablement exécutée & ornée. Au-deflTus de la pre- 
mière porte, il y a Salomon en mofaïque, tout comme 
vivant, dans un cercle azur & or ; il femble avoir fix fa- 
gènes de hauteur^ & en tout il y en a foixante douze. Les 
colonnes qui font le tour de l'intérieur de Téglifc font au 
nombre de trois cent foixante-huit. Ceft ici que je veux 
mettre un terme à mon récit. 

Du palais impérial je me rendis à THippodrome, vers 
Toueft. Cet Hippodrome, voifin du palais impérial, était 
orné de bien des merveilles, & il en refte encore beau- 
coup jufqu'à ce jour. Il y a trente grandes colonnes ap- 
portées de la Grande iMer ; un anneau de fer eft fixé à 
chacune d'elles & les fommets des colonnes font réunis 
par un architrave en pierre, depuis la première jufqu*à la 
dernière. Ces colonnes dépafliees, on voit dans THippo- 
drome, à gauche, au-deflfus des portes, deux femmes en 
pierre comme vivantes; elles convainquaient les femmes 
d adultère & ne les laiflaient pas entrer dans FHippo* 
dromc, & celles-ci s'amufaient ailleurs. A quelques pas de 
THippodrome, du même côté gauche, fe trouvent trois 
ferpents en cuivre, & ces ferpents fe retournent trois fois 
par an, quand le foleil entre dans le folftice d'été ou 
dans celui de Thiver, ou quand Tannée eft biflfextile. Il 
y a là aufli une énorme colonne en pierre repofant fur 
quatre fupports en cuivre, qui, femblables à de grandes 
conftrudions, ont été édifiés par Léon-le-Sage. On compte 
feize ftatues d'hommes fur cette colonne, huit en airain 
& huit en pierre; chacune d'elles a en main un balai; 
nous ignorons fi ces balais font en bois, mais ils ont 

a. Pafagi étranger à la defcriptien de ComfiamtinopU. 



138 IX. DESCRIPTION 

Tair d'être en cire; fous le règne de l'empereur Léon, ces 
hommes balayaient les rues de la ville pendant la nuit & 
refiaient oifîfs pendant le jour. Il avait pendant Ton règne 
une falle dans laquelle le Ibleil, la lune & les étoiles fe 
fuccédaient comme au ciel ; a(5luellement elle eft déferte, 
ainfi que nous l'avons dit plus haut. 

Près de l'Hippodrome s'élève une colonne fur laquelle 
font fculptées de petites (latues d^hommes. A droite fe 
trouve un puits très profond dont l'eau eft douce. Des 
portes s'ouvrent de chaque côté fur l'Hippodrome. 

De là nous nous dirigeâmes vers Toueft, par la porte 
de gauche, vers le Clou du Chrijf ; à droite de la Grande 
Rue qui, de Sainte Sophie^ mène aux JuJUciers^ fe drefte 
une colonne fur le Ibmmet de laquelle font fcellés les 
Clous du Chrift, la hache de Noé & une des douze cor- 
beilles qui fervirent au miracle accompli par Jéfus-Chrift 
dans le défert; cette colonne eft entourée de quinze 
cercles de fer & une croix s'élève fur fon fommet. 

De cette colonne nous nous rendîmes par la Grande 
Rue chez les Jufticiers\ à droite, fe trouve une églife, d'où 
l'on porte en proceflion tous les dimanches une image 
de la faince Vierge, qui accomplit de grands miracles & 
guérit les malades. 

En fuivant plus loin la Grande Rue on voit, à droite 
de la éMer !hQ>ire^ les Jufticiers érigés par Léon-le-Sage 
d'une manière admirable & ingénieufe : quelles gens 1 
Leurs vêtements font de forme latine & tous les deux 
font en marbre rouge ; l'un juge équitablemcnt les fauftes 
accufations & l'autre les emprunts, les caules commer- 
ciales & autres; H quelqu'un accufe fauftement une per- 
fonne & que cette dernière vienne & verfe au premier 
l'argent dans la main, il ne recevra que ce qui eft dû & 
rejettera ce qui eft de trop, & ne jugera pas les caufes 
commerciales 3 il fufHt que les deux plaignants mettent 



DE CONSTANTINOPLE (1424-14^3). 239 

leurs mains dans la bouche de cette flatue, car elle abat 
la main du coupable. Mais les Francs les ont aufli abîmées : 
Tune a les mains & l'autre les pieds^ & les mains, & le 
nez caflfés. 

En fortant de là, je me rendis au château de lempe- 
reur Kalojean ; il a trois entrées ; fur la première c(l peint 
le crucifiement du Chrill, &j de Tautre côté^ le jugement 
dernier. 

Cette porte dépaflTée, on fe dirige à gauche vers la 
Grande iMer & Tirihltpte ; c'eft un couvent fuperbement 
bâti, contenant une églife fous le vocable de Notre Dame, 
& qui pofsède beaucoup de faintes reliques. Beaucoup 
de faintes reliques repofent dans cette ville. 

De là je revins de nouveau à mon couvent de Saint 
o4ndré & y retournai encore. 

AinH était Conftantinople de mon temps ; mais, fous le 
règne du grand Conftantin & de fa mère Hélène^ les 
chofes merveiUeufes & les flatues étaient bien plus nom- 
breufes. Mais voici la fin de mon récit. 




TELE7{Iff^<ytGE 



DU 



MARCHAND BASILE 



i46f-i466. 



31 



^o47^USC\lT: 



Mofcou. Bibl. du St-Synode, n^ 420 (XVI« f., pap.). 




PÈLERINAGE 



DU 



MARCHAND BASILE 



H: 




U nom du Père^ du Fils & du laine Efpric. 
Moi^ Bafile, très indigne ferviceur de Dieu 
& grand pécheur, j'entrepris de vifiter les 
faints lieux & villes; & Dieu, grâce aux 
prières de nos faints pères, m'accorda de voir & de faluer 
les faints lieux. Seigneur Jéfus-Chrifl, Fils de Dieu, aie 
pitié de nous, amen. 

Voilà notre chemin de 'Broujfe à Jérufalem & à la mer. 
Le deuxième jour de notre marche nous arrivâmes à 
Enifcher^ où le marché eft grand. Le fixième jour, nous 
atteignîmes la ville de Kolnokou^ qui e(l Htuée fur un ro- 
cher, au milieu de montagnes pierrcufes : le Ikfran s'y 
produit \ le feptième, la ville de SMouiourlou ; le huitième, 
la ville de 'Boli; le quatorzième, la ville de Touffia, où il 
y a beaucoup d'Arméniens, mais peu de chrétiens & de 
Turcs. 

Le dix-huitième jour de marche nous parvînmes à la 
ville d'OfmanJjik; deux châteaux, l'un au-deiïus de l'autre, 
dominent cette ville du haut d'une montagne; il y a 
quatre portées de flèche d'en bas au château inférieur, & 



244 ^* PÈLERINAGE 



cinq de celui-ci au château fupérieur. Dans le château 
fupérieur fe trouve un petit lac &, au-deffous, une rivière 
rouge de la grandeur de ÏOka^ qui découle de Sébafte^ 
où les Quarante Martyrs furent jetés & martyrifés dans 
le lac. 

Le dix-neuvième jour^ nous atteignîmes la ville de 
cMerfivan^ uniquement habitée par des Arméniens & 
quelques Turcs ; leur évêque fe nomme Joachim & Schal- 
tafcha efl; Ton fupérieur ; le vingtième jour, Kavfoj où le 
bain efl excellent & où une eau bouillante coule de la 
montagne ; dans ce lieu fe trouvent un armourat & un 
caravanlérail ; quiconque y vient, de quelque religion 
qu*il foit, eft reçu avec bienveillance, nourri & défaltéré ; 
c'eft le pacha Mohammed Ildérime, petit-fils de Bajazet, 
qui la conftruit. 

Le vingt & unième jour, nous parvînmes à la ville 
d'o4maJ/ie, qui eA fituée fur une très haute montagne & 
contient fept châteaux Tun dans Tautre ; autour de cette 
montagne & de ces fept châteaux s*élève une très grande 
ville, fous les murs de laquelle coule une grande rivière; 
des roues conduifent Teau de cette rivière dans toutes 
les maifons. Dans le château fupérieur fe trouve un grand 
puits. 

Le vingt-deuxième jour, nous atteignîmes la ville de 
Vorgoun, qui efl; refTerrée entre de hautes montagnes, & 
Ton y caflfe du fel pur comme de la glace ; le vingt-troi- 
fième jour, la ville de Tourkhal^ qui eft placée très haut 
& adoflfée à un rocher; une grande rivière coule à fes 
pieds, &, fous le pont en pierre qui la furmonte^ fe 
trouvent deux grands moulins. 

Nous mîmes un mois de marche pour arriver de 
TBrouffe à la ville de Tokat fituée fur deux montagnes en 
pierre ; l'eau y eft amenée dans les marchés, les rues, les 
maifons & les bains. Cette ville eft plus grande que 



DU MARCHAND BASILE (l46f-I466). 24f 

Vrottfe & n*a qu*une feule églife, confacrée au faint thau- 
maturge Nicolas, donc Thégoumène fe nomme Arsène; 
les chrétiens y font peu nombreux. 

Deux jours de marche féparent Tokat de la ville d7a- 
doffoua, placée fur une haute montagne & furmontée 
par une autre montagne très élevée; une grande rivière 
Fentoure qui, découlant par dix fources de l'intérieur de 
la montagne, combe dans un puits; il y a fept moulins 
fur cette rivière qui eft entourée d'une féconde enceinte ; 
Teau de cette rivière traverfe toute la ville. 

U y a deux jours de marche depuis Tokat jufqu'à la 
dernière ville des Turcs, Sivas^ qui, dans notre langue, 
fe nomme Sébajte^ où foufTrirent les Quarante Martyrs, 
& dans rintérieur de laquelle fe trouvent le lac & le bain 
où on les martyriia ; elle eft très grande, &, au milieu, 
s'élève une haute montagne fur laquelle eft placée une 
autre ville, &, un peu plus bas, une croiHème ; des chré- 
tiens & des Arméniens l'habitent, mais peu de Turcs; & 
il y a des églifes chrétiennes dans l'intérieur de la ville 
& au dehors. Une grande rivière coule à trois verftes de 
la ville & un grand pont la traverfe; l'eau en eft rouge, 
car les Quarante Marcyrs rendirent l'âme dans le lac; 
leurs bourreaux les en retirèrent ; mais les gens qui boi- 
vent de cette eau, n'en fouflfrent nullement, & obnennent, 
au contraire, des guérifons. 

Quatre jours de marche féparenc Sébafte de la pre- 
mière ville appartenant à Sélim, beau-père de Mourat, 
fik du prince turc; cette ville eft (ituée fur un plateau 
de montagne ; une grande rivière coule à fes pieds à tra- 
vers une montagne pierreufe ; cette ville a quatre entrées 
avec des portes en fer & trois enceintes, percées de portes 
avec meurtrières. 

En fix jours de marche on va de Sivas à Elbijlan, qui 
eft une vafte cité avec une grande rivière fermée par une 



246 X. PÈLERINAGE 



édufe en pierre; neuf moulins, Tun à côté de Tautre, 
Ibnc placés fur cecce éclufe & fonc mus par la même 
eau. Le Tepcième jour on arrive à Kanliou^ qui eft aufll 
une ville Tpacieufe oh il y a grand marché; &, le 
dixième jour après Sibafte^ à la ville d'oéimab, qui eft la 
première ville appartenant à Sélim de Mil'r. Nous attei- 
gnîmes olïntab le troiiième jour de novembre^ à Tanni- 
verfaire des faints martyrs Akepfime, Amphale, Jofeph & 
de la confécration de TéglKb au i'aint martyr George qui 
eft à LyJJuy où fe trouve fa tête très pure. Cette ville eft 
Htuée dans la plaine, fur une haute montagne de terre 
& e(l entourée d'une muraille de pierres avec crois portes 
en fer ; les murs font bien défendus & la ville fpacieufe, 
les maifons& les bains fuperbes & les marchés très beaux 
& nombreux; le rempart efl; percé de grandes meur- 
trières peintes en bleu. 

La ville d'cAleppo eft très étendue; on la voit de la 
plaine à trois jours de diftance ; les remparts y font très 
hauts, & des murailles en pierre s*élèvent d'en bas; on 
entre & Ion fort par la même porte, & il y a un grand 
pont au bout duquel fe trouve une haute tour percée de 
deux portes en fer & furmontée de meurtrières; au mi- 
lieu de ce pont eft fîtuée une autre tour très grande. Au 
delà des murs de la ville & du fofTé, à petite diftance les 
unes des autres^ s'élèvent des tours auxquelles des fou- 
terrains conduifent de la ville ; le pont^ qui furmonte le 
foflfé & mène à la ville du milieu de ces tours, eft aufll 
défendu par des murailles percées de portes. Cette ville 
eft ronde &, au fond du foflTé qui l'entoure, coule une 
grande & profonde rivière contenant une immenib quan- 
tité de poiflfons ; autour de l'enceinte eft une autre grande 
ville, pofTédant beaucoup de marchés & de bons bains. 
Il nous fallut quatre jours de marche (Ïc4îmab à oAleppo^ 
où nous arrivâmes le matin Je la fête de faint Michel & 



DU MARCHAND BASILE (r46f-l466). 247 



que nous quittâmes le jour de la fête de faint Chryfof- 
tôme. 

Deux jours après, nous parvenions à la ville de Sn^ 
mine placée fur le plateau d*une haute montagne; au 
bout de chaque rue fe trouvent deux portes en fer fur- 
montées de hautes meurtrières, & il n y a pas de paflfage 
entre une rue & Tautre; chaque rue a fon entrée. 

Le troifième jour après avoir quitté cAleppo^ nous ar- 
rivions à la ville de Hamahj fituée dans une plaine non 
loin de la mer, fur deux montagnes ; fur chacune d elles 
fe trouvent deux villes, Tune entourant lautre ; le grand 
fleuve dCEuphrate coule entre ces deux montagnes, & 
beaucoup de roues [de moulins], qui ont jufqu'à dix fa- 
gènes de diamètre, font placées fur ce grand fleuve ; elles 
font tourner leau & la font remonter jufqu aux deux 
montagnes par des canaux qui la conduifent dans toutes 
les maifons de la ville. Les chrétiens font nombreux; 
leur églife eft [confacrée] à George, le grand martyr du 
Chrifl, & appartient au diocèfe A'oimioche. 11 y a beau- 
coup de marchés & de bazars, d'excellents bains & des 
colonnes, d'oîi coule Teau amenée jufqu'en haut ; les 
dattiers y font nombreux. 

Le cinquième jour après notre départ d'oileppoj nous 
atteignîmes la ville de Homs, qui eft très grande ; toutes 
les maifons y font pourvues d'enceintes ; un château-fort 
s'élève à l'intérieur fur une haute montagne. U y a peu 
d'Arabes & beaucoup de chrétiens, qui ont une grande 
églife [confacrée] à la très Pure ; les chapelles de gauche 
font [confacrées] aux Quarante Martyrs & à fainte Barbe. 
A droite fe trouve la chapelle de faint Siméon Stylite ; 
l'églife eft vraiment très vafte. A l'extrémité de la ville 
s'élève l'églife du faint martyr George; près du faint 
autel repofe le faint martyr Julien. Le célèbre martyr 
George délivra cette ville du dragon & fauva une vierge; 



248 X. PÈLERINAGE 



réglife e(l ficuée près du lac où il baprifa les habitants de 
la ville & de la caverne d'où fortit le dragon ; près du 
lac s*élève une montagne, de l'autre côté de laquelle fe 
trouve la zMer 'Blanche ; un grand mondcule fe drefle fur 
Tendroit où il tua le dragon. 

Le (ixième jour^ nous arrivâmes à Car a, qui eft un 
grand endroit très peuplé & très commerçant; les Sar- 
rafins y font peu nombreux ainfi que les chrétiens. Il y 
a là une vafte églife, de la grandeur de Sainte Sophie de 
KieVy qui efl; [confacrée] à faint George; à droite de 
Tautel fe trouvent [les chapelles dédiées à] faint Dimitri 
de Salonique & à Serge & Bacchus, &, toujours du même 
côté, aux Quarante Martyrs, tandis que la chapelle de 
gauche eft [confacrée] à La très Pure, à Euftache Placide, 
à Sophie, Véra, Nadejda & Lioubov & à la martyre Barbe, 
ainfi qu à Cyprien & Julienne. Autour de cette ville vivent 
des moines, & le métropolitain Macaire, dont Cara eft le 
fiège, ainfi qu*un autre métropolitain d'cÀrcadie. 

De Cara à Cham, la diftance eft de deux jours. Cham 
eft une très grande ville, firuée dans la plaine & conte- 
nant trois villes Tune dans l'autre : celle du milieu n'eft 
pas grande, & les murailles mefurent dix fagènes; les 
meurtrières y font fréquentes & il n'y a qu'une feule 
entrée, mais fix portes de fer, l'une après l'autre; les 
chrétiens ne manquent pas. Le grand fleuve d'Euphraie 
coule à travers & eft diftribué parmi les maifons, les ba- 
zars, les rues & les caravanférails ; ce même fleuve coule 
dans les villages & les champs, & les bazars & les bains 
font nombreux. 

Nous arrivâmes à Cham un mardi, à la fête de la 
Préfentation au Temple. Il y a trois jours de Cham au 
Tant de Jacoh, Un très grand caravanférail s'élève près 
de ce pont, & c'eft là qu'on fe repofe. Ce pont traverfe 
le grand fleuve qui, de la éMer du Tonr, coule dans la 



DU MARCHAND ËASILE (146^-1466). 249 



{Mer àe Tibériade ; c eft fur ce pont que Jacob lutta avec 
TAnge. A côté de ce même pont, à gauche, le trouve la 
maifon de Jacob. Le pont dépaflfé, à droite fe trouve la 
ville de Jofaphat, Ceft de cette ville que la vallée de Jo- 
Japhat prit ion nom. 

Il n*y a qu*un feul jour de ce pont à Ohédiehy au Tuits 
de Jofeph^ où Tes frères le vendirent, & auflî un jour de 
marche de ce puits à la éMer de Tibériade. De cette mer 
découle le for, qui fe réunit au Van là où le Chrift fut 
baptifé par Jean & puis marcha fur la mer jufqu à Pierre. 
Près de là s*élève le éMont Thabor où Jéfus fe transfigura. 
La diftance eft d'un jour & demi de cet endroit au tom- 
beau de Benjamin, fils de Jacob. 

Il y a huit jours de marche de Damas à 'R^mleh^ qui 
eft fituée à droite de JérufaUm, Dans la ville de l{amlehy 
où Rachel pleura fes enfants, fe trouve Téglife de Saint 
S^colas. Et, près de T{gmleh^ eft fituée Lydday où s*élève 
réglife du faint & grand martyr George. Dans cette 
églife repofe fa tête. 

La ville de Samfon le fort, Gaia^ eft fituée près de la 
SMer Planche; Téglife y eft [confacrée] à la très Pure, & 
le métropolitain fe nomme Michel ; les chrétiens y font 
nombreux & elle fait partie du diocèfe de Jérufalem ; il 
y a deux jours de marche de T{amleh à Ga^a. 

De là le chemin le dirige vers le Caire à travers les 
fables. Il faut quatre jours de marche de Caja à Catieh^ 
où il y a beaucoup de dattiers & où Teau eft amenée 
du fleuve du ^i7. Il faut deux jours de marche de cette 
ville à Khanka où le commerce profpère ; fur le chemin 
qui, de Khanka conduit au Caire^ à cinq verftes avant 
d'arriver, à droite, fe trouve le village de oMatarieh^ à 
côté duquel eft un figuier ftérile. Ceft fous ce figuier que 
la nuit étant proche, la fainte Vierge fe réfugia avec 
TEnfant & Jofeph quand ils s'enfuirent de Jérufalem en 

3» 



2fO X. PÈLERINAGE 



Egypte; 8c ce figuier exifte jufqu^à ce jour. La très Pure, 
ayant eu foif, dépofa TEnfant Air le fable & fe dirigea 
vers le hameau ou elle rencontra une femme : ce Donné- 
es moi à boire », [lui dit-elle], & l'autre répondit: « Je 
c n*ai pas d*eau, j'ai foif moi-même ; nous buvons Teau 
V du Nil. » Etant revenue, la très Pure trouva une fource 
aux pieds de TEnfant & fe défaltéra. Elle découvrit une 
pierre dans le fable & lava TEn&nt & fes langes fur cette 
pierre, & le coucha. Des arbrifleaux poufsèrent en cet 
endroit & une huile découle de ces arbriflTeaux; cette 
huile guérit non feulement les chrédens qui en prennent 
mais tous les peuples, de quelque religion qu'ils foient. 
Cette pierre & ces arbrifleaux exiftent jufqu'à ce jour en 
cet endroit ; &, de là jufqu'au Caire^ il y a une demi- 
journée. Nous y arrivâmes une femaine avant Noël, au 
mois de décembre, le jour de la fête de faint Sébaftien; 
en tout, nous avons mis cent jours de Trouffe jufqu'au 
Caire. 

La ville du Caire e(l immenfe & pofsède quatorze mille 
rues ; chaque rue a deux portes & deux tours, & deux 
gardiens qui allument Thuile des lampes ; dans certaines 
rues, il y a quinze mille maifons ôc dans d'autres jufqu'à 
dix-huit mille; chaque rue pofsède un grand bazar & 
exifte par elle-même. Nous quittâmes V Egypte le dix-fep- 
tième jour du mois de janvier, anniverfaire de la mort 
de notre très faint père Antoine. 

11 y a deux jours de Ga^a à la Stfaifon d*o4braham, 
fituée dans la direction de Jérufalem ôc où font enterrés 
Abraham & fa femme Sara, Ifaac, Jacob, Jofeph & toute 
leur lignée; l'endroit eft grand ôc très peuplé jufqu'à ce 
jour; les gens qui y demeurent, ainfi que ceux qui 
viennent des autres pays, boivent ôc mangent, depuis les 
pedts jufqu'aux grands, depuis les chrétiens jusqu'aux 
[hommes de] tous les autres peuples. L'églife, dans la 



DU MARCHAND BASILE (t46f-I466). 2f I 

éMaifon d'oébraham, eft [confacrée] au grand prophète 
Elle; nous y fûmes & faiuâmes les fainces reliques. A 
une demi-journée de marche de la Raifort d^c4brahamj 
repofe à droite^ près du chemin^ le faine prophète Jean, 
que nous vîmes & faiuâmes. 

De là, la diftance eft de dix verftes jufqu'à 'BethUem, 
fituée à droite, près du chemin de Jirufalem. Nous vîmes 
là le lieu où le Chrift naquit, & la crèche, & Tendroit où 
s'arrêta 1 étoile & où les mages vinrent & fe profternè- 
rent ; & nous bûmes de Teau fainte & nous profternâmes. 
Uéglife de la Nativité eft très grande ; près de Téglife eft 
(itué le couvent [confacré] à fainte Catherine ; dans Tin- 
térieur de Téglife, fe trouvent les quatorze mille Inno* 
cents maflfacrés par le roi Hérode; beaucoup de moines 
vivent là & deux fils des rois des Francs. 

A cinq verftes environ de VerhUem, à gauche^ lur le 
chemin de Jérufalem, eft enterrée Rachel, mère de Jofcph; 
elle a douze pierres lur fon tombeau que nous faiuâmes. 
A gauche de ce tombeau eft la éMaifon i^Ephrata où 
naquit le roi David ; il n y demeure que des chrétiens^ 
& leur églife eft [confacrée] à faint Nicolas ; Jeflfé, père 
de David, y eft enterré. Nous nous y profternâmes & re- 
vînmes fur nos pas. 

Sur ce même chemin, à trois verftes environ, fe trouve 
réglife de Saint Elit. Ceft en cet endroit que faint Elie 
maffacra les trois cents prêtres idolâtres, dont plufieurs 
furent brûlés; nous nous y profternâmes aufti. Sur ce 
même chemin eft le Tilier de Saint Siméon^ qu'il éleva 
ainfi que Téglife; & nous les vénérâmes aufli. A une 
verfte plus loin, fur ce même chemin, fe trouve la mai- 
fon où Baruch dormit foixante-dix ans. 

Il y a deux verftes de là au grand Couvent de U^colas 
d^lhérie\ c'cft là qu'on coupa l'arbre de la Croix de Notre- 
Seigneur. Au-deflfus de cet endroit eft placé l'autel. Dans 



2f 2 X. PÈLERINAGE 



cette églife fe trouve la main de Tainte Barbe que nous 
vénérâmes. L*eau fut conduite par Abraham lui-même, 
depuis fa maifon jurqu*à Bethléem &, de là, jufqu'à JV- 
rufalem, dans la zMaifon de David. 

De la zMaifon de Vavid nous allâmes à Jérufalem, dans 
la grande églife de la V^urreâlion du Chrift. Et là, en 
face de Tentrée, nous vénérâmes la defcente de la 
Croix, au-deflfus de laquelle huit lampes brûlent incef- 
famment, nuit & jour. De là nous allâmes à gauche, vers 
le Saint Sépulcre \ la pierre, que TAnge ôta du Tom- 
beau^ gît là, devant la porte, & nous nous proder- 
nâmes. Quatorze lampes y brûlent inceflfanmient, nuit 
& jour; en fortant du Saint Sépulcre^ nous tournâmes à 
gauche ; là fe trouve Téglife franque. C'eft devant ren- 
trée de cette églife qu^eft le lieu où les faintes Femmes 
rencontrèrent le Chrift après la Réfurreélion; nous pé- 
nétrâmes dans réglife franque ; à droite fe trouve la Co- 
lonne à laquelle on flagella le Chrid &, au milieu de 
réglife, Tendroit où l'impératrice Hélène pofa la fainte 
Croix fur un mort & le mort [reflfufcita]. En fortant de 
là, nous allâmes au cachot où, après avoir mis le Chrift 
aux fers devant Tentrée, on Tenferma ; à côté du cachot 
eft le lieu où Pilate fe lava les mains devant le peuple, 
difant : cr Je fuis innocent du fang de ce juAe, c*eft à vous 
d'y penfer. *> (St. Match. XXVII, 24.) Près de là fe trouve 
le fiège où l'impératrice Hélène était aflife, jetant de Tor 
pour que Ton déterrât plus vite la fainte Croix; près du 
fiège, à gauche, e(l le tombeau du juif qui indiqua la 
Croix à Timpératrice & qui fut enfuite patriarche; & le 
(iège, où était aflife l'impératrice Hélène, eft placé à 
vingt-neuf marches au-deffous de l'églife, & nous en def- 
cendimes encore onze & vîmes l'endroit où Fimpératrice 
déterra la Croix ; nous nous profternâmes, &, de là, nous 
montâmes au lieu près de l'autel, où les Juifs fe parta- 



DU MARCHAND BASILE (146^-1466). 2f3 

gèrent les vêcetnencs du Chrifl:. Ayant monté encore 
dix-huit marches, nous vîmes le lieu où le Chrifl fut 
crucifié ; & le roc fe fendit d'épouvante, & du fang & 
de Teau fortirent du crâne d'Adam. Puis nous defcen- 
dîmes à Tendroit où repofait le crâne d'Adam & nous y 
profternâmes. A côté le trouve le tombeau de Melchifé- 
dec. Au milieu de Péglife efl: VOmbilic de la terre^ & le 
Chrift y vint avec fes difciples & dit : <v [Dieu] a opéré 
ce notre falut au milieu de la terre. »i (Pf. LXXlll, 12.) 

Dans la grande églile qui entoure le Saint Sépulcre 
officient les Grecs, les Ibères, les Serbes, les Francs, les 
Syriens, les Jacobites, les Melchtes, les Coptes & les Nef- 
toriens, & ils officient jufqu'à préfent tous les jours fans 
difcontinuer. En fortant de la grande égliCe, à droite, 
efl fituée Téglife de la très Pure; &, en y pénétrant, à 
droite, près de la grande porte de Tautel, eft l'endroit 
où le Chrift fit fortir [des limbes] Adam & Eve & tous 
les chrétiens. 

A droite, dans la même églife, eft la chapelle de faint 
Jacques, frère par la chair du Seigneur ; &, à gauche, 
celle de Jean-le-Précurfeur ; des moines demeurent la. A 
gauche, vis-à-vis, fe trouvent les grandes églifes armé- 
nienne & jacobite & leurs couvents. Du couvent nous 
defcendîmes à droite dans la vallée, & vîmes la tMaifon 
de Joachim & l'églife de Saint S^Çicolas, au-deffus de la 
porte d'entrée, & les faluâmes. A côté, nous vîmes la 
cMaifon de Tilate & le puits où fut jetée la tête de Za- 
charie, & nous [les] vénérâmes. Non loin eft le lieu où 
l'on lapida faint Etienne, premier martyr, & nous nous y 
profternâmes. De là nous nous dirigeâmes vers fainte 
Getjémaniy vers le Tombeau de la tris Ture, &, pénétrant 
dans l'églife, nous defcendîmes quarante-huit marches, 
& parvînmes au Tombeau de la très Ture, De là nous 
montâmes à gauche; là fe trouve le lieu où le Chrift 



2f4 X- PÈLERINAGE 



[célébra] la faince Cène avec Tes difciples ; la pierre où 
Jéfus pria s*y trouve aufli; & Judas y livra le Chrift aux 
Juif^^ & nous nous y profternâmes. 

En forçant de là nous gravîmes le SMont des Oliviers 
& atteignîmes Féglife de Vo^fcenjîon de Notre-Seigneur. 
U y a dix-neuf marches d'en bas à l'entrée de Téglife, 
& nous y montâmes & vîmes [l'empreinte de] la plante 
du pied du Chrift. Ced de là qu'il monta au ciel^ & nous 
baifâmes cette empreinte. Defcendu en bas^ à gauche 
de cette même églife, on trouve le tombeau de la fainte 
martyre Pélagie; & il y a onze marches jufquau tom- 
beau. 

De là nous allâmes à Cana en Galilée, où le Chrift 
changea leau en vin. Puis nous nous rendîmes dans la 
ValUe des pleurs, & vîmes la éMaifon de Zacharie & une 
églife fituée à côté. De là nous parvînmes à la Tifcine 
de Siloi, où il faut defcendre onze marches jufquà leau. 
Nous nous dirigeâmes enfuite vers le cMomSion, & vîmes 
la cellule de la très Pure & celle de Jean-le-Théologue, 
où Elle fe tenait avec le Chrift, notre Sauveur. Là eft la 
pierre que l'Ange du Seigneur apporta du éMont Sinai, 
&, à côté^ fe trouve le tombeau du faint martyr Etienne; 
& là était l'églife de Sion, le Saint des Saints des églifes. 
Non loin eft Htué un couvent franc, nous entrâmes dans 
l'églife de la Dejcente du Saint Efprit, & y vîmes la table 
où le faint Efprit defcendit fur les difciples de Notre-Sei- 
gneur. Dans cette églife, une chapelle eft confacrée à 
faint Jean. C'eft dans cette même églife que le prophète 
David compofa le Pfautier, & le roi David repofe dans 
l'intérieur de la grande églife, où fe trouve au(E fon fau- 
teuil. 

Non loin de là, à quatre verftes du éMont Sion, eft 
*Béthanie, où le Chrift rcftufcita Lazare. Près de là, fe 
trouve le chêne de <5tf ambre'. Non loin^ derrière le Sfiont 



DU MARCHAND BASILE ( I46f - 1466). 2 f f 

Sionj k trouvent jurqu*à ce jour la VallA des pleurs & 
le Champ du Totier, 

D'olUppo nous revînmes à Vroufe par un autre che- 
min; la première ville, oémiockie, eft fituée fur fept col- 
lines & a fept enceintes; un grand fleuve la traverfe, 
furmonté par un grand pont, que foutiennent des piliers 
en pierres; ce pont a quatre enceintes en pierres, comme 
celles de la ville, &, au milieu du pont, eft une porte en 
fer & de grandes tours avec beaucoup de meurtrières ; 
il y a aufl], dans Tintérieur de la ville, des pierres bardées 
de fer comme des maifons & recouvertes de plomb. Au 
milieu de cette ville s*élève Téglife de Sainte Sophie^ de la 
grandeur de celle de Conftantinople ; feulement on n'y 
ofKcie pas. La ville reffemble aulH à Conftaminople, mais 
fon règne eft fini; c'était une ville impériale, & mainte- 
nant, elle eft entre les mains des Sarrafins. Les chrétiens 
y font nombreux, mais les SarraHns forment toujours la 
majorité; &, cependant, la ville eft immenfe & contient 
auffi des gens d'autres religions. 

Il y a trois jours de marche d'oileppo à Vrouffe'^ on 
en compte dix jufqu'à la première ville égypdenne ou 
arménienne; des Turcmènes y demeurent, & un grand 
fleuve la traverfe, furmonté d'un pont en pierre, muni 
de portes ; aux deux bouts on perçoit un impôt. 

Encore (ix jours de marche jufqu'à la grande ville 
d'oddana, où coule aufli un fleuve ; le pont qui le fur- 
monte appartenait aux Arméniens; maintenant, ce font 
des Turcmènes qui y demeurent, mais il y a audî des 
Arméniens. Il y a un jour de marche iïo4dana à la ville 
arménienne, où l'on fait payer un impôt ; deux jours de 
marche de là à la ville arménienne de Goulek^ qui eft 
fituée f] haut fur une montagne qu'on ne la voit que s'il 
fait clair ; &, s'il y a des nuages, on ne la voit pas. Il 
y a un jour de Goulek à la ville aufli arménienne de 



af6 X. PfeLERIHAGE DU MARCHAND BASILB. 

Karafam. De ceœ ville on fe dirige ven OhéJiek dans h 
CéM-amanû^ dont la premièie ville eft Karaèatmar. Lai dit- 
caoce eft de cinq jours de Karabomar à HéracUe & de 
deux jours d^Heraclée à Kotdeh. Elle s'appelle KonUk dans 
leur langue & auffi dans la nocre ; il y a là une ^^e 
chrétienne [confacrée], félon eux, à Pbton, &, félon nous, 
à Amphilodiée. Il repofe encre b grande porce & la porte 
fepcentrionale [de Faucel] ; & Thuile faince découle de 
lui jufqu*à préfenc. 

La diftance eft de crois jours de Konieh à b ville d^oék/- 
chfTy & d*un jour dLc4kfchfr au pays des Turcs. Il y a un 
jour de la à b ville de Kanàhifar, qui eft (icuée fur un 
feul roc dans b plaine, & eft crès grande. Et Ton ne monte 
pas à cheval dans b ville, mais Ton gravie à pied les 
efcaliers, & Féglife eft [confacrée] au grand martyr 
George. 

A deux jours de Karakkifar eft b ville de Kautaiek^ 
(îcuée fur une montagne pierreufe & compofée de crois 
villes, Tune dans Taucre; celle du milieu eft très haute. 
Au-deflTous fe crouve un grand faubourg poftedanc deux 
églifes, Tune [confacrée] à b crès Pure & Tautre à faine 
Nicolas. La diftance eft de crois jours de Koutaiek à b 
ville diGAinedjily d*un jour de cecce ville jufqu'à "Srouft. 
Et nous arrivâmes à 'Brouffe b quatrième femaine après 
Pâques. Dieu foit loué jufqu à b fin des fiècles. Amen. 




XI 



RÉCIT DE LA SAINTE MONTAGNE D'ATHOS 



PAR LE 



éMOlU^E ISc4IE 
1489 



}J 



Laure de Saint Serge. — Ménologes du métropolitain Macaîre copiés 
par le moine Germain Touloupov (XVI« f.). 

Khi. = Mojcou, — Bibl. du couvent de Saint Nicolas. FomJs KhhuJov^ 
n« 345 (XVia f). 

ÉVinON 

Archimandrite Léonide. — Trois anciens récits de la Sainte Montagne 
(TAthos (Mofcou, i88a, in-8, pp. a-7 en rufle). 



RÉCIT 

SAINTE MONTAGNE D'ATHOS 

iW0/5<£ ISolÎE 

[du couvent] de KHIbAtiTAKI 

1489 



* N l'année fix mille quatre-vingt-dix-fept •, 
1^ le trois mai, le moine Ifaïe, venu de la 
K Sainte éHontagiu, porta à notre connaif- 
» Tance cjue la Saiare éMontagnt paye à l'em- 
% pereur turc cent quarante copes par an, ce 
qui fait quatorze mille [pièces] en monnaie ottomane. Et 
perfonne n'ofe entreprendre le voyage àeiiSaiiue Mon- 
tagne fans un écrie de l'empereur. 

Quant au patriarche de ConftaminopU, il reçoit par an, 
comme tribu de la Sainte iMomagne, quarante copes, 
ce qui &ii quatre mille [pièces] en monnaie ottomane. 
Et l'empereur [turc] réprimande les moines de la Sainte 
éAIontagne parce qu'ils reçoivent chez eux des fuyards 
de l'empereur & les font moines. Quant au patriarche, 

a. ty^frit U mf. KAIi fix mille m qui tft plui jufit. 
neuf cent quatre-vLngt-dùi-fepI, 



lÔO XL RÉCIT D'ATHOS 

il donne par an à Tempereur mille pièces d'or. Le pa- 
triarche perçoit un tribut des métropolitains qui font, 
dit-on, au nombre de cent trente, fans compter les ar- 
chevêques & évêques; & les métropolitains perçoivent 
un tribut des archevêques. 

DES COUVENTS DE LA SAINTE MONTAGNE. 

En arrivant à la Sainte éMontagne du côté de la terre 
ferme, on trouve à droite : 

I : Le couvent de Zographos dont Téglife eft [confa- 
crée] à George. Elle pofsède Timage de faint George non 
peinte de main d'homme; &, du côté droit du vifage, fe 
trouve une excroiflfance. Ce couvent a été fondé par 
Etienne de Valachie, & il contient foixante-fix moines. 

II : Le couvent de Cajf amanite. L'églife eft [confacrée] 
à Etienne premier martyr, & il y a quatre-vingt-dix 
moines. 

III : Le couvent de Xinoph au bord de la mer. L*églife 
eft [confacrée] au grand [martyr] George & il y a cin- 
quante moines. 

IV: Le couvent ferbe de Vokhiar, également au bord de 
la mer. L'églife en eft [confacrée] à Tarchange Michel, & 
dans cette églife fe trouve fur Tautel une pierre en marbre 
avec une corde. Il y avait dans ce couvent un berger 
appelé BaHle, qui paiflfait les moutons, &, en paiflfant, 
il trouva un tréfor : un chaudron plein d'argent; il le dit 
à rhégoumène & à toute la confrérie, & ils envoyèrent 
avec lui deux moines ; parvenus enfemble au tréfor, ils 
prirent Targent &, quand ils furent revenus tous les trois 
au bord de la mer, les moines lièrent Bafile, &, lui atta- 
chant au cou la pierre qui fe trouve à préfent fur Tautel, 
le jetèrent à la mer; quant à Targent, ils le cachèrent 



PAR LE MOINE ISAÏE (1489). 26 1 

dans la mer & s^en revinrent au couvent. Cette même 
nuit Tarchange Michel retira de la mer Bafile lié, avec la 
pierre au cou, & le plaça dans Téglife qui lui eft dédiée, 
devant la grande porte de lautel ; quand Thégoumène y 
vint chanter matines avec la confrérie, voici Bafile tout 
mouillé, lié, une pierre au cou & aflis devant la grande 
porte. L'hégoumène & la confrérie fe mirent à le ques- 
tionner & il répondit : cr L*archange Michel a dit que 
f ceux qui m*ont lié me déUeront; ce font les deux moines 
rr que vous avez envoyés avec moi prendre Targent qui 
cr m^ont lié, m*ont attaché une pierre au cou & m*ont jeté 
ce à la mer; Tarchange Michel m*en a retiré & m*a placé 
ce ici. a Après les matines arrivèrent les deux moines qui 
avaient noyé Bafîle, & Thégoumène & la confrérie leur 
demandèrent : « Où eft notre berger BaHle & y a-t-il de 
ce Targent ? 13 Ils répondirent : et Le berger vous a menti, 
cr & il s*eft fauve de nous on ne fait oh. n Alors Thégou- 
mène & les moines les conduifirent dans Téglife pour 
adorer, & voici [que] ce même berger y était aflis lié avec 
la pierre au cou. Les deux moines commencèrent alors à 
pleurer & à prier, & Thégoumène avec la confrérie fe 
mirent à chanter trois Te Deum : au Sauveur, à la très 
Pure, & à Tarchange Michel, & prièrent pour les deux 
moines ; Dieu fit grâce au berger & la pierre fe détacha 
[de fon cou] ; le berger pardonna aux deux moines & fe 
fit auffi moine dans ce même couvent ; cette pierre exifte 
jufqu à ce jour & le tréfor s*y trouve aufli. Il y a là cent 
vingt moines. 

V : Le couvent rulTe. L'églife [confacrée] à faint Pan- 
taléon pofsède fon image miraculeufe & fes reliques, 
ainfî que la main de faint Denis ; on y compte cent vingt 
moines. 

VI : Le couvent bulgare de Simopùra dont Téglife eft 
[confacrée] à Pierre Tapôtrej il contient quarante moines. 



202 XI. RÉCIT D'ATHOS 

VII : Le couvent ferbe de Saint Grégoire donc Téglife 
efl [confacrée] à Grégoire-le-Théologue;il contient deuir 
cent foixante-dix moines. 

VIII : Le couvent ferbe^ voifin du couvent de Paul; 
réglife en eft [confacrée] à Jean-le-Théologue & il y a 
là quatre-vingts moines. 

IX : Le couvent ferbe de Saint Taul efl: bâti fur un ro- 
cher, au pied de la Sainte éMontagne ; Téglife eft [confa- 
crée] à faint George^ & il y a là cent quatre-vingt-dix 
moines. 

X : Le couvent grec, la Sainte Laure^ dédiée à la fainte 
Vierge, a été bâti par Athanafe d*Athos ; Téglife en eft 
[confacrée] à rAffbmption de la Vierge & condent les 
reliques de faint Athanafe; une lampe brûle au-deftus 
jour & nuit depuis foixante-dix ans fans s*éteindre; il y 
a trois cents moines. 

XI : Le couvent arnaute de Caracala ; Téglife en eft 
[confacrée] à Pierre Tapôtre, & Ton compte trente 
moines. 

XII : Le couvent albanais de Thilothé dont Téglife eft 
[confacrée] aux Quarante Martyrs ; & il y a là foixante- 
dix moines. 

XIII: Le couvent ibère; Téglife eft [confacrée] à la 
Nativité de la fainte Vierge; on compte cinquante 
moines. 

XIV : Le couvent de Xéropotamos ; Téglife, [confacrée] 
aux Quarante Martyrs, fut bâtie par le faint apôtre Paul ; 
il y a là quatre-vingt-dix moines. 

XV : Le couvent de Koutloumoufi^ appartenant au voï- 
vode de cMoldavie-^ Téglife eft [confacrée] à Pierre Ta- 
pôtre; il y a là foixante moines. 

XVI : Le couvent du Trotate'^ Téglife eft [confacrée] à 
TAftomption de la fainte Vierge, & il y a là trente 
moines. 



PAR LE MOINE ISAlE (1489). 26^ 

XVII: Le couvent grec de Varop/di; dans Téglife 
[confacrée] à TAnnonciation^ repolènc les reliques de 
faine Sabbas de Serbie ; les moines font au nombre de 
trois cent trente. 

XVIII : Le couvent grec ; Téglife en eft [confacrée] à 
faint Nicolas, & il y a là cinquante moines. 

XIX : Le couvent grec de Tantocrator ; Téglife en eft 
[confacréej à faint Théodore Tiron; on compte qua- 
rante moines. 

XX: Le couvent de Khilanran\ appartenant au roi 
ferbe; Téglife en eft [confacrée] à la Préfentarion au 
temple de la fainte Vierge; il y a là cent foixante-dix 
moines. Ce couvent pofsède fîx cents villages ; chaque 
village a trois cents vites^ ce qui fait en tout cent quatre- 
vingt mille viies. 



RÉCIT DU MÊME [MOINE ISAÏe] CONCERNANT L*ÊGLISE 
DE SAINT DIMITRI A SALONIQUE. 

Dans la ville de Salonique s*élève Téglife du grand Di- 
mitri foutenue par foixante-dbc colonnes. Sous Téglife, 
parmi les colonnes, fe trouvent encore deux églifes, &, 
dans Tintérieur de Téglife de Saint Vimitri^ on compte 
douze colonnes en jalpe, deux cent foixante en marbre, 
& quarante en pierre; la partie fupérieure [de Téglife] 
eft en bois ; un bon tireur peut à peine atteindre d*un 
bout à Tautre de Téglife. Les reliques de faint Dimitri 
repofent au milieu de cette églife dans un puits, au-def- 
fus duquel fe trouve fon cercueil &, le jour de la fête du 
faint, il en fort tant d'huile fainte qu*on ne parvient pas 
à Tépuifer ; un ruiflTeau conduit de ce puits dans la mer 
& quand Thuile fainte coule dans le ruiflTeau, fi un ani- 
mal quelconque noir, ou quel qu il foit, traverfe en ce 



264 RéciT DU MOINE ISAÏE. 

moment le niiflêau, il devient blanc. L*huile fainte fort 
de faint Dimitri trois fois par an, & le jour de la fête du 
faint on met deux candélabres à fes côtés & on allume 
deflfus des cierges dorés & (ix cents lampes à huile en 
verre. On allume au-deflfus du métropolitain de Salo' 
nique foixante lampes en verre placées en cercle. 

Ce même moine Ifaïe nous raconta qu^il y avait à la 
Sainte oHomagne une charte du grand-duc Waflili Waf- 
filievitch fcellée d*un fceau d*or ; elle avait été coupée 
en deux d*un bout à l'autre ; & une moitié fe trouve dans 
le tréfor du grand-duc & lautre fut brûlée à la éMontagne 
Jainte ; c*eft pourquoi les moines de la éMontagne fainte 
n*ofent pas venir demander de grâces au grand-duc. 

Le vingt-&-unième couvent de la tMomagne fainte eft 
Stavronikita^ nouvellement conftruit par ordre du pa- 
triarche Jérémie de Conftantinople^ & Téglife en ell [con- 
facrée] à Nicolas-le-Thaumaturge. 11 y a encore fur la 
Sainte éMontagne jufqu'à mille petits couvents^ dépen- 
dant des [grands] couvents ; & Ton compte dans chacun 
de cinq, fix à dix moines & dans quelques-uns jufqu^à 
douze ; ils vivent du travail de leurs mains, cultivent la 
vigne & s'en nourriflent; quant au pain, ils Tachètent des 
bateaux qui le leur apportent par mer. 




XII, XIII 
"HèciTS 

DE 

CLÉMENT ET DE GRÉGOIRE 

COMMENCEMENT DU XVI'SIÈCLE-If47 



U 



St'FitirJbourg^ Bîbl. de F Académie eccléfiaftique, fonds de SainU 
Sophie de Ntn/gorodf xfi 1 5« t (XVII* f., pap.)- 



•KjCIT 

MOINE CLÉMENT 

AU MOINE VASSIAN 
SUR LES COUVENTS DE JÉRUSALEM 




^érufaltm à la Uure de Saint Sabbas, la 
lance ell de douze verdes, &, de la 
ire de Saint Sabbas à Jéricho, de quinze 
Vdes ; de Jéricho au Couvtm iu "Préeur- 

Jj^£ffi oii Notre-Seigneur fut bapdTé, il y 

a trois verfte». Ce couvent eft finie fur le bord du Jour- 
datn, &, de ce couvent au couvent de Saint Ghiraftme^ 
la diftance e(l de trois verfles ; & l'on dit que, de ce 
dernier à celui de Théodoft-Ie-Cénobiarque, il y a deux 
verftes, & une verfte du Couvent de Théodofe au grand 



lf>S Xll. RÉCIT DE CIAMENT (comm. du XTI* s.) 



Cmiv<v XEutirmt ; mus ces courena lou aclw 
dékrri, osccpié U bure de SMm SsUiu ; ccA gtâce à 
IW prtèivs que les moines y virent ful'qu'à prélenc 



1{ÉCIT 

DV 

HIÉROMOINE GRÉGOIRE 



if47 



'« 'ANNEE fept mille cinquante-cinq, le 
H vingt-fept février, le hïéromoine Gré- 
L goire, du oVonr Sinai, raconta k fa Sain- 
Bj teté monfeigneur Macaire, iném>[>oli- 
n tain de toute la ^ffie, qu'il y a quatre 
^ mille dix rues au CaÎTe, &, dans chaque 
rue, font quatre mille dix maifons en pierre, &, au mi- 
lieu de la ville, «'élève le bourg oii vécut le beau Jofeph 
& qui e(l de la grandeur de ^ofcou ; dans ce bourg 
le trouve une églife [confacrée] à Nicolas-le-Thauma- 
turge, dans laifuelle ofBcie le patriarche à'iAltxandne, 
Joachim. 

En l'année fept mille trente-cinq, il y avait foixante- 
lêpt églifes chrétiennes à Conftaniinople & dix à Galaïa. 
Le patriarche paie trois mille pièces d'or de tribut par 
an à l'empereur. La Sainte Montagne en paie quatre 



VJO XIII. RÉCIT DE GRÉGOIRE Cl5'47.) 

mille annuellement. Il y a quatre patriarches œcumé- 
niques. Le principal patriarcat efl celui de Confiami- 
aopU, le deuxième celui d'c4Uxandrie, le troîfîème était 
celui d'olnriockie, ruiné par [le fultan de] ^ifr, le qua- 
trième celui de Jirufaîem, qui eft fouaUs à celui de 
Confiantinople. Les métropolitains font au nombre de 
quatre-vingt-quatre. 



XIV 



RECIT 



VE SOTH%Oa^IUS 



If 47 



IMcAO^USC%tr 



BoTitchji^ (Gouvernement de Mofcou) — Bibl. du comte A. Ouvarov, 
n° 345 (xvii* r., papO* 



"KECIT 

MOINE SOPHRONIUS 

da couvent de Saint Sabbas-le''Bém 
'T47 



^ 'ANNÉE Tepi mille cinquante-cinq, le fcpc 
piuillct, le faint moine Sophronius du Couvent 
^de Sabbas du Saine Sépulcre de JérufaUtn, 
!:;>failait le récit Tuivani à Sa Saimeié le 
-^feigneur Macaire, métropolitain de toute la 

Le Couveiu de Saim Sabbas -le -'Béni e(i fitué à vingt 
verHes de la ville de Jérufaletn ; il cil habité par un hé- 
goumène & cinquante moines, & les cellules font au 
nombre de quatorze mille, mais elles Ibnt toutes vides. 
Les cplifcs font au nombre de vingt dans ce couvent; 
mais, à l'exception de quatre cglilcs, où le fcrvicc divin 
e(t célébré ai51ucllcmcnt, elles lont déicrces. On onîcic 
tous les jours dans la grande Eglife de l'olnnonciaiion 



274 ^^^- Ï^ÉCIT DE SOPHRONIUS (lf47). 

de la faince Vierge, qui eft une fois & demie plus 
grande que la cathédrale de Molcou. 

Ce couvent eft refté défert pendant cent ans, jufqu'à 
Tan fept mille quarante-huit; c*eft alors que Thégoumène 
Joachim vint y demeurer avec Tes moines, & il s'y trouve 
jufqu'à préfent. Il efl d*origine valaque & eft venu du 
fSifom Sinai j les moines, au nombre de cinquante, 
proviennent de différentes villes grecques. Le couvent 
s'étend fur une vcrfte de longueur; les cellules font 
(ituées des deux côtés d'un abime d'une telle profondeur 
que la voix humaine a de la peine à s'en faire entendre; 
c'eft pourquoi ce lieu fe nomme Vallée des pleurs, & 
l'Ecriture dit qu'un fleuve de feu coulera dans cet abîme 
lors du jugement dernier. Cette vallée compte quinze 
verftes du couvent à la ^er de Sodome, La largeur de 
cet abîme eft d'un jet de pierre lancée par un homme 
vigoureux. 

Les cellules font fuperpofées fur trois & quatre 
rangs ; il y a dix fagènes du fol aux voûtes de ces cel- 
lules, qui ont deux fagènes ou une & demie de gran- 
deur. On y boit l'eau pluviale ; quant à la fource que 
Sabbas fit jaillir par fes prières, Feau qui en découle juf- 
qu'à préfent n'eft pas abondante : on en recueille deux 
ou trois féaux en une nuit, & elle eft falutaire à boire & 
produit de grandes guérifons. Le tombeau de faint Sab- 
bas eft élevé de dix marches [au-deflus du fol] & fe 
trouve à l'oueft de l'ancienne entrée de la grande 
églife : il eft furmonté d'un petit édicule rond, de quatre 
fagènes de hauteur fur deux de largeur; tous les di- 
manches & à toutes les fêtes du Seigneur, l'hégoumène 
vient avec les moines y réciter l'oftice du faint. L'édicule 
eft pavé de marbre. Les reliques de faint Sabbas n'y 
repofent pas ; car elles ont été volées pour être tranf- 



XIV. RÉCIT DE SOPHRONIUS (1^47). 27Ç 

portées à Venife quand le couvent était défert. On 
compte douze jours de marche par terre de Jérufaltm 
au ^ont Sinaï & douze jours aullï par terre de Jérufaltm 
au CaÎTe. 



XV 

DE 

L'HÉGOUMÉNE PAJSSIUS 

IffO 



û^cA:r^uscRiT 



Mofcou, Bîbl. du Saint Synode, n» 484 (XVII« f., pap.). 



K.ECIT 
L'HÉGOUMÈNE PAÏSSIUS 

[du couvenr] de Khiïamari 



mille cinquancc-neur, le 
lu mois de décembre, l'hé- 
lius, du couvent de Khilait' 
rès laint feigneur Macairc, 
de toute la "R^ffte, que la 
Sainte îMontagne a cent verllcs de circonférence, cin- 
quante de longueur & dix ou quinze de largeur, & que 
les grands couvents étaient fur la Sa'mtf éMontagae au 
nombre de vingt & un & compiaîest, les uns, trois 
cents moines, les autres deux cents, cent cinquante nu 
trente; que les petits couvenu, appelés dijerts^ étaient 
au nombre de mille & contenaient, les uns, deux moines, 
& les autres trois, cinq, dix & julqu'à douze. Les moines 
de la Sainte aVoniagne, infcrits dans les livres du fultan 
turc, font [au nombre de] quatre mille; quand les 
l'crihes viennent pour le rcccnfemcnt, nous ne donnons 
pas le nombre exai5l des moines, de peur de lourds 
tributs & impôts, mais ils l'ont jurqu'à lîx mille fur la 



28o XV. RÉCIT DE PAÏSSIUS (iffo). 

Sainte oMontagne^ & nous payons crois cents roubles de 
tribut pour la Sainte éMontagne'^ ceft le Voévode de 
Valachie qui les paie. Nous ne favons pas ce que paient 
de tribut tous les couvents de la Sainte SMontagne; nous 
favons feulement le tribut payé par les grands couvents: 
la Laure^ qui n*e(l pas une communauté & qui a trois 
cents moines, paie un tribut de quarante roubles. Le 
couvent de Vatopède, qui compte trois cent vingt moines, 
n'ed pas non plus une communauté & paie trente-fîx 
roubles de tribut; nous ignorons leurs autres impôts; 
nous favons feulement que les deux couvents de Saint 
Tarualeon & de Khilantari paient, le premier, annuel- 
lement comme tribut & impôt, trois cent dix-huit 
roubles; & le fécond, trente-Hx roubles de tribut; &, en 
petits & grands impôts, fans compter ce qui lui eft pris 
par la chicane & le brigandage, quatre cent foixante- 
quatre roubles. L'impôt frappe le blé, l'orge, Tavoine & 
les pois, & repréfente la feptième partie de toute moiiïbn; 
feulement on ne prend pas Timpôt en nature, mais il 
faut payer en argent le double du prix du marché; fur 
le vin & fur toute efpèce de légumes, fur les concombres 
& Tail, & Toignon, & fur tout produit des potagers ils 
perçoivent aufli la feptième partie, ce qui fait le double 
en argent. Et des pâturages où paiflfent en hiver les ani- 
maux du couvant, chevaux, buffles & vaches, ils per- 
çoivent cinq monnaies turques par tête de bétail ; & des 
pâturages d'été ils prennent également cinq monnaies 
par tête, & trois monnaies turques pour chaque agneau, 
chèvre, abeilles & ruche; & même là où les animaux 
boivent Tcau de la mer, on perçoit annuellement deux 
monnaies turques par tête; & du baflin où nous pé- 
chons le poiffon de mer, on perçoit auflî la feptième 
partie ou le double en argent; ce font là de grands im- 
pôts. Quant aux petits, on ne peut les compter; impof- 



XV. RÉCIT DE PAÏSSIUS ( î f f o). 28 1 

fîble cl*énuinérer tous les petits impôts où ils prennent 
cinq, dix & jufqu'à vingt altines ; le couvent de Khilan- 
tari dépenfe d*année en année cinq cents roubles, & 
Saint Tantaléon trois cent dix-huit roubles. Les deux 
couvents font alliés entre eux, & c'eft pourquoi nous 
favons tout cela & nous ignorons ce qui concerne les 
autres ; nous favons les dépenfes de ces deux couvents, 
fans compter les chicanes & brigandages; quant aux 
autres couvents, celui qui eft riche eft plus fortement 
taxé, & celui qui ed pauvre donne moins. 

La diilance du couvent de Khilamari à la frontière de 
la Sainte éMontagne eft de quinze verftes & Ton compte 
quinze verftes du couvent de Zographos à cette même 
frontière par un autre chemin ; rien de ce qui eft fémi- 
nin parmi les êtres humains & les animaux ne pénètre 
par cette frontière dans la Sainte Montagne ; les laïques 
n*y vivent pas & il n'y a pas d*enfants en apprentiflage. 
Sur la frontière de la Sainte Montagne, entre deux mers, 
fe trouve une grande & haute montagne de quinze verftes 
de longueur, de cinq de hauteur, qui s'appelle Vigla, ou, 
félon nous, gardien. 

De la frontière de la Sainte éMontagne^ on compte 
quinze verftes jufqu'à la ville d^^pollonie, qui s'appelle 
Hiériffos^ ce qui veut dire : nouvellement convertie; & 
c'eft là que demeure Tévêque de la Sainte éMontagne. Près 
de cette ville, fe trouve la grotte du faint apôtre Paul ; 
quand les facrificateurs des idoles le pourfuivaient, la 
terre fe fendit devant lui & il devint invifîble à leurs 
yeux; cette grotte exifte jufqu'à ce jour; cet endroit fe 
nomme iflhme, & a une largeur de deux verftes d'un rivage 
à l'autre ; les champs & arfenaux de la Sainte {Montagne 
fe trouvent fur cet ifthme qui eft furnommé : privlaky 
parce que c'eft un lieu étroit, fur lequel on traîne les 
vaiflfeaux & les bateaux d'une mer à l'autre ;& les moines, 

3« 



282 XV. RÉCIT DE PAÏSSIUS ( I f f O). 



qui vont à la Montagne Sainte ou en reviennent, y 
paflfenc la nuit. 

De la ville à^oApolïonie on compte trente verfles par 
terre jufqu^à Tîle Loug^ où les troupeaux de la Sainte 
éMontagne paiflfent été & hiver ; la longueur de Tile e(l 
de foixante verfles & la largeur de quinze & de vingt; 
&, fur cette île, fe trouve une ville déferte appelée Tiro/i . 

Il y a trente verftes de cette île à Tîle de Caffaniria 
qui compte quarante verfles de longueur fur dix, Se 
quinze de largeur ; les troupeaux de la éMontagne Saitae 
y paiflent en hiver^ & ces îles fe trouvent au midi de la 
ville de Salonique ; de Tile de Caffaniria à Tile de Loug^ 
on compte cinquante verfles par mer, & de Tile de Long 
à la iMontagne Sainte^ cinquante autres verfles, & de la 
SMontagne Sainte à Salonique^ cent cinquante verftes & 
par mer deux cents. 

Près de la ville de Salonique^ le trouvent des champs 
de la Sainte zMontagne & les troupeaux y paifl*ent en été. 
Cent cinquante verfles réparent la ville de Salonique de 
celle de Sere\^ furnommée Ephante ; &, à côté, fe trouvent 
des champs de la Sainte Montagne, oii les troupeaux 
paiflfent en été, & où fe produit le fafran ainfl que le 
coton. On compte cent cinquante verftes de cette ville 
à la Sainte cMontagney & autant par mer ; de Conftanti- 
nople à la Sainte éMontagne il y a cinq cents verftes & 
trois cents par mer. 




XVI 

LE TèLE'Rj:7^o4GE 

DU 

MARCHAND BASILE POSNIAKOV 

iff8-if6i. 



Mo/cou — Bibl. de la Société impériale de Thiftoire & det antiquités 
ruflfes, no «14 (XVII« f.), pap., 63 fT. in-4, (F. 31-61. 

A = Mofcou, Archives du Miniftère des affaires étrangères^ n» 145 
(XVII« Ç,\ pap., «32 ff. in-4, if. 84-154. 

C = Copiuhagui, Bibl. royale» n» 553 (XVII« T.), pap., 771 flf. in-4y 
fT. 559-605. 

Ricuàl dt la Société rujft de PaUftine (en rufle), livraifon XVUI {St- 
Péterjbourg^ 1888, in-8), publié par M. Chr. Loparev. 



LE PÈLERINAGE 
MARCHAND BASILE POSNIAKOV 

AUX SAIN-rS UEUX DE VORJSNT' 

iff 8-1(61 



tESSAGE du i^ar orihodone & grand-inc de 
roure la "Rjiffie, Ivan VaJJilievirch, au pape &• 
patriaTcke Joackim d'Alexandrie, remis par 
* le marchand "Bafile To/niakoVy &fcn pèleri- 
%nage à Jérusalem 6- autres faims lieux. 

Le meffage contient ce qui fuit : 

R Par la grâce de Dieu, le grand fouverain, tzar & 



>. L'anntc fept mille foiiante- 
f«pt, du tempi de la vie de l'ortho- 
doxe tiarîni Je grande- du chelTe 
AnaAafie & dei tiartvitchi Ivan 
$t Théodore, du trit faint pape 
te patriarche Macaire, métropo- 
litain de toute la Raffit & de l'ar- 
chevêque de Nfvgarad, Piniène, 
le fouvcrain tiar It grand-duc de 
toute la Xir^f.Ivin VaRiltevitch, 
envoya 1 anftaMlittfU tt i Jt- 
rufatim, en Bgypu & au tdtnl 



Sinat, l'archidiacre de N»-vg»rnl 
Gennade.le marchand Balile Pof- 
nialcov Se Cofme Saitanov, de 
Pjhni. GennademounitiOHi/lfn- 
linapU fana avoir atteint "Jirufa- 
Um ; mail Balile Porniakor & Te* 
compagnon* furent dans la (aime 
ville de "J'irufaltm, fi- en Egypte, 
U fur le Ment Sinat te 1 Railhau, 
& écrivirent la vérité fur ce qu'il* 
j avaient tu, aprin quoi ili revin- 
rent dans U capitale de M»fi»u. C. 



286 XVI. LE PÈLERINAGE 

grand-duc, Ivan Vaflîlievicch, de toute la 9(u/^^, de Via- 
dimÎTj iMoJcouy D^vgoroiy tzar de Ka\an^ d*o4Jlrakhan, 
de Sibérie^ fouverain de TskoVy grand-duc de SmoUnsky 
Tver, Jougor^ Terme, Viatka, de Bulgarie & autres pays; 
grand-duc de IT^ijni-ShÇpvgorod, Tchernigov, T^iaian^ 
T(2ftov^ Jaroslav^ 'BeloaierOy Tolotsk, Oudorsk^ Obdorsk^ 
Kondysky & feigneur de toute la contrée du Nord, 

cf Au vénérable & très vénérable père^ pafteur & maître 
des commandements orthodoxes, au confeflrcur des ordres 
divins révélés dans les faints Evangiles, auquel il n*e(l 
pas nuifîble de boire du poifon, au martyr invincible, au 
guerrier très excellent, couvert de couronnes de vicfloire, 
au grand porte-étendart, glorifié par Dieu dans les mi- 
racles, à l'ornement de la Parole divine, qui brille comme 
le foleil, au grand pape & patriarche de la ville d*o4- 
lexandriej Joachim & au juge de tout Tunlvers, je pré- 
fente mes éloges & exalte tes vertus. 

ce Nous avons reçu avec joie les excellents meflfages 
que tu as eu la bonté de nous envoyer avec les moines 
du faint fSifont Sinaï, & nous nous fommes de nouveau 
imprégné des flots pleins de miel de ta parole, fans 
avoir mérité les louanges que tu as bien voulu décerner 
à notre Autocratie. A Dieu feul appartient la gloire des 
miracles, car c toutes chofes ont été faites par lui, & rien 
c de ce qui a été fait n'a été (ait fans lui. a (S. Jean, I, 3). 
Il crée ce qu'il veut & nous chantons & louons fa mifé- 
ricorde infinie & les bienfaits dont 11 nous comble: 
ce parce qu'il a fait éclater fa grandeur & fa gloire » 
(Exode XV, 1). 

ce Nous prions ta Sainteté de ne pas nous oublier ni 
le jour ni la nuit dans tes prières à Notre Seigneur Jéfus- 
Chrift, adoré fous la forme de la Trinité, & Créateur 
univerfel, & à la Médiatrice de notre falut, la très fainte 
Vierge, ainfi qu'à tous les faints, afin que, grâce à tes 



DE BASILE POSNI AKOV ( I f f 8- 1 f 6 1 ) . 287 

prières nous obtenions la vie éternelle & foyons délivré 
de nos ennemis vifîbles & invifibles, afin que notre règne 
Toit gardé de tout mal, que la chrétienté foit en tout lieu 
délivrée du joug étranger des fils d'Agar & que la corne 
des orthodoxes fe relève & recouvre de paix fon territoire 
primitif. Que Dieu nous accorde la grâce de voir ton 
lumineux, vénérable & bien-aimc vifage, de baifer tes 
mains avec zèle, comme un don très précieux & de 
jouir de tes remontrances, qui font comme des rayons 
de miel! nous défirons entendre ta bonne parole & nous 
y abreuver comme un cerf altéré. 

n Nous avons envoyé cette fois, en don à Dieu & pour 
le repos de ta Sainteté, avec Gennade, Tarchidiacre de 
Sainte Sophie^ & avec notre marchand Bafile Pofniakov, 
pour mille pièces d or de Hongrie d effets & une four- 
rure de zibeline recouverte de velours; en vertu de tes 
prières, nous avons au(E envoyé à Tarchevêque & aux 
moines du ^ont Sinaï la valeur de mille pièces d*or 
pour les befoins du couvent. Quant à toi, père, &, 
d*après ton ordre, tes fubordonnés dans tout ton patri- 
archat & au SMont Sinai^ vous devez prier Dieu & la 
très fainte Mère ainfî que tous les faints pour notre falut 
& préfervation, pour ma tzarine Anaftafie, pour nos en- 
fants, les tzaréviths Ivan & Théodore, & pour toute la 
chrétienté orthodoxe, comme cela a été dit plus haut. 
Quant a notre père, le grand fouverain Bafile, d'heureufe 
mémoire, Varlaam dans les ordres, & à notre mère, la 
grande -ducheflfe Hélène, d'heureufe mémoire, donne 
ordre dlnfcrire leurs noms dans les églifes pour des 
prières journalières, pour le repos de leurs âmes, & ren- 
voie-nous nos ambafladeurs avec ta bénédiélion, afin que, 
de retour, ils nous tranfmettent cette bénédiélion ponti- 
ficale & que notre joie foit complète. Amen. 

€' Datée de notre palais impérial dans la très célèbre 



288 XVI. LE PÈLERINAGE 

capitale de SMoJcou^ Tan fepc mille foixance-fepc le 
du mois de fepcembre.» 



Arrivés à oAUxanàrie^ nous nous rendîmes chez le très 
faint pape & le faluâmes en lui remettant ce meflfage; il 
nous demanda alors : « L'orthodoxe & très chrétien tzar 
c' & grand-duc Ivan Vaflilievitch de toute la 'R^e fe porté- 
es t-il bien dans le Chrift, ainfi que Torthodoxe tzarine & 
<c grande-ducheflfe Anaftafte, & les fouverains tzaréviths, 
c( Ivan & Théodore ? » Nous lui répondîmes : « Ils fe 
c portent bien, grâce à tes prières. » Nous lui dîmes aufli 
de la part du métropolitain : c Macaire, métropolitain 
(c de la glorieufe ville de SMoJcou & de toute la T^jiffie^ a 

V ordonné de te faluer très refpeélueufement, faint pape 
it Se patriarche Joachim. ') Et nous le faluâmes jufqu*à 
terre. Il nous demanda alors : et La grâce de Dieu eft-elle 
cr avec notre frère Macaire^ métropolitain de toute la T^t//- 
t'Jie, & comment fait-il paître Téglife du Chrift & (on 
c troupeau ? »y Nous lui répliquâmes: ce Grâce à vos prières, 
ce il fe porte bien dans le Chrift & conferve Téglife du 

V Chrifl pure & intacfle. »y Nous lui préfentâmes alors une 
image de la très fainte Vierge, & il Tagréa & fe figna 
avec. Puis nous lui offrîmes la peliflfe, & il ordonna de 
nous la prendre. Il nous donna une féconde fois fa bé- 
nédiélion, & fe fît apporter un fauteuil, & commanda de 
nous placer des fauteuils à côté de lui ; après quoi il 
s*aflit & nous fit aufli afleoir. Il n'y a pas de bancs le 
long de fa chambre & le milieu eft recouvert de tapis de 
foie. Il nous prit par les mains & commanda à Tinter- 
prêté de dire : ce U conviendrait que je vous queftionnafle 
c debout fur votre foi orthodoxe & fur les églifes de Dieu ; 
ce mais ne me blâmez pas^ car je fuis très malade & ai été 
ce couché pendant dix-neuf jours; je penie que Dieu m'a 



DE BASILE POSNIAKOV ( l f f Ô-l f 6 1). 2Ô9 

cr fait lever aujourd'hui de mon lit pour votre arrivée, u 
Sur ce nous le faluâmes jufqu'à cerre & lui dîmes : cr La 
rc paix fubfifte grâce à vos fainces prières. >i 11 commença 
alors à nous queflionner fur la façon donc était régi le 
royaume de notre tzar. Nous lui confeflfâmes toute la 
vérité; comment beaucoup de pays de religions non 
chrétiennes le font fournis à notre fouverain, & comment 
il a ordonné d*y élever de faintes églifes & d*y introduire 
Torthodoxie. Alors, regardant Timage de la très fainte 
Vierge^ il fit le figne de la croix, puis ayant confidéré le 
fceau impérial, il nous demanda : n Le tzar orthodoxe 
f eft-il repréfenté à cheval fur ce cachet ?» Et nous lui ré- 
pondîmes : cr Oui, il eft à cheval. » S*étant levé alors & 
ayant falué jufqu'à terre Timage de la très fainte Vierge, 
il dit, des larmes abondantes lui coulant des yeux : ce Que 
cr Dieu fortifie le tzar orthodoxe! o Nous ne pûmes retenir 
nos pleurs, en contemplant fa vénérable figure, & il nous 
dit : Cl II eft écrit dans nos livres grecs qu*un roi viendra 
cr des contrées orthodoxes de TOrient, & que Dieu lui 
f* foumettra bien des royaumes, & que fon nom fera ce- 
(' lèbrc de Torienc à Poccident comme celui d'Alexandre, 
ce roi de tMacédoine^ dans l'antiquité; il montera fur le 
cr trône de la ville fouveraine & nous ferons délivrés par 
cr fa main des Turcs impies, o 

Il nous fit aflfèoir de nouveau & nous demanda : 
cr Comment célébre-t-on le fervice divin dans les faintes 
cr églifes de votre pays, comment y vivent les chrétiens 
c" & comment fubfiftent ces églifes ? » Nous nous confef- 
lâmes entièrement à lui : c* Le nombre des églifes chez 
c* notre fouverain, dans lempire mofcovite, efl infini, 
ce très faint évêque, & le fervice divin y e(l célébré tous 
CI les jours non pas une feule fois, mais à toutes les heures; 
ce il y a, Seigneur, des églifes preftimoniales, 011, à la pre- 
cc mière heure [du jour] on célèbre les matines, puis la 

37 



1C)0 XVI. LE PÈLERINAGE 



f divine licurgie fans interruption; dans d*autres [on cé- 
cc lèbre] les matines après minuit & la liturgie à la troi- 
c fième heure du jour ; ailleurs les matines font célébrées 
c* avant Taurore & la liturgie à la quatrième & cinquième 
ce heure du jour, & puis les vêpres plus ou moins tard. » 
Il nous répondit : « Que Dieu béniffe votre fouverain 
ce tzar & fes enfants les tzaréviths, & accorde la paix 
C'a leur règne! qu'il préferve celui qui vous a donné 
cvle bonheur de Le glorifier inceiïàmmcnt ici-bas. Ses 
ce anges Le louent fans ceflfe dans le ciel & vous fur la 
c» terre. » 

U nous demanda encore: o Avez-vous, dans le royaume 
ce du tzar, des Juifs, des Mufulmans, des hérétiques, des 
ee Coptes 9 des Arméniens & autres héréfies maudites ? 
et vivent-ils dans leurs propres maifons? »* Nous lui répon- 
dîmes : ce Ils n*ont pas de demeure dans le royaume de 
cr notre fouverain ; il a même défendu le commerce aux 
c Juifs & leur a fermé l'entrée de fon territoire. » Il fe 
leva alors, prononça une prière, falua jufqu'à terre, & 
cr dit : Dieu pardonnera au fouverain tzar & grand-duc 
ce Ivan Vadilievitch de toute la *^uffte & à fes tzaréviths, 
c' Ivan & Théodore, d'avoir chafTé comme des loups les 
cr ]u\k iniques loin du troupeau du Chrift. o H nous dit 
encore : ce Nous aufli, frères, nous nous appelons chré- 
ce tiens, grâce au Chrift, & fouffrons de grands maux de 
ce la part de ces gens. » Il fe mit à pleurer amèrement, 
& nous ne pûmes non plus retenir nos larmes en contem- 
plant fa figure vénérable. Nous le fuppliâmes avec des 
pleurs de nous confier fes maux pour notre édification. 
S'étant tu pendant quelque temps, il commença fon ré- 
cit, ayant pour interprète le moine Moïfe du couvent de 
Siiinr Sabbas, 



D£ BASILE POSNIAKOV ( 1 f f 8- 1 f 6 i ). 29 I 

T{àciTVU Tq4TE et To4r'RJo41{ÇHE JO<ACHléM 

D*ALEXANDRIE 

Il y avait en Egypte un certain roi circaflien du nom 
de Gabriel, de religion turque, très méchant pour les 
chrétiens, plus que les Turcs adluels, & qui avait auprès 
de lui un médecin juif fort rufé. (Merveilleux eft le récit 
du glorieux pape & patriarche Joachim d'o4lexandrie & 
celui de (a padence !) 

Ce médecin juif voulait faire périr & extirper tous les 
chrétiens d'Egypte y mais il n*y parvint pas; il fe rendit 
chez le roi d'Egypte, Gabriel, & lui dit : « Roi, il y a des 
c chrédens chez toi en Egypte i ils ne font pas dignes de 
n vivre fur ton territoire, car ils font impurs & leur foi 
a n^eft pas la bonne; ordonne-leur de prendre la foi turque 
n ou la juive. » Le roi répondit : « J'aurais fait d'eux des 
V Turcs avant ce foir,slls n avaient pas un vieux patriarche 
« qu'ils appellent Ikint; ce(k lui que je crains. » Le Juif 
reprit : ce Ne crains pas ce vieillard, ô roi, livre-le entre 
rr mes mains, & je lui donnerai un tel poifon que, même 
ce s'il en prend une demi-cuiller, il ne vivra pas plus d*unc 
c( heure. » Alors le roi lui dit : cr Si tu ôtes la vie à ce vieil- 
« lard, j*amènerai tous les chrédens à la foi turque, ou bien 
ce je les livrerai à la mort. » Et le roi ordonna au patriarche 
de fe rendre chez lui. 

Le patriarche vint chez le roi & le médecin juif lui 
dit : €' Vieillard, quitte ta foi, & prends la foi turque ou 
ce notre foi juive qui ell la vraie, tandis que votre foi chré- 
ce tienne ne Teft pas. » Le patriarche répondit au roi en 
difant : ce Nous ne cenlurons pas votre foi turque, ni la 
ce juive, ô roi! mais notre foi chrétienne orthodoxe c(l la 
ce bonne, o Le juif dit alors au patriarche: ce ElUil vrai qu'il 
ce eft écrit dans vos livres : cr S'ik boivent quelque breuvage 



292 XVI. LE PÈLERINAGE 

« mortel, il ne leur fera point de mal ? >i (Marc, XVI, 
« 18)*. Ne peux-tu pas boire un poiCon mortel pour [prou- 
ve ver] ta foi? Le patriarche répliqua: «Je fuis prêt à mou- 
ce rir auflitôt pour mon Chrift & pour la foi orthodoxe; 
ce donne-moi immédiatement ce que tu veux. «> Le médecin 
juif dit alors au roi : ce Donne-moi du temps jufqu*à tel 
c( jour, ô roi ! & je lui préparerai un poifon morteL » Cette 
difcuflion avait eu lieu un dimanche en préfence du roi, 
qui ordonna au patriarche de paraître le dimanche fui- 
vant devant lui. 

Le patriarche, de retour chez lui, aflfembla tous les 
chrétiens & leur raconta qu*il avait difcuté de la foi 
chrétienne, en préfence du roi, avec le médecin juif, & 
qu'il devait recevoir de fes mains un poifon morteL 
« Pères & frères ! leur dit-il, priez le Seigneur Dieu & 
a la très fainte Mère de me fauver, pour la foi ortho- 
o doxe, [des mains] du juif impie. Je ferai avant vous au- 
cc près du Roi célede & le fupplierai pour vous, & vous 
ce recevrez tous des couronnes de martyrs des mains du Sei- 
ce gneur & fouflfrirez des tourments, & ferez les nouveaux 
ce martyrs du fiècle préfent; car vous ne pouvez, frères, re- 
cr nier la foi orthodoxe; & vous changerez ma douleur en 
ce joie. '> Us fe jetèrent à fes pieds avec des larmes en di- 
sant : cr Ne nous quitte pas, feigneur! afin que nous bu- 
c vions la même coupe mortelle que toi ; ne penfe pas, 
ce feigneur! que nous allions renier la vraie foi orthodoxe; 
cr fi tu es livré à la mort, pas un feul de nous ne quittera 
ce le palais du roi fans Tavoir aufli bue. » Rentrés chez eux, 
ils s'enfermèrent pour toute la lemaine, priant Dieu avec 
des larmes, & ne quittèrent pas une feule fois leurs mai- 
fons. Quant au patriarche, il jeûna toute la femaine & 
goûta peu de fbmmeil. Le dimanciie ^, s'étant rendu poui* 

^ Se Cl c^ft U vérité C. — b. de Pâeiues C, 



DE BASILE POSNIAKOV ( I f f 8- 1 f 6 1 ). 29^ 

les matines dans la fainre églife du thaumaturge Nico- 
las, debout à fa place ordinaire, il s*affligeait de devoir 
boire cette boiflbn mortelle & était très troublé. Au neu- 
vième verfet, appuyé fur fa croflTe, il fommeillait légè- 
rement, lorfqu'il vit, comme dans un rêve, une femme 
vêtue de blanc qui fortait de Tautel avec deux adolef- 
ccnts. Cette femme s*approcha de lui & lui dit : c Vieil- 
ce lard! ofe & ne crains pas, car je fuis avec toi. »» Il ouvrit 
les yeux, & vit devant lui le facriftain avec une lampe. Il 
s*approcha alors de Timage de la très fainte Vierge, 6c, 
s'étant profterné jufqu a terre, loua Dieu avec des larmes. 
Au même inftant fa triftcffe fe diflîpa, & une grande joie 
remplit fon cœur. Les matines finies, il célébra lui-même 
la divine liturgie & communia. Beaucoup de chrétiens, 
hommes & femmes, ayant reçu de fes faintes mains la di- 
vine eucharifUe, fe préparaient à la mort avec lui. Le pa- 
triarche les bénit de fes mains, & les fupplia en pleurant 
de ne pas renier le Chrift, notre vrai Dieu. Ils Tembraf- 
sèrent avec des larmes & de grandes lamentations, & lui 
promirent de boire avec lui la coupe mortelle & de ver- 
fer leur fang pour le Chrift. 

Le patriarche fut rempli de joie & fe préfenta chez le 
roi paré pour la mort de tous fes vêtements facerdotaux. 
Les chrétiens, hommes, femmes & en&nts, fe rendirent 
avec lui au palais royal, qui eft à trois verftes environ de 
réglife du grand thaumaturge Nicolas. Une multitude 
de peuple les fuivait : des Turcs, Arabes, Latins, Coptes, 
Maronites, Ariens, Neftoriens, Jacobites, Tétrodytes & 
gens de différentes religions, pour voir ce qui arriverait 
aux chrétiens. Le patriarche parut avec les chrédens dans 
le palais, devant le roi ; la îalle était pleine de gens du 
roi; [il y avait] des pachas, des fantfchaks, & le maudit 
Juif Une coupe pleine d*un breuvage empoifonné était 
pofée fur la fenêtre. En entrant dans la falle^ le patriarche 



294 ^^^' ^^ PÈLERINAGE 

falua crois fois du côté de Torient^ & die au roi : cr Or- 
donne de me donner ce que eu as commandé^ je fuis 
prêc à boire la coupe morcelle pour mon Chrift. » Le roi 
répondic : (c Vieillard! ce n'eft pas avec nous que eu as 
ce difcucé de la foi, & ce n*e(l pas nous qui ce donnons 
la coupe. » Le Juif prie alors la coupe, Tapporea au 
paeriarche, pleine d*un breuvage foreemene empoifonné 
& couvere d*écume, & lui die : « Prends ceeee coupe 
cr & bois ! fi ra foi eft la vraie, eu n'auras aucun mal; (i 
ce elle ne Teft pas, eu auras bu la more, u Le faine pa- 
eriarche prie la coupe les larmes aux yeux, die fa prière, 
fie le figne de la croix au-deflfus, &, ayane foufflé, du vin 
rouge apparue auflitôe fous Técume. Les chréeiens pré- 
fenes s*écrièrene avec des pleurs : <* Seigneur ! aie pieié 
cr des chréeiens ! » Ee ils fe mirene à répéeer : « Dieu, aie 
ce pieié de nous 1 >3 

Quane au paeriarche, il vida la coupe jufqu au boue 
& le breuvage lui parue du vin erès doux & bon, & il 
reda fain & fauf Alors il die au roi : ce Ordonne de me 
ce donner un peu d*eau. » Ee fon vifage s'éclaircie comme 
le foleil & cous furene émerveillés de la bcaueé de fon 
vifage. On lui apporea un peu d*eau ; il la verfa dans la 
coupe, &, Tayanc légèremene rincée, il la préfenea au Juif 
avec ces paroles : ce J*ai bu un poifon moreel fervi par ea 
ce bonne foi, & coi bois un peu d'eau de ma mauvaife foi.» 
Le Juif ne voulue pas boire, fur quoi le paeriarche die : 
cr Roi ! juge équieablemene enere moi & le Juif; nous 
ce avons bu de fes mains le poifon qu il a voulu & qu'il a 
cr paflfé une femaine à préparer, & moi j'ai verfé devanc 
ce eoi de l'eau dans la coupe, & non du poifon. » Toue le 
peuple préfene s'émue concre le Juif Le roi lui ordonna 
de boire & l'y coneraignic à grand'pcine. Il bue un peu 
de ceeee eau & fon corps commença auflicôe à enfler, il 
s'enfuie du palais dans fa maifon, & le roi envoya un ja- 



DE BASILE POSNIAKOV ( I f f 8- 1 f 6 1). IQf 

nifTaire à fa fuite pour voir ce qui lui arriverait. Une 
demi-heure après le janiflfaire revint & dit : n Le maudit 
ce Juif a rendu Tâme, ô roi! fon ventre s'efl fendu & dé- 
c verfé. o Alors le roi dit: c» Demande-moi ce que tu veux, 
R vieillard! & ne fois pas fâché contre moi; ce n'eft pas 
c moi qui t'ai donné le poifon ; celui qui te Ta donné a 
rr péri. » Le patriarche lui répondit : cr U ne faifait que ce 
(r que tu lui avais ordonné, o & ajouta : « Donne-moi les 
f chrétiens qui habitent ï Egypte^ afin qu'ils ne dépendent 
ce que de moi & que je les juge, que tes commiflTaires 
c n'entrent pas chez eux, & qu'ils ne puiflfent être vendus.'^ 
Le roi lui abandonna les chrétiens & commanda de lui 
donner un rcfcrit, & il fe rerira. 

Les chrétiens l'emportèrent dans leurs bras en louant 
Dieu,& donnèrent un grand & abondant repas aux pè- 
lerins & aux pauvres. Depuis ce jour les Turcs com- 
mencèrent à vénérer le patriarche & à le craindre gran- 
dement. De retour dans fa cellule, le faint patriarche 
perdit toutes fes dents^ une à une, fans fouflfrance, à 
caufe du violent poifon. Les moines lui font tous les 
jours du pain blanc & tendre, & le nourriflfent ainfî. Il 
fut patriarche en Egypte^ pendant feize ans, après avoir 
pris cet affreux poifon. 

Le fultan turc Soliman vint de Conftantinople au Caire 
& prit [cette ville] en l'année fept mille vingt-deux, 
ainfî que le roi Gabriel, qui avait donné le poifon, & le 
fit pendre dans fes vêtements royaux aux portes de fer 
qui font au bout de la grande place. 

On nous dit que le faint patriarche occupe le fiège pa- 
triarcal depuis quatre-vingt-cinq ans. Il prit les ordres 
dans le Couvent du Sinaîj y paflfa douze ans, & officia 
pendant trois ans à Jérufalenij au Saint Sépulcre de Notre 
Seigneur. 



296 XVI. LE PÈLERINAGE 



I. DE L*ÉGLISE DE SAINT NICOLAS. 

Le faine parriarche nous raconta des chofes merveil- 
leufes de réglîfe de Saint t^colas qui efl au Caire. Ce 
même roi circaflien, Timpie Gabriel, donna ordre d*en- 
lever cette églife au patriarche & de la transformer en 
un bain. Le patriarche en fut très affligé & pria avec les 
chrétiens dans Féglife du faint thaumaturge Nicolas. 
Cette même nuit, faint Nicolas apparut au roi en fonge, 
&, le (aifiATant à la gorge avec force, il lui dit : c< Pour- 
ce quoi as-tu ordonné de faire un bain de ma maifon?Si 
a tu n^ordonnes pas de rendre ma maifon aux chrétiens, je 
c( viendrai la nuit prochaine, & tu périras, o Le roi envoya 
auflitôt dire à fes gens de ne pas démolir Téglife, & la ren- 
dit au patriarche, qui y officie jufqu'à ce jour. 

Le lendemain le patriarche nous donna ordre de nous 
rendre avec lui au vieux Caire^ qui eft à trois verftes de 
diftance. Nous y vînmes donc avec le patriarche; & il y 
a au vieux Caire une grande églife du faint martyr 
George, dans un couvent de nonnes. Sur la muraille de 
réglife, à gauche^ derrière une grille de cuivre, cfl 
peinte une image du martyr George : beaucoup de 
miracles & de guérifons ont lieu grâce à cette image. 
Elle guérit non feulement les chrétiens, mais les 
Turcs, les Arabes, les Latins, tous fans exception. 
Une autre églife eft [ confacrée ] à la très fainte 
Vierge. Il y avait jadis au vieux Caire les églifes chré- 
tiennes: des faints martyrs Serge & Bacchus, de TAf- 
fomption de la très fainte Vierge, & de Barbe, la fainte 
martyre dans le Chrifl; elles appartiennent à préfent aux 
hérédques Coptes. Les Coptes ont des images & un autel 
dans leurs églifes, mais ils n'ont pas de baptême & fe 
circoncifent félon l'ancienne loi. Le vieux Caire eft défert 



DE BASILE POSHIAKOV (l f f Ô-IfÔl). I97 

adluellemenc ; il n'eft habité que par quelques vieux 
Egyptiens & Bohémiens ; ni les Turcs ni les chrétiens n*y 
demeurent. La forterefle était en pierre, mais elle s'eîl 
écroulée, & la porte par laquelle la fainte Vierge a fait 
Ton entrée, [venant] de JérufaUm avec le Chrift & Jofeph, 
cft Ibulc redée intaéle. 

Nous pad^ncs quatre jours au vieux Caire avec le 
patriarche, & de là nous nous dirigeâmes vers le cou- 
vent de Saint oârsène ; on compte fept verftes du Caire 
au couvent de Saim oérsène^ qui éleva les enfants impé- 
riaux, Honorius & Arcadius. Le couvent eft fitué fur une 
haute montagne pierreufe, dans laquelle font creufées 
les grottes où vivaient les ermites. Le couvent était fort 
beau, & les cellules, fpacieufes & très hautes, étaient en 
pierre; actuellement il e(l défère à caufe des Arabes. 

' Le patriarche célébra la divine liturgie avec tout le 
clergé dans 1 eglife de Nicolas-le-Thaumaturge, & revê- 
tit les ornements facerdotaux félon qu'il eft coutume 
chez nous ; on lui paflfa une féconde étole par deflfus le 
faccos. Lors de l'élévation, le patriarche fe tenait debout 
près de la grande porte de Tautel &, s'avançant à une 
iagène hors de lautel, il fe profterna devant le corps du 
Chrift &, l'ayant reçu avec grande onélion, il le porta 
dans TauteL Après la prière de lambon, il donna ordre 
de réciter le tropaire, de chanter un Te-Deum & de prier 
Dieu pour le tzar; après le Te-Deum il dit: ce Je te bénis 
«Seigneur 1 » & lapolyfe ; après quoi il défendit à tous de 
quitter Téglife, & donna de fes propres mains le pain 
béni à ceux qui s'approchaient pour le recevoir. Puis, fans 
ôter fes vêtements facerdotaux, il s'affit à droite, près de 
la grande porte de lautel, la figure tournée vers lafllf- 
tance & lui communiqua qu'il fe rendrait au tMont Sinaï 

a. De retour au Caire le C 

38 



298 XVI. LE PÈLERINAGE 

pour prier Dieu pour le tzar. L*afli(lance le falua jufqu^à 
terre en le fupplianc : « Seigneur ! ne nous quirce pas, re- 
a viens à nous du Sfont Sinai, ne refte pas là. ^ Il leur 
donna fa parole de ne pas les abandonner & ils fe re- 

rirèrent. 

Le patriarche pafîa encore une femaine au Cairfj & 
le famedi après "* la fête de faint Dimitri, nous partîmes 
enfemble pour le S^om Sinai. Nous louâmes des cha- 
meaux jufque-là & les payâmes une pièce d*or par per- 
fonne. Chaque chameau portait deux hommes & chacun 
prit avec foi fa nourriture & de Teau dans des outres de 
cuir, ce qui conftituait un poids de plus de dix poudes : 
il y avait un kantar de pain fec par tête^ & un kantar 
équivaut à trois de nos poudes. On compte douze jours 
de marche jufqu^au cMont Sinaîj &, depuis le Caire 
jufque-là, nous cheminâmes à travers le défert. Ce n'ed 
pas comme dans nos déferts : il n y a là ni forêts, ni herbe, 
ni gens, ni eau. Nous marchâmes pendant trois jours 
fans rien voir, excepté du fable & des pierres. Le qua- 
trième jour, nous aperçûmes la cMer V^uge^ que Moïfe fit 
traverfer à fix cent foixante mille Ifraélites, tandis qu'il y 
noya Pharaon avec tous fes guerriers. A la furface on 
diftingue douze routes qui paflfent au milieu de la mer. 
En regardant de loin on voit fur le fond bleu de Teau 
des raies blanches, tandis qu*en approchant de la mer on 
voit qu'elle eft uniformément bleue comme les autres 
mers. Les Arabes nourriflfaient les chameaux de fèves 
sèches & ne leur donnèrent pas d*eau pendant trois jours. 

IL DU PASSAGE DES ISRAÉLITES. 

Merveilleux eft le récit du paflfage des Ifraélites à tra- 
vers la éMer 7{ouge. Quand lange de Dieu commanda à 

a. jour de C 



DE BASILE POSNI AKOV ( I f y8- 1 f6 1 ). 299 



MoiTe de fîiire forcir les Ifraélices de VEgypre^ il les fie paf- 
fer de laurre côté du t\ilj Pharaon les pourfuivanc. Le 
jour une nuée cachait les enfants d'Ifraël^ &, la nuit, une 
colonne de feu les éclairait en les précédant. Ils mar- 
chaient jour & nuit fans fe repofer, ainfi que la écrit le 
prophète David : c> Il n y avait pas de maladie dans leurs 
ce tribus « (Pf CIV, 57). Les enfants dMfraël atteignirent 
donc la ^er 7{puge & murmurèrent contre Moïfe en 
difant : a Pourquoi nous avez-vous fait fortir de ï Egypte 
ce dans le défert ? N*y avait-il pas aflez de fépulcres en 
^'Egypte, n'aurions-nous pas fervi les Egyptiens ? Maintc- 
€' nant 011 nous cacherons-nous des mains puidàntes de 
c Pharaon? Pourquoi nous as-tu conduits à la mer?i> 
Moïfé répondit: cf Taifez-vous & ne murmurez pas; le 
c Dieu qui vous a fait fortir de ÏEgypte vous fauvera. » 
Au bord de la mer fe trouve une haute montagne^ & 
Moïfe la gravit pour prier ; le Seigneur lui montra là un 
arbre dont II lui ordonna de fe couper une baguette avec 
laquelle il frapperait la mer en largeur. Et Teau fe par- 
tagera en deux, & les enfants d*lfraël traverferont la mer, 
& le Dieu d'Ifraël fera glorifié dans Pharaon & fes guer- 
riers. 

Defcendu de la montagne, Moïfe leur ordonna de fe 
partager en douze tribus difraël. Arrivé à la mer, il la 
frappa en largeur avec fa baguette en difant : c Au nom 
c du Seigneur Dieu Jéhovah, que la mer fe fende & que 
ce les enfants difraël paflfent à fec ! a Et la mer fe fendit, 
& Moïfe rayant frappée douze fois, douze chemins pa- 
rurent, & chaque tribu des enfants dMfraël en prit un ; 
Pharaon, marchant derrière eux, les pourfuivit au milieu 
de la mer. Les enfants dMfraël touchèrent de nouveau la 
terre ferme, Pharaon étant encore au milieu de la mer. 
Alors Moïfe étendit la main &, frappant la mer en lon- 
gueur, dit : cv Au nom du Seigneur Dieu Jéhovah, que les 



500 XVI. LE PÈLERINAGE 

ce eaux retournent où elles étaient ! o Et les eaux fe rejoi- 
gnirent. MoiTe figura d'avance fur la mer le Hgne de la 
croix de Notre Seigneur^ & Pharaon fut noyé avec tous 
fes guerriers. Les gens de Pharaon furent changés en 
poiifons ; ces poiflfons ont des têtes humaines, mais pas 
de corps^ rien que des têtes; les dents & le nez font 
comme ceux des hommes; mais des nageoires remplacent 
les oreilles, &, à la place de la nuque, fe trouve la queue; 
perfonne ne les mange. Les chevaux furent aufli changés 
en poiflfons; ces poiflfons font couverts de crins & leur 
peau a un doigt d'épaiflfeur; on les pêche, on prend 
cette peau & on jette la chair. Les Arabes font des fe- 
melles pour leurs fandales avec cette peau couverte de 
crins ; elle ne fupporte pas Thumidité, mais elle peut fer- 
vir près d'un an quand il fait fec. 

A cinq verftes environ du lieu où les enfants d'ifraël 
touchèrent la terre ferme, nous trouvâmes douze fources; 
c'eft là qu'ils murmurèrent contre Moïfe en difant : « Que 
cr boirons-nous ? » car il n'y avait pas d'eau. Moïfe leur 
ordonna de fe partager en tribus; & ils occupèrent un 
efpace de deux cents " verftes. Moïfe fe rendit dans leurs 
camps, &, frappant de fa baguette, fit fortir de l'eau & 
leur en donna douze fources. Merveilleufe eft l'hiftoire 
de ces fources. Sur une haute montagne fablonneufe, où 
l'on enfonce dans le fable jufqu'à mi-jambe, jaillit une 
fource, qui difparait de nouveau dans le fol, après avoir 
coulé pendant deux fagènes environ. Ainfi jailliflfent aufli 
les autres fources de Moïfe, s'enfbnçant dans le fol après 
avoir coulé pendant une fagène. Nous primes de cette eau 
pour nous. 

Ayant marché trois jours, nous gravîmes une haute 
montagne où les enfants d'Ifraël, manquant de nouveau 

a. deux C 



" DE BASILE POSNIAKOV ( I f f 8- 1 f 6 1 ). J O ï 

d'eau, avaient murmuré contre Moiïe. Ce dernier frappa 
la montagne de fa baguette & une rivière en découla. Le 
prophète dit à propos de cette rivière : n Des fleuves fe 
ff répandirent dans un lieu fec & aride. » (Ps. CIV, 41.) 
Elle difparait bientôt dans le fol comme les fources. Trois 
jours de marche plus loin^ nous trouvâmes fur notre 
chemin la grande pierre dont MoïTe fit jaillir douze 
fources d*eau pour les enfants d*Ifraël ; on y voit jufqu'à 
préfent Tendroit d*oîi jaillit Teau. 

Nous atteignîmes enfin le très faint couvent du ^om 
Sinai. L'archevêque & Thégoumène du Sinai^ les prêtres 
& tous les moines vinrent avec les croix au devant du 
patriarche, à une demi-verfle du couvent, & lui préfen- 
tèrent une croix en argent fur un plateau. Il la prit des 
mains de Thégoumène, s'en ligna lui-même & bénit Thé- 
goumène & les moines. S'approchant de nous, l'hégou- 
mène nous fouhaita la bienvenue & nous embraflfa en 
fanglotant & en difant : c Nous remercions Dieu de nous 
€f avoir accordé la grâce de contempler les ambaflfadeurs 
R du tzar orthodoxe ! »y Puis les moines fe mirent à nous 
embrafler, à nous baifer avec amour, en pleurant de joie. 
Nous pécheurs, nous ne pûmes non plus retenir nos 
larmes, en voyant ces vieux moines femblables aux anges. 
Et nous pénétrâmes dans le couvent. Le vieil hégoumène 
du ^ont Sinai vint dans Téglife, & le patriarche le baifa, 
& ils fe tinrent longtemps embrafles en pleurant. 

Nous entrâmes dans Téglife comme dans le paradis. 
Confacrée à la Transfiguration de Notre Seigneur Jéfus- 
Chrill, elle eft très belle, pavée de marbre blanc & bleu 
avec des pierres fculptées & coloriées de diflférentes cou* 
leurs ; ce pavé à deflins eft comme du damas. Nous fa- 
luâmes les faintes images, & nous dirigeâmes vers le côté 
droit de Tautel. La muraille de Tautel eft largement or- 
née jufqu à hauteur de poitrine d'homme. 



502 XVI. lE PÈLERINAGE 

Adoflfées à cette muraille font les reliques de la fainte 
martyre Catherine. Le farcophage eft en marbre blanc 
avec des ornements fort bien Iculptés ; la longueur en 
ell d*une demi-fagène. Ayant prié la fainte martyre Ca- 
therine, nous étendîmes fur fes reliques la couverture en 
brocart d'or, brodée de foies de différentes couleurs, en- 
voyée par le tzar, Ibuverain & grand-duc Ivan Vaflîlie- 
vitch de toute la %j^^. 

Dans cette même églile, derrière Tautel, une chapelle 
recouvre [la place du] "Buiffon ardent où Moïïe vit Notre- 
Dame avec TEnfant qui fe tenaient au milieu du feu fans 
brûler. On pénètre de la cour dans la chapelle du ^uif- 
Jon ardent ; les douze fêtes de Notre Seigneur font fculp- 
tées fur les battants de la porte, & les dents du poifTon 
y font incruftées. On n entre dans cette églife qu après 
s'être foigneufement lavé, & avoir lavé fes vêtements, 
ou bien avec de nouveaux habits ; à Tentrée, on donne 
ordre d'ôter bottes ou fandales, &, après avoir lavé les 
pieds, on entre pieds nus, ou bien avec des bas de laine; 
il eft feulement défendu de porter du cuir. Et nous pé- 
cheurs, nous entrâmes aufll pour prier, & vîmes ce Ûeu 
couvert d'une pierre de marbre quadrangulaire, d'une 
demi-fagène de largeur; c'eft fur cette pierre que fe 
trouve l'autel & qu'on célèbre l'ofRce divin ; deux pierres 
plus petites, que la flamme du buiflfon ardent avait ef- 
fleurées, y font incrudées. Le patriarche les baifa d'aufli 
loin qu'il put les atteindre ; il le proflerna par terre & 
baifa ^ & nous, pécheurs, nous l'imitâmes. Au-deiïus [de 
la place] du TBaiffon brûlent trois lampes inexdnguibles. 

En fortant de cette chapelle, on voit, (împlement in- 
cruftées dans la muraille, les reliques des faints Pères mar- 
tyrifés au Sinai & à 7{aïihou. Il y a dans la grande églife 

n. Diaprés C; et nous trois, manque dans le texte »<> 214. 



DE BASILE POSKIAKOV ( I f f 8- 1 f 6 1). 303 

douze colonnes fculpcées dans le roc de la montagne 6c 
cinquante candélabres. Le couvent du Sinai pofsède en 
tout vingt«cinq églifes & chapelles ; Tofllice divin e(l cé- 
lébré dans chacune d*elles. Le couvent eft (itué entre 
deux montagnes; il compte trois cents cellules, toutes 
en pierre ainfi que Tenceinte ; deux canons font placés 
au-dcITus de la porte d'entrée; quatre-vingt-dix moines 
Thabitent; ils font peu nombreux à caufe des grandes 
violences exercées par les impies Arabes. Les Arabes, au 
nombre de quatre cents familles, furent donnés au cou- 
vent par le pieux empereur JulUnien ; à préfent ils font 
fort nombreux & vivent dans le défert voifin du 
couvent; deux cents hommes viennent tous les jours 
percevoir le tribut du couvent : de la farine de froment^ 
du fel, de Thuile & des oignons; fi les moines ne leur 
donnent pas de nourriture^ ils les lapident hors de Ten- 
ccinte du couvent. Nous vîmes les grandes violences des 
Arabes envers les moines ; comment ces derniers peu- 
vent-ils les fupporter ? Nous vîmes aufli dans ce couvent 
des moines qui font de glorieux ferviteurs de Dieu. 

Au milieu du couvent fe trouve le Tuits de SHîoise^ 
où il faifait boire fes brebis. Au-deflfus de ce puits 
croît Péglantier planté par Moïfe & qui eft vert jufqu'à 
ce jour ; le puits eft très profond & fournit de l'eau à 
tout le couvent. En face du puits, à gauche, s'élève 
l'églife de Vafile de Céfaréej que les Turcs ont tranffor- 
mée en mofquée. 

Après avoir pafle quatre jours dans ce couvent, nous 
fîmes^ avec le patriarche, Tafcenfion du faint fommet du 
é^ont Sinai. Ûhégoumène, la confrérie & les faints 
moines avaient célébré de bonne heure la divine litur- 
gie ; mais nous n'atteignîmes le faint fonmiet que vers 
le foir, le chemin étant très pénible, efcarpé & pierreux. 
Nous vîmes fur la route l'eau que le moine du Sinai fit 



304 3tVI. LE PÈLERINAGE 

jaillir par Tes prières de la monragne pierreufe ; aéluel- 
lemenr cette eau arrofe la vigne du couvent oh elle eft 
amenée par des conduits de pierre. Plus loin^ s'élèvent 
trois églifes : Tune confacrée au laint prophète Elie^ fur 
le lieu où il jeûna pendant quarante jours, & où le cor- 
beau lui apporta de la nourriture ; les corbeaux qu*on y 
trouve à préfënt ne font pas très grands ; les deux autres 
[églifes] font consacrées au prophète Elitée & à la fainte 
martyre Marine. Un peu plus loin^ au-deffbus du faint 
Ibmmet^ gît une énorme pierre avec laquelle un ange 
barra le chemin du faint fommet au prophète Elie ; Taf- 
cenfion devient très fatiguante depuis cette pierre, la 
pente étant très raide ; un efcalier y efl creufé dans le 
roc, & le patriarche ne pouvant monter^ un moine du 
Sinai^ Malachie, le porta fur fes épaules. 

Sur le faint Ibmmet, fe trouve Téglife de la Transfigura- 
tion de Notre Seigneur & une grande pierre y git près de 
l'autel. Quand Dieu apparut à Moïfe fur ce faint fommet, il 
fe tenait près de cette pierre, & la pierre lui fit place & 
recouvrit l'a tête ; c'eft de deffous cette pierre que Moïfe 
parla avec Dieu & reçut de Lui les tables de la Loi 
écrites de fon doigt; c*e(l là qu'il Le vit par derrière; & 
fa figure s'éclaircit comme le foleil. Nous faluâmes les 
faints de Péglife, & baifâmes l'endroit où fe tenait Moïl'e. 
Nous vîmes aufli là la prifon de pierre, où Moïfe jeûna 
& pria pendant quarante jours. Sur le faint fommet fe 
trouve également une mofquée arabe. Nous y paflâmes 
un jour & une nuit. Cette montagne eft très élevée & 
les nuages céleftes flottent dans les airs au-deflfous d'elle 
en la frôlant ; le vent y foufHe avec violence & le froid 
y eft très grand. 

En defcendant la montagne, nous pallâmes une nuit 
dans le couvent, qui efl fur la route & où jeûna faint 
Elie. Le patriarche, l'hégoumcne & les prêtres avaient 



DE BASILE POSNIAKOV (l f f 8-1 561). ^Of 

célébré la divine liturgie Air le faine fommec. Ecanc de- 
meurés crois jours au couvent du Sinai^ nous gravîmes le 
SHont de la f aime martyre Catherine, A peu de diftance 
du couvent, gifent féparément les deux pierres, fur les- 
quelles Moïfe dreflfa le ferpent d*airain enroulé autour 
d'un pilier ; là était aufli le campement des IfraéUces. 
Un peu plus loin nous vîmes entre deux pierres le four 
où les Ifraélites moulèrent la tête du veau. Nous attei- 
gnimes un jardin où s*élèvent deux églifes, lune confa- 
crée aux Quarante Martyrs, & l'autre au faint père 
Antoine-le-Grand. Le jardin eft très beau & vafte & con- 
tient beaucoup de raifins, de poires & de pommes ; nous 
n'avons vu dans aucun pays des poires aufli grandes 
& favoureufes. Ce jardin e(l fitué entre le é^om Sinai 
& le Stfom de la faime martyre Catherine. Nous y pas- 
fômes la nuit. 

Le lendemain de bonne heure, quatre ' heures avant 
laube, nous entreprimes avec des lanternes Tafcenfîon 
du ^ont de la fainte martyre Catherine. La montée eft 
exceflivement fadguante, toutes les montagnes de là- 
bas étant en pierre ; & nous n'atteignîmes le fommet 
que vers midi. On compte cinq verftes du éifont Sinai 
au S'ifont Catherine. Nous vîmes fur le fommet le lieu où 
les reliques de la fainte martyre Catherine ont repofé 
pendant trois cents ans & l'endroit où deux anges gar- 
daient fon corps. Nous vénérâmes ce faint endroit & le 
baifâmes. Puis nous defcendîmes & entrâmes en paflanc 
dans un autre jardin du couvent, dans lequel fe trouvent 
l'églife des faints apôtres Pierre & Paul & des cellules 
habitées par des moines. Nous revînmes au Couvent du 
Sinai jufle pour la fête de la fainte martyre Catherine. 

Après les vêpres, le patriarche defcella la châflfe 

a. trois C. 

39 



3o6 XVI. LE PÈLERINAGE 

contenant les faintes reliques & les baifa, & non feule- 
ment lui, mais nous, pécheurs indignes, nous baifames 
au(fî la tête couronnée par les anges de la fainte mar- 
tyre Catherine. Ces faintes reliques Ibnt dépofées nues 
dans la châiïe & recouvertes d*ouate & d'une grille en 
fer; ces faintes reliques & Touate dont elles font re- 
couvertes répandent une excellente & pénétrante odeur; 
le patriarche donna de cette ouate aux chrédens en 
guife de reliques ; car, la lainte ayant défendu de par- 
tager fes reliques, le patriarche n*en donne à perfonne. 
Nous célébrâmes ainfi la fainte fête. 

Le lendemain nous nous rendîmes là où Jean Cli- 
maque jeûna pendant quarante ans ; en chemin nous 
vîmes la prifon du o^ont Sinaî que vifita Jean Climaque 
& où il vit des gens qui n'avaient pas péché & qui fe 
repentaient avec des pleurs plus que ceux qui avaient 
péché. De la prifon nous arrivâmes à Tendroit où vécut 
Jean Climaque & vîmes fa petite & fombre demeure 
fouterraine ; on compte quatre verftes du couvent à la 
demeure de Jean Climaque. C*e(l de là que faint Jean 
vit fur le faint fommet une échelle touchant le ciel & 
des moines qui y montaient & que le Chrift lui-même 
recevait en les prenant par la main. Nous paflfâmes en 
tout vingt jours au Couvent du Sinai. Nous vîmes là des 
oifeaux bigarrés de la grandeur de nos poules, & ce 
font les oifeaux que Dieu envoya du ciel aux Ifraélites 
quand ils demeurèrent quarante ans dans le défert du 
Sinai^ ce dont a écrit aufli le roi David : c Des oifeaux 
ce comme le fable de la mer tombèrent dans le milieu de 
ff leur camp, autour de leurs tentes & ils en mangèrent & 
ce en furent pleinement raflafiés. i> (Ps. LXXVil, 27-29.) 
Il n*y a pas de chair plus favoureufe que celle de ces oi- 
feaux. Nous retournâmes prier dans Téglife du Couvent 
du Sinai, & le patriarche nous montra toutes les reliques 



DE BASILE POSNIAKOV ( I f f 8- 1 f 6 1 ). ^0^ 

du couvent : premièrement Tarbre vivifiant [de la Croix] 
qui tïcd pas tout à fait noir, mais comme gri(âtre & 
dont il n*y a qu un minufcule morceau de la grandeur 
d'un petit pédoncule ; puis il nous montra trois os des 
bras des faints Anargyres Côme & Damien, & des re- 
liques du faint apôtre Luc : Ton aiflTelle, & une partie de 
la pierre qui fut roulée devant le Saint Sépulcre & 
qu*un ange de Notre Seigneur a apportée [au couvent] ; 
puis des particules infîmes d'autres reliques dont Tin- 
fcription s'efl eflâcée, & Ton ne fait à quel faint elles ap- 
partiennent. Nous baifâmes aufli une féconde fois les 
reliques de la fainte martyre Catherine. Le Couvent du 
Sinai étant fitué entre deux montagnes pierreufes, on 
ne le voit d*aucun côté, pas même à une demi-verfte de 
diflance. 

Avec l'aide de Dieu nous montâmes de nouveau fur 
nos chameaux & nous nous dirigeâmes avec le pa- 
triarche vers Hairhouj ce qui nous prit trois jours, le 
chemin étant très pénible à travers les montagnes pier- 
reufes ; on ne peut le faire autrement qu*à dos de cha- 
meau. Les fources font nombreufes fur cette route. Nous 
atteignîmes 7{aithou le jour de la fête du faint prophète 
Nahum. Il n y a pas de Grecs à T{aithou ; ce font des 
Syriens de religion chrétienne & orthodoxe qui l'ha- 
bitent. Il y a là un golfe pour les bateaux indiens ; la 
diftance par mer de T^gîthou aux Indes eft de trois mois. 
Haithou eft une petite ville en pierre, habitée rien que 
par des chrétiens ; en fait de Turcs, il n'y a qu'un feul 
fantfchak & dix janiflfaires. 

Les bateaux de 7{airhou au bord de la ^er V^uge^ ne 
font pas affemblés au moyen de doux en fer, mais de 
cordes de dattier, & recouverts d'une couche de fouflre 
brûlant & non de goudron ; on évite les doux en fer 
fur ces bateaux parce qu'il y a beaucoup d'aimant dans 



^OÔ XVI. LE PÈLERINAGE 

la mer, des montagnes d*aimanc qui atcirenc le fer des 
bateaux. Nous vîmes deux buffles noirs de VInde que 
des marchands avaient ramenés de là-bas fur les ba- 
teaux de la é^er V^uge; un homme peut s'aflfeoir entre 
leurs cornes, qui ont cinq pieds de longueur & trois 
d^épaiflfeur. Il y a à T^gîthou une églife de rAflbmption 
de la fainte Vierge, (ituée dans Tenceinte du couvent 
dépendant du faint éMont Sinaî; dans cette églife repofent 
les admirables reliques de fainte Marine. Après les avoir 
vénérées, nous nous rendîmes au lieu où Moïfe planta 
foixante-dix dattiers; c'eft là que Dieu fit furgir pour 
lui douze fources de la montagne pierreufe; nous vîmes 
les foixante-dix dattiers & les douze fources qui coulent 
fans s*arrêter julqu^à ce jour ; Teau en eft chaude, tan- 
dis que celle de la Iburce appelée éMerra eft très froide 
& amère. Des racines des dattiers plantés par Moïfe na- 
quit un grand jardin qui appartient au ikint ^ont Sinai. 
On compte deux verftes de V^îthou aux dattiers & aux 
fources de Moïfe, & trois au Couvent de Saint Jean de 
7{aithou, ruiné de fond en comble par les maudits Turcs. 

De ^ffïthou nous nous dirigeâmes vers le Caire & 
mîmes dix jours pour y arriver. D*impies Arabes, des 
brigands du défert, avaient eu l'intention de nous aflfail- 
lir dans notre campement, pendant la nuit ; mais Dieu 
ne permit pas qu'on infultât le faint patriarche, & la 
peur s'empara d eux, de forte qu'ils paflerent toute la 
nuit dans notre voifinage fans ofer nous attaquer. Nous 
nous éloignâmes donc d'eux le lendemain fans aucun 
mal. 



DE BASILE POSNIAKOV ( I f f 8- 1 f 6 1 ). 309 



III. DE LA SAINTE VILLE DE JÉRUSALEM, 

où vécut ff^otre Seigneur JéJus^Chrifty ainfi que f es faims 
difciples & apôtres & fa SMère^ notre très vinirie Dame 
la fainte Vierge^ & du nombre des faims lieux dans la 
ville de f/rufalem, fanSifiée par la prifence de Dieu, 
& aux alentours, ainfi que nous-mêmes^ pécheurs, nous 
les vîmes avec certitude & vous en écrivons^ à vous qui 
croyei en V^tre Seigneur Jéfus-Chrift. 

La faince ville de Jérufalem^ fanélifiée par la pré- 
fence de Dieu, efl ficuée à l'orient, fur le éAtont Sion\ elle 
a crois verftes de circonférence & eft triangulaire' & en 
pierre. A Tintérieur de la ville ^ s*élève la grande églife 
de la Réiurreélion du Chrifl où fe trouve le Saint Sé- 
pulcre. L'églife eft en pierre ^ & a cent vingt fagènes de 
longueur fur cinquante de largeur ; le Saint Sépulcre eft 
en marbre blanc, de neuf pieds de longueur fur cinq 
de largeur ; il s'élève au milieu de la grande églife qui 
n'a pas de voûte, vu qu'elle a été ruinée par les mau- 
dits Turcs. Le Saint Sépulcre lui-même eft recouvert 
d'une petite églife en pierre, partagée en deux & revê- 
tue, à l'intérieur comme à l'extérieur, de dalles en 
marbre ornées de deflins ; le fépulcre eft par terre à 
droite, adofté à la muraille & recouvert d'une dalle en 
marbre. Ceft l'impératrice Hélène qui bâtit cette fépul- 
pulture fous laquelle fe trouve le tombeau où Jofeph 



a. quadrangulaîrei i*un des Jts pleurs^ & roccidental ainfi 

angles eA tourné vers l^orient, que le reptentrional font fitués 

Pautre vers le fud, le troifième fur la montagne Â. — b. dans 

vers Toccident & le quatrième le quartier feptentrional if.— c. & 

vers le nord. Les angles méridio- omfe de mofaique A, 
nal & oriental regardent la Vallii 



3 !0 XVI. LE PÈLERINAGE 

& Nicodème déposèrent Notre Seigneur Jéfus-Chrift & 
d'oh II reflufcita & nous donna la vie étemelle. Per- 
Tonne ne peut pénétrer jufqu'à ce tombeau dont ren- 
trée fouterraine eft fermée par des pierres. Dans la cha- 
pelle devant Tentrée du Saint Sépulcre^ gît la pierre que 
Tange du Seigneur roula de devant la porte du tombeau, 
& quatre lampes brûlent au-deflfus ; on caflfe cette pierre 
pour en faire des reliques & il n*en eft pas refté grande 
chofe. Quarante-trois lampes brûlent jour & nuit au- 
deflfus du Saint Sépulcre même ; c eft le tréforier du 
Saint Sépulcre, appelé Galel, qui verfe Thuile dans ces 
lampes ; les chrétiens orthodoxes lui donnent [de Tar- 
gent] pour l'huile & on en envoie des autres contrées. 
Six lampes font pofées autour de la petite églife du 
Saint Sépulcre; puis une eft fufpendue au-deflfus de la 
porte de Téglile & une autre encore plus haut. 

Devant la petite églife du Saint Sépulcre fe trouve un 
autel bulgare, au-deflfus duquel eft fufpendue une lampe 
qui brûle jour & nuit ; cet autel dépaflfé, on pénètre dans 
réglife grecque qui a dix fagènes de longueur fur cinq 
de largeur " & eft recouverte d'un toit. Ceft au milieu 
de cette églife que fe trouve VOmbilic de la terre, recou- 
vert d*une pierre. A gauche de cette églife, à trois 
marches au-deflfous du fol, eft fituée la prifon, où Notre 
Seigneur Jéfus-Chrift fût enfermé pour notre falut, par 
les Juife impies; quatre lampes Téclairent jour & nuit. 
Derrière Téglife grecque un profond efcalier de trente 
marches eft creufé dans le fol i & conduit à Téglife en 



a. & eft fituée à fix fagènes de où l'on trefla la couronne d^épi- 

diftance du Saint Sépulcre A, — nés pour Notre Seigneur. Cinq 

b. au nord de cet efcalier, à dix fagènes plus loin, fur le lieu 

fagènes du Calvaire, derrière l'é- où furent partagés les vêtements 

glife de la Réfurreétion du Chrift, de Notre Seigneur, eft placé aufllî 

fe trouve un autel [fur le lieu] un autel A, 



DE BASILE POSNIAKOV ( I f f 8- 1 f 6 1 ). ^ 1 1 

pierre de Tempereur Conftantin & de fa mère Hélène ; 
crois lampes y brûlent. Au fond de cette églife un autre 
efcalier en pierre efl creufé dans le foi ; c eft là que Tim- 
pératrice Hélène découvrit la croix du Chrift ainfi que 
celles des deux larrons. Six lampes chrédennes & une la- 
tine font fufpendues au-deflfus de cet endroit où fouffle 
un vent très fort. Derrière lautel de Téglife grecque eft 
fituée la chapelle contenant la Colonne en marbre blanc 
à laquelle Notre Seigneur Jéfus-Chrift fut attaché pour 
notre falut par les très impies Juifs «. Une parde de cette 
colonne fe trouve à Conftantinople chez le patriarche^ 
dans réglife de TAflomption de la fainte Vierge ; & une 
troifième parde eft à T^m^, dans Tégliie du premier 
& faint apôtre Pierre. 

A droite de Téglife grecque s^élève le faint êHont du 
Calvaire^ où les très impies Juifs crucifièrent Notre Sei- 
gneur Jéfus-Chrift. Un des foldats vint & lui perça le 
côté avec une lance ; il en fortit auffitôt du fang & de 
leau ; & le fang coula fur le roc du Calvaire; & la pierre 
fe fendit à caufe du fang de Notre Seigneur Jéfus-Chrift 
qui arrofa le crâne d^Adam enfoui fous ce éMont du CaU 
vaire, où les très impies Juifs crucifièrent Notre Seigneur 
Jéfus-Chrift; & ce lieu s'appelle Calvaire jufqu*à préfent. 
Trente lampes brûlent inceiTamment jour & nuit fur cette 
fainte montagne. Ce fiit là que, par ordre du pieux & 



a. A deux fagènes de cet endroit, 
fur le lieu où, félon le pfaume, 
(Pf. XXI, i8) les foldatt jetèrent 
la robe au (brt, fe trouve un au- 
tel; &, à cinquante fagènes de ce 
lieu, la très pure Mère de Dieu 
pleura le Chrift pendant fa Paflîon. 
On officie dans tous ces lieux, et 
des lampes â l'huile en verre y 
brûlent fans cefle. A cinq fagènes 



de diftance vers Poueft, on Lui 
enferma les pieds dans des cepS| 
et, à dix fagènes plus loin, fe te- 
naient en pleurant les difciples 
du Chrift pendant fa Paflfion. A 
trois fagènes de diftance vers le 
fud, eft placée dans cette cglife la 
Colonne en marbre blanc â la- 
quelle notre Seigneur Jéfus-Chrift 
fut attaché. A. 



3 1 2 XVI. LE PÈLERINAGE 

très chrécien fouverain^ tzar & grand-duc de toute la 
T^jiffie^ Ivan Vaflilievicch, nous furpendîmes de fa part 
une lampe inextinguible & recommandâmes à Thégou- 
mène ibère & au tréforier Galel ' de prendre foin de 
cette lampe & d*y verier de Fhuile. Le faint SMont du 
Calvaire eft au pouvoir des Ibères qui font des ortho- 
doxes de religion grecque; mais ils ont une langue à 
eux. Ils célèbrent le fervice divin fur le faint Calvaire ^ fur 
le lieu du Crucifiement de Notre Seigneur Jéfus-Chriil. 
Un efcalier en pierre de treize marches mène au faint 
Calvaire. Au pied de Tefcalier à gauche, fous le mont du 
faint Calvaire^ fe trouve une petite églife qui renferme le 
tombeau de Melchifédec. Ceft dans cette églife qu*on 
voit la fente produite depuis le fommet du faint Calvaire 
par le fang de Notre Seigneur. L'endroit du faint Calvaire 
où Ton planta la croix fur laquelle Notre Seigneur Jéfus- 
Chrift fut crucifié a une demi-fagène de profondeur & 
efl garni d'argent. La fente fur laquelle tomba le fang 
de Notre Seigneur a une demi-fagène de largeur ; mais 
perfonne ne peut en mefurer la profondeur ; cet endroit 
e(l aufll garni d'argent. En face de l'entrée de l'églife, à 
fix fagènes environ, fe trouve l'endroit où Jofeph dépofa 
Notre Seigneur Jéfus-Chriil après l'avoir defcendu de la 
Croix & enveloppé dans le fuaire. Ce lieu eft recouvert 
d'une dalle en marbre, & huit lampes, appartenant à 
différentes confeflions, y brûlent. C'eft de cette pierre que 
le corps du Sauveur fut dépofé dans le tombeau creufé 
dans le roc. 

La grande églife, ainfi que l'autel grec élevé par le 
pieux empereur Conftandn & par fa mère Hélène, eft 
enfermée entre quatre murailles & condent trois cents' 

a. Galeil C, — b. & leur autel eft confacré if ; C — c. quatre-vingts il. 



DE BASILE POSNIAKOV ( I f f 8- 1 f 6 1). ^ 1 ^ 

colonnes en marbre. La grande églife^ de même que 
Tancien aucel^ ell au pouvoir du patriarche appelé Ger- 
main & des chrédens. Les hérédques ne pénètrent pas là 
où le patriarche officie. Des deux côtés de la grande 
églife, des autels hérétiques font adoflfés à la muraille. 
Ces hérériques qui fe nomment chrédens, font : les La- 
tins^ les Abyffins, les Coptes, les Arméniens, les Ariens, 
les Neftoriens, les Jacobites, les Tétrodytes, les Maronites 
& autres héréfies maudites. Les autels hérédques font au 
nombre de huit. La grande églife a deux entrées^ Tune 
ell murée par les Turcs facrilèges ; & Tautre, celle qu'on 
ouvre, eft fcellée par eux. Huit colonnes en marbre, dont 
cinq blanches & trois en ardoife vert fombre, foudennent 
cette porte près de laquelle un fiège élevé, garni de mo- 
faïques & doré, eft adoflTé au mur de 1 eglife; c'eft là que 
rimpératrice Hélène jugeait les Juifs. 

Le matin du famedi faint, la veille de la Réfurreélion 
du Chrift & de la fainte Pâque, le patriarche Germain 
revint des madnes, & nous, pécheurs, nous nous ren- 
dîmes avec lui vers l'entrée de la fainte églife. Une foule 
de monde, venue de pays lointains pour faluer le Saint 
Sépulcre, fe tenait déjà là. Le patriarche s*a(Iit devant 
réglife ; les perceveurs d*impôts & les janifTaires y étaient 
auffi affis. Alors les Turcs s'approchèrent de la porte de 
la grande églife & la defcellèrent, & le patriarche entra 
avec les chrédens dans Téglife; les chrédens font : les 
Grecs, les Syriens, les Serbes, les Ibères, les Ru (Tes, les 
Albanais, les Valaques. Les Turcs perçoivent quatre pièces 
d'or de Hongrie de chaque chréden avant de le laiffer 
entrer; & nous, pécheurs, nous payâmes auffi quatre 
pièces d'or par perfonne. On ne laifTe pas pénétrer 
dans l'églife les chrédens qui n'ont rien à donner; des 
Latins, des Francs & des hérédques, on perçoit dix pièces 

40 



3 14 ^^I- LE PÈLERINAGE 

d'or par tête; une pièce d'or repréfente vingt demi- 
roubles; mais les moines ne paient aucun impôt. 

Ce même jour arrivent beaucoup de chrédens de dif^ 
férentes contrées; ces pauvres pèlerins n*ont rien à don- 
ner aux maudits Turcs; ils fe rendent à Fentrée de la 
fainte églife & regardent dans Tintérieur, grâce à une 
petite ouverture ménagée dans la porte^ & ils pleurent 
amèrement de ne pas pouvoir y pénétrer pour voir le 
Tombeau du Chrift, notre Dieu, & la delcente du Saint 
Elprit fur le Sépulcre de Notre Seigneur. 

Nous entrâmes donc avec le patriarche, & nous ap- 
prochâmes du Saint Sépulcre, & priâmes au pied de 
Tancien autel de la Réfurretflion du Chrift; puis nous al- 
lâmes prier fur la pierre que Tange roula de devant le 
Saint Sépulcre ; fur cette pierre font placées des images 
que nous adorâmes ; après quoi, indignes, nous baifâmes 
cette pierre. Pénétrant de nouveau dans Tintérieur de la 
chapelle du Saint Sépulcre, nous fumes remplis de joie 
& de crainte en apercevant Timage vivifiante de Notre 
Sauveur & commençâmes à nous étonner de la miféri- 
corde divine qui nous a accordé, malgré nos péchés, 
d'atteindre la fainte ville de Jérufalem^ ainfi que de voir 
& de baifer le tombeau de Notre miféricordieux Sei- 
gneur. Nous vîmes rendre Tâme à plufieurs de ceux qui 
étaient venus avec nous faluer le Saint Sépulcre, car le 
chemin par mer, ainfi que par terre, eft plein de dangers 
grâce aux Turcs & Arabes impies. 

Ce même jour du famedi faint, dès le matin, les 
maudits Turcs entrent dans la glorieufe églife & dans 
le Saint Sépulcre avec les fantchaks & janifTaires maudits 
& éteignent toutes les lampes qui brûlent dans Téglife, 
dans les chapelles & même au-deflfus du Saint Sépulcre, 
n'en laifTant pas une feule. Le patriarche & les chré- 
tiens ont la coutume d'éteindre le feu dans leurs mai- 



DE BASILE POSNIAKOV ( I f f 8- 1 f 6 1). ^ I f 

fons le jeudi faine, & de refter fans feu }ufqu*à ce 
que le feu célefte defcende fur le Saine Sépulcre; ils 
prennent alors de ce feu dans leurs maifons & le gardent 
toute Tannée ; mais, pendant cet intervalle^ ils ne font 
aucun travail^ excepté de prier Dieu, jufqu'au jour de 
la Réfurre<îlion du Chrift. Les Turcs facrilèges fcellent 
de leur fceau la pedte églil'e qui recouvre le Saint Sé^ 
pulcre & mettent des fentinelles à Tentrée ; ik ouvrent 
lancien autel au patriarche & aux chrétiens, & ces der- 
niers fe rendent dans leur Eglife de la ^^urreâion du 
Chrift pour prier Dieu avec des larmes dans Tattente du 
figne célefte. 

IV. DU FEU CÉLESTE. 

Deux heures avant la nuit le foleil pénètre dans la 
grande églife par la coupole découverte. Un rayon s*ar- 
rete fur la croix qui furmonte le Sépulcre du Seigneur, 
à Tintérieur de la fainte églife. A la vue de ce rayon, 
figne célefte, le patriarche commence à chanter les 
vêpres dans fon églife, avec les chrédens. Après la lec- 
ture des parémies, le patriarche, prenant Tévangile, les 
croix, les bannières & des cierges non allumés, fe dirige 
par la porte latérale de l'ancien autel vers le Saint Sé- 
pulcre. Il eft fuivi par les moines & les chrédens ; &, 
derrière eux, avec les Francs, s'avance labbé véninen 
Boniface, qui demeure fur le tMont Sion ; puis Thégou- 
mène arménien avec les Arméniens ; puis les Coptes, 
les Abyflins, les Maronites, les Ariens, les Neftoriens 
& autres maudits hérédques avec leurs prêtres. Arrivé 
au Saint Sépulcre, le patriarche en fait trois fois le tour, 
en priant Dieu avec des larmes. Les moines, les reli- 
gieufes & tous les chrédens pleurent aufli en criant vers 
Dieu : Cl Seigneur, accorde-nous la grâce de voir ta mi- 



5 1 6 XVI. LE PÈLERINAGE 

a féricorde & ne nous délaiflfe pas malheureux ! » Quant 
au patriarche, il marche autour du Saint Sépulcre en 
chantant le cantique : cr L*enfer aujourd'hui vocifère en 
ce pouflànt des gémiflTements. >> 

Nous tous qui regardions, nous ne pouvions retenir 
nos larmes. Le patriarche s'arrêta enfin devant l'entrée 
du tombeau & donna ordre aux Turcs d'ôter les fcellés. 
Il ouvrit lui-même la porte & tout le peuple vit la grâce 
de Dieu, defcendue des cieux fur le Saint Sépulcre fous 
l'image d'un feu multicolore, glifTant fur la dalle en 
marbre comme Téclair Air le firmament. De toutes les 
lampes fufpendues au-deflfus du Sépulcre, aucune n'é- 
tait allumée. A la vue de cette miféricorde divine, 
le peuple i'e réjouit d'une grande allégrefTe Se verfa 
des larmes de joie. L'hégoumène latin, Boniface, vou- 
lut pénétrer dans le Sépulcre avant notre patriarche; 
mais les moines du Sinai, les prêtres Jofeph & Ma- 
lachie & le moine Moïfe du couvent de Saint Sabbas, 
le rednrent & ne le laiflfèrent pas entrer. Le pa- 
triarche Germain pénétra donc feul dans le Sépulcre, 
les deux mains pleines de cierges; il s'approcha du 
tombeau du Seigneur en tenant les cierges, & le 
feu defcendit du Saint Sépulcre fur les mains du 
patriarche & fur les cierges, & ces derniers s'allumèrent 
dans fes mains en préfence de tout le peuple, ce que 
Dieu nous accorda de voir aufli, à nous pécheurs. Une 
lampe chrétienne s'alluma auffi fur le Saint Sépulcre'. 
Le patriarche en fortit les deux mains pleines de grands 
faifceaux de cierges allumés &, ayant dépaflfé le feuil du 
tombeau, monta à côté fur un lieu élevé préparé pour 
la circondance. Le peuple fit cercle autour de lui & les 
chrétiens reçurent le feu de fes mains; on alluma enfuite 

a. celle du milieu,* mais les autres lampes ne s'allumèrent pas. C, 



DE BASILE POSNIAICOV ( I f f 8- 1 f 6 1 ). ^ ! 7 

les cierges & les lampes devant les images dans toute la 
glorieufe églife. On emporte ce feu chez foi & on Vy 
garde toute Tannée. Le feu des cierges apportés par le 
patriarche du Saint Sépulcre ne brûle rien, les cierges , 
exceptés, tant qu'il les a dans fes mains ; mais, après que 
les fidèles les ont reçus de fcs mains, le feu devient entre 
leurs mains du feu ordinaire qui brûle tout. Quant aux 
Latins & à tous les hérétiques, leurs hégoumènes & leurs 
prêtres prennent du feu de la lampe chrétienne pofée fur 
le Saint Sépulcre & y allument leurs cierges & leurs 
lampes. Puis le patriarche parcourt avec les fidèles tous 
les faints lieux & toute Téglife, en priant Dieu avec des 
larmes, & fe rend en fuite à \y Eglife de] la K^furreSlion 
du Chrift. Le le(5leur y recommence à lire les parémies, 
après quoi on célèbre la fainte liturgie en entier. La di- 
vine liturgie terminée, le patriarche s*aflied dans Téglife 
avec les fidèles & prend un peu de pain & d eau rougie; 
& nous, pécheurs, nous primes aufli un peu de pain & 
d'eau rougie. Puis on célébra les complies & on lut les 
Afles des Apôtres. L'églife e(l fpacieufe & très belle & 
toute garnie de mofaïques fur fond d'or; mais le Saint 
Sépulcre n'efl recouvert que d'une dalle en marbre fans 
peintures. 

Pendant cette nuit, il eft merveilleux de voir les héré- 
tiques fe démener comme des poflédés dans l'églife. Les 
Arméniens font le tour de l'églife, & Tun d'eux précède 
leur évêque ou prêtre principal en agitant une clochette, 
tandis que leur diacre marche à reculons devant ce même 
évêque en l'encenfant. Les Ariens font de même que les 
Arméniens. Les Abyflins font le tour du Saint Sépulcre 
avec quatre grands tambourins ; ils les frappent en mar- 
chant autour du tombeau, fautant & danfant comme des 
jongleurs ; quelques-uns avancent à reculons en fautant. 
Nous fûmes furpris de la miféricorde divine qui fouffre 



^l8 XVI. L£ PÈLERINAGE 

tout cela, candis qu'un homme ne peut endurer la vue 
de ces diableries en un lieu pareil. Nous vîmes néan- 
moins ces damnés fe livrer à leur frénéfie aucour du 
Saine Sépulcre. 

Avant Taurore le patriarche revêtit de nouveau Tes 
brillants ornements épifcopaux & remplit toute Téglife 
du parfum de myrrhe & d'encens ; puis, prenant la 
croix, le patriarche s*écria à haute voix : c Le Chrift e(l 
« reflTulcité des morts ! » Les chanteurs répondirent par 
des chants & chantèrent les matines en entier, comme 
d'ordinaire ; dans toute la grande églife & dans les cha- 
pelles, on célébra premièrement les matines & puis la 
divine liturgie. Enfuite le patriarche quitta Téglife avec 
les fidèles en grande allégrefle ; & ils célébrèrent ce di- 
manche en réjouiflfant & égayant leur erprit, & non leur 
corps, & fans s'enivrer. Quant à Téglife, les maudits 
Turcs la ferment & y pofent les fceliés. Le patriarche y 
laifTe dans l'intérieur un prêtre, un diacre & un facri- 
ftain, afin que l'ancien autel ne foit pas abandonné fans 
office divin ; on leur apporte leur nourriture de chez le 
patriarche & on la leur remet à travers l'ouverture mé- 
nagée dans la grande porte de l'églife. Ces gens pafTent 
tout leur temps fans bouger de la cellule du patriarche 
qui eft adoflfée à la muraille de la grande églife. 

En fortant de l'églife, à droite, fe trouve un grand 
& haut clocher foutenu par quatre piliers en marbre; 
fous ce clocher font fituées trois égÛfes : YEglife de la 
7{éfurreélion du Chrift ; puis, à droite, V Eglife de Jacques^ 
frère du Seigneur &, à gauche, YEglife des faims Qtfarame 
iMartyrs de Sébafle. La maifon du patriarche eft adoflfée 
à ces églifes. C'était jadis le parvis de la grande églile 
& le patriarche y venait en fe rendant à l'office divin. 
A gauche du grand parvis fe trouve une chapelle élevée 
fur le lieu oîi l'ange du Seigneur commanda à Abraham 



DE BASILE POSNIAKOV (lff8-If6l). ^IÇ 



d*o(rrir un holocauftc à Dieu & de Lui facrifier fon fik 
llaac. Du même côté eft ficuée la prifon pour les con- 
damnés, dans laquelle le grand prophète Jean-le-Précur- 
feur fut enfermé par Timpie roi Hérode. 



V. DE L*ÊGLISE DU SAINT DES SAINTS. 



Non loin de la grande églile, à deux drs d arc envi- 
ron, vers Torienc, eft ficuée une magnifique & fpacieufe 
églife. Elle fe nomme en juif Hiéron^ ce qui fignifie en 
ruflfe Saint des Saints. Quand la fainte ville de Jérufalim 
fut fondée par ordre du roi juif Salem, on joignit le 
nom de Téglife à celui du roi & Ion appela cette ville * 
Hiérofalem, Quant à Salomon, il bâtit cette églife en 
quarante-cinq ans par ordre de Fange du Seigneur, avec 
laide des Juifs. Lorfque Notre Seigneur Jéfus-Chrift en- 
tra dans la fainte ville de Jérufalem ; devant le temple, 
il parla à la foule du temple de fon corps, en difant : 
ce Détruifez ce temple & je le rétablirai en trois jours, a 
(Jean II, 19.) Mais les Juifs ne comprirent pas ce 
que leur difait Notre Seigneur ; car il ne leur avait pas 
été accordé d*en haut de comprendre, & ils fe dirent : 
Cl Comment pourrait-il détruire ce temple & le rétablir 
a en trois jours, puifque ce temple a été bâti en qua- 
c rante-cinq ans ? o Ceft dans ce même temple que le 
prophète Zacharie a été tué entre Téglife & Tautel, & 
c*eft dans ce même temple que Siméon-le-Jufte prit le 
Chrift entre fes bras & dit : rr C*eft maintenant. Seigneur, 
ce que vous laiflferez mourir en paix votre ferviteur, félon 
cr votre parole, puifque mes yeux ont vu le Sauveur que 
cf vous nous donnez & que vous deftinez pour être expofé 
C'a la vue de tous les peuples comme la lumière qui 



320 XVI. LE PÈLERINAGE 

cr éclairera les nations & la gloire d'Ifraël^ votre peuple. » 
(Luc II, 29-32.) 

Près de cette églife, à Torient, vers la Montagne des 
Oliviers, fe trouve la grande porte en fer de Tancienne 
ville de Jérufalem ; elle eft fermée & perfonne n*y 
pafle & on ne l'ouvre pas jufqu'à ce jour. Ceft par 
cette porte que Notre Seigneur Jéfus-Chrift fît (on 
entrée^ monté fur le poulain d*une ânefle & venant de 
TBéthanie & de la SUomagne des Oliviers. Les enfants 
juifs coupèrent des branches d'arbre & étendirent 
leurs vêtements le long du chemin, de cette porte à 
réglife, en criant : cr Béni foit celui qui vient au nom 
crdu Seigneur; gloire au plus haut des cieux au roi 
a d'Ifraël ! ^ Le Chrift Notre Dieu atteignit donc cette 
églife monté fur le poulain d'une âneffe. Devant la porte 
de l'églife gifait un large quartier de rocher ; le Seigneur 
Notre Dieu étant monté fur cette pierre, elle reconnut 
fon Créateur & devint molle comme de la cire fous les 
pieds du poulain, qui s'imprimèrent dans le roc à un 
demi-doigt de profondeur & font vifibles jufqu'à ce 
jour. Ceft de ce même temple que Notre Sauveur & 
Dieu chaffa les gens qui vendaient des moutons, des 
colombes & des oifeaux, & renverfa les tables des 
changeurs, & jeta par terre leur argent, en difant : a Ne 
cr faites pas de la maifon de mon Père une maifon de 
et trafic (Jean II, 16)5 ma maifon fera appelée la 
cr maifon de la prière, & vous autres vous en avez fait 
ce une caverne de voleurs.«> (Matth. XXI, 13.) Ceft dans 
ce même temple que la fainte Vierge fût préfentée à 
l'âge de trois ans & fut gardée & élevée par les anges 
jufqu'à fa douzième année. 

Dehors, devant l'entrée de cette même églife, fe 
trouve une petite églife en pierre qui renferme la Sa- 
lance équitable faite par le fage roi Salomon : deux 



DE BASILE POSNIAKOV ( I f f 8- 1 f 6 1). 3 2 1 



grandes coupes d*un fer noir, qui ne fe rouille pas, Ibnc 
ful'pendues encre des rochers par des chaînes de fer"... 

Quant à Téglife du Saint des Saints conftruice par 

Salomon, elle a été ruinée de fond en comble par l'em- 
pereur Titus ; il n'y a que la balance équitable qui fe 
foit parfaitement confervée. Adluellement les maudits 
Turcs ont élevé une mofquée fur cet emplacement ; les 
chrétiens n'y pénètrent qu'en donnant quelque chofe 
aux janiflfaires qui les laiflTent entrer pour voir la 'Balance 
équitable. C'eft de cette églife que le prophète David 
dit : rr O Dieu, les nations font entrées dans votre héri- 
€ tage, elles ont fouillé votre temple. «> (Ps. LXXVIII, i.) 
A gauche de cette églife, au pied de la montagne, ell 
fituée la cUfaifon des faims parents Joachim & o4nne; 
une églife y eft bâtie en leur mémoire ; mais des Turcs 
habitent la maifon, & ces maudits perçoivent un tribut 
des chrétiens qui y viennent prier, fans quoi ils ne les 
Uifleraient pas entrer dans l'églife. C'eft dans cette mai- 
fon que fe trouve l'arbre de Dathine ^ fur lequel fainte 
Anne aperçut un nid 6c fous lequel elle priait ; cet arbre 
eft intadl jufqu'à ce jour. Près de cette maifon fe trouve 
celle de Bethfaïda qui a cinq galeries & une pifcine dont 
l'ange de Dieu remuait l'eau ; il n'y en a que bien peu 
à préfent & la pifcine a l'air d'une foflfe. Quant à la 
maifon de Bethlaïda & aux cinq galeries, tout cela eft 
ruiné de fond en comble & l'endroit eft au pouvoir des 
Turcs. Non loin de là, à côté de l'enceinte de la ville, 
fe trouve la foflfe du prophète Jérémie, où il fiit jeté au 
milieu des immondices. En graviffant une petite pente 
au fortir de la éMaifon des faints parents Joachim & 
cAnne, on arrive k la tSHaifon de Tilate, oii les impies 
Juifs jugèrent Notre Seigneur Jéfus-Chrift, le Juge du 

a. Phrafe incomprife. b. Daphan A, 

4« 



^22 XVI. LE PÈLERINAGE 

monde entier. Il y a jufqu à préfenc un tribunal dans 
cette mail'on : le fantfchak y juge les citoyens. A quelques 
pas de cette maifon, de l'autre côté de la rue. Te trouve, 
au bas de la pente, la zMaifon i^oArme & de Caîphe qui eft 
couverte de terre. Après que les impies Juifs eurent 
crucifié Notre Seigneur Jéfus-Chrift, ils commandèrent 
d*enfouir dans la montagne la Croix du Chrifl, ainfi 
que celles des larrons, fe doutant bien qu*on la cherche- 
rait & voulant, dans leur cruauté, en diflimuler la 
force divine; mais ils ny réuflirent pas, bien qu'ils 
euflent donné Tordre à toute la ville de jeter fur cette 
montagne des ordures & de la terre. Quand Timpéra- 
trice Hélène arriva, par la volonté de Dieu, de Conflan- 
tinople à Jérufalem pour chercher la fainte Croix & 
qu'elle eut appris ceci, elle ordonna de déblayer 
cette montagne & de jeter tous ces débris fur la éMaifon 
éPc4nne & de Caîphe ; c*e(l ainfi que cette dernière fe 
trouve couverte de terre & qu'elle l'eft jufqu à ce jour. 
A l'occident de la cité, près de la grande porte par 
laquelle on arrive de ÏEgypte & de Lydda^ fe trouve la 
oMaifon du prophète & roi Vavidy à côté de l'enceinte 
de la ville ; un foflfé, revêtu de pierre, eft creufé autour 
de cette maifon, comme autour d'une ville; ce foflfé eft 
furmonté d'un pont en pierre, dont l'accès eft fermé par 
une porte aufli grande que celle d'une ville ; des fenti- 
nelles & des canons défendent la porte ; & on n'y laifte 
pas pénétrer les chrétiens ; la maifon eft habitée par 
des janiftaires turcs ; elle a deux portées de flèche en 
largeur, mais elle ne pofsède pas de chambres, rien 
qu'une feule terrafle de laquelle le roi David vit Bethfa- 
bée qui ib baignait dans Ion verger ; ce verger le trouve 
à une portée de flèche de la maifon de David '. Il en 

a. qui eft intafle jufqu^à pré- fent; lu chambre h deux fenêtres & 



De BASILE POSNIAKOV ( I f f 8-1 ^6 1 ). ^2^ 

e(l die dans les fainces Ecritures: ce Dans la malTon de 
ce David règne une grande terreur: là font jugés tous les 
ce peuples de la terre. » (Is., XV, 6 [?].) Aftuellement il 
ne règne pas de terreur dans cette maiibn. Nous in- 
terrogeâmes le patriarche de Jérufalem^ Germain, fur 
cette maifbn & fur les faintes Ecritures & il nous répon- 
dit: cr Non loin de cette même maifon de David, à 
ce Toccident, au pied de lenceinte de la ville & longeant 
ce prefque cette maifon, fe trouve un torrent deflféché 
ce appelé la Vallée des pleurs^ dans lequel une rivière de 
ce feu coulera le jour du jugement dernier. » 

Au midi & au delà de Tenceinte de la ville aéluelle 
de Jérufalem, mais à l'intérieur de l'ancienne cité, fc 
trouve le glorieux S^onr Sion, &, fur fon fommet, la 
grande églife du faint Sion^ la mère des églifes, la de- 
meure de Dieu. Sur ce même mont s'élève le couvent 
du fouverain de Venife, habité par l'abbé Boniface & 
fes moines ; régUfe était jadis au pouvoir des Vénitiens 
& maintenant ce font ' les Turcs qui Font entre leurs 
mains. Sur ce même mont était lituée la maifon de 
Zébédée, père de Jean-le-Théologue ; c*e(l dans cette 
maifon qu'eut lieu la fainte Cène de Jéfus avec fes dif- 
ciples & qu'il leur lava les pieds fans dédaigner même 
le maudit Judas ; c'eft dans cette maifon que Jean-le- 
Théologue repofa fur le fein du Chrift. C eft fur ce 
même mont que la très pure Mère de Dieu vécut dans 
la maifon de Jean-le-Théologue, après le crucifiement 
du Seigneur, car Jéfus fur la Croix avait dit à fa Mère: 
ce Femme, voilà votre fils ! » Puis 11 dit au difciple : 
cr Voilà votre mère, a Et depuis cette heure-là, ce dif- 
ciple la prit chez lui. (Jean, XIX, 26, 27.) C'eft fur ce 
même mont que le Chrill vint à fes difciples après fa 

une troifîème près (le IVntréc. Dieu vîfitcrla maifon & la chambre. C 
nous accorda» à nous pécheurs, de — a. rarchiprëtrc & JE, 



^24 XVI. LE PÈLERINAGE 

réfurredlion, les portes étant fermées, & montra fon 
côté & Thomas crut. Ceft lur ce même mont & dans 
cette même maifon que le faint Efprit defcendit fur les 
l'aints dilciples & apôtres. Ceft fur ce même mont que 
les apôtres fe réunirent pour renfeveliffement de Notre 
Dame. Là fe trouvent aufli les tombeaux des prophètes 
& rois David & Salomon fon fils, & celui du premier 
martyr Etienne. Sur ce même Sion, à un jet de pierre 
de ce dernier endroit, eft la caverne dans laquelle le roi 
David compofa fes pfaumes. Ceft fur ce même Sion 
que Tange du Seigneur trancha les mains au juif qui 
avait touché la bière de la fainte Vierge. A une portée 
de flèche à gauche de la grande églife du faint Sion, fe 
trouve la Tfrûe Galilée, où Jéfus apparut la première 
fois après fa réfurrcdlion. Tous ces faints lieux font fur 
le éMont Sion, 

Dix-fept couvents exiftent jufqu à préfent à Tintérieur 
de la fainte ville de Jérufalem ; le l'ervice divin n'y eft 
pas célébré partout, beaucoup d'entre eux ayant été dé- 
vaftés par les maudits Turcs. Premier : le Couvent de la 
Sainte Vierge d^Odigitria ; deuxième : le Couvent de 
Saint Jean-le-Tricurfeur ; troifième : le Couvent du faint 
6* glorieux martyr Vimitri ; quatrième : le Couvent du 
faint & grand thaumaturge t^colas; cinquième : le Cou- 
vent du faint martyr Théodore Tiron 5 fixième : le Couvent 
de Saint Vofile-le-Grand de Cefarée; feptième : le Couvent 
de Saint Jean de Jérufalem " ; huitième : le Couvent du 
faim 6* glorieux martyr George ; neuvième : le Couvem 
du faint archiftratège cMichel. 

a. Le fécond Cowvint de Jean-U-Pricurjeur A. 



DE B ASÎLE POSNIAKOV ( I f f 8- 1 f 6 î), ^ If 



VI. LE MIRACLE DU SAINT ARCHISTRATÈGE MICHEL. 

Dans ce couvent de i archiftracège Michel demeurent 
les moines du Couvent de Sabhas, & ils y avaient un grand 
& haut réfeéloire, dont les maudits Turcs ruinèrent le toit ; 
&, durant nombre d'années, ce réfe(floire relia décou- 
vert. Les moines Moïfe & Anempodifle du Couvent de 
Sahhas le rendirent dans Tempire mofcovite chez le très 
pieux tzar & grand-duc Ivan VafTiiicvitch de toute la 
Tifilfte & chez Son Eminence le métropolitain Macaire^ 
& fupplièrent le fouverain, ainfî que le métropolitain^ 
de leur donner, à eux (i pauvres, de quoi rebâtir le ré- 
feéloire. Le tzar fouverain & le métropolitain ne dédai- 
gnèrent pas leurs prières & commandèrent de leur four- 
nir de quoi rebâtir le réfefloire. Ayant reçu Taumône 
du tzar orthodoxe, ils partirent avec joie pour Conflan- 
tinopUy oh ils donnèrent beaucoup d*or au fultan turc 
afin qu'il leur permit, à eux pauvres, de réparer le toit 
du réfeéloire. Le fultan leur ayant donné une lettre pour 
le fantfchak, ce dernier leur permit de le faire. Ces pauvres 
moines accomplirent une grande œuvre en réparant de 
leurs propres mains le toit du réfeéloire. Le fantfchak 
vint le voir &, par une infpiration diabolique, entra dans 
une grande fureur contre ces moines, & commanda de 
détruire de nouveau le toit du réfedloire. Ces pauvres 
moines pleurèrent amèrement & recoururent dans leur 
douleur au grand archiftratège de Dieu, Michel, en célé- 
brant les vêpres dans Téglife qui lui était confacrée. 
Cette même nuit un homme inconnu pénétra dans la 
chambre du fantfchak, où ce dernier dormait avec fa 
femme, le prit de fon lit & lemmcna avec lui. Les 
gardes 6c les gens du fantfchak n'avaient vu cet homme 
ni entrer ni fortir de la maifon. Le lendemain, devant 



^26 



XVI. LE PÈLERINAGE 



rentrée, par terre, on trouva le fantrchak mort^ tué par 
l*épée. Il fut certifié que le fantfchak était forti la nuit, 
& que perfonne ne lavait vu ; une grande terreur s em- 
para alors des maudits qui décidèrent que les dits 
moines étaient venus le tuer à caufe du réfe<floire. 
ce Allons donc chez eux; (inous leur trouvons des armes 
a en fer^ nous les tuerons tous. «> Ils allèrent donc au 
couvent du faint archiftratège Michel & trouvèrent les 
moines en prière dans Téglife ; ils cherchèrent des 
armes, &, n'ayant rien trouvé, ne leur firent aucun mal 
ni, par la grâce de Dieu, n'osèrent pas toucher au réfec- 
toire qui exifte jufqu^à préfent. 

Dixième : le Couvent de la fainte & glorieufe martyre 
Catherine ; onzième : le Couvent de Sainte c4nne^ mère de 
Notre Dame ; douzième : le Couvent de Saint Euthyme- 
le-Grand; treizième : le Couvent de la Jointe^ glorieufe 6* 
célébrée martyre Thècle ; quatorzième : le Couvent du 
faint père Chariton-le-ConfeJfeur ; quinzième : le Couvent 
de la T{éfurre£lion du Chrift^ notre Dieu ; seizième : le 
Couvent des faims & glorieux Quarante iMartyrs de Séhafte; 
dix-feptième : le Couvent du faint apôtre Jacques^ frère 
du Seigneur par la chair. 

L'enceinte de l'ancienne ville avait fix verfles de cir- 
conférence & celle de la ville aéluelle en a trois. Le faint 
Sion fe trouve hors de l'enceinte de la ville adluelle". 



a. A roccident eft fitué le Cou- 
'Vint de P Exaltation de la fainte 
CroiXf fur laquelle le Chrift fut 
crucifié; à cinq verftes plus loin, 
vers roueftyfe trouve la montagne, 
ainfî que la grotte, où Elisabeth, 
femme de Zacharie, fe fauva du 
roi Hérode avec le Précurfeuri 
dans cette grotte jaillit une 



fource, créée par ordre de Dieu 
& non pas creufee, dont Eli fa- 
beth fe nourrit { à Tangle oriental 
de cette même ville de Jérufa- 
iem, s'élèvent deux figuiers qui 
font verts jufqu*à ce jour; on 
dit que deux prophètes ont dormi 
fous ces arbres, if; C 



DE BASILE POSNI AKO V (iffS-IfÔl). 527 

Le Champ du Toiier^ acheté au prix du fang du Chrift, 
notre Dieu, & deftiné à la fépulture des étrangers^ eft 
fitué fur une montagne dominant la Vallée des pleurs. 
Le faint Evangile en parle en ces termes : Quand Judas 
eut livré Notre Seigneur Jéfus-Chrift aux impies Juifi 
pour trente deniers d*argent^ & que Notre Seigneur 
Jéfus-Chrift (ubit pour notre lalut la Paflion volontaire 
que les Jui6 facrilèges lui infligèrent^ alors le voile du 
temple fe déchira en deux, le foleil s'oblcurcic, les pierres 
fe fendirent & la terreur s empara du maudit Judas qui 
fe dit : te J'ai péché en livrant le fang innocent. » Et il 
a jeta l'argent dans le temple &^ s'étant retiré, il alla fe 
ce pendre. » (Matth. XXVII^ 4, f.) Les Juifs facrilèges dé- 
libèrent là-deflTus : ce II ne nous efl pas permis de le 
cr mettre dans le tréfor^ parce que c*e(l le prix du fang, 
cr & ils en achetèrent le Champ du Totier^QA^tùi. XXVII, 
6, 7.) qui exifte jufqu*à ce jour. Ceux d entre les chré- 
tiens orthodoxes à qui il arrive, en venant de toutes les 
contrées de TOrient & de l'Occident adorer le Saine 
Sépulcre & les faints lieux, de mourir & de rendre Tâme 
dans les mains de Dieu, font enterrés dans ce champ ' 

une cavité femblable à une grotte eft creufée 

dans la montagne pierreufe & eft fermée par une petite 
porte ; de petites chambres font aménagées dans cette 
caverne, & Ton y dépofe les chrétiens par terre, fans 
cercueils ; qu'on y mette un chréden jufte ou pécheur, 
fon corps refte intadl & tendre & ne rend aucune odeur 
pendant quarante jours ; au bout des quarante jours, ce 
corps fe tourne en pouflière en une feule nuit & il n'en 
refte que les os ; alors vient le gardien, qui demeure 
dans ce champ, &, à l'aide d'une pelle, il jette la pouf- 

^duPùtitr; fi un moine, ar- ce champ, mais on n'y enterre ja- 
rivé de contrées lointaines, meurt mais un habitant de Jérufalem 
dans un couvent, on le porte dans C^ A* 



328 XVI. LE PÈLERINAGE 

fière dans une des chambres & les os dans Tautre i ces 
os font incaéls jufqu'à ce jour & la pouffière a une ceinte 
bleuâtre. Quand quelques-uns des juftes & d'entre ceux 
qui craignent Dieu viennent prier en ce lieu, ordre ell 
donné de ne rien prendre de ces chambres, car (i un 
homme prend une partie de ces reliques & qu'il monte 
à bord d*un navire, ce navire ne peut pas partir, & les 
Turcs viennent fouiller les chrétiens ; s'ils trouvent 
quelques-uns de ces os, ils jettent à la mer l'homme chez 
lequel il les ont trouvés, & le navire Te met en chemin. 
On ne prend aonc rien de ce champ, car c'eft défendu. 
On n'y enterre pas les habitants de Jérufalem. Il n*y a 
qu'une verfte de la ville à ce champ. Non loin du Champ 
du Totier, dans cette même ValUe des pleurs^ fe trouve 
le puits en pierre de Job-le-Ju(le, partagé en deux & 
a<fluellement fans eau. Cette Vallée des pleurs longe la 
Laure de faim Sahhas & tombe dans la SMer de Sodâme, 
C'efl le long de cette Vallée des pleurs que coulera un 
fleuve de feu le jour du dernier jugement. Dans cette 
même Vallée fe trouve la pifcine de Siloé où l'aveugle 
recouvra la vue après s'être kvé ; elle ell au pied d'une 
montagne pierreufe, & un grand efcalier de pierre, com- 
pofé de cinquante marches, y conduit comme dans une 
cave ; au bout de cet efcalier ell Htuée la pifcine même, 
qui eft comme un puits avec de l'eau jufqu'à la hauteur 
d*une poitrine d'homme. Beaucoup de perfonnes at- 
teintes de différentes maladies, viennent s'y plonger & 
font guéries. L'eau de cette pifcine coule à travers la 
montagne pierreufe par une fente en pierre ; de l'autre 
côté de la montagne coule un grand ruiflfeau où Ton 
vient laver le linge de Jéruf aient ; il n'y a qu'une verfte 
du ruiiïeau à la pifcine. Nous demandâmes à propos de 
cette pifcine : v D'où coule-t-elle ? a> Et l'on nous dit : 
r' Quand le Seigneur eut délivré les enfants d'ifraël de 



DE BASILE POSNIAKOV ( I f f 8- 1 f 6 1 ). ) 29 

cr la capdvité de Habylonfj le prophète Jérémie vuic avec 
f cous les captifs à ce torrent, & ils étaient cous altérés 
c de foif ; alors Jérémie pria Dieu, & Dieu lui donna 
a de Teau dans cette pifcine. ') Il n'y a ni rivières ni puits 
dans féruf aient, ce lieu manquant d*eau ; il n*y a que la 
pifcine de Siloé ; les Arabes tranfportent cette eau dans 
la ville à dos de chameaux & Ty vendent ; les pauvres 
gens boivent de Teau pluviale. La pluie conmience à 
Jdrujalem depuis la fête de Taint Siméon jufqu*à Noël, 
mais il n y a pas de pluie ni au printemps ni en été. 
La pluie tombe fur les toits des maifpns qui font plats 
& eft amenée dans les puits à l'aide de gouttières. 
Les puits font creufés dans la terre qui eft comme 
de la pierre. L'eau pluviale, concenue dans ces puics 
pendanc couce l'année, ne fe gâce pas 5 elle eft blanche 
& non jaune. En forcanc de la ville par la porce qui con- 
duit à Gethfémani, on voit une pierre fur le verfanc de la 
moncagne ; c'eft là que les Juifs cuèrenc le premier mar- 
cyr Ecienne *. 

Au bord de ce même correnc, fur un niveau à peine 
plus élevé que celui de la ville, au bouc de la Vallée des 
pleurs, eft ficué le village de Gethfémani apparcenanc aux 
faines & bienheureux Joachim & Anne, [&] qui s'appelle la 
SHaifon de la f aime Vierge. Dans ce même village fe crouve 
une églife foucerraine fous le vocable des faines parencs 
Joachim & Anne; pour pénécrer dans l'églife il fauc 
defcendre un et'calier de quarance-fix marches; à la moidé 
de l'efcalier eft placé le combeau des faines & bienheu- 
reux Joachim & Anne ; au milieu de l'églife s'élève la 
chapelle renfermanc le combeau de Nocre Dame ; crois 

a. On voit en témoignage juf- en emportent des morceaux 
qu*i ce jour des traces de fang comme relique ic bénédîAion. C. 
fur cette pierre; les orthodoxes 



330 XVI. LE PÈLERINAGE 

lampes brûlent au-deflfus jour & nuif. L'églife eft fcellée 
par les maudits Turcs, & il n*y a plus de village à préfent, 
rien que Téglife. Si quelqu*un des , chrétiens orthodoxes 
vient prier, les Turcs ne l'y laiflent entrer qu'après l'a- 
voir fait payer. VEglife de VcAffomption de D^ne Dame 
fe trouve là on eft le tombeau. C'ed là que nous ado- 
râmes la fainte Vierge. A droite en fortant de l'églife, à 
un jet de pierre, fe trouve une petite grotte, dont les 
murs étaient couverts de peintures, & une image du 
Sauveur eft peinte au-deffus de l'entrée. C'eft dans cette 
grotte que Judas livra le Chrift aux Juife facrilèges. De 
là nous paflTâmes à l'autre côté de la Vallée, à la éMou' 
tagne des Oliviers, A un jet de pierre de cette grotte, un 
arbre croît jufqu'à ce jour ; on l'appelle olivier. C'eft là 
que le Chrill pria fon Père en fecret; car il y a une vallée 
près de ce torrent, & Jéfus y pria, ainfî qu'il eft dit dans les 
Ecritures : ce Ce fera dans la Vallée des pleurs à l'endroit où 
(' Dieu donna fa bénédiiflion. >> (Ps., LXXXIII, 6.) Puis le 
Chrift revint à la grotte où étaient fes difciples &, les 
ayant trouvés endormis. Il leur dit : u Vous promettez 
cr de mourir avec moi & ne pouvez veiller une feule 
c( heure avec moi ; Tun de vous fe preflfe & veille, & 
i< veut me livrer aux Juifs facrilèges. »y Et 11 les quitta 
de nouveau pour aller prier dans un autre endroit de 
la vallée qui eft la Vallée des pleurs. Et ayant encore 
prié, Il revint vers cette même grotte, où étaient fes dif- 
ciples, &, les ayant trouvés encore endormis, leur dit : 
ce Dormez & vous repofez maintenant ; l'efprit eft prompt, 
cmais la chair eft faible. *> (Marc XIV, 38.) 

a. On entre dans cette petite une grande ouverture ronde par 

chapelle pour faluer le faint tom- laquelle, nous dit le patriarche de 

beau & cinq ou fix perfonnes le JèrufaUm Sophronius, le corps de 

baifent à la fois ; il y a cinq Ta- Notre Dame fut enlevé par ordre 

gènes de la au lieu où l'on officie; du Seigneur. C. A, 
au deflfus de Tautel eft pratiquée 



DE BASILE POSNIAKOV ( I f f 8- 1 f 6 1 ). ^ 3 1 

Là Ce trouve aufli le éiifont Thabor, où Notre Seigneur 
Jéfus-Cbrift fe tranifigura &, ayant dépouillé Ton huma- 
nité, fe montra dans la gloire de fa Divinité aux aînés 
de (es difciples, Pierre, Jacques & Jean. Moïfe & Elie 
apparurent alors pour s entretenir avec Lui de fa fin. 
VEglife de la Tranffiguration du Chrift, Notre Dieu, s'é- 
lève en ce lieu. 

De là, nous nous dirigeâmes vers la Montagne des 
Oliviers^ où fe trouve la pierre de laquelle le Chrift 
monta fur Tânon. Nous gravîmes le fommet de la fainte 
éAîontagne des Oliviers. Il y a environ une verfte & demie 
de Gethfémani au fommet de la fainte é/Uomagne des 
Oliviers & une verfte de Jéruf aient •. Ceft fur le faint 
fommet même que fe trouve le lieu où le Cbrift fe tenait 
avec fes difciples ; fes difciples Tinterrogèrent fur la (in 
du monde & Il leur dit : a Nul ne le fait, ni le Fils ni 
ce perfonne, mais le Père feul. » (Marc XIII, 32.) Sur ce 
fommet s*élève la grande Eglife de Pe4fcenfion du Ckrift 
qui ell ruinée & fcellée par les Turcs impies. Cette églife 
en renferme une petite dans laquelle une pierre gît de- 
vant la porte de Tautel : c*eft de cette pierre que le 
Chrift monta au ciel en préfence de fes difciples ; le 
pied du Chrift eft empreint dans la pierre & on voit 
cette empreinte jufqu*à ce jour. Pécheurs, nous la bai- 
(âmes^. 



a. Oft une montagne trèt éle- 
vée, d'une beauté furprenantei dei 
vignes & des oliviers y croiflent A* 
— b. ainfi que d*autret chrétiens 
préfents. On compte trois verftes 
du verfant méridional de la MomtO" 
gnê étt OlUvitrt à Bkîhanu^ où le 
Chrift refiTufcita Laaare des morts ; 
près de Bithanit fe trouve la pierre 
fur laquelle le Chrift éuit aflis 



quand II dit à fes difciples t c Notre 
• ami Lazare dort, mais je m*en 
c vais le réveiller. • (Jean, XI, 11.) 
11 y a une Journée de marche de 
cette pierre au Jourdain, Le fleuve 
du JottrtlaineA profond; Teau en 
eft trouble & blanche, & fa largeur 
eft de deux jets de pierre. En face 
du lieu où le Chrift fut baptiie eft 
le mont Herm^Mf du haut duquel 



3Î^ 



XVI. LE PÈLERINAGE 



On compte verftes de k faince ville de Jérufa- 

lem au fleuve du Jourdain, où Notre Seigneur JéAis- 
Chrift foc baptifé par Jean-le-Précurfeur. Sur le rivage 



le prophète Elie fut enlevé au ciel 
dans un char de feu. A l'oueft du 
Jourdain eft fitué le Cowuent de 
Jean'U'Pr'ecurffur &, à cinq ver- 
ftes environ vers le midi, en def- 
cendant le Jourdain^ fe trouve le 
Cowuint de Gerajime^ qui appri- 
voîfa un lion. Il y a fept verftes 
vers Toueft de ce même fleuve au 
défert où 8*élève une montagne fi 
efcarpée, haute & pierreufe qu*un 
homme jeune peut feul la gravir. 
Sur cette montagne fe trouve une 
grotte contenant une pierre fem- 
bluble à une table fur laquelle le 
Chrift était aflls pendant fon jeûne 
de quarante jours et quarante 
nuits. Et* le diable vint le tenter 
& lui dit: c Commandez à cette 
c pierre qu'elle devienne du pain. » 
(Luc, IV, 3.) Jéfui répondit ; 
c Vous ne tenterex pas le Seigneur 
< votre Dieu(Luc,IV,i 2)1 Phomme 
cne vit pas feulement de pain, 
c mais de toute parole de Dieu. • 
(Luc. IV, 4.) Et le Seigneur 
maudit le diable; la montagne 
fe fendit & le diable fut en- 
glouti; il y a jufqu*â ce jour un 
précipice à deux fagènes du lieu 
où fe tenait le Seigneur. On 
compte fept verftes de Jérufalem 
à Bethiiem^ fttuée au midi, où 
s^élève la grande EgUfe de la 
NaiMiè du Chrift^ dans laquelle 
naquit Notre Seigneur Je fus- 
Chrift; ce lieu eft fous Tautel de 
réglife, dans une grotte, à la- 
quelle on defcend, comme dans 



une cave, par un efcalier de fept 
marches; la crèche où naquit le 
Chrift eft fculptée en marbre 
blanc. Une porte conduit de 
cette grotte à une grotte voifme, 
où, dit-on, le roi Hérode roaflacra 
les Innocents à caufe du Chrift; 
du lait coula du fein des mères 
fur le fol de cette grotte qui eft 
mou, & les moines de Jérufalem 
difentque c*eft le lait de la fainte 
Vierge. A mi-chemin entre Jh 
rufalem 8c Bethléem, eft fitué le 
Cou*uent du faint ^ophèie Elie, 
fur le lieu où il maflacra cin- 
quante faux prophètes. Sur la 
route, à une portée de flèche 
de là, on voit jufqu'à ce jour, 
empreint dans la pierre comme 
dans la cire, le lieu où le prophète 
Elie s*endormit, & un ange vint 
le réveiller & lui apporter un pain 
azyme & une cruche d*eau. A 
une verfte environ de là, au mi- 
lieu d*une plaine, fe trouve le 
Tombeau de Rackel, mère de Jo- 
feph-le-Beau,fur lequel il pleura 
quand il fut vendu par fes frères 
û emmené par les Ifmaélites. Sur 
ce même chemin de Jérufalem, 
avant d^atteindre le lieu du pro- 
phète Elie, on voit un olivier qui 
eft vert jufqu'à ce jour, & Ton dit 
que, quand la fainte Vierge 8*en 
alla à Bethléem donner le jour à 
Notre Seigneur Jéfus-Chrift, elle 
fe repofa, épuilee de fatigue, fous 
cet olivier; & il eft vert jufqu*à 
ce jour. Les pèlerins caftent les 



DE BASILE POSNIAKOV (iffS-IfÔl). ^^^ 

8*élève la grande Eglife de VEpiphanie du Chrift, notre 
Dieu, & elle eft déférée. A une demi-verfte environ de 
cette même églife, à Tendroit même où Jean baptifaic 
les Juifi infidèles, eft fîtué le Couvent de Jean-le-Tricur' 
feur; il y a dans ce couvent un hégoumène & des moines. 
La veille de la fête des faintes Epiphanies, Thégoumène 
& les prêtres de ce couvent vont célébrer les laints of- 
fices, vêpres, matines & divine liturgie, dans V Eglife des 
faintes Epiphanies; après quoi ils retournent dans leur 
couvent. Là fe trouve aufli le très beau Couvent de Saint 
Gérafime, qui apprivoifa un lion. Le fleuve du Jourdain 
coule entre des montagnes ; il eft très rapide, fait rouler 
des pierres & fe jette dans la ^er de Sodôme ; leau a 
une teinte jaunâtre ; nous bûmes de cette fainte eau du 
Jourdain. 

Nombreux font les faints lieux de pèlerinage dans 
Jiruf aient & dans fes environs, & il eft impoflible de 
les décrire tous à caufe de leur grand nonîbre & des 



branches de cet arbre & les em- 
portent comme bénédiction. On 
compte environ vingt verftes dans 
la direftion du midi, de Jiruf a- 
Um à la grande Laure d§ faimk 
Sabboi-li^Bini, Dans ce couvent 
fe trouve la grande Eglifi dt la 
Tranfflgttratiom de Notrg Sgê- 
^«/«rSe beaucoup d*autres églifes, 
& la cellule de Taint Sabbas-le- 
Béni qui eft creufée dans le roc 
êc à peine aflfez grande pour qu*un 
homme puiflTe s*y affeoir, mais 
pas Te tenir debout. De la voûte 
de cette cellule découle de la 
myrrhe, tendre comme de la fa- 
rine d*encensy que les moines 
donnent en bénédiftion aux chré- 
tiens, au lieu de reliques. Le 
couvent eft fitué au bout de la 



y allie des pleurs^ qui, de Jirufa- 
lem^ mène à la Mer de Sodâme^ 
où Notre Seigneur fit périr So' 
dôme 8c Gomorrhe à caufe de 
leurs impiétés. De la réfine noire 
& des mottes de foufre brûlant 
montent i la furface de cette 
mer. Elle ne peut contenir aucun 
être vivant, & perfonne ne peut 
boire de fon eau qui tue tout 
être vivanL Cette mer n>ft pas 
très étendue x il ne faut que cinq 
jours pour en faire le tour. On 
fe fert de cette réfine pour en- 
duire les vignes rongées par les 
vers qu'elle tue{ quant au foufre, 
on le vend aux marchands qui 
en calfeutrent les bateaux qui 
font le voyage de la Mer RpMge, A. 



^34 XVI. LE PÈLERINAGE DE BASILE POSNIAKOV. 

perfécuiions des Turcs impies. Il y a "Béthanit, où le Sei- 
gneur reirufcita Lazare, fie Cana de GaliUe, où Noire Sei- 
gneur Jéfus-Chrift fut convié aux noces & changea l'eau 
en vin, & "Beihjaiie, qui ell la patrie de faim Pierre, chef 
des apôtres, & de Ton fîère André qui fut appelé le pre- 
mier; & la tMtr de Tibériadt, où JéCus apparut à fes 
difciples après fa réfurre^ion, &, étant venu à eux. Il 
mangea, ainfî que c'eft écrit dans l'Evangile, & leur 
donna une partie du poilTon grillé & du miel d'abeille, 
& prît de la nourriture devant eux; & le village d'Ernuûr, 
\ quinze ftades de Jérufalem, en fe dirigeant vers lequel 
le Seigneur s'entretint de fa Paflion avec Luc & Cléo- 
phas. (Luc, XXlV, 13.) (l y a encore beaucoup d'autres 
faines lieux tx, leur nombre ell infini. 



SOCIETE 



POUR LA 



PUBLICATION DE TEXTES 



RELATIFS 
A UHlSroIRE V A LA GÉOGRAPHIE 



DE 



L'ORIENT LATIN 



* * * 



STcATUTS 

1884 




t- m^ .i^«««J 



Libraires de la Société : 
PARIS LEIPZIG 

ERNEST LEROUX OTTO HARASSOWITZ 



Service des foufcriptions 

ti di la iliftrihution des pubEcatims : 

J.-O. FICK, GENÈVE. 



L*c4caJémie des Infcriptions & Belles-Lettres a entre- 
pris, & pourfuit avec perfévérance la publication du 
Recueil des hiftoriens des croifades, ceuvre mo" 
numentaUj dejiinée déformais à fervir de fondement à toute 
étude hijlorique férieufe fur TOrieNT Latin (royaumes 

de Jérufalemy de Chypre 6- d'o^rménie, principautés <f o^n- 
tioche 6* toAchaïe, empire latin de Conjlantinople). 

tMaiSy en dehors de ces textes étendus , 6*, pour ainfi dire^ 
claJJiqueSy il exifte, dans les dépôts publics de T Europe y une 
grande quantité de documents hiftoriques 6* géographiques 
d'ordre fecondaire : ces documents ^ ou encore inédits y ou 
devenus dune rareté telle^ que certaines pièces de Terre- 
Sainte arrivent aujourd'hui à atteindre y dans les ventes pu- 
bliques y de véritables prix de fantaifie, ne fauraient^ avant de 
longues années^ trouver place dans le Recueil académique : 
le plus grand nombre bailleurs y fr en particulier les pèleri- 
nages en Terre-Sainte y ont été y dès le principe, écartés du 
plan de cette colleâion. 

Il a donc femblé qu il pourrait y avoir une certaine utilité à 
rajfembler & à publier y fur un type & d'après des règles uni- 
formes y ces matériaux divers y dont la (impie bibliographie eft 
encore y en partie y à faire y & qui y pourtanty une fois réunis, 
feront d'un fî grand fecours, f oit pour thiftoire du éMoyen- 
oigeyfoit même pour T archéologie biblique, 

Ceft dans cet efprity 6* pour fatisfaire à la fois y 6- aux 
défirs des bibliophiles y 6* aux befoins des travailleurs y que 
s eft formée y en xSyf, à F imitation des clubs anglais, la 

Société de l'Orient Latin. 




SOCIETE 

TwaiiCaniov^ ■de textes 

RELATIFS A L'HISTOIRE ET A LA GÉOGRAPHIE 

L'ORIENT LATIN 



RÈGLEMENT GftNÊRAI.. 

RTICLE t. La Sociécé fe compofe de cin- 
quante membres mulâtres & de quarante 
affadis français ou étrangers. 

o<rr. 2. Les établiiTements publics de la 
France & de Tétranger peuvent être infcrits comme 
membres titulaires de la Société, juCqu'à concurrence 
du nombre de fix, & comme affociés jufqu'à concur- 
rence du nombre de quatre; ils Tont repréfencés au 
fein de la Société, Ibit par leurs chefs reCpetflifs, loit 
par des mandataires, préabblement agréés par le prélî- 
dent de la Société. 

c^ri. ^. Au reçu de chacune des diftribudons fpé- 
cifiécs à l'art. i6, tout membre titulaire s'engage à verfer 
une l'omme de cinquante francs, tout affocié une Comme 
de ireme-cinq francs. 



Société de V Orient latin. 



c4rt. 4. Les membres titulaires & les affociis non réli- 
dant à Paris doivent y être repréfentés par un corref- 
pondant chargé de recevoir, en leur nom, les publica- 
tions de la Société & de verfer leur cotifation annuelle. 

(Art, ^. Les membres titulaires fe réuniflfent, une fois 
par an, en féance générale, à Paris, dans le mois qui 
fuit les fêtes de Pâques ; les aflfociés ont le droit d*al- 
fifter à cette léance. 

oArt, 6. Les membres titulaires^ non réfidant à Paris, 
peuvent fe faire repréfenter dans les aflfemblées géné- 
rales, en vertu d'un mandat écrit, adreflfé en temps utile 
au l'ecrétaire-tréforier. Ce mandat doit porter le nom 
d'un des membres titulaires réfidant ou présents à Paris, 
auquel il confère une nouvelle voix délibérative ; ce- 
pendant un l'eul & même membre titulaire ne peut réunir 
en fa perfonne plus de cinq de ces voix fubilituées. 

Q4rt. 7. Dans cette féance annuelle, la Société procède 
aux éleiflions en remplacement des membres titulaires 
& des affociis^ décédés ou démiflionnaires, à la vérifica- 
tion des comptes de l'exercice précédent, à la défi- 
gnation des publications de l'exercice fuivant. 

c4rt. 8. La Société, en dehors de (es féances , eft 
repréfenrée, d'une façon permanente, par un Comité 
de direcflion. Ce Comité, choifi parmi les membres 
titulaires, faîvc fon<5lion de bureau ; il eft nommé pour 
trois ans & rééligible. 

c4rt, 9. Le Comité de diredion fe compofe de: 

I préiident, 

I vice-préfident, 

I fccrélaire-tréforier, 

I fecrétaire-adjoint, 

4 commiiTaîres refponfables. 



Publications. f 



c4rr, lo. Le Comité de dire<5lion peut, en cas de 
befoin, s'aflTurer le concours d'un ou plufîeurs commif- 
faires refponfables adjoints, qui ont voix confultative, & 
peuvent être pris hors du fein de la Société. 

e4rt, 1 1 . Le Comité de direAion le réunit, au moins 
une fois, dans le premier iemedre de chaque année, 
au domicile de Tun de Tes membres; il peut, en cas 
d'urgence, convoquer une féance générale extraordi- 
naire de la Société. 

o4rt. 12. La Société s'adjoint, fous le nom de f ouf- 
cripteurs, les perfonnes & les établiflemencs publics, fran- 
çais & étrangers, qui défirent recevoir régulièrement 
les volumes de textes qu'elle publie; le nombre de ces 
foufcripteurs ne peut dépaflfer cent. 

o^rr. 13. Au reçu de chacune des diftribudons fpé- 
cifiées à l'art. 1 6, les foufcripteurs paient une fomme 
de quinie francs, augmentée des frais de port & de 
recouvrement aflférant à ces diftribudons. 



Il 

PUBLICATIONS. 

c4ri. 14. Les publicadons de la Société fe compofent 
de volumes de textes & de phototypographics de 
pièces imprimées uniques ou rariflimes. 

c4rt. ly. Chaque volume de textes eft dré à cinq 
cents exemplaires numérotés, favoir : 

Grand papUr^ gr. in-S. 50 exemplaires. 
Papier à la cuvff in-S. 50 • 

Papier êrditudrg^ • 400 • 



Société de t Orient latin. 



Les réimpreflions phocotypographiques font drées 
à 90 exemplaires, fa voir : 

Sur peau de vélin» 50 exemplaires. 
Sur papier vélin, 40 > 

Q4rt. 16. Les publications de la Société fe divifent 
en diftributions, dont chacune comprend : 

I® Pour les membres titulaires: 

3 volumes de textes, format gr. in-8. 

I fafcicule de réimpreflions phototypographiques tiré fur peau de vélin. 
Chacun de ces volumes ou réimpreflions porte au verfo du titre le 
nom du membre titulaire auquel il eft delliné. 

2® Pour les affociis : 

a volumes de textes fur papier vélin, format in-8. 

1 fafcicule des réimpreflions phototypographiques fur papier vélin. 

3*» Pour les foufcripteurs : 

2 volumes de textes fur papier ordinaire, format in-8. 

<Art. 17. La Société met en vente, fur chaque diftri- 
bution: 

Papier 'uilms 10 exemplaires de chaque volume de textes, au prix 
de 24 fir. Texemplaire. 
Papier ordinaire: 300 exemplaires au prix de 12 fir. Pexeroplaire. 

Ces prix peuvent être augmentés par le Comité de 
direction, en raifon de Timportance exceptionnelle de 
certains volumes. 

Les réimpreflions phototypographiques, exclufivement 
réfervées aux membres titulaires & aux affociis^ ne font 
pas mifes dans le commerce. 

Q4rt, 18. La Société (ait choix d'un ou plufîeurs 
libraires-éditeurs, auxquels elle concède, au mieux de Tes 
intérêts, le droit de vendre ceux des exemplaires de les 
publications qui font réfervés au commerce. 

(Art. 19. Les publications de la Société font faites fous 
la furveillance du Comité de direiflion, & la garantie du 



Plan des publications. 



fecrécaire*crérorier & de Tun des commiATaires rerpon- 
fables. 

e4rt, 20. Au cas oîi l'un des volumes a, pour 
cdircur ou pour comminTairc rerponfable, le fecrétairc- 
tréforicr, le contre-feing de ce dernier cil remplacé par 
celui du vice-préfident. 

m 

PLAN DES PUBLICATIONS. 



a) SÈME GÉOORAPHiqUE. 

ColleAion chronologique dci pèlerinaget en Terre-Sainte & des def- 
criptions de la Tcrre-Sûnte & des contrées ?oifines. 

I TfxUj lathu. — Imprimés 5t inédits de 300 à 1400. — Inédits ou 

rariffîmes de 1400 i 1600. 
s TixUs framçaii. \ 

î ■ aUmamJs i ' ^" rariflîmes de 1500 à 1600. 

6 > anglais, ; 

7 ^ixte$ fcamdmaivit, \ 

Il • arahis, } 

b) Série msTORiquE. 

t Poéfies & poèmes relatifs aux croifadcs, 1100-1500. 
s Chartes ) 

3 Lettres hiftoriques | inédites, 1 095-1 500. 

4 Petites chroniques Y 

5 Projets de croiudci inédits, 11 50- 1600. 

Les textes de chacune de ces fériés font publie's, par 
volumes ietwiron 300 pages y dans le format £• fur le 
modèle des Chronicles and memorials of the Great 
Britain. 



8 Société de P Orient latin. 

La diftrihurion des volumes a lieu de telle forte que, — 
à la fin de chaque période décennale de la publication y — 
les trois cinquièmes (i2 volumes) aient été pris dans la férié 
géographique y & les deux autres cinquièmes (8 volumes) dans 
la férié hiftorique. 

Les phototypographies reproduifent : 

i® Les pèlerinages en Terre-Sainte, feuilles volantes, journaux de 
croifade &c., &c., imprimés au XVe, & dans les 25 premières années du 
XVIe fiècle. 

ao Les pièces analogues qui, quoique de date poftérieure, n*exiftent 
qu^à Pétat d'exemplaires uniques ou rarifltmes. 

Une courte notice bibliographique , de mime format, 
accompagne chaque phototypographie. 

La Société, qui a déjà patronné la NUMISMATIQUE DE 
l'Orient latin, par iM. G. Schlumberger, fe propofe 
également de favorifer la publication de : 

a) La Cartographie de l'Orient latin au Moyen-Age; 

b) La Sigillographie & TÊpioraphie de l'Orient latin. 

c) La Bibliographie de l'Orient latin. 




Membres titulaires. 



coiMirE vE viT^Ecrioa^ 

DE LA SOCIÉTÉ 

pour la période 1 884- 1 886. 



PRÉSIDENT: 

M. le marqub db VOGUÉ. 

VUê'PriJUUmt x M M. Ch. Schefer. 

Sfcritaire-TrifirUr : le c'« Riant. 

Si€riU»h€"iUj$imi t le c^ de Mars Y. 

Commifmres : 

MM. 

A. de Barthélémy. P. Meyer. 

le c^fl de Mas Latrie. E. de Rozière. 

Commijaire honoraire t 
M. Egger. 



MEMBRES TITULAIRES: 

MM. 

Ancel, député de la Mayenne, 146 avenue des Champs-Elyfees, 

Paris (i). 
Antrobus (R. p. Frederick), Oratory, Londres (1). 
Bapst (Germain), 153 boulevard Hauflmann, Paris (14). 
Barthélémy (Anatole de), 9 me d*Anjou-St-Honoré, Paris (3). 
Barrer R (E. de), ancien conful-général de France à Jénifaleni, 40 rue 

Vîgnon, Paris (4). 



I o Société de V Orient latin. 

Clerc<^ (Louii de), 5 rue Mafleraiiy Paris (6) 

CoM BETTES DU Luc (Le coiiite de), RabaifteiDs-fur-Tam, Tarn (7). 

Delaville le Roulx (Jofeph), 51 rue de Monceau, Paru (38). 

Delpit (Martial), 74 faubourg St-Honoré, Paris, & à Caftang par 
Bounîagues, Dordogne (8). 

DREUX-Bnézé (S. G. Mr de), évcque de Moulins, Moulins (9). 

Dura (Giufeppe), 40 ftrada S. Carlo, Naples (10). 

DuRRiEU (Paul), 66 rue de la Chaufiee d*Antin, Parts (34). 

Egoer (Emile), membre de l'Inftitut, profefleur à la Faculté des Lettres, 
68 rue de Madame, Paris (11). 

(!»). 

Gayangos (Don Pafcual de), correfpondant de Tlnflitut, 4 Rarquillo, 
Madrid (17). 

(3oujON (Paul), 51 rue Paradis>Poiflbnnière, Paris (13). 
Kermaingant (P.-L. de), ingénieur des Mines, 101 avenue des 
Champs-Elyfêcs, Paris (44). 

Khitrowo (S. Exe. M. Bafile de), confeiller d*Eut, 93 quai de la 
Molka, St-Paer(bourg (15). 

Kohler (Charles), 13 rue de Poifly, Paris (5). 

Lair (Le comte Charles), 18 rue Las Cafés, Paris (16). 

Lair (Jules), direAeur des Entrepôts U Magafins généraux, 104 boule- 
vard de la Villette, Paris (17). 
Lanoénieux (S. Exe. Mgr), archevêque de Reims, Reims (18). 
LéoTABD, doâeur-ès-lettres, 3 cours Morand, Lyon (19). 
Mac Grioor (A. B.), 19 Woodfide Terrace, Glafcow, Eco(re(so). 
Marsy (Le comte de), Compiègne (11). 

Mas Latrie (Le comte de), chef de feâion aux Archives de France, 
XS9 boulevard St>Germain, Paris (is). 

Masson (Frédéric), 89 rue de la Boétie, Paris (41). 
Meyer (Paul), membre de Tlnftitut, s6 rue de Baulainvilliers, 
Paris (23). 

MiCHELANT, confervateur fous-direâeur à la Bibliothèque Nationale, 
1 1 avenue Trudaine, Paris (S4). 

Mignon (A.), 18 rue de Maleflierbes, Paris (15). 

Olry, ingénieur des Mines, 1 rue de Bruxelles, Lille (41). 

PécouL (Augufte), à Draveil, Seine-&-Oife (26). 

PoPELiN (Claudius), 7 rue de Téhéran, Paris (43). 



Membres titulaires. 1 1 

Rebours (L'abbé le), curé de la Madeleine, 8 rue de la Ville-rEvcque, 
Paris (s8). 

Rey (Emmanuel), 8 me de la Neva, Paris (29). 

Riant (Le comte), membre de rinftitut, 5 1 boulevard de Courcdles, 
Paris (30). 

Riant (Ferdinand), membre du Confeil municipal, 36 rue de Berlin, 
Paris (31). 

Rozi^.RE (Eugène de), membre de Tlnftitut, (enateur, 8 me Lincoln, 
Paris (3ft). 

Saioe (Jules), ingénieur des Ponts Se Chauffées, 94 me St-Lazare, 

Ptris (33). 
Schefer (Charles), membre de rinftitut, adminiftrateur de PÉcole natio- 

nale des langues orientales vivantes, s me de Lille, Paris (35). 

Scheper (Jules), miniftre de France en Monténégro, Ragufe (36). 
ScHLUMBERGFR (Guftave), 140 faubourg St-Ilonoré, Paris (37). 
ToRELLA (Le prince de), Naples (39). 
Vogué (Le marqu» de), membre de Tlnftitut, s me Pabert, Paris (40). 



ÉTABUSSEMENrs PUBUCS 



BlBLIOTHÊqUE ROYALE DE BRUXELLES (45). 
BlBUOTH^qUE ROYALE DE COPENHAGUE (46). 
BlBLIOTHfe<^UE ROYALE DE NaPLES (47). 

Bibliothèque Booléienne d^Oxpord (50). 
Bibliothèque nationale de Paris (48). 
Société nationale de géographie de Paris (49). 



1 2 Société de V Orient latin. 



ASSOCIÉS 

MM. 

Arséniew (Serge d'), membre de la Commifllon des requêtes^ 13 
Manègeny Péréoulok, Saint- Péterfbourg (56). 

Barré de Lancy, conful-général, premier interprète du gouvernement, 

32 rue Caumartin, Paris (71). 

Barthes, 14 Great Marlborough ftreet, Londres (68). 

Bibliothèque de lInstitut de France, Paris (5a). 

Bibliothèque Méjanes, Aix (64). 

Bibliothèque Victor-Emmanuel, Rome (63). 

BisHOP (Edmund), 4 Lancafter Terrace, Rcgenfs Parle, Londres (58). 

Broët-Plater (Le comte de), Kovno, par Dombrovitza, Volhynie, 
Ruflîe (55). 

Del ABORDE (François), 14 rue de P Arcade, Paris (61). 

Drême (Le premier préfidei.i), Agen (51). 

DucLOS (L*abbé), curé de c^t-Eugène, 51 fiiubourg Poiflbnnière, 
Paris (54). 

Hagenmeyer (Henri), Ziegclhaufen, Heidelberg, grand-duché de 

Bade (57). 
Laborde (Le marquis de), 4 nie Murillo, Paris (53). 
Mély (Fernandde),au Mefnil-Germain, par Fervacques, Calvados (5 9). 
Palestine Exploration Fund, Londres (69). 
Raynaud (Furcy), Luxembourg, grand-duché de Luxembourg (61). 
Raynaud (Gafton), 3s rue Caumartin, Paris (60). 

RoBERTSON Smith (Le rév. William), profefleur d*hébreu à TUniver- 
fité, 10 Duke ftreet, Edimbourg (67). 

Roy (Jules), profeifeur à TEcole des Chartes, 12 rue des SS. Pères, 
Paris (66). 

RuBio Y Lluch (Don Antonio), profefleur à TUniverfîté, 8 Raurich, 
Barcelone (65). 

W1L8ON (colonel Sir C.-W.), Ordnance Survey, Phœnix Park, 
Dublin (70). 



PUBLICATIONS DE LA SOCIÉTÉ 



SÉRIE GÉOGRAPHIQUE 

r , 2,4. Irinera hierofolymitana 6* defcriptiones Terra Sanâa 

latine confcripta, 

Tomi I, I & a, cd.» Titus Tobler ic A. Molinier. 
Tomus II, t^ed.iA. Molinier & C. Kohler. 

3. Itinéraires français, I. 
Éd.: MM. Henri Michelant & Gaston Raynaud. 



EN préparation: 

Itinera 6* defcriptiones latine confcripta. 
Tomi II, a, éd.: A. MoLiNiER & C. Kohler. 

Itinerar) italiani. 

Tomo ly éd. t Cav. L. Belgrano. 

Itinera graca. 

Tomut I, éd.: V. GuÉRiN. 



SÉRIE HISTORIQUE 

I . La prife i^oAlexanirie, par Guillaume de Machauc. 

Éd. I M' L. DE Ma8 Latrie. 

2. Quinri helli Jacri fcriptores minores. 

Ed. : R. RÔHRICHT. 

3. Teflimonia minora de quinro bello facro. 

Ed. : R. RÔHRICHT. 

4. Cronica de cMorea. 
Éd. : M. Morel-Fatio. 

sous PRESSE: 

y. Geftes des Chiprois. 

Éd. : MM. Gafton Raynaud & Carlo Perrin. 

6. Epiftolarium quimi belli facri, 

Ed.:R. RÔHRICHT. 
EN PRÉPARATION: 

*R^dt verfifié de la \'^ croifade, d'après Baudri de Dol. 

Éd. : M. Paul Me VER. 



RÉIMPRESSIONS PHOTOTYPOGRAPHIQUES 

(réftrvia aux membrex titulaires & aux aj/ociis.) 

1-4. Trologus c4rminenjîs in mappam Terre Sanéle. 

In-fol., r. 1. n. d., r. XV. 

sous p'rESSE: 

f- Voyage en Terre S aime ^ de Jean de Cucharmoys. 



PUBLICATIONS PATRONNÉES PAR LA SOCIÉTÉ 



/. NUMISMATIQUE DE L'ORIENT LATIN 

par G. SCHLUMBERGER. 

Paris, Leroux, 1877, i vol. in-4, U fupp^, 18S.. 

//. DE PASSAGllS IN TERRAM SANCTAM 

Excerpta heltographica e codice Marciano 399 : éd. C. M. Thomas. 

Vcnetiis^ Onganiaj Parif., E. Leroux, 1879, în-fol. 

/// m IV. ARCHIVES DE L'ORIENT LATIN 

Tome I & IL 
Paris, Emeft Leroux, 1881-1884, in-8. 

V. SIGILLOGRAPHIE BYZANTINE 

par G. SCHLUMBCROCR. 

Paris, Erneft Leroux, 700 pp. in-4 (iioo deflîns). 



sous PRESSE t 

VI. HISTOIRE DU COMMERCE DU LEVANT 

AU MOYEN AGE 

par le prof. W. Heyd, édition revue & augmentée par l'auteur 

& traduite avec Ton autorifation par Furcy RAYMAtn>. 

Leipzig, O. HarafTowitx, a vol. in-8. 




• . 



LE SECOND FASCICULE 



CONTIENDRA : 



XVII. Récit de riiégoumène Joachim (1561). 
XVIIÎ. Cnmptf rendu de MiscHENiNE (i 581-1 5S4). 

XIX. Compte rendu de Triphon Korobeînikov (1591). 

XX. Pèlerinage de Basile Gaoara (1634). 

XXI. Pèlerinage de Joma8-le-Petit (1649-1651). 

XXII. Profcjnitariûm d'AuÈNB Soukhanov (1651*1652). 

APPENDICE 

XXIII. Légende du pèlerinage de S. Euphrùfine^ frineeffe de Pblotjk 

(fin du Xlliiie fiècle). 

XXIV. Pèlerinage de S. Sabdas, .irchcvcque fcrbe (1115-1130). 

XXV. Récit des Lieux-Saints de Jtrufalem (i 360). 

XXVI. Pèlerinage d'ARsèNE de Salonk^ue (fin du XIV"» fiècle) 

&lcs 
Préface & tables du Recueil. 



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Natural, which exceeds ANSI 

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1993 




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V, 1 .- 



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3DMt^î) (1 200Z 
a. 330 




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